Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 14 novembre 2022 à 21h30
Bilan de la plateforme parcoursup — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier mes collègues du groupe communiste pour l’inscription de ce débat essentiel à notre ordre du jour. Il y a beaucoup de choses à dire sur le système Parcoursup dont nous faisons le bilan aujourd’hui.

Créé par la loi de mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, le système Parcoursup a organisé l’admission dans les formations d’enseignement supérieur pour la quatrième rentrée cette année. Destiné à remplacer APB, il se voulait plus efficace et plus juste.

Celles et ceux qui en parlent le mieux sont les étudiantes et les étudiants. L’étude Ipsos réalisée chaque année à ce sujet sur un échantillon de plus de 1 000 néo-bacheliers nous donne un aperçu de l’« expérience utilisateurs », pour reprendre les termes de la start-up nation ; les résultats sont sans appel.

Si 74 % des personnes interrogées trouvaient le système fiable en 2020, ce taux n’était plus que de 66 % en 2021 et de 57 % en 2022. Pour ce qui est de l’équité, c’est pire : 48 % des personnes interrogées estimaient que Parcoursup était juste en 2020, contre 28 % en 2022. De même, 60 % d’entre elles jugeaient que le système était transparent en 2020, contre 48 % en 2022. Le seul indicateur en constante augmentation est celui du stress qu’occasionne l’utilisation de la plateforme chez les futurs étudiants : 77 % d’entre eux jugeaient la procédure stressante en 2020, contre 83 % en 2022 !

En résumé, aux yeux des lycéens, Parcoursup n’est ni fiable, ni juste, ni transparent ; à peine la moitié d’entre eux trouvent que ce système leur permet d’exprimer leurs besoins et huit lycéens sur dix le vivent comme une source de stress.

On entend souvent dire que Parcoursup est perfectible ; mais ces chiffres nous indiquent plutôt que tout est à revoir, d’autant que la dernière cohorte à avoir répondu à l’enquête est aussi la première à avoir vécu tout son lycée avec ce système, de la seconde à la terminale.

Pour comprendre les raisons de ce rejet grandissant, soulevons le capot et penchons-nous tour à tour sur les deux objectifs que s’étaient fixés les inspirateurs du système, à savoir l’efficacité et la justice.

En d’autres termes, Parcoursup permet-il de construire efficacement un parcours d’études choisies pour un bachelier ou une bachelière ?

L’efficacité du système est plus que discutable.

Alors qu’APB, déjà assez médiocre, proposait aux futurs étudiants d’établir une hiérarchie entre vingt-quatre filières, prévoyait trois phases d’admission à date fixe et fonctionnait avec un algorithme assez obscur, Parcoursup ne permet que dix choix par candidat, lesquels ne seront hiérarchisés qu’à compter de cette année. Les réponses peuvent intervenir à tout moment et doivent être confirmées en moins de cinq jours. Les algorithmes locaux sont différents selon les unités de formation et de recherche (UFR). Enfin, le processus est organisé en trois phases, une principale et une complémentaire, plus la saisine possible d’une commission ad hoc pour les élèves restants à la fin du processus.

Le résultat est prévisible : une bonne partie des étudiants sont mal accompagnés et font souvent des choix par défaut, anticipant des critères de sélection flous ou opaques. À cela s’ajoutent des délais d’attente parfois impossibles, qui engendrent un stress permanent. Au terme de la première phase de sélection, à la mi-juillet, environ 10 % des candidats, soit plus de 90 000 personnes, se trouvent toujours sans affectation.

La justice du système constitue à mon sens le cœur du problème. Parcoursup laisse chaque UFR établir ses critères, lesquels – on pouvait s’en douter – sont fondés principalement sur les notes, mais aussi sur les lycées d’origine. Des outils automatisés d’aide à la décision, pour ne pas dire d’aide à la sélection, sont également utilisés.

La Cour des comptes a décrit « un fonctionnement nébuleux » des commissions d’examen des vœux et des critères « de plus en plus automatisés ». Elle demande que soient rendus publics les algorithmes utilisés par ces commissions, pour l’ensemble des formations.

Il y aurait encore beaucoup à dire, notamment sur l’incapacité de Parcoursup à combler les manques des services administratifs, en sous-effectif chronique depuis des années, sur le poids qui pèse en termes d’horaires sur les équipes éducatives, qui doivent désormais s’occuper des procédures de classement, sur le marchepied que constitue la plateforme pour les formations privées et sur le coût exorbitant du dispositif.

Si l’on s’en tient aux seuls attendus de départ, efficacité et justice, on peut déjà conclure à un double échec.

Madame la ministre, il est temps d’écouter les futurs étudiants. Le système actuel effectue un tri, souvent arbitraire, interdit un certain nombre de parcours et de filières à de très nombreux étudiants et ouvre grand les portes des filières privées. En plus d’une réforme en profondeur des procédures d’admissions de l’enseignement supérieur, ouvrons et investissons.

Ouvrons de nouvelles filières en adéquation avec les aspirations grandissantes des étudiants pour le savoir du monde de demain.

Investissons massivement dans notre université et dans notre recherche publique, en développant les campus, en créant de nouvelles unités de formation pour accueillir les bacheliers dans les filières qu’ils souhaitent et non pas dans des filières par défaut.

L’université de demain est un idéal qui doit préfigurer la société de demain, inclusive, égalitaire et solidaire. Parcoursup ne contribue pas à nous mener vers cette université au service de l’émancipation, il nous en écarte. C’est pourquoi il est temps de repenser Parcoursup de fond en comble.

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