Intervention de Patrick Kanner

Réunion du 15 novembre 2022 à 21h30
Modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Patrick KannerPatrick Kanner :

En effet, constitutionnellement, la détermination des peines relève du domaine de la loi, selon l’article 34, le domaine du règlement étant défini par l’article 37 – mes collègues l’ont rappelé à de multiples reprises. Or, dans ce cas précis, aucune disposition législative suffisante n’existe.

Actuellement, le cas d’un accusé, déjà détenu, condamné à une peine d’emprisonnement, qui par définition ne peut pas excéder dix ans, est réglé par décret, selon un procédé que je qualifierai d’« aléatoire », d’un point de vue constitutionnel.

Cette solution palliative ne fait que masquer un défaut et n’existe que pour éviter que certains mandats de dépôt ne soient privés de fondement légal. Il est d’ailleurs prévu de reprendre dans la loi le dispositif existant, défini par le décret du 25 février 2022 pris par vos soins, monsieur le garde des sceaux.

L’objet de notre discussion n’est donc pas le fond, mais la forme, car on ne saurait se satisfaire de cette méthode, qui ne respecte pas les dispositions de notre Constitution.

En l’espèce, cette situation – qu’on ne peut que regretter – nous contraint à avoir un débat qui n’en est pas un, puisque personne sur ces travées ne remet en cause le respect des définitions des domaines législatif et réglementaire.

En effet, priver une personne d’une liberté publique, en l’occurrence celle d’aller et venir, ne peut relever que du domaine de la loi. N’en déplaise à certains, le domaine du pouvoir réglementaire est heureusement circonscrit. Tout ne peut pas être réglé par voie d’ordonnances et de décrets.

Toutefois, je profite de cette intervention pour vous faire part d’un sentiment – également évoqué par d’autres collègues – quant à la fabrique de la loi. Le vide juridique qui nous occupe aujourd’hui a été créé par les modifications apportées au code de procédure pénale par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

À l’époque, les débats ne nous ont pas permis d’identifier cette situation, qui relève donc d’un oubli. Sans gloser sur les raisons qui l’expliquent, le manque de temps que l’on invoque souvent est à mes yeux essentiellement dû à une pratique devenue la norme. Depuis plusieurs années, l’examen de la majorité des projets et propositions de loi par le Parlement est soumis à la procédure accélérée. Or celle-ci, que l’on a appelée « procédure d’urgence » jusqu’en 2008, avait vocation, comme le terme initial l’indiquait, à n’être utilisée qu’exceptionnellement, en cas d’urgence.

Sa transformation en « procédure accélérée » est révélatrice de l’objectif visé pendant le quinquennat de son créateur, M. Sarkozy : son utilisation n’était plus liée à l’urgence, mais à la volonté d’écourter les débats. Sa banalisation participe de l’affaiblissement du Parlement, puisqu’elle abrège le débat parlementaire.

Cette pratique a pu aussi être utilisée par des gouvernements auxquels j’ai appartenu. Mea culpa !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion