Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 8 novembre 2022 à 15h00

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons aujourd'hui le rapport de M. Patrice Joly et M. Vincent Segouin sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).

Nous accueillons Mme Françoise Férat, M. Jean-Claude Tissot et M. Laurent Duplomb, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'élèvent à un peu plus de 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP). Ces crédits progressent de 29,6 % par rapport à loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Toutefois, si l'on raisonne à périmètre constant, cette augmentation ne s'élève plus qu'à 15,5 % ; et au regard de l'inflation prévisionnelle pour l'année prochaine, elle se situe plutôt autour de 8 ou 9 %.

Depuis l'année dernière, les crédits de la pêche ont été transférés au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, tandis qu'un nouveau programme vient compléter la mission ; il s'agit du programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture », avec le fameux dispositif concernant les travailleurs occasionnels et demandeurs d'emploi (TO-DE), qui vise à soutenir les employeurs de saisonniers agricoles.

La mission s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC), couvre la période de 2023 à 2027. Le plan stratégique national (PSN) a été validé par la Commission européenne (CE) le 31 août dernier. Celui-ci porte sur une enveloppe de 45,2 milliards d'euros pour la période. Il précise notamment les dotations minimales attribuées aux écorégimes, aux mesures agroenvironnementales du second pilier, à l'aide aux jeunes agriculteurs et à l'aide redistributive au revenu qui permet de soutenir les plus petites exploitations.

Le fait marquant de notre budget est la nouvelle répartition des aides non surfaciques entre l'État et les régions. Les dispositifs surfaciques relèvent de la compétence de l'État ; il s'agit notamment de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels (ICHN) et du soutien à l'agriculture biologique. Les aides non surfaciques sont, quant à elles, transférées aux régions ; cela concerne le soutien aux investissements, les aides à l'installation des jeunes agriculteurs et les aides au développement local, à l'exception de Mayotte où les aides non surfaciques demeurent sous l'autorité de l'État.

Cette nouvelle répartition se traduit par une budgétisation au bénéfice des régions de 100 millions d'euros en AE et CP dans le programme 149. Ces crédits viennent soutenir la compétitivité et la durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, dont la dotation globale s'élève à 2,08 milliards d'euros en CP.

Une autre caractéristique de cette mission concerne la traduction budgétaire de certaines réformes ; je mentionnerai la création de la police unique de la sécurité sanitaire, tandis que mon collègue Vincent Segouin évoquera « l'assurance récolte », qui entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023.

La nouvelle police unique de sécurité sanitaire relève du programme 206 recouvrant la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation, dont la dotation s'élève à 654 millions d'euros en AE et CP, soit une augmentation d'un peu plus de 7 % par rapport à la LFI pour 2022. Cette police unique répond à un besoin de lisibilité, de réactivité et d'efficience en termes de contrôle. Elle était très attendue, à la fois par les agriculteurs et par tous ceux qui portent une attention particulière à la compétitivité de notre agriculture.

La sécurité alimentaire fait intervenir de nombreux acteurs. Dans la nouvelle organisation, la direction générale de l'alimentation (DGAL) deviendra l'organisme de contrôle officiel. La portée de ses contrôles concernera toute nourriture à destination des personnes comme des animaux, les denrées animales ou d'origine animale comme les denrées végétales ou d'origine végétale.

Un certain nombre de compétences de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère en charge de l'économie seront transférées vers la DGAL.

Un total de 150 équivalents temps plein (ETP) sera affecté au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, provenant, d'une part, d'un transfert de 60 ETP de la DGCCRF et, d'autre part, d'une création de 90 ETP supplémentaires.

Au-delà des réformes et de l'augmentation des dotations, plusieurs constats demeurent alarmants au regard des enjeux auxquels sont confrontées à la fois l'agriculture et la forêt. Le premier constat concerne l'état de nos forêts. Les crédits du programme 149 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » s'élèvent à 286 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 3,7 % par rapport à 2022. L'an dernier, nous observions déjà que la filière était confrontée à des difficultés économiques majeures, tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière traversait de grandes difficultés auxquelles le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) devait répondre.

Nous constatons aujourd'hui une amélioration de la situation financière de l'Office national des forêts (ONF), en raison notamment de la conjoncture économique favorable du marché du bois ainsi que des effets du contrat État-ONF prévu sur la période 2021-2025.

Toutefois, selon l'ONF, « la situation de l'établissement reste fragile et fortement exposée aux aléas de la conjoncture économique du marché du bois ». Or, l'Office représente un acteur essentiel de la préservation de nos forêts aujourd'hui atteintes par la sécheresse et les incendies. Le bilan de l'année 2022, avec son cumul exceptionnel de canicule et de sécheresse, s'élève à plus de 70 000 hectares de surface brulée.

Les forêts sont également menacées de dépérissement. D'ici à 2050, selon les experts de l'ONF, 30 % d'entre elles risquent de basculer en situation « d'inconfort climatique marqué ». L'ONF devra procéder au renouvellement des espèces à un rythme annuel de l'ordre de 70 000 hectares par an. Le défi est de taille, et il ne peut être relevé avec la réduction constante du schéma d'emplois observée ces dernières années.

Aussi, je me réjouis de l'amendement du Gouvernement dotant le programme 149 de 10 millions d'euros supplémentaires, afin de ralentir la réduction d'emplois à l'ONF. Cet amendement permettra de financer 60 emplois - les 20 emplois supplémentaires prévus devant être financés par l'ONF -, ainsi que les outils destinés à répondre aux nouveaux enjeux. Nous sommes encore très loin des moyens nécessaires pour affronter les incendies ou pour travailler aux perspectives d'avenir.

Autre constat : le danger qui pèse sur le renouvellement des générations agricoles. Cela renvoie à la question du revenu des agriculteurs et à celle de la transmission des exploitations et de l'installation des jeunes agriculteurs.

Concernant les revenus, les chiffres sont évocateurs. Selon l'Insee, la population agricole est plus exposée à la pauvreté monétaire que les autres : 18 % des agriculteurs vivent ainsi sous le seuil de pauvreté, soit 3 % de plus que la moyenne nationale ; en 2018, le niveau de vie des 10 % des personnes les plus modestes ne dépassait pas 9 800 euros par an ; enfin, le revenu annuel d'une entreprise agricole s'élevait à seulement 27 000 euros en moyenne sur la période 2009-2019.

L'activité agricole est le plus souvent insuffisante pour assurer un niveau de vie minimum. Seul un tiers des ressources des ménages agricoles provient, en moyenne, de l'activité agricole.

Quant à la transmission des exploitations, elle constitue un « angle mort » des politiques publiques. Certes, le territoire ne perd plus de terres agricoles depuis l'an 2000, avec une stabilisation de la surface agricole utile (SAU) à 48 % du territoire national. Toutefois, on observe une forte diminution du nombre des exploitations, avec 390 000 exploitations recensées en 2020, soit 260 000 de moins qu'en 2000.

Par ailleurs, la population des exploitants vieillit : 43 % des exploitants agricoles sont âgés de 55 ans ou plus. Vincent Segouin et moi-même plaidons pour un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants. Une politique de l'installation est préférable à une politique de l'installé ; il s'agit de sortir de la seule logique de la dotation jeune agriculteur (DJA) et de privilégier un accompagnement qui relève de l'ingénierie, avec des moyens humains mis à disposition.

La politique actuelle est ambitieuse, elle vise à favoriser l'installation, préserver le modèle familial français et protéger les modes de production. Cependant, la traduction de ces objectifs n'est pas à la hauteur des enjeux et ne peut se réduire au nombre de DJA. Au regard de cette augmentation en trompe-l'oeil des crédits, et sachant les besoins de l'agriculture et de la forêt pour répondre aux enjeux vitaux précédemment évoqués, les moyens dédiés à la mission sont très loin d'être suffisants. Je propose d'émettre un avis défavorable à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Je souhaite ajouter quelques observations. Il me semble indispensable de renforcer les moyens en ETP pour assurer les contrôles sanitaires aux frontières et garantir une concurrence loyale. Par ailleurs, le secteur de l'agriculture biologique, qui a connu un développement soutenu durant la période 2015-2020, a vu la croissance de son marché s'interrompre en 2021, avec une baisse de 3,1 % des ventes en valeur par rapport à 2020, sans que l'on sache encore si les raisons de cette baisse sont conjoncturelles ou structurelles. Aussi, j'approuve l'amendement de crédits de 5 millions d'euros de nos collègues députés, repris par le Gouvernement, en faveur du fonds Avenir Bio. On ne peut par ailleurs que regretter l'absence du chèque alimentaire annoncé par le Président de la République lors de sa campagne électorale, qui aurait pu favoriser une alimentation de meilleure qualité pour l'ensemble de nos concitoyens.

Malgré sa perfectibilité, je recommande l'adoption des crédits du CAS-DAR, avec la réserve suivante : celle de consommer l'ensemble des crédits qui y sont affectés. Ceux-ci proviennent d'une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, ils doivent donc être totalement utilisés pour la recherche appliquée dans le monde agricole.

Je vous présente enfin deux articles rattachés à la mission, issus des amendements du Gouvernement, mais qui relèvent plutôt de la mise en oeuvre de dispositifs déjà adoptés ou de clarification de problématiques techniques. Il s'agit de l'article 41 D, qui prévoit la répartition entre les régions des dotations destinées à leurs nouvelles compétences dans le cadre du transfert de la gestion, d'une part, des aides non surfaciques de la nouvelle PAC et d'autre part, de celle des sites terrestres Natura 2000, conformément au dispositif de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS).

L'article 41 C, quant à lui, s'inscrit dans le cadre du contrôle des conditions de transports frigorifiques des denrées périssables. Ce contrôle peut être délégué à des tiers. Qu'en est-il des biens qui servent à ce contrôle ? Il existe actuellement un vide juridique sur la nature de ces biens, qu'ils soient de retour ou pas. L'article tranche, ces biens demeurent la propriété du délégataire. De mon point de vue, il ne pose pas de problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Le 28 septembre dernier, la commission des affaires économiques rendait son rapport sur la ferme France, un rapport alarmant qui mesurait la perte de compétitivité de notre pays sur les vingt dernières années : « Alors que le commerce international de produits agroalimentaires n'a jamais été aussi dynamique, la France est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent. » Les exportations, portées par les vins et les spiritueux, augmentent, et les importations, qui représentent plus de la moitié des denrées consommées, explosent.

Ces pertes de marché sont dues à la perte de compétitivité de la « Ferme France qui, comme je le rappelle chaque année, est due à un coût du travail élevé ; à la surtransposition de règles environnementales ; à l'interdiction de construction de retenues d'eau et de moyens de prévention contre les aléas entraînant des pertes de volume ; et, surtout, à la stratégie de montée en gamme des produits agricoles et agroalimentaires menée depuis 2017, sans un raisonnement adapté par filière.

On aurait pu croire que, dans le pays où l'industrie du luxe est bénéficiaire, la stratégie de la montée en gamme soit opportune, mais c'est ignorer le besoin de consommation et le pouvoir d'achat des Français - à mon sens, nous faisons fausse route.

À titre d'exemples, on interdit la production de volailles en batterie par souci du bien-être animal et, en même temps, on importe des poulets issus de ces élevages pour la consommation quotidienne des Français ; on interdit le diméthoate pour la culture de la cerise au risque de perdre les producteurs français et, en même temps, on importe de la cerise de Turquie sans vérifier s'il reste des résidus de diméthoate dans les fruits ; on laisse détruire des réserves d'eau autorisées administrativement alors qu'en France nous ne retenons que 4 % des eaux de pluie, sachant que l'Espagne en retient 40 %. Nous pourrions encore citer beaucoup d'autres exemples. La balance commerciale est de moins en moins excédentaire et les alertes que nous lançons pour l'agriculture rappellent celles qui ont été lancées au moment des choix de désindustrialisation de la France. Nous en connaissons les conséquences et faisons machine arrière.

À la lecture du budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », nous observons une augmentation de budget de 29,88 %. Comme vient de l'expliquer Patrice Joly, il s'agit d'un budget en trompe-l'oeil. Si tout se résumait au budget, nous pourrions penser que tout va bien ; mais tous les problèmes ne se règlent pas avec de l'argent public. De plus en plus, les ministères font la course aux dotations supplémentaires, plutôt que d'essayer de maîtriser ces dotations.

L'augmentation du budget est due, en partie, à la mise en place de l'assurance récolte, qui a le mérite de définir le rôle de chacun entre l'agriculteur, l'assureur et l'État. Le budget est donc plus sincère et évitera sûrement des projets de loi de finances rectificative (PLFR) pour couvrir les risques assurables ou non assurables.

Une dépense de 560 millions d'euros est prévue pour subventionner cette assurance qui, je le rappelle, couvre les cotisations à hauteur de 70 % et les pertes au-delà de 50 % - sauf en arboriculture et en prairie, où les pertes seront prises en compte au-delà de 30 %. Ces crédits sont financés à hauteur de 120 millions d'euros par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) et de 184,5 millions d'euros par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) de la PAC ; le reste est financé par le budget.

Avec l'augmentation des aléas, nous ne sommes pas certains que ce budget soit suffisant. Cette assurance était très attendue, sachant qu'une récolte sur cinq a été perdue et que ce constat démotivait les jeunes de s'installer.

La « Ferme France » perdait de la compétitivité à cause d'un coût de travail élevé. Pour y remédier a été créé le dispositif TO-DE, qui vise à exonérer de charges sociales les emplois saisonniers. Reconduit par les députés, la pérennité du dispositif est décisive pour l'installation des jeunes employant de la main-d'oeuvre, afin qu'ils puissent établir un plan de financement prévisionnel stable et rentable.

