Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 21 décembre 2010 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je suis tenté, pour commencer cette intervention, de poser une question que j’avais déjà posée en première lecture : les avoués ont-ils tant démérité et leurs études sont-elles dans une situation si mauvaise que la suppression de cette profession et le licenciement économique de ses salariés seraient justifiés ? Il me semble que tel n’est pas le cas.

À l’évidence, cette question n’est plus vraiment d’actualité. En effet, la suppression d’une profession qui, au demeurant, a toujours bien fait son travail, a été proposée par le pouvoir exécutif et a déjà été confirmée par plusieurs votes du Parlement.

La décision politique est donc prise : les avocats remplaceront les avoués à compter du 1er janvier 2012.

Mais, une fois cette décision prise, il est de notre responsabilité, monsieur le ministre, mes chers collègues, de mener à son terme le processus engagé, et ce dans les meilleures conditions possibles, ce qui suppose aujourd’hui la réunion de deux préalables : tout d’abord, garantir que le fonctionnement des cours d’appel ne sera pas affecté, afin que cette réforme se fasse effectivement en faveur du justiciable, comme nous l’a annoncé le Gouvernement ; ensuite, vérifier que les avoués et leurs salariés seront indemnisés dans des conditions justes et équitables.

Concernant le fonctionnement des cours d’appel, le calendrier de la réforme est le point important à souligner. Il y a apparemment urgence : urgence à adopter un texte, et dans des termes identiques à ceux de l’Assemblée nationale. Le vote conforme serait indispensable...

L’urgence n’était sans doute pas la même pendant les dix mois qui se sont écoulés entre la première lecture au Sénat et la deuxième lecture à l’Assemblée nationale ! Ce retard est regrettable, mais il n’est pas de la responsabilité du Sénat. Il est donc osé de venir aujourd’hui demander à la Haute Assemblée de pallier ce retard alors que des questions de fond restent toujours sans réponse et que des points méritent encore d’être précisés.

Le retard pris a réduit quasiment à néant l’une des avancées importantes obtenues par le Sénat en première lecture, à savoir une période transitoire suffisante pour que la réforme puisse entrer en vigueur dans de bonnes conditions.

L’article 34 du projet de loi ayant été adopté conforme par nos collègues députés – je le regrette –, il nous est maintenant impossible de modifier à nouveau la date d’entrée en vigueur de la loi, ce qui aurait été de bon sens, au vu des mois de retard accumulés à l’Assemblée nationale.

Ce retard a été préjudiciable à tous, certains professionnels ayant même pu penser que le projet de loi était purement et simplement abandonné !

Dans ces conditions, les avoués et leurs salariés ont perdu un temps précieux dans la préparation de leur reconversion. De facto, la période transitoire est aujourd’hui grandement raccourcie. Or, comme le rappelle notre collègue Patrice Gélard dans son rapport, celle-ci est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement des cours d’appel.

Gardons à l’esprit que, demain, il faudra gérer non pas seulement la suppression des avoués, mais aussi, parallèlement – c’est là que tout se complique ! –, l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure d’appel. À ce propos, l’application du « décret Magendie » reste une source d’incertitude et je souhaiterais que vous nous expliquiez précisément, monsieur le garde des sceaux, quand ce décret entrera en vigueur, notamment concernant les échanges par voie électronique.

À l’heure où vont entrer en application ces nouvelles règles de la procédure d’appel, la contribution des avoués aurait été précieuse et il est pour le moins étrange de demander à des professionnels qui savent que leur métier va disparaître de mettre en œuvre une réforme de fond de la procédure d’appel.

Plus généralement, je suis convaincu que la simultanéité de la suppression des avoués et de l’entrée en vigueur de la réforme de la procédure d’appel va entraîner des dysfonctionnements majeurs au sein des cours d’appel dans les mois qui viennent.

Autre question importante, les avocats seront-ils en mesure d’assurer la postulation devant la cour d’appel dès le 1er janvier 2012 ?

Les 440 avoués disposent aujourd’hui d’un système de communication électronique avec les cours d’appel qui fonctionne parfaitement. Comment peut-on imaginer que les 51 000 avocats de France soient tous en mesure, d’ici un an, d’introduire l’instance devant les juridictions d’appel par voie électronique, sous peine d’irrecevabilité, alors que leur application informatique – le « e-barreau » – n’est pas opérationnelle ?

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