Nous examinons ce matin le rapport pour avis de notre collègue Jacques Grosperrin sur les crédits consacrés à l'enseignement scolaire dans le projet de loi de finances pour 2023.
Monsieur le président, mes chers collègues, à l'occasion de ce rapport pour avis, j'ai fait le choix cette année de développer plus particulièrement, parmi toutes les thématiques que permet d'aborder la mission « Enseignement scolaire », les questions relatives à l'attractivité du métier d'enseignant. J'ai fait ce choix en lien avec une actualité qui a mis en évidence une crise de recrutement très problématique lors des concours de 2022.
Mon rapport s'inscrit sur ce point dans la continuité des travaux de nos collègues Françoise Laborde et Max Brisson sur le métier d'enseignant, et dans la complémentarité des analyses du rapporteur spécial, Gérard Longuet, sur les rémunérations.
Les crédits de la mission Enseignement scolaire pilotés par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse (hors enseignement agricole, programme relevant du ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire) s'établiront en 2023, en crédits de paiement et à structure budgétaire courante, à 58 821,416 millions d'euros au lieu de 55 245,271 millions d'euros dans la loi de finances pour 2022 (hors contributions aux pensions de l'État), soit une hausse de 6,5 % (+ 3,57 milliards d'euros).
L'effort financier est donc réel.
J'ai toutefois identifié trois principaux points de vigilances qui devront impliquer de notre part, dans les mois à venir, un suivi attentif - je dirais même sans concession :
Premier point de vigilance : des moyens substantiels sont dédiés à la revalorisation des rémunérations des enseignants (935 millions d'euros entre septembre et décembre 2023). Au total, l'ensemble des mesures de revalorisation représentent dans le budget plus de 1,135 milliard d'euros. Mais suffiront-elles à produire le « choc d'attractivité » nécessaire ? Il faudra poursuivre cet effort pendant de longues années avant que la revalorisation reçoive une traduction concrète. Le ministre nous l'a d'ailleurs confirmé la semaine dernière.
L'objectif est qu'aucun enseignant débutant ne gagne moins de 2 000 euros : c'est un minimum avec ce niveau de diplôme !
Il y a dans ce domaine des marges de progression évidentes : la rémunération moyenne des enseignants équivaut actuellement à celle d'un fonctionnaire de catégorie B de la Police nationale ; le salaire médian est de 2 290 euros, ce qui veut dire que la moitié des enseignants gagne moins ; le déroulement de carrière est lent et aléatoire, les grades supérieurs (hors classe et classe exceptionnelle) sont atteints à un âge avancé et concernent peu d'enseignants (mon rapport détaille les chiffres : je vous y renvoie).
Deuxième point de vigilance : le schéma d'emplois prévoit une diminution de quelque 2 000 postes d'enseignants en 2023.
Les projections démographiques prévoient dans les prochaines années une baisse sensible du nombre d'élèves (environ 100 000 élèves par an). De plus, selon le ministère, les suppressions de postes s'élèveraient à 5 000 si l'on tirait toutes les conséquences de cette évolution.
Toutefois, ces 2 000 postes en moins interrogent, compte tenu des besoins liés à l'amélioration du taux d'encadrement, et des vives tensions sur les moyens humains que connaît l'éducation nationale.
Il n'est pas exclu que ces tensions, que risquent d'aggraver les suppressions de poste, fragilisent les moyens mobilisables pour des remplacements de courte durée, et affectent la participation des enseignants à des sessions de formation continue, alors même qu'il s'agit là d'un besoin essentiel - le Grenelle l'a montré.
Troisième point de vigilance : l'école inclusive.
Voici quelques chiffres pour éclairer la réflexion : il y avait plus de 430 000 élèves en situation de handicap à la rentrée de 2022 ; ce nombre augmente de 6% par an depuis 2012 ; il a augmenté de de 81% entre 2012 et 2021 ; malgré la baisse démographique à venir, les projections tablent sur un besoin croissant en ULIS (+ 2% par an) ; les notifications d'affectation en ULIS progressent chaque année de 8,6%.
2,4 milliards d'euros sont inscrits dans le PLF 2023 au titre du programme 230. Or malgré ces moyens importants, les besoins ne sont pas couverts. D'une part, les élèves ne pouvant être accueillis en établissements médico-sociaux, faute de places disponibles, sont affectés en ULIS, ce qui réduit le nombre de places en ULIS pour les élèves qui, malgré une notification d'affectation en ULIS, doivent être scolarisés en milieu ordinaire. D'autre part, le manque d'AESH est bien connu : 56 % seulement en moyenne des élèves en situation de handicap bénéficient d'un accompagnement humain. Dans l'académie de Versailles, il manquait 700 AESH à la rentrée de 2022.
4 000 postes d'AESH sont créés par le budget, mais il est évident que cette profession, marquée par une vraie précarité, reste peu attractive malgré les efforts récemment entrepris pour revaloriser les rémunérations. Sur ce point, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale pour augmenter de 80 millions d'euros les rémunérations des AESH est une bonne chose. Il reste aussi à progresser sur la prise en charge du temps de travail des AESH pendant la pause méridienne et le temps périscolaire, car le temps partiels contraint amplifie la faiblesse des rémunérations de ces personnels. La mission d'information prévue sur ce sujet au sein de notre commission vient donc à point nommé.
Je consacre un passage de mon rapport au bilan de l'accueil des 19 000 élèves ukrainiens en France depuis le début de la guerre. Je me bornerai ce matin à mentionner que, selon le ministre de l'éducation nationale, ces élèves ont un an d'avance sur les nôtres en mathématiques. Ce constat préoccupant confirme l'urgence d'un effort dans ce domaine où le système français excellait autrefois...
J'en viens aux parties du rapport consacrées à l'insuffisante attractivité du métier d'enseignant.
Évoquons tout d'abord les concours de 2022, marqués par une baisse très alarmante du nombre de candidats, surtout dans le premier degré. On compte au total 3 756 postes non pourvus : le nombre a été multiplié par trois entre 2021 et 2022.
Dans le premier degré, les difficultés se sont concentrées sur les académies de Créteil et de Versailles, dans une moindre mesure de Paris. Dans leur majorité, les autres académies semblent avoir réussi à recruter à la hauteur de leurs besoins.
Selon le ministère, le « creux » de 2022 est la conséquence mécanique des nouvelles conditions d'accès aux concours de l'enseignement, qui supposent désormais d'être titulaires d'un master. Les étudiants de master MEEF passent donc les concours en M2 et non plus en M1. L'année 2023 devrait donc, selon cette logique, être plus propice grâce à la reconstitution du vivier de candidats.
Nous devrons donc être vigilants lors des prochains concours. Pour ma part, je crains que la chute observée en 2022 ne soit pas passagère. En effet, le nombre d'inscrits en master MEEF baisse (sauf pour l'option Encadrement éducatif), ce qui traduit une diminution de l'intérêt des jeunes pour l'enseignement, même si tous les candidats aux concours ne sont pas issus de ces formations.
Je passe rapidement sur la problématique du recours aux contractuels, vous renvoyant sur ce point à mon rapport. Par-delà l'emballement médiatique inspiré par les «rendez-vous de recrutement » et les quatre jours de formation organisés en août dernier, le besoin de contractuels risque de perdurer. Nous devrons donc être attentifs à la manière dont ces personnels sont recrutés et formés.
J'en viens aux leviers à mobiliser pour enrayer le déclin de l'attractivité du métier d'enseignant.
Le ministre a parlé d'un « sentiment de déclassement ». Celui-ci a été parfaitement commenté dans le rapport de Max Brisson et de Françoise Laborde en 2018.
Parmi les enjeux de la revalorisation du métier d'enseignant, j'insiste sur la gravité des statistiques relatives aux démissions. Officiellement, on estime que les démissions représentent des proportions « peu significatives » rapportées aux effectifs globaux : 0,34% seulement des effectifs des premier et second degrés.
En réalité, le phénomène est inquiétant, non seulement parce qu'il augmente régulièrement (la courbe est très nettement ascendante), mais aussi par la forte proportion d'enseignants jeunes et en début de carrière, parfois dès l'année de stage. Le système peine donc non seulement à recruter, mais aussi à fidéliser.
En outre, rapportés aux résultats des concours, les effectifs concernés sont loin d'être anodins. Les 1 499 démissions constatées en 2020-2021 dans le premier degré équivalent à 15 % des admis aux concours de professeur d'école en 2021. Les 912 démissions en 2020-2021 de professeurs du second degré équivalent à 7,5 % des lauréats des concours de 2021.
Qu'elles concernent des enseignants chevronnés ou des débutants, les démissions s'apparentent à un véritable gâchis humain et financier, a fortiori dans le contexte actuel de crise de recrutement.
L'amélioration des débuts dans la carrière d'enseignant est donc une urgence pour rendre plus attractif un métier dont on peut comprendre qu'il peine à attirer.
Sur ce point, le « bizutage institutionnel » dénoncé dans un rapport au ministre par Jean-Pierre Obin en 2002 reste d'actualité. Pour faire simple, dans l'enseignement les conditions d'exercice les plus dures sont pour les plus jeunes.
Nous le savons, la mobilité géographique est une contrainte considérable pour les enseignants, surtout en début de carrière puisque l'ancienneté est décisive dans le barème. C'est le deuxième motif de saisine de la médiatrice de l'éducation nationale, qui connaît bien ce sujet. Faute d'avoir obtenu leur exeat, plus de 8 700 enseignants sont en disponibilité pour suivi de conjoint. Les conséquences en termes de rémunération et de retraite sont regrettables. Là encore, c'est un vrai gâchis.
Il est indispensable de travailler dans le sens d'une plus grande souplesse en matière de mutation géographique pour améliorer l'attractivité de l'enseignement. Je ne vois pas comment convaincre les jeunes de faire le choix d'un métier cumulant les inconvénients d'une rémunération relativement faible, de perspectives de carrière limitées et aléatoires, d'un temps de travail important et d'un risque d'enfermement territorial qui affecte considérablement la conciliation vie professionnelle/vie privée.
La démarche contractuelle proposée par Max Brisson et Françoise Laborde dans leur rapport de 2018 est évidemment une piste prometteuse, dont le ministère gagnerait à s'inspirer.
Un mot, pour finir, sur la formation initiale des enseignants, dont la réforme récente - concernant plus particulièrement l'année de stage - est commentée dans mon rapport. Selon des témoignages que j'ai consultés, les enseignants débutants trouvent leur formation trop théorique pour leur permettre des débuts sereins dans la carrière. Ils se sentent insuffisamment préparés aux situations auxquelles ils sont souvent confrontés. Je pense plus particulièrement à l'école inclusive et aux besoins éducatifs particuliers. En outre, je vous mets au défi de trouver sur Éduscol ou Canopé des outils pédagogiques gratuits et concrets répondant à ce besoin. Le rapport donne des exemples précis de cette lacune.
La réforme prévoit un effort en matière d'accompagnement : il était temps ! Là encore, la vigilance s'impose et nous devrons contrôler attentivement sa mise en oeuvre.
En conclusion, malgré les points de vigilance que j'ai exposés, qui devront impliquer de notre part un suivi rigoureux, je vous propose, mes chers collègues, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire, eu égard à l'effort réel qu'elle traduit, notamment à l'égard du monde enseignant, et par cohérence avec le vote émis par la commission des finances.
Je salue le travail de notre rapporteur, et la connaissance fine de l'éducation nationale dont il est l'écho. Ce travail identifie les difficultés auxquelles se heurte le système éducatif, qu'il s'agisse des conditions de travail des enseignants ou des conditions d'accueil des élèves, et les leviers pour les améliorer. Le PLF 2023 prévoit une hausse significative du premier budget de l'Etat, hors remboursement de la dette : on peut se féliciter de cet effort, plus particulièrement à l'égard des enseignants. La revalorisation de leur rémunération est juste et bienvenue, mais il faut aussi améliorer leur déroulement de carrière. Ce budget en augmentation est le signe d'une nation qui consacre beaucoup d'argent public - près de 59 milliards d'euros - aux jeunes générations.
Ce constat ne doit toutefois pas nous exonérer de l'examen du service rendu par l'éducation nationale : le compte n'y est pas ! Trop de jeunes sortent du système sans diplôme, le décrochage reste important malgré des efforts dont les effets ne pourront se traduire que dans le temps long - je pense notamment aux réductions d'effectifs dans les classes -. On ne peut se satisfaire non plus du rang médiocre de notre pays dans les classements internationaux, pas seulement en mathématiques... Les moyens massifs injectés dans l'éducation nationale n'ont donc pas l'efficacité attendue.
Nous le savons, les conditions de travail des enseignants tiennent aussi à des difficultés telles que les effectifs trop nombreux et, surtout, le manque de discipline. La bienpensance à l'oeuvre pendant des années a empêché les élèves de progresser et les enseignants de travailler. Il faut revenir à l'autorité et aux devoirs à la maison.
Les démissions d'enseignants augmentent - ne nous arrêtons pas aux pourcentages, qui masquent la gravité du processus - et le nombre de candidats aux concours diminue : autant de signes préoccupants d'une baisse d'attractivité de ce beau métier ! Sur les enseignants pèse aujourd'hui une diversité de missions - respect du principe de laïcité, école inclusive... - qui me semble déraisonnable. Il faut y réfléchir. L'enseignement moral et civique, comme l'a montré la mission commune d'information sur la culture citoyenne que j'ai présidée l'an dernier, le confirme : la dilution et l'extension de son contenu illustrent cette tendance à élargir sans cesse les missions des enseignants.
L'intervention du rapporteur me conduit à m'interroger sur l'annonce récente du ministre de l'éducation nationale relative à l'introduction des mathématiques dans le tronc commun, à raison d'une heure trente obligatoire pas semaine. Comment sera mise en oeuvre cette décision et avec quels moyens, compte tenu du manque de professeurs de mathématiques, cette matière étant « en tension » ?
De plus, en ces temps de sobriété énergétique, du fait de l'importance de l'immobilier public (500 000 mètres carré), dont une part importante concerne les collèges et les lycées qui appartiennent aux collectivités territoriales, quelles sont les préconisations du ministère en matière de chauffage ? Les élèves devront-ils investir cet hiver dans des cols roulés ? Quelle sera la charge pour les collectivités territoriales ? Quant aux expériences de chimie, seront-elles ajournées sauf si l'origine locale et le caractère renouvelable du gaz consommé par les becs bunsen sont garantis ? Et y aura-t-il un plan de soutien aux collectivités territoriales pour les aider à financer la rénovation des bâtiments, dont nous savons qu'elle est indispensable ?
Je m'associe par ailleurs à la vigilance du rapporteur sur l'école inclusive et à ses autres constats, qui auraient pu justifier un avis réservé sur les crédits de cette mission. Je prends acte comme lui de l'effort dont font l'objet ces crédits, tout en rappelant que ce budget est adossé à un déficit annuel de 160 milliards d'euros ! Notre groupe suivra son avis.
Au cours du précédent quinquennat, les crédits destinés à l'enseignement scolaire ont connu une hausse régulière. Je salue donc la nouvelle augmentation inscrite dans ce PLF, même si une part non négligeable de cet effort tient de manière mécanique à l'augmentation du point d'indice.
Toutefois, de nombreuses difficultés persistent, à commencer par la baisse de l'attractivité du métier enseignant, qui ne date pas d'aujourd'hui. Autre sujet d'inquiétude : la médecine scolaire. En 2011, un rapport tirait déjà la sonnette d'alarme, notant une forte proportion de postes vacants - environ un tiers - et d'importantes disparités entre les territoires. C'est un problème structurel, selon le ministre : que le gouvernement s'en saisisse ! En onze ans, nous n'avons pas avancé en la matière.
S'agissant de l'école inclusive, malgré les efforts destinés à la rémunération des AESH, cette profession reste marquée par une forte précarité, aggravée par le temps partiel contraint. Elle suscite donc peu de vocations. J'insiste aussi sur l'importance de la formation de ces personnels, largement perfectible.
Quant à l'éducation à la sexualité, c'est une priorité si nous ne voulons pas que la pornographie fasse l'éducation sexuelle de nos enfants. Le rapport de la délégation aux droits des femmes l'a clairement montré. Un tiers des moins de 12 ans ont été exposés à des images pornographiques ; deux tiers des moins de 15 ans. Or seulement 10% des établissements respectent les trois séances par an et par niveau prévues par la loi. Stéphane Piednoir a raison de dire que l'on demande beaucoup aux enseignants ; précisément, l'éducation à la sexualité pourrait être confiée à d'autres intervenants.
Enfin, s'agissant de la réintégration des mathématiques dans le tronc commun, comment cette heure trente va-t-elle pouvoir tenir dans des agendas déjà surchargés ?
Le groupe Union centriste suivra l'avis du rapporteur avec des points de vigilance majeurs : malgré un budget en hausse, l'école reste inégalitaire.
Quel beau rapport ! Ce réquisitoire à charge me conviendrait tout à fait si le rapporteur en tirait les conséquences en proposant un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission. Vous évoquez l'augmentation substantielle des crédits : mais compte tenu du niveau d'inflation, heureusement que ce budget augmente de 6% ! Cet effort doit être relativisé. Je rejoins le rapporteur sur la crise d'attractivité du métier enseignant. Les chiffres inquiétants concernant les candidats aux concours et les postes non pourvus ont rythmé l'année 2022. Je doute que les choses s'améliorent lors des concours de 2023 : le report de la date limite d'inscription, faute de candidats en nombre suffisant, montre que les problèmes de recrutement de 2022 risquent de perdurer. Cette crise du recrutement s'explique en partie par le faible niveau des rémunérations. Le gouvernement nous promet un choc d'attractivité, cristallisé autour de trois chiffres clé : la promesse d'un salaire minimum de 2 000 euros en début de carrière, une hausse moyenne des rémunérations de 10%, et 935 millions d'euros de revalorisations, qui doivent toutefois être rapportés à des effectifs considérables (856 500). Le gouvernement a fait le choix de cibler les vingt premières années d'exercice. Quid des autres enseignants ? Nous assisterons très certainement à un nouvel « effet de plateau ». Ils pourront, nous dit-on, accéder plus facilement aux grades, hors classe et classe exceptionnelle, assortis de rémunérations plus élevées. Mais nous savons, le rapporteur l'a indiqué, que ces promotions sont très tardives concernent une proportion très faible des enseignants... On leur propose aussi les revalorisations conditionnelles inscrites dans le « pacte » : il s'agit de travailler plus pour gagner plus, alors que leur charge de travail est déjà bien lourde. Nous sommes très fermement opposés à cette part conditionnelle de la revalorisation.
Je ne suis pas sûre que le gouvernement ait pris la mesure de la désaffection profonde qui frappe aujourd'hui le métier d'enseignant. Elle tient aussi à leurs conditions d'exercice, cela a été dit. À cet égard aussi, le projet de loi de finances interroge. Je pense aux suppressions de poste, qui sont dans le premier degré sont en décalage complet, à mon avis, avec les objectifs d'amélioration du taux d'encadrement. Nous nous sommes interrogés, avec Annick Billon et Max Brisson, dans notre rapport sur le bilan du dernier quinquennat en matière éducative publié au cours de la précédente session, sur les besoins suscités par ces mesures de dédoublement et de plafonnement des effectifs. 7 500 postes ont été supprimés entre 2018 et 2021. Dans certains établissements, la situation est très dégradée, comme je l'ai constaté dans mon département de la Drôme. Ces suppressions peuvent compromettre l'existence de l'association sportive ou la poursuite de l'éducation au développement durable, ou se traduire par des fermetures de classes qui impliquent des effectifs accrus et de moins bonnes conditions de travail et d'études.
S'agissant de l'école inclusive, on peut saluer la création de 4 000 postes d'AESH et la revalorisation de leur rémunération à partir de la rentrée de 2023. Mais leur situation précaire demeure une vraie préoccupation. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen de la proposition de loi relative à la rémunération des AESH et des assistants d'éducation, dont je suis rapporteure.
Quant au fonds d'innovation pédagogique (FIP), inscrit dans les crédits de la mission « Investir pour la France 2030 », il sera doté de 150 millions d'euros en 2023, dans le sillage de l'expérimentation conduite à Marseille. Cette logique d'appel à projet me paraît très contestable : on répond à la demande au lieu de répondre aux besoins ! Cette méthode pose la question des établissements qui ne seront pas en mesure, faute de temps par exemple, de présenter un projet. Elle est potentiellement créatrice d'inégalités. Nous avons constaté à Marseille que des établissements prioritaires étaient laissés au bord du chemin. Pour ma part, je préfère la logique de l'équité à celle du marché. Nous devons offrir à tous les enfants les mêmes chances. Mon groupe votera contre les crédits de cette mission.
Nous partageons les constats du rapporteur, mais cela va nous conduire à un vote différent du sien.
Je suis d'accord, l'effort de revalorisation des rémunérations porté par ce budget est réel, mais pas au point de produire le « choc d'attractivité » dont l'enseignement a besoin. Pour mémoire, les effectifs hospitaliers sont dans une certaine mesure comparables à ceux de l'éducation nationale. Or les 8,2 milliards d'euros consacrés à l'issue du Ségur de la santé n'ont pas produit les améliorations escomptées à l'hôpital. De ce fait, que peut-on attendre des 935 millions d'euros destinés aux enseignants ? Le déclassement et le décrochage actuels des enseignants sont le résultat d'un long gel du point d'indice. Ils confirment qu'il est plus sage de revaloriser régulièrement les personnels. Faute d'un tel choix, nous sommes aujourd'hui confrontés à des besoins considérables que nous peinons à financer.
Je considère par ailleurs que la baisse de la démographie scolaire ne devrait pas se traduire par des suppressions de postes, mais devrait être consacrée à l'amélioration du taux d'encadrement. Or, en la matière, les objectifs du précédent quinquennat ne sont pas atteints...
Je remercie le rapporteur pour les statistiques éclairantes qu'il nous a présentées, notamment en matière de démissions. Nous devrons être vigilants sur le nombre d'abandons précoces de nouveaux contractuels et sur la capacité du système à fidéliser ces personnels, et sur les moyens qui seront consacrés à la mise en oeuvre des dernières annonces sur le retour des mathématiques dans le tronc commun. Le FIP me semble par ailleurs poser plus de questions que nous n'avons de réponses, notamment sur le plan juridique et sur les critères de sélection des projets. Quant à la santé des jeunes, je rejoins l'analyse d'Annick Billon. Je crains un fâcheux manque d'ambition dans ce domaine de la part du gouvernement.
Comme dans les fables de La Fontaine, la morale par laquelle Jacques Grosperrin conclut son rapport est très importante. Bien sûr, tout ne va pas bien à l'éducation nationale, mais ce budget est en hausse de 6,5 %. L'augmentation des salaires des enseignants, à hauteur de 10 % en moyenne, est à saluer. 635 millions d'euros permettront une revalorisation inconditionnelle des rémunérations des enseignants. La hausse du point d'indice, très attendue, représente 1,7 milliard d'euros. S'agissant du FIP, 500 millions d'euros permettront d'ici 2027 de financer des projets locaux. Le Sénat ne peut que s'en réjouir, me semble-t-il. J'aimerais par ailleurs savoir quels autres vecteurs d'amélioration de la situation des enseignants, mis à part les salaires, pourraient être privilégiés pour lutter contre la crise d'attractivité de la profession.
Je remercie le rapporteur pour son analyse claire et précise. Les priorités du ministère de l'éducation nationale sont la revalorisation des rémunérations des personnels, la réussite de tous les élèves, l'école inclusive... De fait, le budget augmente de manière sensible, mais à hauteur de l'inflation. En comparaison, l'effort budgétaire effectué entre 2016 et 2017 (+4,8 %) était supérieur. De plus, je ne suis pas convaincue par la promesse de revalorisation de 10 %, qui vaut en réalité pour le quinquennat. Attendons la suite ! Quant au choc d'attractivité, je doute qu'il soit effectif. Une autre grille salariale semble en préparation, en réalité. Je m'inquiète du message que renvoie la création de 4 000 postes d'AESH alors que 2 000 postes d'enseignants sont supprimés. Je m'associe également aux remarques précédentes sur la médecine scolaire. Le ministre n'a pas apporté de réponse précise, la semaine dernière, à nos interrogations sur ce sujet. Enfin, nous devrons être vigilants à l'égard de la réforme annoncée de l'enseignement professionnel, après le débat qui a eu lieu cette semaine dans notre hémicycle.
Mon groupe votera contre l'adoption des crédits de cette mission.
En matière d'enseignement, nous avons déjà touché le fond ; nous sommes donc en train de remonter ! L'état de la médecine scolaire reflète celui de la médecine en général et rejoint le problème des déserts médicaux. Plus que de médecins, qui sont de toute façon trop peu nombreux, on a besoin d'infirmières, de psychologues et d'assistants sociaux dans les établissements. Dans le cadre de partenariats avec les départements, les PMI et, de manière générale, les services médico-sociaux des départements pourraient être mis à contribution. Cela pourrait être plus efficace que la médecine scolaire, qui n'a pas les moyens d'aller vers les familles, mais demeure au sein des établissements.
En ce qui concerne Parcoursup, dont nous avons débattu lundi soir en séance publique, on note des inégalités dans l'accès aux informations sur l'orientation. Selon moi, les régions doivent être associées : là encore, une logique de partenariat pourrait apporter des solutions.
J'ai par ailleurs appris avec étonnement que le fonds de soutien aux activités périscolaires diminuait en raison d'une baisse de la consommation effective de ces crédits par les communes. Enfin, mon attention a été attirée sur la participation de celles-ci aux dépenses de fonctionnement des établissements privés sous contrat. Il semble qu'actuellement ces charges augmentent, en lien probablement avec le prix de l'énergie. Il semble aussi que l'augmentation du nombre d'élèves scolarisés dans le privé contribue à accroître cette charge financière. La désaffection pour l'école publique est une dimension importante de cette question. On le constate notamment au niveau des lycées et des CPGE. En outre, je me réjouis de la création de 100 postes de CPE dans le projet de budget pour 2023, ainsi que de l'augmentation des heures de décharge pour les directeurs d'école.
Mon groupe suivra l'avis de notre rapporteur.
Je salue l'expertise de notre rapporteur. Cette analyse aurait pu justifier un vote défavorable, en dépit de l'augmentation des crédits et de la revalorisation des rémunérations des personnels, qui plaident quant à elles pour son approbation. Mais les rémunérations ne sont pas la seule solution à la crise actuelle. Je ne vois pas, dans ce budget, la réforme de fond qu'exige la situation des enseignants, à commencer par la fin du « bizutage institutionnel » qui caractérise les débuts dans le métier. Les néotitulaires ont besoin d'un vrai accompagnement, notamment dans les établissements difficiles où ils sont envoyés comme les « Marie-Louise » du premier Empire : qu'en est-il concrètement ? On ne voit aucun signe d'une intention d'améliorer leur accompagnement dans ce budget. De même, l'approche des ressources humaines doit être plus individualisée. Si cette orientation était mise en oeuvre, cela aurait une traduction dans le budget !
Nous connaissons la désaffection dramatique pour les concours d'enseignants qui résulte de cette situation, avec pour conséquence un recours accru aux contractuels dont l'effectif peut atteindre 20% des professeurs devant les élèves.
L'entrée dans le métier relève du pilotage à vue. La même réflexion vaut pour l'accompagnement des nouveaux contractuels.
Nous devrons, dans l'hémicycle, exprimer clairement nos protestations et critiques. Depuis juin 2022, ce ministère vit dans un flou parfaitement entretenu. L'objectif est de calmer la colère des professeurs, qui était très forte au moment du départ de Jean-Michel Blanquer. De fait, l'objectif est atteint, mais au prix d'un pilotage à vue très perceptible...
Quoi qu'il en soit, comme l'a indiqué Stéphane Piednoir, notre groupe suivra les conclusions du rapporteur mais nous ne manquerons pas de critiques dans l'hémicycle lorsque la mission sera examinée.
Le président a raison, la sagesse japonaise devrait inspirer notre réflexion.
La réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer est un échec total. Il faudra y revenir. Le Parlement n'y a aucunement été associé, ce qui est très regrettable. Certes, ces mesures relevaient du domaine règlementaire, mais un débat aurait permis de nourrir notre réflexion. Il semble que le nouveau ministre ait pour objectif de défaire ce qui a été fait par son prédécesseur - cette méthode n'est pas sans précédent depuis 2017. Selon moi l'effondrement de l'éducation nationale n'est pas loin : il y a urgence.
Comme l'a relevé Max Brisson, on ne voit pas où va ce ministère.
Je vous rejoins, mes chers collègues, sur le FIP : c'est à croire que les écoles et les établissements n'ont pas de projet. Or ils en ont, nous le voyons bien sur le terrain ! Pour l'heure, nous devons nous prononcer sur le budget, en tant que commission saisie pour avis. Comment expliquer à un enseignant débutant, dont nous connaissons la faible rémunération, que l'on ne vote pas un budget comportant des mesures de revalorisation qui lui sont destinées ? Au-delà des questions budgétaires, je ne suis pas certain que la feuille de route du ministre actuel soit très claire, notamment dans le domaine de la laïcité. Or ce ministère a besoin d'une vision claire sur l'avenir de l'éducation nationale. Nous attendons du ministre des réponses concrètes. Nous serons particulièrement vigilants en séance publique sur ce point et peut-être ferons-nous évoluer notre position à ce moment-là.
C'est la conviction qui fait l'honneur de la politique. Notre rapporteur est partagé entre ses constats critiques et le vote favorable de la commission des finances. À titre personnel, je pense qu'un avis de sagesse pourrait peut-être concilier ces exigences. Mais je m'en remettrai naturellement à l'avis du rapporteur et à l'appréciation de la commission.
Un avis de sagesse serait peut-être une façon de ne pas s'exprimer : est-ce cohérent quand on est saisi pour avis ?
Nous devrons être attentifs au message que nous enverrons par notre vote aux enseignants - je pense plus particulièrement aux enseignants débutants, qui sont dans certaines métropole en situation de pauvreté - alors que leurs rémunérations sont enfin revalorisées. Mais ne nous leurrons pas : l'argent n'a jamais suffi à réparer des systèmes en panne. Une réforme ambitieuse, systémique, s'impose : nous sommes d'accord sur les constats, même si nous ne nous rejoindrons pas nécessairement sur les conséquences qui doivent en être tirées.
Je vous rassure, mon cher collègue, notre groupe va voter contre ce budget, comme c'est le cas depuis des années, et nous n'aurons aucune difficulté à nous en expliquer auprès des enseignants ! Pour nous, la revalorisation prévue par le PLF est insuffisante.
Nous sommes confrontés à une divergence de vues entre le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis, pourtant membres du même groupe...
Avant que nous nous prononcions, je souhaiterais apporter très brièvement quelques éléments de réponse.
La revalorisation des rémunérations est bienvenue, ce qui n'empêche pas un regard critique sur ce budget. Le temps de travail des enseignants est considérable : selon une étude récente, ils déclarent entre 35 et 60 heures par semaine dans le premier degré ; entre 33 et 65 heures dans le second degré. Stéphane Piednoir a évoqué le décrochage et les médiocres performances de la France dans les classements internationaux : l'héritage est là ! Dans cette logique, le renforcement des horaires de maths obligatoire va dans le bon sens. Le budget traduit des efforts certains en matière d'investissement immobilier, notamment dans les outre-mer. La médecine scolaire subit un manque d'attractivité évident, en lien probablement avec des rémunérations trop faibles. La proposition de loi que Marie-Pierre Monier va rapporter permettra une réflexion utile et éclairera le débat. S'agissant du FIP, je le répète, les établissements avaient des projets avant cette annonce ! La baisse de la démographie scolaire aurait pu justifier une diminution plus brutale du nombre de postes d'enseignants. Ces 2 000 postes supprimés auraient pu néanmoins permettre d'améliorer le taux d'encadrement. Les postes non pourvus s'élèvent à 1 686 dans le premier degré ; 2 070 dans le second degré, soit au total 3 756. Les démissions concernent malheureusement les enseignants les plus jeunes : les moins de 40 ans représentent 51% des démissionnaires dans le premier degré ; 45% dans le second degré. On comptait 1 499 démissions en 2020-2021 dans le premier degré ; 912 dans le second degré. L'augmentation des crédits de la mission ne doit pas, à mon avis, s'apprécier uniquement à l'aune de l'inflation. Quant au « bizutage institutionnel », il appelle une réforme de fond, je suis d'accord avec Max Brisson.
Mes chers collègues, je vous propose de suspendre brièvement notre réunion avant de passer au vote.
(La réunion est suspendue)
Mes chers collèges, nous reprenons nos échanges.
Entre réussir et avoir raison, nous choisissons la réussite du système éducatif pour les prochaines années et, à ce titre, je propose que nous nous abstenions sur le vote de ces crédits.
La commission a décidé de s'abstenir sur l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2023 et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat.
Le programme 163 est doté, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 837,08 millions d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 65 millions d'euros, soit de plus de 8 % par rapport à l'année dernière.
Mais une fois encore, l'augmentation de ce budget pour l'année à venir demeure en grande partie absorbée par la montée en charge du service national universel. Les crédits qui y sont consacrés augmentent de 30 millions d'euros, alors même que la mise en oeuvre et la pérennisation de ce dispositif suscitent encore de nombreuses questions. J'y reviendrai.
Les crédits en faveur du service civique inscrits dans le programme 163 sont également en augmentation. Une enveloppe complémentaire de 20 millions d'euros doit permettre à l'Agence du service civique de poursuivre ses activités en 2023.
Toutefois, cette évolution favorable du budget doit être nuancée ; il ne faut pas oublier que le service civique bénéficiait également l'année dernière de 201 millions d'euros supplémentaires issus du Plan de relance. Si l'Agence du service civique assure pouvoir continuer de mener à bien ses missions en 2023 dans ces conditions, je regrette tout de même que ces crédits ne soient pas pérennisés. Le service civique est pourtant un dispositif pertinent, qui démontre chaque année son efficacité en termes d'accompagnement des jeunes, d'insertion et d'engagement.
Ce budget pour 2023 appelle également deux autres remarques générales :
- Tout d'abord, l'effort en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire doit être souligné. En 2023, une enveloppe complémentaire de 6,8 millions d'euros permettra, d'une part, de financer les mesures relatives aux Assises de l'animation annoncées par la secrétaire d'Etat Sarah El Haïry en février dernier. Ces mesures ont notamment pour ambition de renforcer l'accès à la formation et d'améliorer la qualité de l'emploi pour les animateurs professionnels. Ces crédits permettront aussi, d'autre part, de financer le « plan mercredi ». Ce plan, pour rappel, vise à permettre à tous les enfants d'accéder à des activités éducatives organisées en lien avec le temps scolaire.
J'attire un instant votre attention sur la pérennisation des postes créés pendant la crise sanitaire pour le dispositif « Fonjep Jeunes ». Je vous rappelle qu'en 2021 et 2022, un soutien renforcé avait été apporté aux associations intervenant dans les champs de la jeunesse et de l'éducation populaire avec le subventionnement de 2 000 « postes Fonjep » supplémentaires sur le Plan de relance. Leur financement est désormais intégré au sein du programme 163. Ces postes Fonjep sont particulièrement importants : ils sont attribués pour trois ans, ce qui offre une certaine visibilité à long terme pour l'association bénéficiaire.
- Toutefois, les crédits en faveur du développement de la vie associative sont en baisse pour 2023, sous l'effet notamment de la diminution des crédits consacrés au compte d'engagement citoyen. En effet, le dispositif a été moins sollicité que prévu par les bénévoles éligibles.
Cette baisse du budget alloué au monde associatif est particulièrement préoccupante. Plus que jamais, il m'apparait au contraire essentiel de renforcer davantage le soutien aux associations, qui peinent à retrouver leur dynamisme d'avant-crise. Le secteur associatif a perdu environ 15 % de ses bénévoles entre 2019 et 2022 !
Par ailleurs, l'activité bénévole est souvent trop peu valorisée en dehors de la sphère associative. Le bénévolat doit être davantage reconnu et encouragé.
Si des dispositifs à destination des bénévoles existent, à l'instar du CEC, du passeport bénévole ou encore du congé engagement, ils demeurent trop faiblement utilisés par les bénévoles éligibles, car peu connus par ces derniers.
Au lendemain d'une crise sanitaire qui les a durement éprouvées, les associations se heurtent désormais à une véritable crise du bénévolat, à laquelle vient s'ajouter la crise énergétique. Le tissu associatif local en est fortement fragilisé et doit plus que jamais être soutenu.
Aussi, face aux besoins croissants, je regrette que le montant alloué au FDVA soit à nouveau en stagnation. Le FDVA est pourtant un outil financier majeur pour la promotion et le développement de la vie associative.
En 2021, le « FDVA 1 » a permis de former près de 240 000 personnes. Toutefois, les possibilités de formation offertes restent en deçà des demandes des bénévoles puisque seulement 66% du nombre de bénévoles demandeurs a pu accéder aux formations proposées durant l'année.
Depuis 2018, vous le savez, le FDVA s'est vu confier la responsabilité d'attribuer aux associations les fonds anciennement versés au titre de la réserve parlementaire.
Ainsi, les crédits du « FDVA 2 » - destinés au soutien aux projets et à l'innovation - permettent aux petites associations de tous les territoires d'effectuer des demandes de subventions.
Mais ce dispositif est très lourd pour les petites associations et manque de lisibilité. Son efficacité n'est pas satisfaisante : en 2021, 46,85 millions d'euros ont été accordés et versés, représentant seulement 38 % du montant total demandé. Plus d'une association sur 5 ayant présenté une demande s'est vu refuser un financement.
Par ailleurs, le FDVA bénéficie également depuis 2021 d'un abondement annuel venant des comptes inactifs des associations en déshérence. La quote-part est aujourd'hui fixée à 20 %. Cela représente 17,5 millions d'euros pour 2023, comme en 2022. Une hausse de cette quote-part me parait indispensable pour répondre à l'ensemble des demandes et prévenir les difficultés à venir, face à l'inflation et aux coûts supplémentaires auxquels les associations vont devoir faire face dans les prochains mois.
J'aimerais maintenant revenir au service national universel. Eu égard aux modalités de déploiement du dispositif cette année, je suis particulièrement sceptique quant à sa montée en charge.
Premier constat : trois ans après sa première expérimentation, le dispositif peine encore à décoller. Concernant la phase 1 et pour la première fois cette année, trois sessions ont été organisées en février, juin et juillet. Pourtant, seulement 32 000 volontaires ont effectué un séjour de cohésion en 2022, loin de l'objectif de 50 000 volontaires fixé initialement. Le gouvernement vise pour 2023 le nombre de 60 000 volontaires effectuant la phase 1 du SNU. Au vu du peu d'engouement suscité depuis sa mise en place, cet objectif me parait une nouvelle fois bien trop ambitieux.
Je m'inquiète également du recours massif au Contrat d'engagement éducatif pour recruter les encadrants du séjour de cohésion. Ce type de contrats permet à ceux qui en bénéficient de participer occasionnellement à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif, à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs. Il est mobilisable pour une période maximum de 80 jours sur une période de 12 mois. Il n'est en aucun cas adapté aux particularités et aux exigences du SNU.
Quant à la phase 2, c'est-à-dire, la mission d'intérêt général pendant 15 jours ou 84 heures, trop de peu de jeunes encore la réalisent. À ce jour, seulement 3,5 % des volontaires ayant effectué l'un des trois séjours de cohésion en 2022 ont réalisé leur MIG et 40 % sont en cours de recherche ou de réalisation !
Parmi les principaux freins, les jeunes ne repèrent pas toujours les structures susceptibles de les accueillir, ou font face à une offre limitée sur leur territoire et à des problèmes de mobilité.
Dans ces conditions, la montée en charge du dispositif interroge. Je l'avais déjà indiqué l'année dernière : il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur les objectifs du SNU et sur son déploiement à long terme.
Il pourrait par exemple être opportun de réformer le contenu des séjours de cohésion pour le rapprocher de celui de la session de formation générale au BAFA. Cela pourrait permettre aux volontaires d'obtenir, à l'issue de la phase 1 du SNU, la qualité d'animateur stagiaire. Un tel rapprochement permettrait d'encourager fortement les participants au SNU à poursuivre ensuite la formation pour obtenir le BAFA et permettrait ainsi d'enclencher une nouvelle dynamique au sein des deux dispositifs.
Je terminerais d'ailleurs en évoquant la situation inquiétante du BAFA, qui connait depuis plusieurs années une baisse drastique du nombre de candidats.
Si l'année 2021 a vu une hausse de 8 % du nombre de brevets délivrés, le niveau d'avant la crise est loin d'avoir été retrouvé, sachant que le nombre de brevets délivrés avait déjà fortement baissé entre 2016 et 2019.
Comme je l'indiquais, des aides ont déjà été mises en place dans le cadre des assises de l'animation. Parmi elles, une aide exceptionnelle a été accordée en 2022 à 20 000 jeunes qui terminent leur formation BAFA et l'âge minimum d'entrée en formation a été abaissé à 16 ans. Ces initiatives doivent être saluées.
Mais face à l'ampleur des besoins, il est essentiel de redonner encore davantage aux jeunes l'envie de s'investir dans ces secteurs en crise.
La rentrée scolaire 2021 a été marquée par de grandes difficultés de recrutement dans le secteur des accueils collectifs de mineurs - 80 % des opérateurs ayant éprouvé des difficultés pour recruter de la main-d'oeuvre.
C'est notamment le cas des colonies de vacances. Or, la diminution du nombre de départs en colonie de vacances a également des conséquences, à moyen terme, sur le nombre de candidats en BAFA, la plupart des candidats ayant déjà participé à des séjours collectifs. Il m'apparait donc important de soutenir également la dynamique des colonies de vacances pour élargir le vivier de candidats potentiels au BAFA. C'est pourquoi je tenais à réitérer mon appel à la création d'un « pass colo » à destination des enfants de 9 à 11 ans, soit de CM1/CM2, afin d'inciter et soutenir financièrement le départ des enfants en séjours collectifs.
Je conclurais donc en rappelant que les crédits du programme 163 sont en augmentation pour 2023. Néanmoins, je suis sceptique sur l'utilisation de ces millions d'euros supplémentaires, dont une majorité pourrait à mon sens être mieux utilisée en faveur d'autres dispositifs du programme. C'est la raison pour laquelle je propose que notre commission s'en remette à la sagesse du Sénat.
Je tiens à saluer le travail accompli par le rapporteur et à le remercier de nous avoir conviés aux auditions organisées dans le cadre de la préparation de son rapport.
Nous constatons que la hausse du budget du programme 163 est cette année encore majoritairement consacrée au financement du déploiement du service national universel (SNU), dispositif sur lequel nous souhaitons continuer à émettre de nombreuses réserves. Celui-ci se caractérise toujours par un manque criant de visibilité et de lisibilité, une sur-estimation manifeste et systématique du nombre de participants attendus et des difficultés récurrentes en termes de logistique. Nous nous étonnons, dans ces conditions, que le gouvernement s'entête à envisager de généraliser le SNU.
Un certain nombre de questions restées sans réponse entourent d'ailleurs ce dispositif. Nous pensons plus particulièrement à celles relatives à l'identité et à la formation des encadrants, à celles concernant l'intérêt du séjour de cohésion et à celles associées aux modalités de financement de la généralisation envisagée par le gouvernement, dont le coût avoisinerait les 1,7 milliard d'euros. Nous estimons, comme vient de le souligner le rapporteur, qu'il est grand temps de donner au Parlement l'opportunité de débattre de l'avenir de ce dispositif.
Nous nous félicitons en revanche du succès rencontré par le service civique, dont les crédits progresseront de vingt millions d'euros en 2023. Nous constatons avec satisfaction son déploiement progressif en milieu rural depuis 2021. Nous appelons de nos voeux la mise en oeuvre d'une communication appropriée afin de porter les informations relatives aux contours et aux modalités de ce dispositif aux jeunes concernés.
Pourtant annoncée comme prioritaire par le Président de la République, on ne peut que regretter que la politique du gouvernement en faveur de la jeunesse de France se trouve éparpillée entre plusieurs ministères et différentes missions budgétaires, ce qui nuit à sa lisibilité et occulte sa compréhension.
Après une crise sanitaire qui a considérablement fragilisé le tissu associatif et au moment où les associations font face aux surcoûts liés à l'explosion de leurs dépenses énergétiques, il est regrettable de constater une stagnation du montant des crédits alloués au FDVA et une baisse de ceux consacrés au compte d'engagement citoyen. Il serait d'ailleurs opportun de songer à articuler le FDVA avec d'autres dispositifs, comme ceux destinés à la valorisation de la formation des bénévoles.
La baisse des demandes de subventions constatée au titre du FDVA traduit selon nous le manque de lisibilité de ses critères de financement et la lourdeur des procédures imposées aux associations, en particulier les plus petites. Il est impératif de procéder rapidement à l'amélioration de ces critères et à la simplification de ces procédures.
Pour toutes ces raisons, les membres de mon groupe s'abstiendront sur le vote des crédits consacrés à la jeunesse et à la vie associative.
Je tiens à mon tour à remercier le rapporteur pour la qualité de sa présentation. Nous ne pouvons que regretter la baisse des crédits consacrés à la vie associative alors que la plupart des structures n'ont pas encore retrouvé leur rythme de croisière. C'est un signal négatif adressé tant aux associations qu'aux bénévoles qui les animent.
S'agissant du SNU, je me demande si la secrétaire d'État croit vraiment à l'avenir du dispositif dont elle s'emploie, avec un certain talent, à nous vanter les mérites. Il est d'ailleurs paradoxal de souhaiter permettre à l'ensemble d'une classe d'âge de faire cohésion quand un si petit nombre de jeunes participent effectivement au dispositif chaque année. On peut par conséquent estimer que les trente millions d'euros supplémentaires alloués au SNU en 2023 auraient été plus profitables au soutien de la vie associative et du service civique ou à la création d'un véritable écosystème autour du BAFA et des colonies de vacances.
Au regard de son manque d'attractivité et de son coût, j'espère que le SNU sera bientôt arrêté.
Nous suivrons bien entendu l'avis du rapporteur.
Nous ne pouvons que regretter la diminution des crédits consacrés au monde associatif au moment où ses acteurs doivent faire face à l'inflation et au renchérissement significatif du coût de l'énergie. Je rappelle que ce secteur concerne pas moins de treize millions d'adhérents, vingt et un millions de bénévoles et un million huit cent mille salariés soit près de dix pour cent des emplois privés. Je déplore que l'ensemble des mesures visant à valoriser l'engagement bénévole proposées par le Sénat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France n'aient pas été retenues par le gouvernement.
Je constate, comme d'autres, que les procédures permettant de bénéficier du FDVA demeurent trop lourdes et trop complexes pour les petites associations. Nous attendons donc avec impatience la mise en oeuvre des mesures de simplification annoncées hier soir par Marlène Schiappa.
Si je me félicite de la poursuite de l'effort budgétaire réalisé en faveur du service civique, qui connaît un véritable engouement auprès des jeunes, je serais en revanche plus critique à l'égard du service national universel. On peut en effet douter que ce dispositif soit en mesure de contribuer efficacement au développement de l'autonomie et des compétences réelles de nos jeunes. On constate au contraire une inadéquation flagrante entre ce dispositif et leurs attentes alors que de nombreux secteurs économiques en crise de recrutement n'y sont pas associés. La question de l'avenir de ce dispositif est clairement posée.
Au final, la stratégie du gouvernement à l'égard de la jeunesse demeure particulièrement floue.
Notre groupe s'abstiendra sur l'adoption de ces crédits.
Ce projet de budget destiné à la jeunesse frise l'insincérité compte tenu des hypothèses envisagées par le gouvernement concernant l'avenir du SNU. En effet, l'augmentation des crédits proposée par le gouvernement en 2023 ne permettrait en aucun cas de financer une éventuelle généralisation du dispositif et s'avérerait totalement inutile si celui-ci devait a contrario être intégré au temps scolaire. En résumé, il s'agit d'une hausse des crédits en trompe-l'oeil, et ceux-ci seraient bien mieux employés à soutenir les associations et les autres dispositifs destinés à la jeunesse.
Je partage ce qui a déjà été dit concernant le FDVA dont il faut augmenter les crédits et simplifier les procédures . Les calendriers que les associations sont tenues de respecter dans le cadre de leurs demandes de subventions me paraissent ainsi totalement inadaptés. Je n'en demeure pas moins inquiète, car, lorsqu'un membre du gouvernement annonce une simplification, l'expérience montre que les choses ont plutôt tendance à se complexifier ...
Je forme le voeu que les dispositifs créés par le gouvernement pour aider les associations à faire face à la hausse des coûts de l'énergie soient d'une plus grande simplicité.
En tout état de cause, notre groupe votera contre l'adoption de ces crédits.
Nous nous félicitons de l'augmentation des crédits alloués à la jeunesse et à l'éducation populaire, mais regrettons la baisse de ceux destinés au soutien à la vie associative au moment où nous constatons une diminution du bénévolat dans toutes les catégories d'associations.
Nous considérons nous aussi qu'il est nécessaire d'avoir un débat de fond sur l'avenir du SNU.
Nous nous inquiétons de la perte d'intérêt des jeunes de nos territoires pour le BAFA et de la désaffection des familles pour les colonies de vacances.
Considérant que les millions d'euros alloués à ce budget pourraient être utilisés différemment, nous suivrons l'avis de sagesse proposé par le rapporteur.
J'ai apprécié le terme d'écosystème employé par Sylvie Robert. Il résume bien ce continuum, dont le service universel ne fait pas partie, partant de l'école élémentaire, passant par le collège et se terminant par le service civique.
Au regard de vos interventions, je vous proposerais de nous abstenir sur l'adoption de ces crédits.
La commission a décidé de s'abstenir sur l'adoption des crédits du programme « jeunesse et vie associative », au sein de la mission Sport, jeunesse et vie associative du projet de loi de finances pour 2023 et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat.
La réunion est close à 12 h 05.
Nous examinons à présent le rapport pour avis de notre collègue Jean-Raymond Hugonet sur le projet de loi de finances pour 2023.
L'année dernière, à l'occasion de l'examen des crédits de l'audiovisuel pour 2022, nous avions pu constater que le bilan du quinquennat se limitait pour l'essentiel à un travail d'assainissement budgétaire. Nous pouvions espérer alors que la campagne présidentielle serait l'occasion de voir émerger un projet pour l'avenir de l'audiovisuel public dans le cadre d'un paysage largement bouleversé par l'arrivée des plateformes.
Non seulement aucun projet n'a émergé au cours des derniers mois mais rarement la situation du secteur aura paru aussi confuse. Permettez-moi de résumer la situation en quelques points :
- la nouvelle ministre de la culture a clairement indiqué que l'évolution du secteur n'était pas sa priorité même si elle n'exclut pas totalement le lancement d'une réforme au printemps 2023 ;
- l'élaboration de nouveaux COM a été reportée d'une année. Il faudra donc attendre la fin 2023 pour connaître les objectifs et les moyens que l'actionnaire public entend assigner aux entreprises de l'audiovisuel public pour la période 2024-2028. D'ici là nous sommes, au choix, dans l'attente ou dans la continuité ;
- la suppression de la CAP cet été s'est accompagnée d'une solution de financement provisoire mais il n'existe aucune indication sur la solution qui sera retenue à partir de 2025, ce qui crée un climat d'incertitude préjudiciable dans les entreprises concernées ;
- la fusion avortée entre TF1 et M6 fragilise aujourd'hui ces deux groupes privés mais aussi France Télévisions puisque la plateforme SALTO apparaît aujourd'hui condamnée du fait des difficultés des trois actionnaires à poursuivre leur coopération. Par ailleurs, la fusion aurait eu un effet de rattrapage sur les prix de la publicité qui aurait également profité à France Télévisions. Le groupe public est donc doublement pénalisé.
Au final, 2023 apparaît déjà comme une nouvelle année de transition. Pour que cette année ne devienne pas une « année blanche », nous devrons veiller à faire vivre nos propositions et je pense en particulier à celles formulées dans le rapport de juin dernier préparé conjointement avec la commission des finances concernant à la fois les garanties à apporter au financement et l'impérative nécessité de regrouper les moyens de l'audiovisuel public pour assurer sa pérennité.
Nous aurons prochainement l'occasion d'examiner les avenants aux COM 2019-2022 préparés pour l'année 2023. Je ne rentrerai donc pas dans le détail des objectifs des entreprises de l'audiovisuel public pour me concentrer plutôt sur les moyens budgétaires accordés l'année prochaine.
Une première remarque concerne le mode de financement de l'audiovisuel public. La suppression de la CAP n'a pas remis en cause l'existence du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Les recettes du compte sont désormais alimentées par une affectation d'une fraction du produit de la TVA correspondant au niveau de dépenses prévues par la trajectoire financière de l'audiovisuel public. C'est donc une forme de statu quo qui prévaut dans l'affectation des recettes puisque le niveau total des recettes est fixé en première partie du PLF et ne peut plus être modifié en seconde partie. Je note qu'aucun des dirigeants des entreprises concernées n'a émis de réserve sur le financement par une part de TVA. Il y a même un consensus sur le fait qu'il serait souhaitable de conserver un financement par la TVA après 2025.
Si le niveau des recettes est préservé, on ne peut que regretter que le Gouvernement ait renoncé à créer une instance indépendante qui aurait été chargée de proposer une évaluation pluriannuelle des besoins de l'audiovisuel public comme j'en avais fait la proposition avec notre collègue de la commission des finances Roger Karoutchi en juin dernier.
Le Gouvernement reste donc le seul décisionnaire pour évaluer et répartir les moyens qui figurent dans ce PLF. Il est d'autant plus regrettable dans ces conditions qu'il n'explicite pas véritablement ses choix comme l'a montré l'absence de réponse claire à la question que j'avais posée à la ministre de la culture sur ce point lors de son audition budgétaire.
J'observerai ensuite que les crédits de l'audiovisuel public dans le PLF 2023 s'inscrivent dans le prolongement de la trajectoire budgétaire décidée en 2018.
On constate une hausse des crédits de plus de 3 %, ces derniers passant de 3,7 Mds€ à 3,816 Mds€. Les nouvelles dotations n'étant pas soumises à la TVA, les moyens seront en réalité plus importants pour les entreprises qui ne pouvaient la déduire (France Télévisions, Radio France et TV5 Monde) ce qui, selon le Gouvernement, doit permettre de compenser les surcoûts liés à l'inflation. A contrario, pour France Médias Monde, Arte France et l'INA, la perte du droit de déduire la TVA a pour conséquence d'augmenter leurs charges de 15,4 M€ en 2022 et de 36 M€ en 2023 ce qui explique en particulier la hausse plus forte des moyens de France Médias Monde et de Arte France.