Ce dispositif serait aussi nécessaire, de façon générale, dans l'industrie ; mais cela paraît très compliqué, tant les besoins en prestations sont importants. Cependant, il est temps d'avoir à l'esprit que les dépenses supplémentaires entravent notre compétitivité dans de nombreux domaines et accentuent le déclin de la balance commerciale.

Nous perdons de la compétitivité en imposant à nos agriculteurs des normes supplémentaires, qui n'apportent pas de rentabilité. Elles ne sont même pas revalorisées dans les prix de vente, car nos concitoyens n'ont pas un pouvoir d'achat extensible. La filière bio a eu le mérite de donner un prix à la qualité, mais cela reste un marché de niche, comme nous avons pu le constater avec la hausse de l'inflation. Tout le monde a envie de manger mieux, mais le pouvoir d'achat fixe les limites.

Nous importons et nous ne contrôlons pas aux frontières la qualité des produits en fonction des normes françaises. Nous renforçons même les effectifs pour contrôler les fermes françaises au risque de les décourager et sans plus-value. Il est temps que l'administration accompagne l'économie française.

Enfin, les agriculteurs ont financé en moyenne les cinq dernières années le CAS-DAR à hauteur de 138 millions d'euros. Ce fonds a vocation à financer la recherche notamment dans la lutte contre les aléas. Le budget plafonne à 126 millions d'euros et, considérant le faible nombre de projets, l'excédent s'avère transféré sur le solde comptable du compte. Comment le ministère de l'agriculture peut-il se satisfaire d'une telle situation ?

Le ministère doit fixer les objectifs en matière de politique agricole afin de rétablir la situation économique actuelle et retrouver à la fois notre compétitivité et notre souveraineté alimentaire. Allons-nous développer et imposer les mêmes contrôles aux produits importés qu'aux produits français, et renforcer ainsi les effectifs pour cet exercice ? Allons-nous développer la recherche pour adapter nos productions aux aléas et aux maladies ? Allons-nous avoir une politique de l'eau en accord avec la politique agricole ?

En attendant des réponses précises, je vous propose malgré tout d'accepter ce budget à trois conditions : que le plan de travaux de réhabilitation du site du Maine du ministère de l'agriculture, estimé à 22 millions d'euros soit reporté ; que les amendements augmentant les effectifs de l'ONF, les crédits du fonds Avenir Bio, soient supprimés ; que le CAS-DAR soit utilisé dans sa totalité pour la recherche et que les effectifs ou les contrôles aux frontières des produits importés soient accrus.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Pour résumer, je comprends que l'un des rapporteurs spéciaux n'est pas favorable au vote des crédits de la mission, tandis que l'autre y serait favorable à condition qu'elle soit profondément modifiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Le ministre semble se satisfaire de maintenir le budget du CAS-DAR à hauteur de 126 millions d'euros. Il faut rappeler que, l'année dernière, ce budget était passé de 136 à 126 millions d'euros. En euros constants, dans la mesure où l'on ne tient pas compte de l'inflation, on observe une baisse des moyens dédiés à l'agriculture. En cumulé, les pertes du CAS-DAR correspondent à plusieurs dizaines de millions d'euros ; des sommes qui - j'ose le mot - ont été spoliées au monde agricole et réinjectées dans le budget général de l'État. On a pris de l'argent aux paysans sans leur rendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Après l'examen de ce rapport, qui fait suite au rapport publié en septembre dernier sur l'état de la compétitivité de l'agriculture, me revient une phrase écrite par une journaliste qui résume très bien la politique agricole française : « L'histoire pourrait ressembler à un conte pour enfants dans lequel les habitants d'un pays comblé par la nature, croulant sous ses bienfaits, en seraient curieusement venus à se persuader que les richesses les entourant étaient les fruits non pas de siècles de labeur des générations précédentes, du climat ou de la géographie, mais de leur propre vertu, et qui, à force de s'aveugler sur eux-mêmes, en viendraient à détruire leur trésor. »

Tant que nous ne comprenons pas que nous sommes en train de détruire notre trésor, nous n'arriverons pas à inverser la tendance. Le budget proposé cette année, malheureusement, ne permettra pas d'impulser une inversion du système actuel. Bien sûr, on peut fixer des prescriptions, apporter des critiques ; il n'en reste pas moins que ce budget est plus encore qu'en trompe-l'oeil. Il augmente de 900 millions d'euros, soit un budget passant de 3 à 3,9 milliards d'euros. On pourrait se dire qu'enfin on va mettre les moyens nécessaires pour améliorer la compétitivité de l'agriculture, mais ce n'est pas le cas.

La commission des affaires économiques, qui n'a pas encore totalement arrêté son avis, tend plutôt à rejeter ce budget. En effet, nous assistons à une forme de supercherie financière, dans la mesure où, sur ces 900 millions d'euros, 430 millions proviennent d'un transfert du TO-DE. Le Président de la République déclarait en début d'année au salon de l'agriculture qu'il souhaitait pérenniser ce dispositif. Or, dans les faits, il n'a fait que le maintenir pour une année supplémentaire ; et, grâce à un amendement à l'Assemblée nationale, le dispositif s'étendra sur trois ans - attendons de voir si le Sénat adoptera un amendement pour le pérenniser véritablement. C'est une politique de gribouille, pas une politique qui comprend la situation et veut améliorer la compétitivité.

En outre, 60 millions proviennent non pas du budget de l'État, mais de taxes additionnelles sur les assurances payées par les agriculteurs. Une somme de 250 millions d'euros est orientée vers l'assurance récolte. Mais, si l'on respectait les quatre critères de la loi telle qu'adoptée par le Sénat - les 20 % de franchise ; les 70 % de subvention de l'assurance récolte ; les 30 et 50 % correspondant aux taux d'intervention -, les crédits devraient s'élever non pas à 580 millions d'euros euros, mais à 680 millions d'euros. Encore une fois, le Gouvernement n'a pas compris la réalité de l'agriculture et ne fait pas les choses complètement.

Cette augmentation de 7 % du budget réel correspond, comme par hasard, à peu près au taux de l'inflation. Il s'agit donc de faire la même chose avec le même budget et, si l'inflation augmente encore, il s'agira de faire moins.

Donner un avis positif, même circonstancié, ne permettrait pas de s'opposer à cette mauvaise interprétation de la réalité. Il faut un électrochoc et dire clairement que le Gouvernement doit réviser sa copie, en prenant en compte la réalité de la souveraineté alimentaire et en arrêtant de soumettre sans cesse les agriculteurs à des contraintes, des conditions, des normes. À mon sens, cela ne coûterait pas très cher et, au contraire, permettrait même d'économiser de l'argent.

Enfin, j'évoquerai un dernier point de nature à vous inviter à ne pas adopter les crédits de cette mission. J'étais très favorable à la création d'une police au sein de la DGAL, car c'est le sens de l'histoire. Mais, si l'on souhaite mieux contrôler notre alimentation, est-ce la bonne solution de retirer des effectifs à la DGCCRF pour les transférer à la DGAL ? On en revient à la problématique des clauses miroirs. Vincent Segouin a pris l'exemple des cerises ; nous interdisons une molécule et laissons entrer des cerises de Turquie gorgées de cette même molécule. Agir ainsi, c'est être d'une naïveté coupable et s'appauvrir. Si l'on ne veut pas connaître de telles situations, il faut pouvoir contrôler, et pour ce faire, il faut que notre police alimentaire soit à un Rungis. Or on nous propose de disséminer cette police dans les départements. Des fonctionnaires tatillons vont embêter les restaurateurs, alors que l'on devrait plutôt se doter d'une vraie police à nos frontières pour contrôler les produits ne respectant pas nos normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Les interventions démontrent que la situation de l'agriculture est complexe et que celle-ci se trouve à la croisée des chemins. Entre les contraintes climatiques, les enjeux liés à l'Europe - je rappelle que la PAC était l'une des politiques emblématiques de l'Union européenne (UE). S'il faut sans doute s'interroger de nouveau sur cette politique, il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain.

M. Segouin propose de reporter le projet du Maine. Est-ce sur l'exercice suivant ? Peut-il nous en donner les raisons ?

Concernant le CAS-DAR, je ne crois pas que les contributions des agriculteurs, quand elles ne sont pas consommées, passent dans le budget général. À ma connaissance, cela reste dans le budget du CAS-DAR.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je souhaite intervenir sur la question de la sécurité sanitaire des aliments, en particulier des aliments d'origine animale. Jusque récemment, nos compatriotes vivaient dans l'idée que la sécurité sanitaire des aliments qu'ils achètent dans le commerce traditionnel était un acquis d'un pays développé comme le nôtre. Ces derniers temps, il y a eu des accidents dramatiques ; des familles ont perdu des enfants, d'autres verront leurs enfants handicapés pour le restant de leur vie. Ces accidents ne se sont pas produits avec des denrées alimentaires acquises dans un commerce de quartier qui aurait échappé à la surveillance, mais dans des unités de production importantes, dans de gros groupes agroalimentaires. Cela pose la question de la qualité du contrôle par les services de l'État de ces unités de production. On ne peut pas imaginer, surtout avec les signaux d'alerte diffusés par certains salariés, que les contrôles n'aient pu éviter d'en arriver à cette situation.

M. Duplomb a évoqué la question de la réorganisation des services, avec le souci de mieux contrôler les importations. Ma question, complémentaire, porte sur les éléments qu'ont pu recueillir nos rapporteurs sur cette réorganisation. On nous indique 7 % de moyens supplémentaires. La question fondamentale est la suivante : va-t-on reconstruire un système de contrôle de la qualité sanitaire qui garantisse à nos compatriotes qu'ils n'empoisonnent pas leurs enfants en achetant leurs denrées dans le système traditionnel et théoriquement inspecté ? Dispose-t-on d'éléments qui nous rassurent ? Allez-vous, dans l'année qui vient, vous intéresser plus particulièrement à ce sujet en termes de contrôle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

La manière dont nos rapporteurs abordent les choses me semble un peu sévère. Nous sommes dans un contexte d'accroissement significatif des crédits. Un certain nombre d'orientations me semblent aller dans le bon sens ; je pense à la mise en oeuvre de la nouvelle PAC, à l'assurance récolte, à la pérennisation et, je l'espère, à l'extension du dispositif TO-DE. Sans occulter la baisse préoccupante du nombre d'exploitants agricoles ou encore la question de la sécurité alimentaire, je vois des signes positifs dans ce budget.

Je souhaite interroger nos rapporteurs sur trois sujets ; le premier concerne la forêt. Compte tenu des ambitions affichées en matière de reforestation, ne doit-on pas se réjouir de l'augmentation des crédits dédiés à la forêt ?

Le deuxième sujet concerne le bâtiment du Maine. Plutôt que de freiner un tel projet, j'ai le sentiment qu'il faudrait accélérer sa réalisation. Nous sommes confrontés au problème de rénovation énergétique des bâtiments publics, et il nous faut agir beaucoup plus vite pour moderniser le parc immobilier de l'État.

Le troisième sujet concerne le CAS-DAR. Je partage l'ambition de développer la recherche dans le domaine agricole, mais comment expliquer la sous-consommation de crédits ? Manque-t-on de projets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Nos exploitations doivent faire face à des contrôles fréquents et tatillons. Pendant ce temps, les produits importés passent au travers des mailles des contrôles, car les contrôleurs ne sont pas là où il faut, en particulier à Rungis. Il y a un gros travail à effectuer sur la sécurité alimentaire, mais les petits exploitants ne sont pas la bonne cible ; ce sont les grands groupes qui empoisonnent les populations.

Je souhaite revenir sur l'installation des jeunes. La situation devient problématique, vous avez cité les chiffres : des revenus inférieurs à 1 000 euros par mois ; près de 400 000 exploitations ont disparu. Comment enrayer cela ? Comment peut faire celui qui reprend l'exploitation si, en plus des charges de fonctionnement, il doit supporter les charges d'acquisition ?

Dans ma région et ailleurs aussi, de plus en plus de domaines viticoles sont repris par des gens fortunés qui, sans souci de rentabilité, font des déplacements ou des actes de défiscalisation. Les agriculteurs ne sont plus des paysans autonomes comme autrefois ; ils deviennent des salariés de grands groupes. Ainsi se perd le modèle agricole français.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Ma première question concerne la forêt. Le modèle économique de l'ONF, qui repose pour une grande part sur la vente de bois, est-il compatible avec les missions de l'organisme ? Quelle est la part, dans le budget de l'ONF, des recettes subventionnées par l'État et celle qui est liée à la vente ?

Ma deuxième question porte sur l'agriculture. J'ai été étonné par la vigueur des propos de Vincent Segouin. Les agriculteurs ont toujours rempli leur mission de nourrir la population. Face à l'agro-industrie, il est nécessaire d'être vigilant à la fois sur la sécurité alimentaire, les produits choisis, la durabilité des ressources.

Le chlordécone, par exemple, était très utile à la compétitivité de la banane française pendant des années ; il n'empêche que, à juste titre, nous y avons renoncé. La mesure d'interdiction me semble également justifiée concernant la cerise. Mais a-t-on les moyens de mettre des contrôles aux frontières pour garantir à nos agriculteurs qu'ils jouent à armes égales avec les produits d'importation ? Le sujet n'est pas d'augmenter la compétitivité en diminuant les exigences qualitatives, mais de protéger tout le monde en augmentant la qualité des accords internationaux et des contrôles aux frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Ma première question porte sur les travaux du site du Maine. Y a-t-il un intérêt à reporter les travaux alors que des opérations immobilières, me semble-t-il, sont déjà engagées, permettant aussi de se séparer de locations coûteuses ?

Ma deuxième question concerne la transmission des exploitations. Vous souhaitez un soutien plus actif aux entrants comme aux sortants. Avez-vous évalué le coût de ce soutien ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Monsieur le rapporteur général, en effet, l'excédent de recettes, non engagé du CAS-DAR y demeure en étant affecté à son solde comptable, mais il ne peut être disponible que sur autorisation d'une loi de finances.

