Intervention de Alain Anziani

Réunion du 21 décembre 2010 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Puisqu’il est rarissime, cet événement doit s’accompagner nécessairement de mesures dérogatoires.

Vos deux prédécesseurs, monsieur le ministre, avaient pris toute la mesure de l’enjeu, au moins en parole. J’ai encore en mémoire les fortes paroles de Mme Alliot-Marie, nous assurant que les avoués et le personnel de leurs études pourraient intégrer l’administration judiciaire : la perspective de cette « voie royale » devait faire cesser toute inquiétude…

Un an après, où en sommes-nous ? Je me permettrai de citer les propos empreints de sagesse de notre excellent rapporteur, qui demande au Gouvernement de « confirmer et de préciser ses engagements, pour assurer l’effectivité du recrutement de 380 salariés des études d’avoués dans les greffes des juridictions ».

Je vous parlerai plus directement, monsieur le ministre, en décryptant quelque peu la prose de notre rapporteur. De quoi s’agit-il, en réalité ?

À ce jour, 380 postes ont été ouverts par la Chancellerie pour accueillir le personnel des études. Vous savez comme moi que onze personnes seulement ont pu effectivement intégrer les greffes des juridictions ; c’est le chiffre que nous ont communiqué la semaine dernière vos services. Est-ce parce que ces personnels se désintéresseraient de cette « voie royale », ou parce qu’il s’agirait bien plutôt d’un chemin semé d’embûches ?

Nous avons reçu des témoignages très précis : le lieu des entretiens est en général très éloigné du domicile des candidats ; les conditions financières qui leur sont faites reviennent à leur faire accepter une division par deux de leur rémunération ; surtout, un accueil glacial leur est réservé. Tout est donc fait pour dissuader les candidats éventuels.

Le résultat que vous cherchiez est obtenu – je vous en félicite, d’une certaine façon – : vous n’avez recruté que onze personnes, mais la parole donnée n’a pas été respectée.

Elle n’a pas été non plus respectée en ce qui concerne les avoués tentés de rejoindre la magistrature, alors qu’il leur avait également été annoncé que les portes leur étaient ouvertes et que leurs compétences seraient appréciées. Pour quel résultat ? Aujourd’hui, huit avoués seulement ont intégré la magistrature.

L’autre voie qui leur était offerte, l’intégration dans un cabinet d’avocats, a-t-elle été plus facile ? Bien sûr que non ! Nous avons les éléments chiffrés qui l’attestent.

Cette voie est tout aussi tortueuse. Les avoués ont, aujourd’hui, beaucoup de mal à se faire une place dans cette profession d’avocat.

C’est la même chose pour les salariés. Mais on le savait d’avance ! Les études d’avoués embauchent quatre fois plus de personnel que les cabinets d’avocats ; il y a donc forcément un goulet d’étranglement. Dire que le personnel des avoués viendra dans les cabinets d’avocats c’est, évidemment, se moquer des uns et des autres.

La troisième difficulté porte sur la procédure d’appel elle-même. La Chancellerie a eu l’idée audacieuse, que nous pourrions d’ailleurs comprendre, d’effectuer une double réforme, visant à la fois la représentation devant la cour d’appel et la dématérialisation de la procédure d’appel, notamment de l’acte d’appel à peine de nullité.

Pourquoi pas ? Mais le croisement des deux réformes apparaît comme un saut dans le vide. Le vide informatique, c’est aussi le vide de l’appel, avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour les justiciables.

Dès le 1er janvier prochain, le « décret Magendie » devait dématérialiser l’appel sous peine de nullité. Devant l’Assemblée nationale, Mme Alliot-Marie a annoncé le report de cette mesure au 31 mars 2011. Je pense, cependant, qu’à cette date la situation sera exactement la même. Nous allons avoir un vrai vide entre le 1er janvier 2011, date d’entrée en application du texte, et le 31 mars 2011. Que va-t-il se passer ? Comment l’informatisation va-t-elle pouvoir être effectuée ?

Vous avez rencontré la Chambre nationale des avoués pour leur demander s’il était possible qu’ils reprennent du service pendant ces trois mois afin d’assurer la prestation informatique…Je ne connais pas le résultat de vos négociations, mais je sais que vous avez eu une réunion sur ce point la semaine dernière.

La réponse ne peut pas être celle que vous avez donnée, monsieur le garde des sceaux, et qui consiste à affirmer que les professionnels sont d’accord pour coopérer et qu’une prestation minimale sera assurée.

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