Intervention de Michel Mercier

Réunion du 21 décembre 2010 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Michel Mercier, garde des sceaux :

J’en suis tout à fait conscient, le calendrier de l’examen parlementaire de ce projet de loi a été quelque peu erratique, monsieur le rapporteur.

Désormais, les professionnels ont besoin rapidement d’une sécurité juridique que seule l’adoption de ce texte peut leur donner.

J’essaierai tout au long de nos débats d’apporter des réponses précises aux questions qui demeurent en suspens.

Le souci du Gouvernement, partagé par le Sénat et par l’Assemblée nationale, a été de trouver la meilleure solution possible pour les salariés des avoués.

Ainsi, de grands principes ont d’ores et déjà été votés par les deux assemblées. Ils permettent de prendre en compte les différentes situations et de définir une juste indemnisation.

Les salariés percevront une indemnité de licenciement d’un mois de salaire par année d’ancienneté, avec un plafond de trente mois. L’indemnité sera versée directement par le fonds d’indemnisation et pourra être cumulée avec les aides relevant de la convention de reclassement personnalisé.

Ceux qui seraient conduits à démissionner percevront l’indemnité la plus avantageuse entre celle qui est prévue par le code de travail et celle qui est prévue par la convention collective.

En fonction de leurs qualifications, les salariés bénéficieront de passerelles avantageuses vers les autres professions du droit.

Je sais qu’il reste des inquiétudes sur le reclassement de ces salariés.Je peux vous apporter quelques précisions avant que ne s’engagent nos débats.

Je tiens à souligner que 383 postes ont été ouverts pour ces salariés dans les effectifs du ministère de la justice en 2010. Néanmoins, il y a eu peu de candidats et aucun des salariés qui a été accepté n’a souhaité finalement rejoindre le ministère de la justice, vraisemblablement parce que la loi n’avait pas été encore votée et qu’ils n’étaient donc pas susceptibles de percevoir les indemnités de licenciement qu’elle crée.

En 2011, l’effort se poursuit, avec le recrutement de 19 agents contractuels de catégorie A et le recrutement sans concours de 223 agents de catégorie C. Seront aussi ouverts 497 postes de greffier sur concours : ce concours est rénové et comprend dorénavant une épreuve orale destinée à valoriser l’expérience professionnelle acquise.

Ainsi, selon leur niveau, les salariés d’avoués pourront postuler à ces différents recrutements.

Je peux vous assurer que tout sera fait au sein du ministère de la justice pour faciliter ce reclassement. Mais encore faut-il qu’il y ait des candidats. Pour cela, je suis persuadé qu’il est important d’adopter rapidement le présent projet de loi, afin que les salariés puissent bénéficier des indemnités prévues et envisager plus sereinement leur avenir professionnel.

Nous devons aussi valoriser les compétences professionnelles des salariés d’avoués. Leur reclassement passe – nous en sommes tous convaincus – par un accompagnement personnalisé à la recherche d’emploi.

Une convention tripartite sera conclue à cet effet dès le vote de la loi entre l’État, la Chambre nationale des avoués près les cours d’appel et les représentants des salariés. Elle fixera les modalités de la convention de reclassement personnalisé dont les salariés pourront bénéficier.

Des moyens seront mobilisés : la convention prévoira des aides à la mobilité, des allocations compensant les pertes de revenus, des aides à la formation qui pourront se cumuler avec les indemnités de licenciement perçues en vertu de la loi.

Des dispositions spécifiques sont également prévues pour le reclassement des collaborateurs d’avoués. Vous avez voté dans le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées un amendement qui prévoit que les collaborateurs d’avoués diplômés avoués auront droit à la spécialisation « procédure d’appel ».

Nous sommes donc parvenus à un dispositif global d’accompagnement des salariés qui prend en charge leur situation de façon à la fois complète et personnalisée.

L’examen parlementaire nous permet également d’aboutir à une solution juste et équilibrée pour l’indemnisation des avoués.

Comme pour les salariés, à ce stade de la discussion parlementaire, un certain nombre de principes sont acquis.

Premièrement, l’indemnisation des avoués sera fixée par le juge de l’expropriation, conformément à ce que vous aviez voté en première lecture. Cette phase judiciaire sera précédée d’une offre d’indemnisation faite par la commission d’indemnisation.

Deuxièmement, l’accord est aussi acquis sur le champ de l’indemnisation, qui portera sur le préjudice de perte du droit de présentation, mais aussi sur le préjudice économique, le préjudice de carrière et tous les autres préjudices accessoires.

Troisièmement, un consensus s’est également formé sur l’entrée en vigueur de la fusion des professions d’avocat et d’avoué au 1er janvier 2012. À cette date, les avoués deviendront automatiquement avocats. Par ailleurs, ils bénéficieront de passerelles très avantageuses vers les autres professions du droit.

Pour ce qui reste en débat, je peux d’ores et déjà vous apporter des précisions sur les conditions d’une indemnisation efficace.

Le texte prévoit que la commission d’indemnisation formule une offre d’indemnisation dans les trois mois de la cessation d’activité. Bien évidemment, rien n’empêche que cette offre soit faite avant, si les avoués fournissent tous les éléments nécessaires. J’y veillerai.

