Intervention de Marie-Hélène Des Esgaulx

Réunion du 21 décembre 2010 à 14h30
Représentation devant les cours d'appel — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Marie-Hélène Des EsgaulxMarie-Hélène Des Esgaulx :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, en seconde lecture, prévoit la fusion des professions d’avoué et d’avocat, à l’issue d’une période transitoire et avec un accompagnement des salariés.

Nous arrivons à l’épilogue d’un long processus. Ce feuilleton a été jugé par certains un peu long, j’en conviens. Le sujet, qui touche à la justice, au patrimoine et à l’humain, est sensible.

L’évolution nécessaire de la représentation devant les cours d’appel répond au besoin de rendre notre procédure d’appel plus accessible, plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens justiciables.

Ce texte permet aussi de nous mettre en cohérence avec la directive européenne, le statut actuel des avoués, en particulier les règles d’accès à cette profession, n’étant plus conforme avec le principe de libre concurrence.

Annoncé par le Gouvernement dès le 9 juin 2008, ce texte s’inscrit dans la continuité de la réforme de 1971, avec la fusion des professions d’avocat et d’avoué auprès des tribunaux de grande instance. Depuis lors, les avocats inscrits au barreau du tribunal de grande instance bénéficient du monopole de la postulation devant cette juridiction.

Il s’agit donc de poursuivre cette démarche et d’achever la réforme en fusionnant les professions d’avoué et d’avocat auprès des cours d’appel. Les avoués qui le souhaitent deviendront ainsi avocats, dès le 1er janvier 2012, et pourront exercer à ce titre la mission de postulation en appel qui leur est aujourd’hui dévolue en tant qu’avoués. Cela permettra aux justiciables d’avoir un interlocuteur unique en appel.

Le projet de loi prévoit également une réforme globale de la procédure et une dématérialisation progressive des échanges devant la cour d’appel.

Nous nous réjouissons du consciencieux travail mené sur ce texte par la commission des lois du Sénat, particulièrement par son excellent rapporteur, Patrice Gélard, ainsi que par son président. Tout cela nous permet d’aborder un dispositif qui nous semble à la fois juste et équilibré.

Il témoigne en effet des efforts consentis par le Gouvernement, en particulier concernant les mesures destinées aux avoués et à leurs salariés en matière d’indemnisation, de régime de retraite, mais aussi d’accompagnement personnalisé.

Le Sénat, en première lecture, s’était aussi montré particulièrement attentif aux conséquences que pourrait avoir cette réforme pour les 440 avoués et leurs 1 800 collaborateurs. Nous avons toujours eu à cœur de veiller à garantir l’équité de leur accompagnement financier et professionnel.

Complété par l'Assemblée nationale, le projet de loi répond désormais à la triple exigence qui a guidé l’ensemble des réflexions menées par les parlementaires de la majorité : d’abord, favoriser, sur la base du libre choix, des passerelles vers d’autres professions du droit ; ensuite, prévoir une juste indemnisation du préjudice subi ; enfin, éviter toute rupture brutale, en aménageant une période transitoire.

Ainsi, en plus de l’accès automatique à la profession d’avocat, le texte présenté aujourd’hui prévoit de mettre en place le reclassement des collaborateurs juristes des avoués, afin que ces salariés retrouvent, dans le domaine du droit, une profession et des conditions de travail satisfaisantes. Par exemple, l’accès au métier d’officier public ministériel sera facilité.

L’indemnisation de ces salariés, quant à elle, est prévue pour les dommages dus à la fermeture des offices d’avoués. Ainsi, s’ils suivent leur employeur dans sa nouvelle profession d’avocat, ils conserveront les avantages qu’ils auront acquis en application de leur convention collective et, s’ils décident de démissionner, percevront une indemnité.

Une convention tripartite entre l’État, la Chambre nationale des avoués et les représentants des salariés prévoira des aides à la mobilité, des formations, un suivi personnalisé par un prestataire privé ainsi que des allocations destinées à compenser une perte de revenus.

Pour pallier tout risque de lenteur de la procédure dans l’indemnisation des avoués, un acompte s’élevant à 50 % du dernier chiffre d’affaires connu pourra leur être versé immédiatement.

En outre, une commission d’indemnisation devra désormais faire une offre dans un délai de trois mois suivant la cessation de l’activité d’avoué et au plus tard le 31 mars 2012. Si cette offre est acceptée, le salarié percevra l’indemnité correspondante dans le mois de son acceptation.

L’objet de cette nouvelle mesure est de permettre aux avoués de ne pas recourir à la procédure devant le juge de l’expropriation si le montant proposé par la commission leur convient, et ainsi d’obtenir une indemnisation plus rapidement.

Malgré le « retard » pris dans l’examen du projet de loi par le Parlement, la période transitoire, ardemment souhaitée par les avoués, a été conservée, afin de préparer au mieux la reconversion des avoués et de répondre aux conséquences sociales des fermetures d’offices.

L’Assemblée nationale a finalement fixé la fin de cette période transitoire au 1er janvier 2012. Ce délai nous semble tout à fait raisonnable au regard des exigences matérielles d’une telle réforme.

De même, les avoués pourront exercer les deux professions, celle d’avoué et celle d’avocat, à partir du 1er octobre 2011, soit trois mois avant la fin de la période transitoire, afin d’éviter une trop grande distorsion de concurrence avec les avocats.

Le texte qui nous est aujourd'hui soumis nous apparaît donc cohérent et équilibré. Face à tout ce qui a été dit sur le sujet dont il traite, je tenais à ce que ce texte ne soit en aucun cas un reniement de ce qu’ont pu apporter les avoués à la justice française durant leur histoire professionnelle.

Cette profession a longtemps eu un rôle primordial, depuis le XVe siècle, qui l’a vu naître. Il nous faut donc nous réjouir que les avoués qui le souhaitent puissent continuer à mettre toutes leurs compétences et leur grande expérience au service de la justice.

La fusion des professions d’avocat et d’avoué permettra de simplifier les règles de représentation des parties devant les cours d’appel, dans l’intérêt à la fois des justiciables, mais aussi du bon fonctionnement de la justice.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte, et avec d’autant plus de satisfaction, monsieur le garde des sceaux, que vous aurez à cœur de répondre aux demandes d’éclaircissement du rapporteur de la commission des lois, notre excellent collègue Patrice Gélard.

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