Concernant le projet du Maine, le démarrage des travaux est prévu en décembre 2023 pour un emménagement en 2026. Dans ma démonstration, j'ai cherché à vous faire comprendre qu'il y avait urgence à s'occuper de la politique agricole. La balance commerciale est un critère à suivre de près ; chaque année, nous perdons des parts de marché. Le coût des travaux s'élève à 22 millions d'euros. Avant de nous occuper de l'immobilier, nous devons mobiliser les fonds pour revoir et clarifier la politique agricole.

L'autre sujet est le montant de la dette. Va-t-on continuer d'avoir des budgets en déséquilibre, en faisant croire à tout le monde que l'on peut dépenser à tout-va ?

Monsieur Bazin, la DGAL va employer des acteurs privés pour répondre à la question du contrôle des unités de production et assurer la qualité sanitaire des Français. La commission des affaires économiques doit également s'occuper du sujet et vérifier la rigueur des contrôles.

M. Canévet a évoqué les bonnes orientations liées à l'assurance récolte et l'extension du dispositif TO-DE. L'assurance récolte est, en effet, primordiale pour favoriser l'installation des jeunes et trouver un moyen d'assurer une rentabilité. Au sujet du TO-DE, la déclaration du Président de la République était de rendre pérenne ce dispositif ; il est essentiel qu'il le devienne. Je déplore que l'amendement déposé hier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui va dans ce sens, n'ait pas été adopté.

Je partage l'idée que nous allions vers une agriculture de référence. Mais si l'on s'impose des normes de qualité, celles-ci doivent aussi pouvoir être imposées aux produits importés.

L'augmentation des crédits dédiés à la forêt dans l'amendement du Gouvernement s'élève à 10 millions d'euros. J'ai déposé un amendement de suppression de ces 10 millions d'euros. Cela correspond à 60 ETP supplémentaires. Aujourd'hui, l'ONF a une masse salariale trop élevée. Peut-être faut-il séparer, dans la gestion de l'organisme, la partie exploitation du bois et celle qui est dédiée à son programme de recherche, d'entretien, de conservation des forêts et de la biodiversité.

Le CAS-DAR souffre d'un manque de projets qui entraîne une sous-consommation des crédits. Il est primordial de lancer des projets de recherche pour adapter nos variétés aux aléas climatiques. De même pour les vaccins, plutôt que de décimer les élevages chaque fois qu'apparaît un problème, on aurait intérêt à lancer des projets de recherche.

Pour répondre à M. Bilhac, ce contrôle trop tatillon des exploitants, ajouté à l'absence de contrôle sur les produits importés, est intolérable ; c'est ce qui tue l'installation des jeunes. Les installations sont ensuite reprises par des porteurs de capitaux ; c'est le modèle de l'exploitation agricole aux Pays-Bas. Si l'on veut aller vers ce modèle, continuons ainsi.

Aujourd'hui, il faut plus de marges et de rentabilité pour que les jeunes puissent reprendre les exploitations et faire vivre leur projet sur le long terme. La vocation de l'agriculture, comme l'indiquait M. Breuiller, est de nourrir la population. Mais on n'installera pas des jeunes sans tenir compte du critère économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

La réserve du CAS-DAR, moins importante que ce que l'on pouvait penser, est de l'ordre de 28 millions d'euros. Pour le reste, le budget est consommé. Cela fait des sujets de contrôle qui mériteront d'être affinés à l'avenir. La question de la recherche est un vrai sujet au regard des évolutions climatiques et des modèles économiques à construire.

Le projet du Maine me semble cohérent, avec un système de poupées russes qui permettait, à terme, d'optimiser les surfaces du ministère de l'agriculture. Je ne sais pas si, d'un point de vue financier, le choix de reporter les travaux d'une année est pertinent.

Pour répondre à M. Bazin, la question de la sécurité alimentaire est un sujet majeur. Il faut créer davantage d'ETP, faire appel également à des prestataires en établissant un cahier des charges.

M. Canévet a trouvé notre jugement sévère, considérant les crédits importants dédiés aux DO-TE et à l'assurance récolte. Mais ces crédits existaient déjà ; par exemple, les crédits nécessaires pour indemniser les récoltes endommagées faisaient l'objet d'ouvertures complémentaires. Il n'y a pas d'apport de ce point de vue. La présentation budgétaire est un peu plus pérenne et sécurise la viabilité économique des exploitations, mais la contribution demandée aux agriculteurs est également plus importante que par le passé. Au final, comme l'a également précisé M. Duplomb, on se retrouve avec des crédits qui ne sont guère au-dessus du niveau nécessaire au maintien du pouvoir d'achat.

Concernant la forêt, les 10 millions d'euros supplémentaires permettent de ramener le budget presqu'au niveau de l'année précédente. Une réduction de 95 ETP était initialement prévue par le contrat État-ONF 2021-2025, puis a été ramenée à 80 emplois dans le projet de loi de finances initiale.

Nous ne disposons pas d'éléments précis pour identifier la part des missions d'intérêt général et celle qui est liée à l'activité économique de l'ONF. Ses missions d'intérêt général seront sans doute plus importantes à l'avenir, car l'ONF est seul capable de produire des expérimentations, de travailler sur l'adaptation des modèles de production.

La question des contrôles est un vrai sujet. Tous les exploitants, qu'ils soient Français ou étrangers, doivent être sur un pied d'égalité, les importations ne peuvent pas continuer de bénéficier d'un avantage concurrentiel. Il s'agit également, au regard des typologies de production, de travailler sur les modèles économiques des exploitations. Le Président de la République a annoncé une loi d'orientation agricole pour l'année qui vient ; ce sera l'occasion de réfléchir à tous ces sujets.

Article 27

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Notre collègue Vincent Segouin nous propose trois amendements visant à modifier les crédits. L'amendement n° 1 revient sur l'ouverture de 10 millions d'euros décidée par le Gouvernement en faveur de l'ONF.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'amendement n° 2 revient sur l'abondement de 5 millions d'euros à la dotation du fonds Avenir Bio.

L'amendement n° 2 n'est pas adopté.

L'amendement n° 3 repousse la mise en oeuvre des travaux du site du Maine, qui doivent démarrer en 2023 pour un aménagement en 2026. En conséquence, cet amendement prévoit une réduction de 22 millions d'euros en AE et 5,8 millions d'euros en CP de l'action n° 04 Moyens communs du programme 215 de la mission.

L'amendement n° 3 n'est pas adopté.

Monsieur Segouin, les amendements n'ayant pas été adoptés, pouvez-vous nous indiquer votre position sur les crédits de la mission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

J'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 41 C (nouveau)

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 41 C.

Article 41 D (nouveau)

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 41 D.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Quelle est la position des rapporteurs sur les crédits du compte d'affectation spéciale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Je vous avais proposé de voter favorablement, mais, au regard du vote sur la mission et des besoins en matière de recherche, j'opte pour un vote défavorable.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale «Développement agricole et rural ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous passons à l'examen de la mission « Recherche et enseignement supérieur »

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Les deux programmes qui portent les crédits dédiés à l'enseignement supérieur bénéficient cette année encore d'une hausse importante, pour atteindre 18 milliards d'euros. L'augmentation s'élève à près de 750 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une progression de 4,3 % par rapport à 2022.

Compte tenu de la masse salariale des universités, près de la moitié des nouveaux crédits sont consacrés à la mise en place pour 2023 de la compensation de la hausse du point d'indice pour les établissements d'enseignement publics. Il est à noter qu'aucune mesure de compensation n'aura été mise en place pour les mois de juillet à décembre 2022, pour lesquels les universités devront mobiliser leurs fonds propres.

Je partage avec mon collègue Jean-François Rapin la satisfaction de voir que l'ensemble des engagements figurant dans la loi de programmation de la recherche (LPR) sont respectés dans ce budget. La poursuite de la mise en oeuvre de cette LPR contribue, en effet, à la croissance de la mission « Enseignement supérieur » à hauteur de 140 millions d'euros. Ces crédits sont essentiellement destinés aux personnels, via des mesures de revalorisation salariale et d'élargissement des voies de recrutement. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit, en outre, la création de 413 emplois, dont 385 au titre de la LPR.

Nous pouvons, je le pense, nous féliciter du renforcement des moyens consacrés aux universités, qui contribue à leur redonner des marges de manoeuvre et à limiter les tensions sur leur masse salariale.

Nouveauté de ce budget, 35 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour la mise en place expérimentale des contrats d'objectifs et de moyens pluriannuels avec une dizaine d'universités. L'idée me semble être intéressante, mais les montants destinés à être contractualisés sont à ce stade extrêmement faibles à l'échelle des crédits accordés aux universités. Nous n'en sommes pour l'instant qu'à la phase de définition de cette expérimentation, mais nous serons attentifs à la négociation en cours entre le ministère et les universités.

Permettez-moi toutefois de souligner un point de vigilance. Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur sont particulièrement touchés par la crise énergétique. Le surcoût en 2022 s'élèverait à 40 à 50 % de plus par rapport à 2021, soit 100 millions d'euros. Concernant 2023, et bien que l'évaluation des surcoûts potentiels soit un exercice délicat, le ministère estime que le surcoût énergétique s'élèvera à 400 millions d'euros par rapport à 2022.

En 2022, les universités devront mobiliser leurs fonds de roulement pour tenir compte de ces hausses. En 2023, elles devraient bénéficier du fonds de compensation du surcoût de l'énergie qui devrait être créé dans le cadre du projet de loi de finances rectificative (PLFR). La ministre avait annoncé un fonds doté de 275 millions d'euros, dont plus de 200 pour les établissements d'enseignement supérieur. Cette aide devrait être versée au prorata des surcoûts aux universités, en fonction de la situation financière ad hoc de chacune d'entre elles et du coût de l'énergie dans leurs dépenses.

Si, sur le principe, cela semble être un signal très positif pour les universités, seuls 150 millions d'euros de nouveaux crédits sont en réalité ouverts par ce PLFR. Il semblerait que les 125 millions complémentaires soient en partie financés sur les crédits dégagés par la baisse du nombre d'étudiants boursiers.

Le constat de la vulnérabilité des établissements d'enseignement supérieur aux difficultés énergétiques m'amène à évoquer les enjeux cruciaux en matière d'investissement dans le patrimoine immobilier universitaire. J'ai déjà souligné à plusieurs reprises l'ampleur du défi, considérant le caractère parfois vétuste et souvent énergivore du patrimoine immobilier universitaire. Alors qu'il est impératif de lancer un plan massif de rénovation de ce patrimoine, seuls 30 millions d'euros supplémentaires sont consacrés, dans le PLF, à l'immobilier universitaire. Cet effort ponctuel demeure insuffisant et ne permettra pas à la France de respecter les objectifs ambitieux qu'elle s'est fixés en matière de transition énergétique. Le coût de l'inaction serait bien supérieur à celui des dépenses engagées par anticipation, et nous devons tenir compte de plusieurs décennies de délaissement du patrimoine immobilier universitaire. Je vous le redis, nous ne pourrons repousser indéfiniment le plan de rénovation immobilière de grande ampleur qui s'avère indispensable.

J'en viens maintenant aux moyens consacrés à la vie étudiante, qui constituent l'autre pan de la mission pour son volet « Enseignement supérieur ». En 2021 et 2022, ils avaient enregistré une hausse très importante. Le PLF 2023 prévoit cependant une stabilisation des crédits.

Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée de 2022, afin de tenir compte de l'inflation. Le coût de cette mesure s'élèvera à 85,1 millions d'euros en 2023, mais les crédits dédiés restent cependant identiques à ceux qui ont été prévus l'année dernière, du fait de la baisse attendue du nombre d'étudiants boursiers. En outre, cette revalorisation ne permettra pas de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.

En parallèle, la subvention versée au réseau des oeuvres universitaires progressera de 35,6 millions d'euros par rapport à 2022 pour financer notamment la prolongation du ticket de resto U à 1 euro pour les étudiants boursiers et du gel des loyers dans les résidences étudiantes. Le coût du repas à 1 euro s'élèvera à 51 millions d'euros en 2023, pour 430 000 étudiants bénéficiaires.

La situation financière du réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), qui avait été très exposé pendant la crise sanitaire, continue de s'améliorer. Là encore, je voudrais soulever un point d'attention. La hausse des coûts des denrées alimentaires pourrait engendrer un effet ciseaux, puisque le nombre de repas servis augmenterait alors de façon parallèle. Les prévisions à date du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) font état d'une possible répercussion à la hausse des effets du repas à 1 euro pour la fin de l'année, pour un coût total de l'ordre de 50 millions d'euros. La fréquentation des restaurants universitaires croît en parallèle très rapidement, l'activité à la rentrée 2022 étant supérieure de 20 %, voire 30 %, à l'année précédente.

Au-delà de ces quelques remarques, la mission dans son volet « Enseignement supérieur » bénéficiant de hausses de crédits conséquentes, permettant le respect de la trajectoire définie en loi de programmation, je vous propose d'en adopter les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Les crédits des programmes « Recherche » de la mission devraient atteindre, en 2023, 12,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), soit une hausse de plus de 7 % par rapport à l'année précédente. Cette évolution résulte essentiellement de l'enveloppe supplémentaire de 330 millions d'euros allouée aux organismes de recherche du programme 172, ainsi que de la forte hausse des crédits dédiés à la recherche spatiale.

Avant d'entrer dans les détails, je tire deux premiers constats de cette augmentation.

D'abord, j'exprimerai une satisfaction. La trajectoire proposée pour 2023 respecte la hausse prévue par la LPR. Ce sera la troisième année que cette loi sera mise en oeuvre : nos avions alors salué l'ambition inscrite sur le papier en faveur de la recherche. À l'échelle de la mission, ce sont ainsi 400 millions d'euros supplémentaires qui sont prévus pour 2023 afin de respecter les engagements pris dans le cadre de cette loi, et nous pouvons nous en féliciter.

