Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis un mois seulement, les canons se sont arrêtés. La rivalité entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan remonte à plus d’un siècle. En 1992 s’est constitué le groupe de Minsk afin de trouver par la négociation une solution politique au conflit. Comment pouvons-nous accepter que, après trente années, les problèmes de la délimitation des frontières et du déminage des territoires ne soient toujours pas réglés ? La paix ne peut pas reposer sur un statu quo, au risque que les hostilités reprennent. L’accord de cessez-le-feu de 1994 le démontre. « Paix trompeuse nuit plus que guerre ouverte ».
La proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui a pour objectif de rétablir une paix durable, objectif que nous partageons. Comment optimiser nos chances de l’atteindre ? Le multilatéralisme et la négociation politique sont incontournables pour aboutir à des avancées solides et résoudre définitivement ce conflit. La France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et membre de l’OSCE, peut-elle agir unilatéralement et aller à l’encontre des obligations internationales auxquelles elle est tenue, en particulier la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays ?
Notre pays doit œuvrer à ce que l’Azerbaïdjan et l’Arménie reconnaissent mutuellement la souveraineté politique et géographique, ainsi que l’inviolabilité des frontières internationales de chacun, conformément à la Charte des Nations unies. C’est exactement l’objet de la réunion quadripartite entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la France et l’Union européenne qui s’est tenue le 7 octobre dernier à Prague. À cet égard, nous devons saluer l’initiative du président Macron.
Cette rencontre a permis des avancées sur la délimitation des frontières entre les deux pays. Il a été convenu de mettre en place une mission civile de l’Union européenne le long de la frontière pour une durée de deux mois. Cette mission a commencé il y a une semaine. Il me paraît donc prématuré de prendre position avant d’en connaître les conclusions officielles.
En attendant, la France doit poursuivre son action afin de faire converger les points de vue, en toute neutralité et impartialité, comme elle l’a fait lucidement et discrètement entre Israël et le Liban – les deux pays, en guerre depuis quatre-vingts ans, ont récemment signé un accord historique sur la délimitation de leurs frontières. Ce n’est pas la position de tous les acteurs. À cet égard, le soutien de la Turquie à l’Azerbaïdjan, pour des raisons idéologiques et stratégiques, et son implication dans les agressions ne font que compliquer la situation, déjà conflictuelle.
De même, il nous semble indispensable que le retour des populations déplacées par les combats et la libération des prisonniers de guerre puissent se faire en toute sécurité sous la supervision des Nations unies. À cet effet, nous demandons que les forces de maintien de la paix de l’ONU soient déployées tout le long de la frontière et dans les zones disputées, en remplacement des forces russes, qui ont échoué dans leur mission, convenue lors de l’accord de cessez-le-feu du 10 novembre 2020.
Bien sûr, les auteurs des atrocités et des crimes de guerre doivent être jugés devant une juridiction internationale. La France et l’Union européenne doivent multiplier leurs pressions en ce sens, car, jusqu’à présent, ni l’Arménie ni l’Azerbaïdjan ne reconnaissent la Cour pénale internationale, ce qui empêche la création d’un tribunal spécial dans les meilleurs délais, comme le souhaitent les auteurs de la proposition de résolution. L’unanimité du Conseil de sécurité étant requise, il convient de s’interroger sur la position qu’adoptera la Russie, étant donné qu’elle s’est déjà opposée à un tel tribunal sur la question syrienne.
La culture arménienne est considérée comme l’une des plus anciennes au monde ; la société azerbaïdjanaise est multiethnique, multireligieuse et multiculturelle. Nous devons respecter l’identité de chaque peuple. La paix se construit dans l’acceptation de l’autre. Notre rôle est de promouvoir des valeurs de paix et de fraternité, qui permettront aux Arméniens et aux Azéris de renouer entre eux des relations qui n’existent malheureusement plus aujourd’hui. Nous devons éviter d’alimenter des haines en ouvrant la voie à la compréhension mutuelle.
En ce sens, je ne suis pas certain que cette proposition de résolution, en éloignant la France de la médiation, serve les intérêts de l’Arménie.