Intervention de Marie-Pierre Monier

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 novembre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Crédits « enseignement scolaire » - examen du rapport pour avis

Photo de Marie-Pierre MonierMarie-Pierre Monier :

Quel beau rapport ! Ce réquisitoire à charge me conviendrait tout à fait si le rapporteur en tirait les conséquences en proposant un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission. Vous évoquez l'augmentation substantielle des crédits : mais compte tenu du niveau d'inflation, heureusement que ce budget augmente de 6% ! Cet effort doit être relativisé. Je rejoins le rapporteur sur la crise d'attractivité du métier enseignant. Les chiffres inquiétants concernant les candidats aux concours et les postes non pourvus ont rythmé l'année 2022. Je doute que les choses s'améliorent lors des concours de 2023 : le report de la date limite d'inscription, faute de candidats en nombre suffisant, montre que les problèmes de recrutement de 2022 risquent de perdurer. Cette crise du recrutement s'explique en partie par le faible niveau des rémunérations. Le gouvernement nous promet un choc d'attractivité, cristallisé autour de trois chiffres clé : la promesse d'un salaire minimum de 2 000 euros en début de carrière, une hausse moyenne des rémunérations de 10%, et 935 millions d'euros de revalorisations, qui doivent toutefois être rapportés à des effectifs considérables (856 500). Le gouvernement a fait le choix de cibler les vingt premières années d'exercice. Quid des autres enseignants ? Nous assisterons très certainement à un nouvel « effet de plateau ». Ils pourront, nous dit-on, accéder plus facilement aux grades, hors classe et classe exceptionnelle, assortis de rémunérations plus élevées. Mais nous savons, le rapporteur l'a indiqué, que ces promotions sont très tardives concernent une proportion très faible des enseignants... On leur propose aussi les revalorisations conditionnelles inscrites dans le « pacte » : il s'agit de travailler plus pour gagner plus, alors que leur charge de travail est déjà bien lourde. Nous sommes très fermement opposés à cette part conditionnelle de la revalorisation.

Je ne suis pas sûre que le gouvernement ait pris la mesure de la désaffection profonde qui frappe aujourd'hui le métier d'enseignant. Elle tient aussi à leurs conditions d'exercice, cela a été dit. À cet égard aussi, le projet de loi de finances interroge. Je pense aux suppressions de poste, qui sont dans le premier degré sont en décalage complet, à mon avis, avec les objectifs d'amélioration du taux d'encadrement. Nous nous sommes interrogés, avec Annick Billon et Max Brisson, dans notre rapport sur le bilan du dernier quinquennat en matière éducative publié au cours de la précédente session, sur les besoins suscités par ces mesures de dédoublement et de plafonnement des effectifs. 7 500 postes ont été supprimés entre 2018 et 2021. Dans certains établissements, la situation est très dégradée, comme je l'ai constaté dans mon département de la Drôme. Ces suppressions peuvent compromettre l'existence de l'association sportive ou la poursuite de l'éducation au développement durable, ou se traduire par des fermetures de classes qui impliquent des effectifs accrus et de moins bonnes conditions de travail et d'études.

S'agissant de l'école inclusive, on peut saluer la création de 4 000 postes d'AESH et la revalorisation de leur rémunération à partir de la rentrée de 2023. Mais leur situation précaire demeure une vraie préoccupation. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen de la proposition de loi relative à la rémunération des AESH et des assistants d'éducation, dont je suis rapporteure.

Quant au fonds d'innovation pédagogique (FIP), inscrit dans les crédits de la mission « Investir pour la France 2030 », il sera doté de 150 millions d'euros en 2023, dans le sillage de l'expérimentation conduite à Marseille. Cette logique d'appel à projet me paraît très contestable : on répond à la demande au lieu de répondre aux besoins ! Cette méthode pose la question des établissements qui ne seront pas en mesure, faute de temps par exemple, de présenter un projet. Elle est potentiellement créatrice d'inégalités. Nous avons constaté à Marseille que des établissements prioritaires étaient laissés au bord du chemin. Pour ma part, je préfère la logique de l'équité à celle du marché. Nous devons offrir à tous les enfants les mêmes chances. Mon groupe votera contre les crédits de cette mission.

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