La suppression de la CAP intervenue cet été a eu par ailleurs pour conséquence de soumettre les entreprises de l'audiovisuel public au paiement de la taxe sur les salaires. Le montant total dont les entreprises devront s'acquitter en 2023 est évalué par la direction du budget à 42,6 M€.
Lorsqu'on examine les chiffres dans le détail, on constate que la hausse des crédits permet dans tous les cas de compenser les incidences fiscales de la suppression de la CAP. Le Gouvernement estime par ailleurs que les moyens accordés permettent également de compenser les charges additionnelles induites par l'inflation à hauteur de 78,7 M€.
J'en viens maintenant à la situation des différents opérateurs.
Concernant tout d'abord France Télévisions, la mise en oeuvre du budget de l'entreprise en 2022 a donné lieu à 3 évolutions notables par rapport au budget initial : un accroissement des recettes publicitaires (+ 7,3 M€), une augmentation du coût de grille due à l'information, au sport et au programme national (+ 12,3 M€) et une nouvelle dotation à Salto à hauteur de 26,8 M€. Si le résultat d'exploitation demeure à l'équilibre, le résultat net de l'entreprise se dégrade en 2022 à -31,8 M€.
Concernant l'évolution de l'entreprise, on constate que la diminution du nombre de salariés qui avait été forte de 2017 à 2020 marque le pas aujourd'hui. Le plan de départs volontaires s'est traduit par 1 481 départs et 813 embauches, soit un solde négatif de 688 salariés entre juin 2019 et août 2022. L'État a participé à ce plan de départs à hauteur de 47,1 M€ sur 3 ans.
France Télévisions n'aborde pas l'année 2023 de la meilleure façon. L'échec de la fusion entre TF1 et M6 laisse intacte la question de l'avenir de Salto qui demeure un centre de coûts important tandis que l'entreprise reste en attente de décisions stratégiques qui lui permettraient de réduire ses coûts, je pense en particulier au rapprochement organique entre France 3 et France Bleu qui peine à se concrétiser alors qu'il permettrait des économies substantielles.
Dans ces conditions, de nombreux périls menacent l'entreprise : une baisse des recettes publicitaires n'est pas à exclure en 2023 en cas de récession aggravée et des tensions sur les coûts pourraient s'accentuer si l'inflation poursuit son ascension au-delà de la prévision officielle. La direction de l'entreprise évalue à 95 M€ la hausse des charges induite par l'inflation, l'assujettissement à la TVA et la hausse de certains reversements. Elle estime que la hausse des concours publics qu'elle évalue à 50,7 M€ ne permettra pas de compenser la totalité des charges.
De son côté, le Gouvernement estime que la comparaison pertinente doit être faite entre les crédits de 2022 hors taxes et les crédits prévus en 2023 TTC car la nouvelle ressource n'est pas soumise à la TVA. De ce fait, la hausse des moyens alloués à l'entreprise à hauteur de + 73,2 M€ permettrait de couvrir les 47 M€ de surcoûts induits par les effets de l'inflation en plus du coût de la taxe sur les salaires.
Lors de son audition, Delphine Ernotte a indiqué qu'il devenait impossible de construire l'équilibre budgétaire sans toucher à la qualité des programmes. Pour ma part, je considère que l'entreprise fait aussi face à ses choix (l'échec coûteux de Salto) et ses non-choix concernant l'insuffisance des mutualisations avec les autres entreprises de l'audiovisuel public.
J'aborde maintenant la situation de Radio France. En 2022, l'entreprise a également connu une progression de ses recettes publicitaires notamment sur le numérique par rapport au budget initial. Les charges se sont alourdies du fait d'un renchérissement du coût des achats et d'une hausse des charges de personnel. Au final, le résultat net qui aurait dû être positif devrait se transformer en déficit en fin d'année.
Pour 2023, la dotation attribuée à Radio France qui s'établit à 623,4 M€ inclut 13,7 M€ de subvention d'investissement et 12 M€ pour compenser l'assujettissement à la taxe sur les salaires. La direction de l'entreprise estime que la dotation ne prend en compte qu'une partie des coûts liés à l'évolution mécanique des charges et aux coûts liés à l'inflation que subit l'entreprise. Elle chiffre les surcoûts liés à l'inflation à 5 M€ en 2022 et à 15 M€ en 2023.
Concernant l'évolution des effectifs, l'entreprise estime que 85 % de l'objectif du plan de rupture conventionnelle collective (RCC) sera atteint d'ici fin 2022. La participation de l'État aura été de 16,6 M€ sur 3 ans. La transformation de l'entreprise est appelée à se poursuivre mais, faute de nouveau COM, les décisions stratégiques sont reportées à l'année prochaine.
Les moyens d'ARTE France connaissent une nette hausse de près de 9 % pour atteindre 303 M€. Cette hausse met un terme à une baisse continue des moyens depuis 2018 qui a sensiblement pénalisé le développement de la chaîne franco-allemande. Bruno Patino estime que ce « petit rebond » ne permettra pas de reprendre le développement de l'entreprise d'autant plus qu'il servira en particulier à compenser les charges nouvelles que représentent la non-déductibilité de la TVA et l'assujettissement à la taxe sur les salaires qui devraient peser à hauteur de 19,7 M€ dans les comptes d'ARTE France en 2023. La hausse des crédits doit permettre également de compenser la hausse des charges liées à l'inflation à hauteur de 1,6 M€.
Les moyens restants évalués à 9,3 M€ serviront à reconstituer les stocks de programmes, à compenser la hausse du coût des programmes et à accroître les réserves de l'entreprise. Malheureusement, les moyens accordés ne permettront pas à ARTE de lancer son projet de plateforme européenne que je soutiens personnellement depuis deux ans. C'est une nouvelle occasion manquée alors que les relations franco-allemandes ont connu des jours meilleurs et que ce projet aurait pu donner du sens au 60ème anniversaire du traité de l'Élysée qui devrait être célébré le 22 janvier 2023. La DGMIC m'a indiqué que le projet de plateforme pourrait être discuté dans le cadre du prochain COM 2024-2028. Personnellement je ne vois aucune raison de perdre encore du temps et cet argument me semble confirmer mon intuition qu'il n'était pas souhaitable de reporter la réalisation des nouveaux COM.
J'en arrive maintenant à France Médias Monde qui prend une dimension nouvelle au regard de l'actualité internationale des derniers mois, je pense à la guerre en Ukraine bien sûr mais aussi aux contestations en Iran, à la poursuite des troubles au Mali et aux élections américaines. Rarement la nécessité pour la France de disposer d'un opérateur audiovisuel de taille mondiale n'aura paru aussi nécessaire.
La hausse des moyens de 9,7 % en 2023 à 284 M€ semble démontrer que le Gouvernement est conscient des enjeux. Comme pour les autres entreprises, cette hausse des moyens servira également à compenser la taxe sur les salaires évaluée à 5,3 M€ et la suppression de la déductibilité de la TVA à hauteur de 16,4 M€. La dotation doit également permettre de compenser les surcoûts liés à l'inflation à hauteur de 6,2 M€.
Au final, la hausse des moyens doit donc être relativisée. Le budget 2023 sera donc, selon la présidente de FMM, « conservatoire ». Certains projets financés par des ressources externes comme le projet Afrikibaaru (langues africaines) et la rédaction ukrainienne à Bucarest devront être absolument prolongés. La direction de France Médias Monde rappelle la difficulté à financer ce type de projet avec des crédits limités dans le temps et souhaite vivement que l'AFD puisse apporter son concours dans la durée. À cet égard, on ne peut que déplorer que l'audiovisuel extérieur ne dispose d'aucune visibilité sur les moyens qui lui seront accordés en 2024.
Un mot maintenant concernant l'INA qui connait une hausse de ses moyens de 4,84 % à 93,6 M€. À nouveau, je précise que cette hausse des moyens sera utilisée pour compenser l'assujettissement à la taxe sur les salaires à hauteur de 1,5 M€ et la perte du droit à déduction de TVA pour 0,7 M€. La direction estime également que l'institut devra faire face à une hausse de ses charges due à l'inflation comprise entre 8 et 10 M€ qui ne sera compensée qu'à hauteur de 3,5 M€ par la dotation publique.
L'INA devra donc s'appuyer sur ses ressources propres pour dégager des marges de manoeuvre. La DGMIC a toutefois conscience que la situation de l'INA est tendue et que la construction du budget 2023 pourrait encore nécessiter des ajustements.
Un mot sur le projet de création d'une filiale commune avec les autres entreprises de l'audiovisuel public consacrée à la formation. Une fois de plus, je suis aux regrets de constater que les choses n'avancent pas et sont renvoyées à plus tard.
Pour terminer, je n'oublierai pas TV5 Monde dont les moyens augmentent de 2,82 % à près de 80 M€. Cette hausse devrait permettre à la France de rattraper son retard de financement et de compenser la taxe sur les salaires (0,6 M€) et les surcoûts liés à l'inflation à hauteur de 3,2 M€.