Cependant, la trajectoire de la LPR a été établie en 2020 en volume, c'est-à-dire sans tenir compte de l'inflation. À l'époque, en tant que rapporteur pour avis sur ce texte, je vous avais averti sur les risques qui en découlaient. Il est vrai que l'inflation était alors très faible, ce que n'avait pas manqué de mettre en avant le Gouvernement, mais elle devrait s'élever cette année à 5,4 %. En euros constants, les 400 millions d'euros de hausse au titre de la LPR en 2023 équivalent ainsi à 385 millions d'euros en 2022.

En conséquence, la loi de programmation aura surtout protégé la mission « Recherche et enseignement supérieur » d'une érosion de ses moyens par l'inflation. La clause de revoyure figurant dans ce texte prévoyait une actualisation de la programmation au moins tous les trois ans - j'espère que cette occasion sera saisie en 2023.

Par ailleurs, de nombreuses infrastructures de recherche sont très consommatrices d'électricité et seront donc très impactées par la hausse des coûts énergétiques en 2023. À titre d'exemple, la hausse du coût de l'énergie est estimée à 60 millions d'euros pour le seul nucléaire civil par le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Le PLFR que nous discuterons la semaine prochaine prévoit que 55 millions d'euros devraient revenir en 2022 aux établissements de recherche, intégralement couverts par l'annulation de la réserve de précaution.

L'enjeu pour les organismes est donc de stabiliser au minimum les activités de recherche afin de maintenir la continuité de l'activité expérimentale. Espérons que la mobilisation des ressources propres des opérateurs et le dégel de la réserve y pourvoiront.

J'en viens maintenant aux détails de ce budget.

Les organismes de recherche bénéficient au total de plus de 7 milliards d'euros de crédits, en hausse de 370 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Une part importante est destinée à financer la hausse du point d'indice en 2023, à hauteur de 130 millions d'euros. Les efforts portés par la LPR expliquent le reste de l'augmentation constatée en 2023. Celle-ci concerne notamment l'amélioration des carrières dans la recherche, la rémunération des doctorants et l'augmentation des moyens alloués aux laboratoires et aux grandes infrastructures de recherche nationales et internationales.

Il est indéniable que ces moyens nouveaux redonneront des marges de manoeuvre aux organismes de recherche. Alors que la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs subissait une lente érosion année après année, le budget pour 2023 confirme l'inversion de tendance qui avait pu être espérée en 2022.

J'évoquerai maintenant le redressement financier de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui se poursuit cette année.

En 2023, les crédits de l'ANR au titre du programme 172 devraient s'élever à 1,226 milliard d'euros en AE et 961 millions d'euros en CP, soit une hausse de 15,4 % en AE et de 8,6 % en CP.

Les hausses de crédits des deux dernières années permettront d'atteindre un taux de succès sur les appels à projets de 23,7 % en 2023, contre 16 % en 2020. Le taux de préciput - dont je rappelle qu'il s'agit de la somme versée aux organismes de recherche lorsqu'une de leur équipe a remporté un appel d'offre, afin d'inciter les organismes de recherche à se porter candidats - a également progressé, pour atteindre 25 % dès 2021, contre 19 % en 2020. Il s'élèvera à 200 millions d'euros et 28,5 % en 2023.

De manière générale, le redressement financier de l'ANR constitue un signal très encourageant pour nos chercheurs. Il me semble que nous devons être attentifs aux enjeux d'articulation avec les appels à projets européens, afin que les appels à projets nationaux et européens ne se concurrencent pas.

Je salue enfin la rebudgétisation au sein de la mission du programme 191 - Recherche duale pour 150 millions d'euros. Les crédits avaient été déplacés au profit de la mission « Plan de relance » en 2021 et 2022. Le passage par la mission « Plan de relance » de ces crédits ne se justifiait pas par leur nature et a permis de masquer une baisse des montants accordés au programme depuis 2020. En d'autres termes, la création de cette ligne sur la mission « Plan de relance » n'aura pas permis d'accroître les moyens consacrés à la recherche duale en 2021 et 2022, mais aura, au contraire, accompagné leur diminution.

Enfin, le budget de la recherche spatiale représenterait, en 2023, 1,7 milliard d'euros, soit une hausse de 74 millions d'euros à périmètre constant. Ainsi, les moyens globaux alloués au Centre national d'études spatiales (Cnes) progresseront en 2023 de 10 %.

Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA). Les fonds à destination de cette dernière devront d'ailleurs sans doute augmenter au cours des prochains mois, notamment pour financer le surcoût lié au retard du projet Ariane 6, estimé à environ 200 millions d'euros. La participation de la Russie au programme étant incertaine, il semble d'autant plus indispensable d'envisager que le budget soit réévalué.

En conclusion, dans la mesure où le budget 2023 se révèle conforme à la LPR, je souhaite que notre commission des finances propose au Sénat d'adopter les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

La prééminence de la question des surcoûts énergétiques est revenue lors de chaque audition. Sur l'enveloppe supplémentaire de 275 millions d'euros annoncée par Sylvie Retailleau pour les opérateurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR), 55 millions seront alloués aux seuls frais de surcoût énergétique. La ministre est ouverte à une clause de revoyure l'année prochaine, ce qui est de bon augure pour abonder le budget de cette mission dans les années à venir. Le « 1% culture scientifique » est très prisé par les appels à projets de l'ANR, ce qui permet de diffuser la culture scientifique auprès de nos concitoyens au travers de différents programmes. Je partage l'avis du rapporteur spécial sur le vote des crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Je me réjouis de la convergence de points de vue entre les rapporteurs spéciaux de la commission des finances et les rapporteurs pour avis de la commission de la culture. J'attire votre attention sur la non-compensation du point d'indice en 2022 - près de 180 millions d'euros ne sont pas compensés - et celle du glissement vieillesse technicité (GVT) et les conséquences sur le budget des universités.

Concernant l'enveloppe supplémentaire de 275 millions d'euros obtenue par la ministre Retailleau, nous attendons d'en savoir plus sur la ventilation de ces crédits.

J'appelle à la mise en place depuis plusieurs années d'un grand plan Campus. Les passoires thermiques existent notamment en région parisienne. Sur le financement des Crous, il n'y a aucun lien entre la fréquentation des restaurants universitaires et la dotation accordée - la dotation est à moyens constants. Il est étonnant que l'on ne tienne pas compte de l'augmentation très significative de la fréquentation des restaurants universitaires depuis le confinement et qui s'explique également par le renchérissement du coût de la vie. J'ai également proposé à la commission de la culture d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Les problèmes d'énergie, de consommation et de dépenses supplémentaires vont-ils provoquer des fermetures anticipées d'établissement ou un possible retard de la rentrée universitaire ? Quelles sont les éventuelles annonces de soutien du Gouvernement, et à quelle hauteur ? Le bouclier énergétique va concerner quasiment tous les secteurs d'activité, qu'en est-il des universités ?

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je partage l'inquiétude de mes collègues à propos de l'insuffisance des crédits alloués à la rénovation de l'immobilier universitaire, et sur la question des passoires thermiques. Savez-vous combien d'universités envisageraient aujourd'hui, pour lutter contre le surcoût d'énergie, de revenir à des cours en distanciel ou d'allonger les périodes de vacances scolaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Les crédits supplémentaires sont principalement destinés à lutter contre le surcoût énergétique, mais où en est-on de la mise à niveau du parc immobilier ? Les 12 milliards d'euros des fonds de roulement des établissements d'enseignement supérieur sont-ils prévus pour anticiper des investissements ou pour couvrir les frais courants des établissements, car le montant est élevé ?

Par ailleurs, j'aimerais savoir si l'ANR est efficace pour relancer la recherche dans notre pays ou bien si elle est, au contraire, un frein à l'engagement d'autres actions de recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

La jeunesse a été la grande abandonnée au cours de la crise du covid. Depuis, des centaines d'étudiants fréquentent des banques alimentaires, notamment à Paris. Or, face à l'inflation, les crédits alloués aux restaurants universitaires risquent d'être insuffisants en 2023. Le Sénat ne peut-il pas demander un effort budgétaire supplémentaire en faveur la vie étudiante ? Cela constituerait un symbole important et cela permettrait d'éviter l'écueil d'un budget sous-évalué.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Je souhaite attirer l'attention sur un volet méconnu de la recherche française, la recherche polaire. J'assiste dans mon département à la fonte et à la disparition de glaciers. Je rappelle que la France est une nation polaire grâce à l'excellence de sa recherche, par exemple avec l'Institut polaire Paul-Émile Victor. Il convient d'accorder les moyens nécessaires à la poursuite des recherches dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

J'ai une interrogation à propos des montants transférés entre 1993 à 2020 du budget de la recherche vers l'ESA. L'année 2020 est-elle une exception ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

Les universités pourront bénéficier du fonds de compensation du surcoût de l'énergie qui sera créé dans le projet de loi de finances rectificative, mais son périmètre, ses modalités et les conditions d'éligibilité n'ont pas encore été définis précisément. Comme je l'ai indiqué, les crédits nouveaux ne représentent en réalité que 150 millions d'euros. Les établissements pourront également bénéficier du dispositif général appelé « amortisseur électricité ».

Certains d'entre vous nous ont interrogés sur une éventuelle modification des conditions d'enseignement pour réduire la facture énergétique. Je rappelle que les universités sont autonomes. Elles peuvent décider d'organiser des cours en distanciel ou en présentiel à leur choix. Le Gouvernement ne semble pas avoir le souhait de fermer les universités au-delà de la période des vacances universitaires. L'université de Strasbourg a annoncé qu'elle allait fermer ses portes deux semaines supplémentaires cet hiver pour faire face à l'envolée des prix de l'énergie. Il s'agit d'une initiative locale. La généralisation d'une telle mesure n'est pas envisagée, et ne me semble d'ailleurs pas souhaitable, tant pour des raisons d'ordre psychologique, dans la mesure où les étudiants ont déjà connu l'expérience du covid, que pour des raisons financières : en raison de l'inertie énergétique des bâtiments, il revient plus cher de remettre en marche des locaux après les avoir fermés une semaine supplémentaire que de les laisser ouverts. J'ajoute que fermer temporairement un établissement d'enseignement supérieur qui abrite des laboratoires de recherche risquerait de mettre en péril des expérimentations en cours.

Debut de section - PermalienPhoto de Vanina Paoli-Gagin

M. Féraud a raison de souligner l'effet de ciseaux pour les Crous à cause de la hausse des coûts des denrées alimentaires, qui devrait s'établir à 10 % en 2023. Il faut financer les repas à 1 euro : alors que le coût d'un repas est de 8 euros environ, la compensation de l'État s'élève seulement à 3,5 euros, et la différence est à la charge des restaurants universitaires.

La Cour des comptes a publié un rapport sur le patrimoine immobilier des universités, dont les conclusions vont dans le même sens que notre rapport de 2020 : il manque 8 ou 9 milliards d'euros pour remettre à niveau les 18 millions de mètres carrés de locaux universitaires. Une part importante du parc immobilier est notée D ou moins dans le classement relatif à la performance énergétique des bâtiments, et comme le parc continue à se dégrader, on peut craindre que la situation n'empire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Les établissements de recherche ne devraient pas fermer temporairement pour limiter les surcoûts énergétiques. Nous avons noté un « avant » et un « après » cette annonce lors des auditions que nous avons menées. Monsieur Canévet, le projet de loi de finances rectificative prévoit que 55 millions d'euros devraient revenir en 2022 aux laboratoires de recherche pour les aider à compenser le surcoût de l'énergie.

La France avait une dette importante envers l'Agence spatiale européenne en 2017. Celle-ci a été comblée en 2019 et 2020. La hausse de crédits en 2020 s'explique également par les engagements pris par la France lors de la conférence interministérielle de l'ESA à Séville cette même année.

En ce qui concerne l'ANR, mon opinion a évolué par rapport à quelques années plus tôt. On pouvait raisonnablement craindre que cet organisme ne parvienne pas à financer la recherche. Aujourd'hui, le taux de succès sur les appels à projets s'élève à près de 25 % et le montant des financements octroyés s'élève à plus de 1 milliard d'euros. On peut donc considérer que l'objectif a été atteint. L'ANR est un bon opérateur. Le taux de préciput a également progressé. Il s'élèvera à 200 millions d'euros et 28,5 % en 2023. Il est vrai qu'il existe une forme de concurrence avec les appels à projets européens. L'ANR en a pris conscience. Les opérateurs ont d'ailleurs souvent embauché des chargés de projets pour monter les dossiers et répondre aux appels à projets européens.

Les opérateurs de recherche sur les pôles doivent passer par l'ANR. Le champ de ses appels à projets est vaste.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

L'Institut polaire français Paul-Émile Victor estime qu'il a besoin de 3 millions d'euros. Sylvie Retailleau a annoncé le déblocage d'une enveloppe d'urgence de 1 million d'euros. Nous devrons rester vigilants sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je précise que le fonds de compensation sera créé dans le PLFR. C'est pourquoi ses modalités restent encore imprécises.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nous examinons les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Dans son discours de clôture du Beauvau de la sécurité, en septembre 2021, le Président de la République avait annoncé un projet de loi de programmation pour la sécurité intérieure, dont le but était notamment « de penser la police et la gendarmerie de 2030 ». Une première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) a ainsi été déposée en mars 2022, en toute fin de quinquennat, et n'a pu être examinée par le Parlement. Une seconde version allégée a ensuite été élaborée. C'est cette version que le Sénat a examinée en octobre 2022. La loi comporte trois objectifs principaux : « être à la hauteur de la révolution numérique » ; « doubler la présence des forces de sécurité sur le terrain à l'horizon 2030 » et enfin « mieux anticiper les menaces et les crises ».

Le budget du ministère de l'intérieur passerait ainsi, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » et sans compter quelques programmes spécifiques, de 20,78 milliards d'euros en crédits de paiements (CP) annuels en 2022 à 25,29 milliards d'euros en 2027, soit une hausse significative de 4,51 milliards d'euros, en augmentation de 21,7 %. Au total, la hausse cumulée de budget du ministère de l'intérieur sur les cinq années 2023-2027 atteindrait 15 milliards d'euros.

Les crédits prévus pour 2023 pour la mission « Sécurités » s'inscrivent dans le prolongement de la Lopmi. Pour l'ensemble de la mission, la hausse des crédits s'élève à 1,55 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 1,43 milliard d'euros en crédits de paiement (CP). La hausse concerne l'ensemble des quatre programmes de la mission. Nous avions voté les crédits de cette mission les deux dernières années, car la police et la gendarmerie nationales bénéficiaient du concours des crédits du plan de relance. On pouvait donc légitimement se demander si l'effort d'investissement allait être maintenu avec la fin du plan de relance. Force est toutefois de constater que le projet de loi de finances poursuit et renforce surtout, en 2023, la trajectoire de hausse des dépenses de personnel constatée sur les précédents budgets, avec une augmentation de 4,96 % pour la police nationale et de 6,91 % pour la gendarmerie nationale.

Cette hausse s'explique tout d'abord par l'engagement du Président de la République et du Gouvernement d'augmenter les effectifs : le projet de loi de finances prévoit ainsi la création de 2 857 équivalents temps plein (ETPT) pour les deux forces, dont 1 907 pour la police nationale et 950 pour la gendarmerie nationale. La hausse des crédits du titre 2 s'explique aussi par la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, pour un coût de 164 millions pour les deux forces. Il faut enfin évoquer le poids des mesures catégorielles : 84,7 millions d'euros pour la police nationale et 71,80 millions d'euros pour la gendarmerie nationale. Ce montant est en forte hausse du fait des premières conséquences budgétaires des deux protocoles conclus en mars 2022 pour la police nationale et pour la gendarmerie nationale. J'ai souvent déploré, lors de l'examen des budgets des années passées, la dégradation du ratio entre les crédits de personnels, d'une part, et ceux de fonctionnement et d'investissement, d'autre part : ce ratio se stabilise en 2023, autour de 86,1 % en CP, mais nous devrons être vigilants, car il reste élevé. Il est aussi supérieur à celui de nos voisins : il s'établit autour de 75 % en Allemagne, entre 75 % et 80 % au Royaume-Uni, où le système est différent, et à 85 % en Espagne.

Un mot sur les rythmes de travail. L'année 2023 sera marquée par l'abandon du système de la vacation forte, mis en place en 2016, et que j'avais eu l'occasion de critiquer à plusieurs reprises. Selon l'inspection générale de la police nationale (IGPN), pour compenser la généralisation de ce régime de travail à l'ensemble des unités travaillant en régime cyclique, il aurait fallu envisager le recrutement de 4 542 ETP supplémentaires pour maintenir le nombre total d'heures travaillées. Ce chiffre est à comparer aux 10 000 postes qui ont été créés dans les forces de sécurité durant le dernier quinquennat. Un nouveau cycle de travail, qui a la faveur des syndicats, se met en place, dans lequel les agents doivent effectuer 140 vacations dans l'année de 12 heures et 8 minutes de suite. Reste à savoir si les agents pourront tenir pendant une telle durée dans la mesure où leur travail est très exigeant.

Le stock d'heures supplémentaires à apurer se réduit peu à peu ; la dotation qui a été prévue en 2020, 2021 et 2022 permet d'indemniser un flux annuel de 2 millions d'heures environ, correspondant à un volume identifié comme incompressible pour donner aux chefs de service des marges de manoeuvre opérationnelles, et de réduire peu à peu le stock accumulé d'heures supplémentaires. En 2023, il est prévu le relèvement de cette enveloppe de crédits dédiés à la campagne d'indemnisation des heures supplémentaires de 18,7 millions d'euros, pour atteindre 45,2 millions d'euros. Nous devons rester vigilants quant à la nécessité de ne pas laisser subsister un compte par agent d'heures supplémentaires non indemnisables trop important, au risque de déstabiliser fortement les services. En effet, les fonctionnaires peuvent liquider leurs heures supplémentaires avant leur départ à la retraite. Ces derniers étant juridiquement en congés et non en retraite, ils ne sont pas remplacés durant cette période, ce qui contribue à creuser un « trou » opérationnel, particulièrement prégnant dans certains services.

Une réforme est par ailleurs engagée pour doter la police nationale d'une réserve opérationnelle de police de 30 000 hommes à l'horizon de 2027, comme il en existe dans la gendarmerie, qui est dotée de 31 500 hommes et dont la mobilisation représente environ 1 900 ETP par jour. L'objectif semble particulièrement ambitieux. Il est peu probable que la réserve de la police sera suffisamment opérationnelle pour contribuer significativement à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024.

Enfin, ce projet de loi de finances ne comporte aucune disposition quant à une réforme de la police nationale. Celle-ci avait pourtant été annoncée : elle devait entrer en vigueur le 1er janvier 2023, mais le ministre a annoncé son report. Cette réforme aurait évidemment des conséquences financières.

Concernant le fonctionnement, nous pouvons dire que le principal effort qui est fait dans la Lopmi porte sur le numérique. Premièrement, il y a une explosion de la cybercriminalité - des rançons sont, par exemple, demandées à des citoyens ou à des entreprises. Le paradoxe est que les voyous se modernisent beaucoup plus rapidement que nos forces de police. Ce qui était simple avant devient plus compliqué pour ces dernières ; un investissement très significatif est donc effectué pour lutter contre la cybercriminalité. Deuxièmement, il y a une modernisation du numérique pour les agents de l'État, notamment dans les procédures et les outils informatiques. Enfin, nous faisons en sorte d'améliorer le fonctionnement des forces de sécurité vis-à-vis du citoyen, notamment en lui donnant la possibilité de porter plainte en ligne - pour les violences faites aux personnes, notamment.

Je constate par ailleurs que l'enjeu de la drogue reste particulièrement prégnant aujourd'hui. À titre d'exemple, via Cayenne, des mules viennent en nombre par avion pour importer de la cocaïne en provenance du continent sud-américain, le but étant de saturer nos services, puisqu'ils savent que nos forces de police ne peuvent arrêter que trois à quatre mules par vol, en raison des procédures médicales et policières associées. Pendant ce temps, les autres mules peuvent passer. Le procureur de Cayenne a pris des mesures, comme, par exemple, ne plus poursuivre une mule qui transporte une petite quantité, pour essayer d'arrêter ceux qui transportent le plus de drogue. Sur certains vols, il a été constaté que de 25 % à 30 % des passagers ne se présentaient pas lorsque la compagnie aérienne annonçait qu'un contrôle de police serait réalisé au départ.

S'agissant des véhicules, s'il y a une baisse des crédits de renouvellement pour 2023, il faut reconnaître que la police comme la gendarmerie ont bénéficié du plan de relance et ont donc été bien pourvues ces deux dernières années. Je suis toutefois méfiant sur l'effet stop and go : lorsqu'il y a eu une forte dotation, on a tendance à oublier ce poste dans les années qui suivent. Le parc est d'environ 32 000 véhicules pour chacune des deux forces. Le renouvellement est nécessaire : il maintient le parc et l'empêche de vieillir.

Un effort significatif a été effectué récemment pour la gendarmerie nationale, puisque 50 % des véhicules ont été renouvelés en cinq ans, entre 2017 et 2021. Pour autant, nous devons être vigilants, car il s'agit d'un outil essentiel pour la gendarmerie nationale. Une brigade de neuf gendarmes rayonne sur une surface comparable à la ville de Paris.

Toujours s'agissant du fonctionnement, deux autres points sont à noter. Un effort sera réalisé pour l'habillement compte tenu des deux événements internationaux que j'évoquais tout à l'heure. Par ailleurs, un changement est prévu sur la formation, puisqu'elle repasse progressivement à douze mois, contre huit aujourd'hui.

Concernant l'investissement dans l'immobilier de la police nationale - et cela contribue à m'inciter à donner un avis favorable à l'adoption des crédits- les crédits sont supérieurs à ceux de l'année dernière : 74 millions supplémentaires en AE et 56 millions en CP. Pour la police nationale, nous comptons 2 641 sites et 1,3 million de mètres carrés de surface. Le budget tient pour 2023 le rythme qui avait été donné dans le cadre du plan de relance.

Il y a un léger fléchissement pour la gendarmerie, mais elle avait été mieux dotée que la police ces dernières années. Néanmoins, une véritable interrogation politique peut se poser. La Lopmi a prévu la création de 200 nouvelles brigades - le territoire en compte actuellement 3 100. Il y a quelques années, le général Favier m'avait expliqué qu'il était difficile de rigidifier l'implantation des brigades au motif que, souvent, les collectivités territoriales payaient les bâtiments et qu'il n'était donc pas possible de supprimer des effectifs pour mieux les répartir sur le territoire. L'installation d'une brigade se faisait donc sur du long terme et grevait le budget. Ces 200 brigades supplémentaires sont bien accueillies par les territoires concernés et par la gendarmerie, mais en même temps l'immobilier existant se dégrade ; il ne bénéficie pas des crédits d'investissement qui étaient espérés au moment du plan de relance. Il convient donc d'être prudent, car créer des brigades, mais ne pas disposer de budgets d'investissement n'est sans doute pas une bonne orientation. Je vous rappelle en effet que les gendarmes sont logés dans les brigades ou les casernes. Telle est la réserve que j'émets.

Je vous propose donc de donner un avis favorable sur ces deux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Je tiens tout de même à souligner qu'il n'y a pas dans le budget de réserve pour une augmentation éventuelle des frais d'énergie. Sans doute cela fera-t-il l'objet d'un budget rectificatif.

S'agissant de la sécurité routière et du compte d'affectation spéciale « radars », je vous ferai part d'un point d'attention : le financement des kits de détection de drogues, notamment du cannabis. Dans 13 % des cas d'accidents mortels, il est constaté que les responsables ont consommé de la drogue. Pour l'instant, 500 000 dépistages de drogues sont effectués par an, contre plus de 9,4 millions pour l'alcool.

Par ailleurs, 200 millions d'euros seront investis en 2023 dans les radars, en particulier de nouvelle génération, faisant ainsi passer le nombre de 4 447 radars à 4 600 à fin 2023. Il s'agit d'une source de recettes supplémentaire pour l'État. L'État ne veut pas dépasser le seuil fatidique ou psychologique de 4 700 radars.

Je rappelle également que près de la moitié des départements sont repassés à une limitation de vitesse à 90 kilomètres par heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je saluerai tout d'abord l'augmentation globale des crédits, notamment les 120 millions d'euros dont bénéficieront les systèmes d'information et de communication de la gendarmerie. Cela permettra de poursuivre l'équipement des personnels en téléphone NEO2, qui est devenu un outil de travail essentiel pour l'ensemble de nos gendarmes.

Il faut ensuite se féliciter de l'augmentation des crédits destinés à la création de la future agence du numérique des forces de sécurité intérieure. À ce propos, nous avons été rassurés sur le fait que cette nouvelle agence sera bien construite à partir du service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (Stsisi), qui a fait ses preuves par le passé. En réalité, c'est un véritable retour en arrière par rapport à la réforme de 2020, qui avait créé la direction du numérique du ministère de l'intérieur. Cependant, nous nous en félicitons, car nous avions exprimé de fortes réserves sur cette réforme en son temps.

Concernant l'immobilier domanial, qui est pour nous un sujet de préoccupation récurrent, je redirai ce que nous avons souligné lors de l'examen de la Lopmi : ce texte n'est pas vraiment une loi de programmation, puisqu'il ne présente toujours pas d'échéancier de crédits pour remettre le parc domanial à niveau. Avec 150 millions d'euros en 2023, ce sont environ 25 euros qui seront consacrés à l'État pour chaque mètre carré de caserne. Or, nous estimons qu'il en faudrait quelque 60 par mètre carré. Nous attendons à ce sujet que l'amendement que nous avons déposé, et qui a été adopté dans la Lopmi, prévoyant une remise à niveau pérenne des crédits d'investissement immobiliers, reçoive une traduction concrète de la part du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Paul

D'abord, comme l'a dit le rapporteur spécial, ce sont 15 milliards d'euros supplémentaires qui seront attribués à nos forces de sécurité avec la LOPMI. Un effort considérable qui était très attendu, avec notamment la création de postes de policiers et de gendarmes - 950 postes de gendarmes sont prévus pour 2023, avec un montant de crédits supplémentaires de 349 millions d'euros. En outre, il est prévu, pour « mettre plus de bleus dans la rue », d'augmenter les forces de réserve, les faisant passer de 30 000 à 50 000 pour la gendarmerie nationale. Il faudra cependant être vigilants, car nous le savons, à partir du mois d'octobre - et de juillet dans certains départements -, il n'y a plus d'argent pour les financer. Je n'ai pas besoin de le rappeler, mais les gendarmes ont de plus en plus de mal à se loger, les loyers étant très chers, et l'explosion du prix du carburant met encore plus à mal les budgets alloués.

Concernant les 200 brigades qu'il est prévu de créer, je précise que deux tiers d'entre elles seront des brigades fixes et un tiers des brigades volantes. Beaucoup de territoires sont en attente de cette création, quelque 500 gendarmeries ayant été fermées il y a plusieurs années. C'est la raison pour laquelle nous avions voté un amendement lors de l'examen de la Lopmi visant à associer les élus des collectivités locales qui seront sollicitées pour construire les bâtiments. L'État a promis une dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) à un taux pouvant aller jusqu'à 30 % pour les communes de 20 000 habitants et plus.

