Intervention de Claude Nougein

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 novembre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Missions « gestion des finances publiques » « transformation et fonctions publiques » « crédits non répartis » - compte d'affectation spéciale « gestion du patrimoine immobilier de l'état » - examen du rapport spécial

Photo de Claude NougeinClaude Nougein, « Transformation et fonctions publiques », « Crédits non répartis » :

rapporteur spécial sur les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonctions publiques », « Crédits non répartis ». -Je vais vous présenter au nom de mon collègue Albéric de Montgolfier, qui n'a pu être présent ce matin, et moi-même, les crédits d'un bloc de trois missions assez différentes et d'ampleur budgétaire inégale, mais que nous avons l'habitude d'examiner ensemble : les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis ». Je vous présenterai également le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », au nom d'Albéric de Montgolfier, car je ne suis pas le rapporteur spécial de ce compte.

Je commencerai par la mission « Crédits non répartis », dont les deux dotations sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

La « provision relative aux rémunérations publiques » fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 80 millions d'euros cette année. Cette dotation vise à financer des dépenses du titre 2, dont la répartition exacte au sein des programmes du budget de l'État ne peut être déterminée au moment de la programmation budgétaire. Cette année encore, la dotation servira à financer des mesures pourtant décidées plusieurs mois à l'avance. Elle aura ainsi vocation à financer l'extension du « forfait mobilités durables » décidée dans le cadre du rendez-vous salarial de la fonction publique du 28 juin dernier, et des mesures de convergences indiciaires et indemnitaires s'inscrivant dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique, qui a pourtant été actée en 2021. Ce procédé n'est évidemment pas satisfaisant du point de vue de la bonne information du Parlement, c'est pourquoi il est souhaitable que la répartition de ces crédits intervienne au plus vite.

J'en viens maintenant à la « dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles », qui fait l'objet cette année d'une ouverture de crédits particulièrement élevée, à hauteur de près d'1,8 milliard d'euros en crédits de paiement (CP). Pour mémoire, cette provision était systématiquement dotée depuis 2018 de 124 millions d'euros. Le Gouvernement sollicite donc cette année une enveloppe 14 fois supérieure au montant conventionnel, avec pour seule justification les incertitudes liées à la crise énergétique et au contexte international et macroéconomique. Ce montant nous semble particulièrement excessif au regard de l'exécution des deux exercices précédents. Pour les années 2021 et 2022 le Gouvernement avait sollicité en cours de gestion l'ouverture d'enveloppes supplémentaires sur ce programme, pour des montants et des motifs du même ordre, contre l'avis de notre rapporteur général. Il s'avère que l'exécution budgétaire a donné raison à notre commission, puisqu'aucun crédit n'a été consommé sur cette dotation lors de ces deux exercices. C'est pourquoi nous vous proposons, dans une logique de sincérité budgétaire, et dans la droite ligne de la position constante de notre commission, un amendement visant à minorer d' 1 milliard d'euros les crédits de ce programme.

Sous réserve de cet amendement, nous vous proposons d'adopter les crédits de cette mission.

J'en viens maintenant à la mission « Gestion des finances publiques », dotée de 10,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 10,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie et des finances, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère.

Nous avons l'habitude de vous dire, avec Albéric de Montgolfier, que la mission est l'une des seules à contribuer à la maîtrise des dépenses publiques. Nous ne pourrons pas faire la même chose cette année : les crédits demandés sur la mission en 2023 connaissent une hausse inédite de 9 % en autorisations d'engagement et de 5,4 % en crédits de paiement.

Lors de nos auditions, nous avons cherché à comprendre les raisons de cette hausse très significative. Elle s'explique en large partie par la hausse des dépenses informatiques et, dans une moindre mesure, par l'engagement d'un grand projet immobilier pour le ministère.