TV5 Monde a réussi à maintenir une couverture partielle en Russie. Elle vient de lancer une chaîne jeunesse en arabe et vient d'accueillir la Principauté de Monaco à son capital.
En conclusion, vous aurez compris que la hausse des crédits affichée est assez théorique. L'examen des crédits est en fait plus complexe car il oblige à prendre en compte les compensations fiscales et la situation de chaque entreprise au regard de la TVA.
On peut toutefois garder en mémoire que si les compensations fiscales sont assurées, des interrogations subsistent concernant l'inflation, notamment si cette dernière devait dépasser la prévision officielle. Ce budget de transition apparaît au final correct au regard des efforts demandés depuis 2018. On pourrait même évoquer une « pause » dans les efforts demandés.
Si les moyens sont bien là pour 2023, on ne peut que déplorer l'absence complète de vision stratégique et finalement le « pilotage en roue libre » de l'audiovisuel public. Nous en reparlerons lors de l'examen des avenants aux COM.
Toutefois, je ne crois pas utile de mélanger les deux problématiques des moyens et de la stratégie, le court terme et le long terme. C'est pourquoi je vous propose de nous abstenir sur l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2023. Cet avis, vous l'aurez compris, ne présage en rien du regard que nous porterons prochainement sur les avenants aux COM.
Je salue la grande qualité du rapport sur un sujet complexe et technique. Ce budget de l'audiovisuel public est emblématique d'une manière de gouverner. Le président de la République a fait une annonce pendant la campagne présidentielle et il a laissé la ministre de la culture se débrouiller sur le mode : « l'intendance suivra ». On peut faire un parallèle avec la suppression de la taxe d'habitation qui n'avait pas davantage été préparée. L'annonce de la suppression de la CAP était forte, populaire, et ne pouvait donc être contestée. Mais ses conséquences sur le financement des entreprises et l'inquiétude suscitée n'ont pas été anticipées. À court terme, le financement par la TVA est apparu rassurant mais une inquiétude subsiste à plus long terme. Par ailleurs, le gouvernement reste incapable d'assumer une réforme de l'audiovisuel public et pratique le pilotage à vue. Il est bien dommage qu'il ne s'appuie pas davantage sur les travaux du Sénat dont les rapports Leleux-Gattolin de 2015 et Hugonet-Karoutchi de 2022. Faute de réforme on assiste à un affaiblissement lent et une perte d'influence de notre audiovisuel public. Nous soutiendrons la proposition du rapporteur afin de manifester notre mécontentement.
Compte tenu de l'implication de notre commission sur l'audiovisuel public, il est important de maintenir nos initiatives car la situation est plus grave qu'on ne le croit. Après une baisse continue des moyens opérée pendant 5 ans, la crise sanitaire a rappelé l'attachement des Français à l'audiovisuel public. Pourtant, on commence le quinquennat avec la suppression de la CAP, qui constituait un mode de financement pérenne et nous n'avons aucune visibilité sur l'après-2025. Le recours à un financement par la TVA a pu paraitre rassurant mais il semblerait que le Gouvernement privilégie une budgétisation après 2025 alors même que cette modalité de financement semblait soulever des interrogations au regard de sa constitutionnalité. Les crédits augmentent mais, compte tenu du niveau de l'inflation, l'effort de l'État apparait en réalité minime. Il n'y a pas de véritable soutien à l'audiovisuel public. Pour reprendre l'exemple du sport, le groupe France Télévisions est concurrencé par les plateformes et menacé de perdre les droits de diffusion du tournoi de Roland-Garros en journée. J'avais proposé de modifier le décret concernant la diffusion des événements sportifs d'importance majeure afin de permettre la diffusion en clair du tournoi à partir des quarts de finale. Aujourd'hui le service public ne peut s'aligner sur les offres financières du privé et ses choix privilégient naturellement l'information et les autres programmes. Je désapprouve la façon dont l'État gère ce problème et je pense qu'une majorité pourrait se constituer pour permettre le rejet des crédits en séance publique.
Je salue les travaux du rapporteur et je remarque que sa présentation décrit une situation inquiétante. Le groupe de l'Union centriste avait regretté lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative que la suppression de la CAP ait été décidée sans véritable débat et sans anticiper les recettes de substitution. L'audiovisuel public doit avoir des ressources qui garantissent son indépendance et sa pérennité. Le groupe de l'Union centriste constate que l'affectation d'une part de TVA et des crédits en hausse permettent de compenser les effets fiscaux de la suppression de la CAP ainsi que l'inflation. Il s'agit néanmoins d'une hausse en trompe-l'oeil qui ne permet pas aux entreprises de se développer. Si les crédits sont bien là en 2023, l'absence de visibilité pour l'après-2025 demeure inquiétante. On est en train d'évoluer vers des dotations d'État qui peuvent fragiliser notre audiovisuel extérieur et qui rompent avec les engagements pris lors du 50e anniversaire du traité de l'Élysée en 2013, sur un financement d'ARTE par une redevance. Je souscris à la déception du rapporteur concernant l'absence de financement du projet de plateforme européenne d'ARTE et je regrette également que la proposition faite de créer une instance indépendante pour évaluer les besoins de financement de l'audiovisuel public n'ait pas été retenue. Tout ceci est extrêmement préoccupant, c'est pourquoi nous soutiendrons la proposition du rapporteur de s'abstenir sur l'adoption des crédits.
Nous voterons les crédits qui s'accroissent de 114 millions d'euros. Les remarques faites sur l'inflation sont justes mais il faut rappeler que jamais les budgets de l'État ne compensent intégralement l'inflation. J'entends qu'il existe un débat sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public mais le choix de recourir à une fraction de TVA apporte une réponse satisfaisante dans l'immédiat.
Je salue ce rapport extrêmement précis qui s'appuie sur une vision de long terme. Je constate que le recours à une part de TVA qui fait l'objet d'un vote en première partie prive le Parlement d'un débat sur le niveau des besoins de l'audiovisuel public, le débat en partie II portant sur la répartition de ces crédits. Les apports du Sénat en matière de propositions sont continus depuis une quinzaine d'années dans ce domaine. On a besoin d'un audiovisuel public, c'est pourquoi on ne peut que déplorer le fait que le Gouvernement semble avancer dans le brouillard et sans véritables perspectives. Le financement par la TVA est d'autant moins satisfaisant que cet impôt repose pour une part importante sur les énergies fossiles et qu'il ne s'agit donc pas d'une ressource pérenne. Par ailleurs, les licenciements massifs annoncés par Twitter, Meta et Amazon illustrent la fragilité d'un modèle fondé sur les recettes publicitaires et viennent rappeler l'intérêt d'avoir un audiovisuel public solide proposant des programmes qualitatifs.
Les crédits augmentent de 114 millions d'euros, en particulier au bénéfice de Radio France, France Médias Monde et Arte France mais cette hausse doit être relativisée compte tenu de l'inflation et de l'assujettissement des sociétés publiques à la taxe sur les salaires. Quel sera leur financement en 2024 ? Lors de son audition, la présidente de France Télévisions avait comparé sa situation à celle d'une grenouille plongée dans de l'eau froide qui ne peut réagir quand celle-ci se réchauffe.
J'entends ceux qui souhaitent rétablir la redevance mais je soutiens sa disparition qui a fait l'objet d'un engagement du président de la République pendant la campagne. Cette taxe était à la fois archaïque et injuste. J'espère que les travaux du Sénat permettront de faire des propositions. Je voterai les crédits proposés par le Gouvernement.
Nous avons, avec Catherine Morin-Desailly, lutté contre la décision de supprimer la CAP. Cette suppression a été motivée par le souci de préserver le pouvoir d'achat et de défendre l'équité mais tout le monde paye la TVA. Je soutiens donc l'abstention proposée par le rapporteur.
Notre commission avait donné un avis défavorable aux projets de contrats d'objectifs et de moyens pour la période 2019-2022. Je rappelle que ces COM portaient en réalité sur la période 2020-2022 alors que la loi du 30 septembre 1986 prévoit que la durée d'un COM peut varier entre trois et cinq ans. La légalité de ces COM était donc discutable et je m'interroge sur la conformité d'avenants pris pour une année supplémentaire.
Je partage le sentiment de Max Brisson selon lequel l'audiovisuel navigue à vue ainsi que la comparaison entre les conditions de suppression de la taxe d'habitation et de la CAP.
En réponse à David Assouline, je crois que s'il y a bien un sujet dont on parle dans cette commission, c'est celui de l'audiovisuel public et, concernant les moyens, on ne peut ignorer que le groupe France Télévisions a dépensé 45 millions d'euros pour développer Salto et qu'il considère aujourd'hui qu'il lui manque 45 millions d'euros pour boucler son budget.
Je partage les craintes de Catherine Morin-Desailly sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public mais j'observe aussi que les Français ne se sont pas plaints de la suppression de la CAP. Je confirme que la plateforme TV5 Monde + n'aurait pu voir le jour sans le soutien financier du Canada et je déplore à nouveau que la France ne soit pas au rendez-vous de la plateforme européenne d'ARTE.
La commission a décidé de s'abstenir sur l'adoption des crédits relatifs au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2023 et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat.
La réunion est close à 12 h 05.