Pour ce qui est de l'immobilier, nous avons beaucoup insisté sur le fait que, selon les estimations effectuées, le parc immobilier nécessiterait tous les ans 300 millions d'euros ; 100 millions pour l'entretien des casernes existantes et 200 millions d'euros pour la création de bâtiments neufs. Il conviendra également d'être vigilant sur ce point, même si dans l'ensemble ce programme est positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Je souhaiterais ajouter, concernant les 200 brigades, que les consultations sont déjà lancées sur les territoires par les préfets. Je vous demande donc d'être vigilants, et de vous assurer que les élus locaux y soient associés en amont, en étant à l'initiative des demandes. En effet, j'ai l'impression que les consultations avaient été lancées avant même que la Lopmi n'arrive devant le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Pierre Vogel

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une dotation de près d'1,1 milliard d'euros en AE et de 640,6 millions d'euros en CP sur le programme « Sécurité civile », soit une augmentation substantielle de près de 58 % en AE et de 13 % en CP par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cette hausse est particulièrement bienvenue, au lendemain d'un été marqué par les feux de forêt d'une ampleur exceptionnelle.

Par ailleurs, ces montants ne prennent pas en compte les annonces du Président de la République le 28 octobre dernier, lesquelles ont donné lieu au dépôt d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, repris dans le texte transmis au Sénat, majorant de 150 millions d'euros en AE et de 37,5 millions d'euros en CP les crédits du programme.

Si les mesures annoncées constituent des avancées à certains égards, on peut toutefois regretter que ces annonces interviennent en plein examen du projet de loi de finances par le Parlement, ce qui nuit considérablement à la visibilité des crédits du programme, d'autant plus que certaines des mesures annoncées entrent en contradiction avec les informations transmises par le ministère de l'intérieur.

Je voudrais tout d'abord m'attarder sur l'enjeu du soutien de l'État en faveur des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), et plus particulièrement sur la concrétisation en 2023 des « pactes capacitaires » qui permettront, dans le cadre de cofinancement entre l'État et les collectivités locales, de porter des projets d'investissement dans des besoins opérationnels des Sdis, qui seront ensuite mutualisés au sein d'une même zone défense de sécurité.

La concrétisation de ces pactes capacitaires doit ainsi être saluée, et fait par ailleurs l'objet d'une attente très forte de la part des Sdis, comme j'ai pu le constater lors de mon déplacement dans les Bouches-du-Rhône.

Le montant initialement prévu pour ces pactes capacitaires, de 30 millions d'euros sur cinq ans pour 100 Sdis, dont seulement 8 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP pour 2023, apparaissait toutefois particulièrement faible au regard des besoins d'investissement des Sdis. L'enveloppe de 150 millions d'euros ajoutée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale est à cet égard bienvenue, mais s'inscrit dans le cadre de la compensation de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), sur laquelle l'État s'est déjà engagé. On peut donc difficilement présenter cette enveloppe comme un renforcement de l'effort financier de l'État en faveur des Sdis, puisqu'elle repose sur un procédé de budgétisation consistant en réalité à leur réaffecter une recette qui bénéficiait déjà dans les faits à leurs principaux financeurs, à savoir les collectivités locales.

J'en viens maintenant à l'enjeu du dimensionnement et du renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, qui a été au coeur de l'actualité lors de la saison des feux de cet été.

À cet égard, ce projet de loi de finances constitue une avancée, puisqu'il concrétise le renouvellement de la flotte des hélicoptères Dragons vieillissante, qui avait été amputée ces dernières années de plusieurs appareils, suite à des accidents. Ainsi, l'augmentation des autorisations d'engagement du programme en 2023 est en grande partie portée par la commande de 36 nouveaux hélicoptères, annoncée dans le cadre de la présentation du projet de la Lopmi, et concrétisée dans ce PLF pour 2023 par l'inscription de 471,6 millions d'euros en AE, soit environ 13 millions d'euros par appareil. Ces hélicoptères, contrairement à la flotte de Dragons actuelle, seront équipés d'une capacité de largage d'eau importante et pourraient dès lors utilement être mobilisés pour la lutte contre les feux de forêt.

La saison des feux en 2022 a également souligné la nécessité de compléter et de renouveler la flotte de Canadairs vieillissante. Notre flotte d'avions amphibies bombardiers d'eau devrait ainsi être portée à 16 appareils à l'horizon de 2027, grâce à l'acquisition de deux appareils financés à 90 % par l'Union européenne (UE), puis par l'achat de deux appareils sur fonds nationaux. Nous pouvons toutefois émettre des doutes sur la crédibilité de l'annonce du Président de la République d'un renouvellement intégral des 12 Canadairs existants à l'horizon de 2027. En effet, la chaîne de production des Canadairs vient seulement d'être relancée, et il ressort de mes auditions qu'il est très peu probable que la France puisse obtenir la livraison d'autant d'appareils dans un délai aussi court.

Je tiens enfin à attirer votre attention sur le fait que l'enjeu du renforcement des moyens aériens de la sécurité civile ne peut être envisagé sous le seul prisme capacitaire. Les problématiques de prévention du risque, de gestion des ressources humaines ou encore du dimensionnement des infrastructures nécessaires au fonctionnement opérationnel de la flotte doivent également être prises en considération.

J'ai notamment eu l'occasion de rencontrer, dans le cadre de mon déplacement à Nîmes le 13 octobre dernier, les services de la base aérienne de la sécurité civile (Basc), qui ont indiqué rencontrer des difficultés pour recruter et fidéliser des pilotes de la sécurité civile, dont la rémunération est en moyenne trois fois inférieure à celle des pilotes des compagnies aériennes commerciales. Ainsi, quel serait l'intérêt d'acquérir de nouveaux appareils, si nous ne disposons pas, par ailleurs, des ressources pour les piloter ?

Le présent projet de loi finances prévoit certes des mesures de revalorisation pour les personnels navigants, estimées à 1,5 million d'euros, mais celles-ci devront à l'avenir être doublées d'une véritable stratégie de valorisation du métier de pilote de la sécurité civile.

Je conclurai mon propos en évoquant le projet de mutualisation des systèmes d'information des SDIS, NexSIS 18-112. L'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), qui est chargée du projet, nous a fait part de difficultés, qui se sont traduites par des retards importants dans le déploiement effectif de NexSIS. Ces retards ont entamé la confiance des Sdis dans la concrétisation du projet, et ont de fait fragilisé la situation économique de l'agence, puisque les SDIS sont largement impliqués dans le financement de NexSIS par leurs contributions volontaires.

Si le déploiement effectif au sein du Sdis préfigurateur de Seine-et-Marne devrait permettre de rétablir cette confiance, il sera par ailleurs essentiel que les contributions des Sdis soient complétées par un soutien renforcé de l'État en faveur de l'agence, et notamment de ses moyens humains qui apparaissent aujourd'hui bien trop faibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Je voudrais tout d'abord féliciter les deux rapporteurs spéciaux pour la qualité de leurs exposés qui nous permettent de bien appréhender la situation de deux missions importantes.

Monsieur Vogel, concernant la flotte aérienne, si des engagements ont été pris quant au renouvellement de la flotte d'hélicoptères, qu'en est-il de la flotte d'avions, qui est, elle aussi, vieillissante ? Quel est le facteur limitant à ce renouvellement ? Est-ce l'absence de modèle idéal ou faut-il attendre que l'usine de Canadairs se remette en route ?

J'interrogerai M. Dominati sur les questions liées à la gendarmerie. Les moyens affectés à la gendarmerie pour l'immobilier sont trois fois moins importants par rapport à ceux qui sont dévolus à la police. Cela veut-il dire qu'un effort avait été fait antérieurement ?

Par ailleurs, les écoles de gendarmerie sont-elles bien dimensionnées pour assurer la formation d'un grand nombre de gendarmes ?

Concernant le parc de véhicules, le renouvellement intègre-t-il les préoccupations environnementales ? D'autres modes de propulsion des véhicules sont-ils prévus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Briquet

Je remercie les rapporteurs pour tous les éléments d'analyse qu'ils nous ont livrés.

Ma question concerne les gendarmeries, puisque la création de 200 brigades a été annoncée. Le plan de déploiement de ces gendarmeries est actuellement relayé par les préfets dans le cadre d'un appel à projets en direction des collectivités. Je partage l'inquiétude soulevée quant au financement desdites gendarmeries. Si nous ne pouvons que saluer cette annonce d'un plus grand maillage des forces de gendarmerie dans les territoires, les brigades actuelles - au-delà de la question des bâtiments - disposent-elles des moyens humains et matériels suffisants pour mener à bien leurs missions dans de bonnes conditions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Ma question est relative aux effectifs de gendarmerie et de police. Vous avez indiqué, monsieur Dominati, que l'année 2024 sera spéciale, avec notamment les Jeux Olympiques, et elle sera particulièrement tendue pour les forces de sécurité en matière de congés. Vous le savez, en été, les forces de sécurité sont appelées en renfort, à la fois sur nos plages et au sein des pôles touristiques importants. Avez-vous des informations sur la façon dont tout cela sera organisé, sachant que les effectifs seront fortement mobilisés sur les grands événements.

M. Vogel a évoqué son déplacement à Nîmes ; or je pense que nous devons être exemplaires sur la question de la flotte. En effet, Nîmes a fait une demande au niveau européen pour être centre de référence sur la sécurité civile, mais aussi agence de référence au niveau européen pour la sécurité civile. De fait, le discours un peu négatif qui est porté n'est pas forcément bon. En êtes-vous conscient ?

Debut de section - PermalienPhoto de Eric Jeansannetas

Je remercie les rapporteurs spéciaux pour leurs exposés, ainsi que les rapporteurs pour avis de nous avoir éclairés de manière supplémentaire.

Si nous pouvons nous satisfaire des crédits de cette mission, il y a aussi des points de vigilance. Je reviendrai sur le volet immobilier : disposons-nous aujourd'hui d'un état des lieux en termes énergétiques des bâtiments de la gendarmerie nationale et des locaux de la police nationale, qui sont globalement des passoires thermiques ? Il est nécessaire d'avoir des crédits supplémentaires en vue d'investissements importants.

Par ailleurs, une question se pose pour le recrutement et la montée en charge des réserves. L'appareil de formation de la police et de la gendarmerie sera-t-il au rendez-vous ? Un effort budgétaire est-il réalisé en direction des outils de formation ? Avons-nous le personnel nécessaire pour former les gendarmes - nous passons de huit à douze mois de formation avec une ambition assez élevée pour la réserve ?

Enfin, s'agissant de la sécurité civile, vous avez noté que les déclarations du Président de la République sont venues percuter la discussion et la préparation budgétaires. Les Sdis vont être impactés. Le financement est largement assuré par les collectivités territoriales. Avons-nous une idée de l'impact financier sur ces dernières de la nouvelle organisation des Sdis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je remercie également nos rapporteurs spéciaux pour leurs exposés ainsi que nos deux rapporteurs pour avis pour leurs remarques judicieuses.

Nos collègues des commissions des affaires étrangères et de la défense ont évoqué le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, avec notamment des moyens financiers supplémentaires et la création de 200 brigades, alors qu'il y a quelques années des brigades ont été fermées dans plusieurs départements. Comment seront choisis les lieux d'implantation de ces brigades et surtout qui sera le maître d'ouvrage pour construire les casernes ? Cela vaut aussi pour la sécurité civile, car nous avons des difficultés à recruter et à fidéliser des sapeurs-pompiers. Comment s'articulera l'attractivité de ces métiers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Je souhaiterais également attirer l'attention des rapporteurs sur les conditions de financement des constructions des nouvelles brigades de gendarmerie. En l'espace de huit jours, j'ai rencontré deux maires qui m'ont fait part de leurs difficultés à concrétiser cette construction, alors qu'ils avaient obtenu l'accord de la direction de la gendarmerie.

Nous connaissons le principe : la commune met à disposition le foncier et trouve un bailleur qui construit. Mais il s'avère qu'aujourd'hui les bailleurs se font tirer l'oreille, parce qu'ils n'arrivent pas à équilibrer leur opération, en raison, paraît-il, d'un décret de décembre 2016, qui met en valeur deux points : d'une part, la durée du bail limitée à neuf ans et, d'autre part, le montant trop faible de la location par unité logement, notamment pour les brigades inférieures à vingt unités logement. Ce décret devrait, semble-t-il, être actualisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

J'évoquerai également l'immobilier, car il reflète l'ambiance dans les casernes : lorsque l'on regroupe deux anciennes brigades, la moitié des gendarmes vit dans des bâtiments neufs, tandis que l'autre moitié vit dans des taudis. Tout l'immobilier que l'État a gardé est en ruines. C'est un constat d'échec. Et si les bâtiments transférés aux collectivités locales sont en bon état, celles-ci ne peuvent pas toujours en supporter le coût.

Les CP sont en baisse. Avons-nous une idée de la masse financière qui serait nécessaire pour arriver à loger dignement nos gendarmes ? Je vous assure que, dans mon département, certains vivent dans des logements indignes, et le fait que d'autres gendarmes vivent dans des logements neufs crée des tensions dans les compagnies.

S'agissant de la sécurité civile, le projet Antares a été un fiasco. Si NexSIS en est un aussi, je ne sais pas ce que feront demain les Sdis quand nous leur dirons que le nouveau modèle de communication ne fonctionne pas ; nous ne pouvons pas nous tromper.

Enfin, concernant la flotte aérienne, je m'interroge : connaissez-vous les raisons pour lesquelles l'Airbus A400M ne peut être utilisé pour lutter contre les feux de forêt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Pierre Vogel

Tout d'abord, s'agissant de la flotte d'avions, nous avons appris que l'industriel ne pouvait relancer la fabrication des Canadairs que s'il avait une commande de plus de vingt appareils, le budget pour relancer la chaîne de fabrication étant de 850 millions d'euros. C'est pourquoi l'annonce qui a été faite d'acheter seize Canadairs d'ici à 2027 n'est pas raisonnable. Si nous nous en procurons deux, voire quatre, ce serait déjà bien.