Par ailleurs, les dépenses de personnel, qui représentent 80 % des dépenses de la mission, augmentent moins vite que le total des dépenses de la mission. Cela s'explique par le fait que le schéma d'emplois de la mission est une nouvelle fois négatif : 680 équivalents temps plein (ETP) seraient supprimés en 2023. Il faut noter que la DGFiP est l'administration qui participe le plus à cet effort, à hauteur de 850 ETP supprimés. À l'inverse, le programme 218, porté par le secrétariat général du ministère, verrait ses emplois augmenter de 181 ETP, notamment en faveur de Tracfin et de l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE).

Je rappelle que la mission est quasiment la seule à présenter une baisse de ses emplois. Il est vrai cependant que le rythme des suppressions d'effectifs ralentit de plus de moitié cette année : selon les personnes que nous avons entendues, c'est lié à des redéploiements sur des missions sous-dotées, dans l'attente de gains de productivité supplémentaires.

Les responsables de programme nous ont en effet indiqué que l'objectif était bien de retrouver une trajectoire de stabilisation voire de baisse des crédits à moyen terme. D'ailleurs, lorsque nous tenons compte de l'inflation, les crédits de la mission baisseraient en volume sur la période 2023-2025.

Voici donc pour ce qui a trait aux grands équilibres de la mission. Si nous comprenons les besoins en informatique pour cette année, nous serons vigilants au retour d'une trajectoire de stabilisation pour 2024. Celle-ci nous semble tout à fait envisageable, alors que les réformes engagées par les administrations de la mission devraient porter leurs fruits.

Les administrations poursuivent en effet les chantiers entamés ces cinq dernières années.

Le premier chantier, entamé de longue date par la DGFiP, est celui de la rationalisation de son réseau et de ses emprises territoriales. Vous le savez, il y a eu un changement de méthode en 2019 avec le lancement du « nouveau réseau de proximité », qui devrait être finalisé à la fin de l'année 2023. En comptant les services relocalisés dans les villes moyennes, la DGFiP est désormais présente dans 2 844 communes. C'est bien mais, attention, il ne s'agit pas toujours d'une présence permanente mais de points de contact et de présence dans les maisons France Services.

À côté de cette réforme, qui touche surtout les contribuables, il y a aussi la mise en oeuvre des conseillers aux décideurs locaux, pour les collectivités territoriales et surtout les communes. La cible de 1 200 conseillers installés en 2022 ne sera pas atteinte, après une montée en charge plus lente que prévue : 447 conseillers aux décideurs locaux sont entrés en fonction en 2021, ils devraient être environ 800 en 2022 et 1 013 à la fin de l'année 2023.

Selon la DGFiP, les élus locaux sont plutôt satisfaits des prestations effectuées par les conseillers aux décideurs locaux. Nous avons pour notre part toutefois insisté sur la répartition de ces conseillers sur les territoires. Il faut trouver un équilibre entre les grandes collectivités, aux enjeux financiers les plus importants, et les petites communes rurales, souvent les moins à même de disposer d'une expertise technique en interne.

Le deuxième chantier est le transfert à la DGFiP du recouvrement des impositions jusqu'ici gérées par la Douane. Ces transferts ont commencé en 2019 et devraient se poursuivre au moins jusqu'en 2025. Cette réforme peut générer des gains de productivité et des économies d'échelle. Elle doit surtout conduire la douane à s'interroger sur ses missions fondamentales et à se recentrer sur son coeur de métier, le contrôle des flux de marchandises et de passagers.

Troisième et avant-dernier axe prioritaire de développement pour la DGFiP et la douane, la valorisation de la donnée. Au départ, il s'agissait surtout de développer des techniques d'analyse de données de masse au service du contrôle fiscal pour la DGFiP et de la lutte contre les trafics de toute nature pour la douane. L'objectif est double : améliorer le ciblage des contrôles et parvenir à détecter les cas de fraude les plus complexes.

Le quatrième et dernier chantier est celui de l'informatique. Les dépenses informatiques ont trop longtemps servi de variables d'ajustement : cela ne fait que quelques années que les budgets ont été sanctuarisés. Ces dépenses sont pourtant extrêmement importantes, d'une part pour résorber la dette technique des applications et systèmes d'information des administrations, et, d'autre part, pour développer de nouvelles applications à même de générer des gains de productivité à moyen terme.

La gestion des chantiers informatiques souffre toutefois encore d'un problème majeur : ainsi, lors de chaque projet de loi de finances, nous constatons que les coûts et les délais des projets ont été réévalués à la hausse. Au fil du temps, certains doublent voire triplent de volume ! Il est grand temps que des indicateurs soient mis en place pour mieux suivre ces projets.

Au regard de ces constats, vous aurez compris que nous avons quelques réserves sur la programmation des crédits pour l'année 2023, même si nous comprenons une partie des hausses. Toutefois, compte tenu de la gestion des administrations et du retour à la stabilisation prévu dès 2024, avec une baisse des crédits en volume à moyen terme, nous vous proposons d'adopter les crédits de cette mission.

Je passe désormais à la mission « Transformation et fonction publiques », qui se compose désormais de six programmes à vocation interministérielle et qui concernent des sujets aussi variés que la rénovation des cités administratives de l'État, les projets porteurs d'économie à moyen terme, les ressources humaines ou encore les start-ups d'État. Pour 2022, elle est dotée de 800 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et d'1,1 milliard d'euros en crédits de paiement (CP). C'est une très forte augmentation par rapport à 2022, de près de 44 % pour les crédits de paiement.

La hausse de ces crédits doit toutefois être nuancée. Elle résulte d'abord d'une mesure de périmètre sur le programme 348. Ce dernier, auparavant entièrement dédié à la rénovation des cités administratives de l'État, compte une nouvelle action en 2023, dénommée « Résilience ». Derrière ce titre ampoulé, se cache un appel à projets pour le financement d'actions dites à « gains rapides », avec une enveloppe dotée de 150 millions d'euros. Ce sont des actions à faible coût qui génèrent de très importantes économies d'énergie. Il s'agit pour nous d'une mesure de bonne gestion. Le directeur de l'immobilier de l'État nous a ainsi expliqué que le coût du mégawatheure économisé par la mise en place d'une action à gains rapides est de 1 000 à 1 500 euros. Pour une rénovation globale, c'est de l'ordre de 7 000 euros le mégawatheure.

L'année dernière, nous avions noté des progrès dans la gestion de la mission. Ces progrès se poursuivent, même s'il faut reconnaître qu'il existe encore des difficultés. Par exemple, la sous-consommation des crédits demeure importante sur certains programmes, comme celui portant le fonds pour la transformation de l'action publique. 190 millions d'euros sont encore annulés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2022. Pourtant, le Gouvernement propose de prolonger le fonds de trois ans, en le dotant de 330 millions d'euros.

Il est vrai que les objectifs de ce fonds doivent être soutenus : il s'agit d'apporter l'impulsion nécessaire à l'amorçage de projets ou de réformes porteurs d'économies à moyen terme, notamment dans le domaine numérique. Encore faut-il cependant que les délais de contractualisation soient raccourcis.

Autre exemple, sur le programme 348, avec la rénovation des cités administratives. Les retards pris dans les travaux ont conduit à décaler les délais de livraison de la plupart des projets de rénovation. Entretemps, le coût des matières premières a fortement augmenté et seule l'annulation de deux projets permet de couvrir l'augmentation de ces coûts.

Au final, si la mission porte des objectifs ambitieux, la réalisation n'est pas encore totalement au rendez-vous. Il est vrai cependant que la gestion s'améliore et que ces progrès doivent être encouragés. Nous vous proposons donc d'adopter les crédits de cette mission, en notant également qu'elle est l'un des vecteurs de l'investissement public.

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