Il prévoit également le versement d’un acompte de 50 % du dernier chiffre d’affaires, de même que le remboursement du capital restant dû. L’un comme l’autre peuvent être demandés dès la promulgation de la loi. Cet acompte sera imputé sur l’indemnité de perte de droit de présentation et aura donc le même traitement fiscal.

Reste la question du traitement fiscal de ces indemnités et, le cas échéant, des modalités de la fiscalisation.

Le débat sur le principe de la fiscalisation des indemnités versées aux avoués, qui a eu lieu au Sénat l’année dernière, avait abouti à l’adoption d’un dispositif d’exonération fiscale et sociale.

L’Assemblée nationale est revenue sur cette disposition et a voté un amendement de suppression de ces exonérations. En cela, elle a tenu compte du contexte budgétaire global pour 2011, qui est à la réduction des niches fiscales, comme cela apparaît dans le projet de loi de finances pour 2011, adopté par votre Haute Assemblée.

Le Gouvernement estime que c’est le régime de droit commun qui doit s’appliquer, comme dans tous les précédents cas de suppression d’un monopole ou d’une profession. C’est ce qui s’est passé notamment pour les professions de commissaire-priseur, de courtier maritime et d’avoué de première instance.

Pour ces professionnels, le montant des indemnités alloué était beaucoup moins élevé que celui qui est prévu aujourd’hui pour les avoués. Je rappelle également que ces indemnités ont été fiscalisées.

Par conséquent, et dans un contexte budgétaire rigoureux, ce régime de droit commun doit s’appliquer.

Ainsi, dans le strict respect du principe d’égalité, chaque avoué sera traité comme, par exemple, un entrepreneur qui se trouverait dans une situation similaire, qu’il parte en retraite ou qu’il continue d’exercer une activité professionnelle.

Lorsque l’avoué continue d’exercer une activité professionnelle, les plus-values seront égales au différentiel entre le montant de l’indemnité et la valeur d’acquisition de la charge. Toutefois, un mécanisme correctif existe pour les associés qui ont acheté leurs parts récemment : s’ils liquident leur société, la valeur d’acquisition de leurs parts sera prise en compte pour le calcul de la plus-value, qui sera soumise à l’impôt sur le revenu.

Des dispositions spécifiques seront mises en place lorsque la fixation de l’indemnité et la liquidation de la société n’interviennent pas la même année, afin de permettre cette imputation. Vous avez l’engagement du Gouvernement sur ce point.

Les autres indemnités prévues par le texte seront aussi traitées selon le droit commun.

Par exemple, si le juge alloue une indemnité au titre du préjudice moral, elle ne sera pas fiscalisée si elle est inférieure à un million d’euros, en vertu de l’article 96 de la loi de finances initiale pour 2011. Par ailleurs, si un avoué perçoit une indemnité pour préjudice de carrière, elle sera soumise, elle, à l’impôt sur le revenu.

Ainsi, chaque avoué doit être traité comme toute personne qui perçoit une indemnité, selon la nature de cette indemnité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en réformant la représentation devant les cours d’appel, le texte soumis à votre examen simplifie la procédure d’appel ; il s’inscrit dans le processus plus large de modernisation de la justice, puisqu’il s’accompagne d’une réforme procédurale et d’une dématérialisation des échanges.

La réforme de l’appel est destinée à mieux encadrer cette procédure en renforçant, notamment, les pouvoirs du conseiller de la mise en état. Elle aura pour effet de rendre la procédure plus efficace. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2011.

Quant à la communication électronique pour échanger avec les cours d’appel, elle sera rendue obligatoire progressivement, en commençant par la déclaration d’appel. Ainsi, à compter du 31 mars 2011, la déclaration d’appel devra obligatoirement être faite par voie électronique.

D’ici au début du mois de février 2011, toutes les cours d’appel auront été formées à l’utilisation des logiciels nécessaires et les avoués qui l’auront demandé seront équipés des moyens permettant d’être raccordés à la plateforme de communication électronique des avocats. À ce jour, plus de 80 % des avoués ont demandé les clés d’accès à cette plateforme. Le Conseil national des barreaux est prêt à mettre à la disposition des avoués son réseau de formateurs agréés.

Soyez assurés que le chantier de la dématérialisation électronique est primordial pour moi, mais aussi pour la réforme de notre système judiciaire. C’est la raison pour laquelle mon cabinet tient des réunions mensuelles sur le sujet. Il n’est pas imaginable que la justice reste en marge de ces progrès technologiques.

Enfin cette réforme ambitieuse nécessite l’engagement de chacun, des professionnels concernés comme du ministère. Les avoués ne peuvent pas rester à l’écart de cette modernisation.

Mon ambition est de mobiliser tous les moyens pour mettre en œuvre la dématérialisation, dans les délais prévus. Les échanges que nous avons avec les représentants des professions nous permettent de lever les difficultés et d’envisager des solutions pratiques satisfaisantes.

Je me félicite du travail qui a déjà été accompli par les deux assemblées, notamment par le Sénat, et de l’accord qui semble se dégager.

Cet accord porte sur les points essentiels du projet de loi soumis à votre examen aujourd'hui. Les discussions ont en effet permis de perfectionner le dispositif. Sur ce point, le rôle du Sénat a été décisif. À n’en pas douter, les débats que nous engageons maintenant préserveront l’équilibre du texte, qui offre des garanties supplémentaires aux professionnels et une heureuse clarification de la procédure pour le justiciable.

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