Par ailleurs, de tels appareils doivent être livrés dans un délai relativement court, car les pilotes formés sur d'anciens Canadairs auraient des difficultés à piloter des avions qui ne seraient pas issus de la même fabrication.

En ce qui concerne la base aérienne de Nîmes, il a été rappelé et acté dans la Lopmi que ce serait bien un hub européen. A priori le ministère chargé de la sécurité civile est propriétaire de surfaces foncières relativement importantes, d'une quarantaine d'hectares. Par contre, nous avons pu constater qu'à certains endroits le tarmac était dégradé. Et la question se pose de savoir qui doit financer la remise en état du tarmac. Il faudrait, en cas d'augmentation du nombre de bombardiers d'eau ou d'avions de la sécurité civile qui seraient stationnés à Nîmes, bénéficier de remises en surface suffisamment importantes pour pouvoir abriter les avions et assurer la maintenance en conditions opérationnelles. C'est la raison pour laquelle il ne faut qu'une seule base de référence et qu'elle soit à Nîmes pour pouvoir assurer la maintenance dans des conditions satisfaisantes, car cela nécessite à la fois de la ressource humaine et des pièces détachées en nombre suffisant. D'ailleurs, un Canadair est resté cloué au sol l'été dernier en raison d'une problématique d'approvisionnement de pièces détachées.

En revanche, il faut soulever les véritables problèmes liés, d'une part, à la ressource humaine et aux pilotes et, d'autre part, à la concurrence qui existe avec la flotte commerciale qui a repris depuis l'apaisement de la crise sanitaire.

L'impact financier des colonnes de renfort sur les Sdis est difficile à évaluer, mais si nous prenons le pacte capacitaire des 150 millions d'euros sur cinq ans, cela fait une moyenne de 30 millions d'euros divisés par 100 Sdis, soit 300 000 euros chacun. L'État les financerait à hauteur de 50 %, et les Sdis prendraient en charge l'autre moitié, l'impact ne serait donc pas très significatif.

S'agissant de la difficulté de recruter des sapeurs-pompiers volontaires, le Président de la République a fait des annonces pour favoriser le volontariat et créer un statut spécifique de sapeurs-pompiers volontaires. Il a aussi fait des annonces sur les conventions de mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires par les employeurs privés qui pourraient être sur une durée plus longue avec une meilleure indemnisation, sachant que, en vérité, le recrutement se fait localement, notamment via les maires et les chefs de centre. Ce n'est donc pas forcément une meilleure indemnisation qui déciderait un employeur à libérer l'un de ses employés qui travaille sur une chaîne de production, si celle-ci devait s'arrêter. Cependant, il faut le dire, certaines annonces sont bien reçues par la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

Il est vrai qu'Antares a été un vrai problème, mais ce n'est pas le cas de NexSIS. Le nouveau directeur nous a indiqué que NexSIS irait jusqu'au bout, car il n'y a pas d'autre choix ; NexSIS est un bon système, il doit aboutir et il aboutira. Des engagements de création de postes ont déjà été pris, même s'ils sont encore insuffisants, mais surtout l'État doit soutenir financièrement NexSIS. Ainsi, les Sdis reprendront confiance et accepteront de continuer à le financer sur leur budget - il existe notamment une procédure qui leur permet de participer via leur budget d'investissement, qui est plus souple que le budget de fonctionnement.

Je n'ai donc pas de crainte sur l'aboutissement de NexSIS, mais il ne faudrait pas que le projet prenne du retard, car cela nuirait à sa crédibilité et à la confiance que lui accorderaient les Sdis.

Concernant les Airbus A400M, une très bonne publicité a été faite avec l'atterrissage de l'un d'eux sur une plage bondée. Selon les professionnels, il est nécessaire de les voir en action et non pas uniquement sur des photos de synthèse ou de montage. Mais il semblerait que ces avions ne soient pas totalement au point, et vu les délais nécessaires pour obtenir un Canadair, je ne suis pas certain que ce type d'avion pourrait être, aujourd'hui, disponible et opérationnel pour les pilotes dans les trois ou quatre prochaines années. Sachant que le dernier Dash, le huitième, arrivera l'année prochaine.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas compter que sur les Canadairs ; il faudrait ajouter les Dash, les hélicoptères légers et les hélicoptères lourds qui peuvent contenir une réserve d'eau dans une espèce de big bag important.

Pour revenir à l'A400M, les pilotes que nous avons rencontrés demandent à les piloter en réel pour pouvoir juger, mais il semblerait que, techniquement, ils ne soient pas prêts à servir en tant que bombardiers d'eau.

Je proposerai néanmoins de poursuivre les investigations sur la flotte avionique de bombardiers d'eau, car il semblerait que plusieurs constructeurs soient en capacité de proposer des appareils, alors qu'aujourd'hui nous ne parlons que des Canadairs et des Dash. Cela mériterait peut-être l'organisation de nouvelles auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Le coût de mise au point d'un avion comme l'A400M sur une application nouvelle est considérable. Et le temps de validation de l'avion dans sa nouvelle configuration est un programme en soi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

D'abord, en ce qui concerne les véhicules, les questions d'écologie ne sont pas oubliées. Ainsi, dans le cadre du plan de relance, 2,8 millions d'euros ont été consacrés à l'installation de prises électriques pour la police nationale, par exemple. En outre, un effort important est consenti annuellement pour doter la police et la gendarmerie de véhicules électriques.

Par ailleurs, en matière de moyens humains et matériels, on peut s'interroger sur l'opportunité des créations de brigades. La question se pose depuis des années de revoir la carte des compétences territoriales de la police et de la gendarmerie. Cette dernière, dont les brigades sont souvent situées dans les périphéries de zones urbaines et qui sont de plus en plus confrontées à la criminalité, a besoin d'être renforcée. Cependant, la carte n'ayant pas évolué, nous avons recours à l'installation de brigades, financées par les collectivités territoriales. Le Gouvernement devrait commencer par arbitrer et revoir la carte dans un certain nombre de départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Le ministre Darmanin a dit lui-même à Toulouse qu'il n'en avait pas l'intention.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

En effet, il a dit que c'était prématuré, comme l'ont fait ses prédécesseurs, alors que ce problème des périphéries est lancinant.

Ensuite, en termes d'investissement immobilier, l'effort fourni n'est pas le même pour la police et la gendarmerie. Certaines régions cherchent à investir dans l'immobilier de la police tandis que dans la gendarmerie, les collectivités territoriales investissent dans les brigades. J'aurais préféré que le budget consacré par la Lopmi à la création des brigades soit dédié à l'investissement, compte tenu de l'état de dégradation de nombreux locaux existants.

Pour donner une idée, en parallèle des 143 millions d'euros d'AE investis dans l'immobilier de la gendarmerie en 2023, le relèvement du point d'indice et les mesures catégorielles représentent à eux seuls un coût de 138 millions d'euros pour elle, sans compter le coût de l'augmentation des effectifs. Cette question des équilibres entre dépenses d'investissement et dépenses de personnel mériterait un vrai débat.

J'avais été frappé il y a quelques années par les arguments fondés du directeur général de la gendarmerie d'alors, le général Favier, expliquant que les petites brigades posaient problème parce qu'elles manquaient d'efficacité opérationnelle, mais qu'il n'était pas possible d'en réduire les effectifs puisque les communes avaient investi. Il aurait donc fallu développer une stratégie de long terme consistant à privilégier les brigades mobiles ou à restreindre le champ des brigades, mais nous avançons dans le sens inverse. Par ailleurs, comme il s'agit de créer 200 brigades, ce qui représente un objectif ambitieux, les difficultés liées au déploiement et aux appels d'offres devraient conduire à l'utilisation de brigades mobiles et à l'usage d'une certaine souplesse.

En 2021 et 2022, la gendarmerie nationale avait bénéficié au titre du plan de relance de 90 millions d'euros d'investissement supplémentaires dans l'immobilier. Cette année, la police rattrape donc un peu la gendarmerie en termes d'investissement immobilier. Le directeur général de la gendarmerie nationale m'assure d'ailleurs être satisfait de ce budget, les moyens étant présents en termes de véhicules, mais aussi de formation, tout en soulignant les enjeux en termes d'immobilier.

L'école des officiers est revenue au système antérieur quant au temps attribué à la formation. En effet, pour accélérer le recrutement et l'entrée en fonction après les attentats, les sessions avaient été raccourcies, et nous reprenons désormais progressivement un rythme plus raisonnable, sur 12 mois.

Pour conclure, j'invite les élus à réfléchir à l'opportunité de la création des brigades, qui est toujours très populaire sur un territoire. Cependant, si une partie de ce budget pouvait être transférée dans l'investissement, ce serait une bonne chose.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 46 ter

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Cet article vise à tirer les conséquences des négociations ayant conduit à l'intégration de mesures catégorielles dans les protocoles de mars 2022 dans la police et la gendarmerie nationale. Des primes ayant été prévues concernant les agents de terrain et opérationnels, les personnels de soutien se voient également attribuer une indemnité. Il s'agit d'une indemnité de sujétion spécifique pour les personnels administratifs, techniques et spécialisés de la police nationale et les personnels civils et des corps militaires de soutien de la gendarmerie nationale.

Le présent article prévoit, conformément à ce qu'annonçaient les protocoles, que les personnels concernés admis à faire valoir leurs droits à la retraite à compter du 1er juillet 2023 bénéficient d'un complément de retraite au titre de l'indemnité de sujétion spécifique qu'ils ont perçue au cours de leur carrière.

Si les incidences financières précises de cette disposition n'ont pas été communiquées par le Gouvernement, mon avis est favorable.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 46 ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

En ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », quel est votre avis, monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

De mon côté, je suis favorable à une suppression pour des raisons déjà évoquées devant le ministre. Des problèmes insolubles se posent en raison de l'existence de ce CAS.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Les crédits de la mission « Défense » s'élèvent à 62 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 53,1 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Sans compter les pensions et à périmètre courant, les CP progresseraient donc de 3 milliards d'euros, pour s'établir à 44 milliards, dans un strict respect de la marche prévue par la loi de programmation militaire (LPM) pour 2019-2025. En 2023, les crédits de la mission seraient donc supérieurs de 8 milliards d'euros à ceux de 2019.

Ainsi, d'un strict point de vue budgétaire, la LPM aura été respectée chaque année depuis 2019, ce dont nous nous félicitons. Cependant, si elle est respectée d'un point de vue budgétaire, elle ne l'est pas d'un point de vue capacitaire.

Le prélèvement de 24 avions Rafale d'occasion sur la dotation de l'armée de l'air et de l'espace, pour les besoins d'un export au profit de la Grèce et de la Croatie, constitue à ce titre une profonde remise en cause de l'objectif fixé par la LPM à l'horizon de 2025 pour la flotte de Rafale.

Par ailleurs, dans le cadre de l'actualisation stratégique présentée en 2021, plusieurs ajustements ont été effectués par rapport aux priorités de la programmation initiale, dans un contexte d'évolution des menaces. Le périmètre de cette actualisation représente au moins 3 milliards d'euros, ce qui entraîne des retards dans la mise en oeuvre de plusieurs programmes d'armement. Nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées l'évaluent même à au moins 8,6 milliards. Il ne s'agit donc pas tout à fait de l'épaisseur du trait...

Alors qu'une actualisation législative en bonne et due forme se justifiait pleinement, le Gouvernement s'est contenté d'une déclaration devant les assemblées au titre de l'article 50-1 de la Constitution, ce qui ne représente pas une modalité d'association suffisante du Parlement.

Les conséquences de la ponction des 24 Rafale - soit près de 20 % du parc - se font aujourd'hui gravement ressentir sur la capacité de l'armée de l'air et de l'espace à remplir son contrat opérationnel. De plus, elle affecte de façon grave et durable la formation des pilotes de chasse, dont le nombre annuel d'heures de vol passerait de 162 à 147 en 2023, loin de l'objectif fixé par la LPM.

En outre, notre potentiel opérationnel est affecté par la cession de 18 canons Caesar aux forces armées ukrainiennes - soit près du quart du parc de l'armée de terre.

Les commandes de recomplètement de notre flotte de Rafale - pour un montant de plus de 2,5 milliards d'euros - et du parc de canons Caesar - pour près de 80 millions d'euros - sont financées sous enveloppe LPM, dans l'attente de la prochaine programmation annoncée pour le premier trimestre de l'année prochaine.

Cette année, nos armées ont également été mobilisées sur le flanc Est de l'Europe, dans le cadre des missions de réassurance de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan). À ce titre, la France intervient notamment comme nation-cadre de la mission AIGLE en Roumanie. Le surcoût de cette projection de nos armées s'élève à près de 700 millions d'euros en 2022 et il est déjà estimé à environ 250 millions d'euros pour 2023. Il doit faire l'objet d'un financement grâce à l'ouverture de crédits dans le cadre du projet de loi de finances rectificative en cours d'examen.

Cependant, comme les années précédentes, les surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) - liés notamment à la ré-articulation en cours du dispositif Barkhane au Sahel - seraient financés par des redéploiements internes à la mission, sous enveloppe LPM, contrairement aux dispositions de son article 4. Ces surcoûts représentent près de 400 millions d'euros.

Par ailleurs, l'exercice 2023 sera marqué par l'impact de l'inflation sur le budget des armées, évalué à 1 milliard d'euros. Afin que cet impact ne conduise pas à absorber le tiers de l'augmentation des crédits, le Gouvernement a fait le choix de le financer par reports de charges sur l'année 2024, privilégiant ainsi l'affichage d'un respect strict de la marche prévue par la LPM plutôt que le reflet fidèle des besoins des armées. Cette méthode, qui revient à créer de la dette dans la dette, me paraît constitutive d'une forme d'insincérité. À l'heure où le Gouvernement parle d'« économie de guerre » et attend une réactivité accrue de la part des industriels, il paraît malvenu de laisser entrevoir un paiement différé, lui-même générateur d'agios.

En outre, le rapport fait le point sur la disponibilité technique opérationnelle des équipements des trois armées, qui reste globalement en deçà des objectifs, avec un point de vigilance qui perdure s'agissant des hélicoptères de l'armée de terre. Certes, des efforts importants ont été consentis ces dernières années en matière de maintien en condition opérationnelle, notamment grâce à la conclusion avec les industriels de larges contrats verticalisés, dont il conviendra d'évaluer l'efficacité.

Le rôle du budget des armées étant également de préparer l'avenir, je souhaiterais conclure mon propos en évoquant le projet du système de combat aérien du futur (Scaf), lancé en 2017 et mené en coopération avec les Allemands et les Espagnols.

Le projet consiste à rassembler et connecter des moyens de combat, autour d'un nouvel avion de chasse polyvalent et en ayant recours à l'intelligence artificielle. Ce futur avion devra aussi répondre aux exigences opérationnelles des armées françaises puisqu'il devra assurer la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire et être « navalisable », c'est-à-dire en mesure de pouvoir apponter sur le nouveau porte-avions.

Toutefois, les négociations ont pris un sérieux retard. Ainsi, l'accord devant fixer le cahier des charges du nouvel avion, en vue du lancement de la phase de démonstration prévue pour l'an prochain, n'a toujours pas été signé.

Chaque jour de retard supplémentaire dans les négociations est un jour perdu pour la préparation des armées françaises à la guerre aérienne du futur, alors même que les besoins opérationnels ont été exprimés avec la plus grande clarté par nos chefs d'états-majors.

Dans ce contexte, il me semble nécessaire d'envisager la possibilité d'une alternative nationale au Scaf. Si le « plan A » doit demeurer celui de la poursuite de la coopération engagée, je propose d'adopter un amendement destiné à financer des études supplémentaires pour permettre d'explorer la faisabilité d'un « plan B », qui soit national. Je précise cependant que cet amendement vise avant tout à engager un débat avec le Gouvernement, pour le forcer à se positionner sur le sujet et à s'engager sur un calendrier.

Sous réserve de l'adoption de cet amendement, et à un an d'une nouvelle LPM, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Ma première question concerne la ponction de 24 avions Rafale prélevés sur la dotation de l'armée de l'air ; ce type d'opération est-il habituel ? De plus, vous insistez sur le trou capacitaire qui doit durer jusqu'en 2027 ; comment expliquer que de telles décisions aient été prises ?

Ensuite, au sujet du Scaf, vous semblez à la fois pessimiste et réaliste, ce qui vous pousse à prévoir ce « plan B ». L'espoir de voir aboutir un compromis est-il donc si ténu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Je remercie particulièrement M. de Legge de nous avoir éclairés sur l'impact de l'inflation, sur ce qu'il reste des 3 milliards d'euros supplémentaires en 2023 et sur l'effet de cavalerie sur l'année 2024, qui ne pourra pas être reproduit chaque année. Ainsi, entre l'inflation et l'augmentation du coût de l'énergie, nous sommes loin des 3 milliards d'euros prévus.

Par ailleurs, le financement de notre soutien à l'Ukraine reste obscur. Passe-t-il par d'autres voies ? Comment les dons de matériel sont-ils compensés ? De plus, la France est aujourd'hui mise à l'index pour être l'un des plus faibles fournisseurs d'armement à l'Ukraine et le président de la République vient de s'engager à doubler cette aide. Quel sera l'impact sur le budget de la défense pour 2023 et sur les privations de matériel pour nos armées ? Je précise que je ne conteste pas la nécessité d'aider les Ukrainiens en matière d'armement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Je ne m'inquiète pas du respect de la LPM, mais celle-ci ne porte visiblement pas le bon nom puisqu'il s'agit en fait d'une loi de moyens. En effet, les programmes sont déprogrammés. De plus, ni les moyens ni l'entraînement des forces ne sont au rendez-vous. Ne faudrait-il pas prévoir une loi de programmation révisée plutôt que de continuer à dire qu'on respecte budgétairement quand on n'atteint pas les objectifs fixés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Premièrement, les forces militaires participent depuis plusieurs années à la sécurité intérieure dans le cadre de l'opération Sentinelle. Des interventions militaires ont-elles toujours lieu dans ce cadre ? A-t-on une idée de leur coût ?

Deuxièmement, en ce qui concerne la Journée défense et citoyenneté (JDC), le service national universel (SNU) et l'objectif de susciter des vocations chez les jeunes, quelles sont les perspectives d'évolution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Ma question porte sur l'amendement proposé par le rapporteur. Les programmes militaires franco-allemands sont compliqués, dans tous les domaines. Ils prennent souvent beaucoup de temps et n'aboutissent pas toujours. Les Allemands semblent se désintéresser du développement d'équipementiers européens et préférer acheter sur étagère aux Américains. À ce titre, le Scaf ressemble à de nombreux programmes précédents. Depuis 2017, rien n'a bougé et les industriels ne se sont pas mis d'accord. Je suis inquiet pour notre industrie de défense. En effet, les Français semblent bien seuls à soutenir l'idée d'une industrie de défense européenne solide et, sans commande européenne, le marché ne peut se développer. Cependant, j'ai un doute quant à l'idée de remplacer un système franco-allemand en difficulté par un système français, dans l'état de nos capacités budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

La France a longtemps connu une position de leadership dans les domaines de l'avionique et de l'espace. Elle devrait avoir la capacité d'entraîner les Européens sur cette question et je regrette qu'elle ne l'ait pas, notamment en ce qui concerne l'espace, domaine dans lequel nous serons bientôt dépassés. Je ne comprends pas pourquoi nous n'avons plus les moyens de peser et d'exercer un leadership fort.

En ce qui concerne le Scaf, je suis d'accord avec Dominique de Legge : il faut prévoir un plan B. Par ailleurs, cela pourra peut-être stimuler et aider les Allemands à retrouver un chemin européen sur les questions de défense et d'espace.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Je voudrais profiter de la présence des rapporteurs des missions « Défense » et « Recherche et enseignement supérieur ». À titre d'exemple, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) procède à de la recherche duale, civile et militaire, en matière de nucléaire. Qui porte les dépenses liées à la dissuasion nucléaire ? Les armées ? À combien s'élève le montant consacré à cette politique ? Que représente-t-il par rapport à d'autres investissements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

D'abord, souvenez-vous des difficultés que nous avions à vendre nos Rafale lors du quinquennat de M. Hollande. Nous étions les seuls à les utiliser et n'étions pas capables d'assurer le maintien de la chaîne sans exporter. Aujourd'hui, nous exportons. De plus en plus de pays se sont intéressés à nos avions et, quand les Grecs et les Croates ont voulu s'en procurer, ils ont demandé si nous avions la possibilité de les vendre moins cher. Ainsi est née l'idée de vendre des avions d'occasion, ce qui devait aussi permettre de produire des avions neufs, pour remplacer les appareils vendus.

Cette manoeuvre pose toutefois une difficulté puisqu'elle empêche d'atteindre les objectifs de la LPM. Le stock de Rafale prévu à horizon de 2025 ne sera donc prêt qu'en 2027, et il faut faire avec ce « trou » capacitaire en attendant. Lors des auditions, nos interlocuteurs ont indiqué que le nombre de nos avions Rafale n'était plus suffisant pour mener à bien à la fois les missions et réaliser nos objectifs d'entraînement des pilotes en termes d'heures de vol. Je ne remets pas forcément en cause cette décision, mais ses effets ont sans doute été sous-évalués et leur impact se fera sentir pendant un certain temps encore.

Pour conclure sur ce sujet, nous allons recevoir environ 1 milliard d'euros de recettes de la vente, dont la moitié serait réinvestie dans la commande de recomplètement par des appareils neufs mais ce dernier représentera un surcoût net de près de 2,5 milliards d'euros, financés sous enveloppe LPM.

J'en viens au Scaf. Il y a deux ans, le président de la République expliquait que l'Otan était en état de « mort cérébrale ». Aujourd'hui, la présence et la réalité de l'Otan est indéniable dans le conflit russo-ukrainien et, après avoir rencontré un certain nombre d'homologues, je me rends compte que plus on avance vers la frontière Est de l'Europe, plus on se sent otanien. Personne n'attend grand-chose des Français et tous pensent que ce sont plutôt les Américains qui les protègeront. L'enjeu est donc de savoir si nous devons garder une industrie de défense qui nous soit propre, mais qui intéresse aussi les Européens ou si, comme le dit le président Raynal, nous décidons d'acheter des F 15 sur étagère. L'enjeu est industriel et économique, mais il s'agit aussi d'autonomie stratégique.

La vision qu'ont les Allemands de la question de la défense est très différente de la nôtre. Alors que nous Français avons une armée de projection, la vision allemande est celle d'une armée de protection, destinée à protéger leur sol et non à se projeter sur des opérations extérieures. D'après ce que je comprends de la situation, les états-majors des deux pays sont à peu près d'accord sur ce qu'il convient de faire. Le blocage se situe au niveau politique : comment exporterons-nous, demain, ce nouvel avion ? Quelle sera sa place dans un système de défense européen ? C'est à cause de ce blocage que je dépose cet amendement, tout en sachant qu'il y a neuf chances sur dix pour que je finisse par le retirer. Je voudrais néanmoins que nous ayons ce débat, qui est essentiel pour notre industrie de défense, pour nos relations avec nos partenaires européens et pour l'avenir même de notre défense.

Je suis toujours très étonné par le discours autour de la « défense européenne ». La défense européenne n'existe tout simplement pas, et n'existera jamais. Nos conditions d'engagement des forces ne sont pas les mêmes. En France, le Président de la République peut décider tout seul d'engager nos forces et peut attendre quatre mois avant de se présenter devant le Parlement pour être autorisé à continuer. En Allemagne, le chancelier doit passer devant le Parlement avant de tirer une cartouche ! En termes de surprise et d'efficacité, ce n'est pas tout à fait la même chose...

Le débat doit avoir lieu et je cherche à le provoquer. Je ne souhaite pas que l'amendement aille au bout et je souhaite que le « plan A » aboutisse. Mais il y a urgence parce que nous devons mener en parallèle le projet de porte-avions de nouvelle génération qui a vocation à remplacer le Charles-de-Gaulle. Les deux projets sont liés puisque le futur avion de combat devra, comme je l'ai expliqué, être en mesure d'apponter sur le nouveau porte-avions. Si la décision politique n'est pas prise maintenant, ce sont l'ensemble de ces projets d'importance majeure pour notre outil de défense qui seront retardés.

Rémi Féraud a posé une question sur l'impact de l'inflation. La marche prévue dans la LPM a été respectée. Nous avions indiqué, lors de l'examen du texte, qu'il ne nous semblait pas raisonnable de prévoir une marche si importante pour les deux dernières années, 2023 et 2024 ; nous aurions préféré lisser davantage la trajectoire. Je dois néanmoins reconnaître que l'augmentation prévue de 3 milliards d'euros est respectée en 2023. Cependant, sur cette progression de 3 milliards d'euros, près de 1 milliard d'euros serait absorbé par l'inflation. Pour y remédier, celle-ci serait financée par un report de charges sur 2024. Cette méthode me gêne puisque, comme je l'ai expliqué, on ne peut pas, d'un côté, demander aux industriels de produire plus vite des canons Caesar et des avions Rafale afin que nous puissions faire remonter nos capacités opérationnelles, tout en leur expliquant que même s'ils produisent plus vite, ils seront payés plus tard.

Par ailleurs, sur le sujet du soutien à l'Ukraine, les 18 canons Caesar coûtent 80 millions d'euros, le fonds de soutien pour l'achat de matériels militaires représente un effort budgétaire de 100 millions et le surcoût 2022 lié aux opérations menées sur le flanc Est sont évaluées à 700 millions d'euros. Ces dépenses devraient être financées par un abondement de crédits sur la mission dans le PLFR de fin de gestion. Hors « Ukraine » le coût global des opérations extérieures, incluant notamment l'opération Barkhane, et des missions intérieures en 2022 est estimé à 1,6 milliard d'euros, soit 400 millions de plus que la provision prévue en loi de finances initiale. Comme les années précédentes, ce surcoût Opex devrait être financé par redéploiements internes au budget des armées.

Quant aux dépenses de recherche financées par la défense, elles s'élèvent à environ 210 millions d'euros, dont une partie est consacrée au CEA pour ses recherches en matière de dissuasion.

J'ai été interrogé sur l'impact de l'opération Sentinelle sur le budget. Le surcoût annuel lié à cette mission est d'environ 100 millions d'euros.

Enfin, sur le SNU et la JDC, nous nous sommes toujours battus pour considérer le SNU comme un service national et non pas un service uniquement militaire, afin que le budget de la défense ne soit pas le seul à le financer. Les militaires confient ne pas avoir de problème, leur contribution passant dans l'épaisseur du trait. En effet, ce ne sont, pour l'essentiel, pas eux qui financent le SNU. Par ailleurs, en ce qui concerne les objectifs, on n'en parle plus beaucoup depuis le covid et je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'une promesse de campagne que l'on cherche à honorer à tout prix.

Article 27

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Défense », sous réserve de l'adoption de son amendement.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ.

Article 42

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Je suis favorable à cet article, qui vise à étendre le bénéfice de la majoration de traitement, instituée dans le cadre du « Ségur » de la santé, à l'ensemble des éléments du Service de santé des armées (SSA)

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 42.

La réunion est close à 18 h 45.