Intervention de Marc Fesneau

Commission des affaires économiques — Réunion du 9 novembre 2022 à 16h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Audition de M. Marc Fesneau ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire :

Je suis heureux de vous présenter ce budget, c'est un rendez-vous particulièrement utile dans le contexte que nous connaissons. L'aspect stratégique de notre capacité à produire pour nous nourrir a été de nouveau mis en évidence par la guerre en Ukraine et les crédits de cette mission revêtent par conséquent une importance particulière dans le moment que nous traversons.

Mais au-delà de ces grands bouleversements, je n'oublie pas l'urgence immédiate, en particulier le coût de l'énergie, et les risques sur la continuité de l'activité agricole. Je suis donc en contact étroit avec les filières agricoles, par exemple celle des endives, pour les soutenir et suivre l'évolution de leur situation, mais je suis également attentif aux situations particulières qui se présentent, c'est notamment le cas dans la Drôme avec le syndicat d'irrigation.

La première caractéristique de cette mission, c'est l'augmentation substantielle de ses crédits : ils s'élèvent cette année à 5,987 milliards d'euros, c'est 1 milliard d'euros en plus que l'année dernière.

Avec le plan de relance, France 2030, les financements européens et les dispositifs sociaux et fiscaux, ce sont 26 milliards d'euros qui sont alloués ou programmés pour le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

C'est un budget qui nous donne les moyens de financer nos priorités, pour bâtir notre souveraineté alimentaire, grâce à l'engagement sans faille des agents du ministère, des services déconcentrés et des opérateurs, qui viendront le traduire concrètement sur le terrain.

Et cette augmentation des crédits, c'est surtout un signal fort pour ce premier budget du quinquennat, car c'est un soutien très concret et décisif avec l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance-récolte, la prolongation du TO-DE, le maintien des financements dédiés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, et pour continuer à dynamiser notre enseignement agricole ou améliorer notre politique forestière.

J'évoquerai en premier lieu le soutien à la forêt, c'est un aspect essentiel des crédits de cette mission, et je connais votre engagement sur le sujet, notamment avec le travail réalisé par le Sénat sur les feux hors normes de cet été. Le soutien appuyé à notre politique forestière, s'inscrit dans la droite ligne des annonces récentes du Président de la République sur l'objectif de renouvellement de 10 % de la forêt française d'ici 2030 pour faire face au changement climatique.

Je serai prochainement dans plusieurs départements pour traduire cette ambition de manière concrète, en présentant la feuille de route gouvernementale pour la planification forestière, et le volet forestier de France Nation Verte, autour de quatre axes.

Premier axe, la prévention des risques de feux de forêt : je réunirai prochainement les acteurs de la mise en oeuvre des obligations légales de débroussaillement, avant le lancement de travaux plus larges pour lutter contre l'émiettement de la propriété forestière. Le renforcement des moyens de l'ONF pour la lutte contre les feux naissants et la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) se traduit déjà concrètement dans ce budget avec la suspension des réductions de postes au sein de l'ONF et 10 millions d'euros supplémentaires prévus par cette loi de finances, auxquels s'ajoutent 10 millions suite à la première lecture à l'Assemblée nationale.

Deuxième axe, l'investissement dans les compétences. Pour être à la hauteur du défi forestier, nous avons besoin d'attirer les vocations, de soutenir la formation et les savoir-faire pour gérer durablement nos forêts.

Troisième axe, le grand chantier national de replantation de la forêt française : cela va permettre d'amplifier le travail de mon ministère depuis deux ans via le plan de relance et de renouvellement forestier, qui a permis de reconstituer près de 50 000 hectares. Et il nous faudra d'abord structurer pour cela notre filière graines et plants.

Enfin, dernier axe, le « Faire filière » évoqué par le Président de la République : avec une première réunion du Conseil supérieur de la forêt et du bois rassemblant tous les acteurs de la filière forêt-bois, que je présiderai le 1er décembre prochain.

Au-delà de la politique forestière, je voudrais évoquer trois axes forts de cette mission.

Premier axe, le soutien aux filières et aux exploitations agricoles.

J'ai pris connaissance avec intérêt du rapport du Sénat sur la compétitivité de la « ferme France » et j'ai reçu leurs auteurs au ministère. La compétitivité est une dimension importante, et c'est par exemple pour cela que nous avons réalisé des investissements massifs avec France relance - 1,6 milliard d'euros - et France 2030 - 2,9 milliards d'euros -, mais l'enjeu de souveraineté alimentaire suppose de ne pas opposer production de masse et montée en gamme. C'est le revenu agricole qui en est la clé de voûte et dans cette logique, il nous faut produire plus, mais aussi produire mieux, et assumer les transitions écologiques et sociales, pour créer de nouveaux débouchés.

J'en viens à la réforme de l'assurance récolte, élément structurant de ce budget et du système assurantiel. Nous sommes parvenus, grâce au travail des deux chambres, à un texte qui nous place aux côtés des agriculteurs face aux effets du changement climatique, le récent collectif budgétaire confirme notre soutien en abondant les dispositifs d'accompagnement, notamment suite à la sécheresse.

Mais plus encore, nous apportons une réponse structurelle, avec la réforme de l'assurance récolte, qui résulte du Varenne de l'eau, lequel avait évoqué trois piliers : la refonte d'un système assurantiel parce que le système actuel va dans le mur, compte tenu de la multiplication des aléas ; l'accompagnement des transitions agricoles pour faire face aux dérèglements climatiques, nous avons déjà commencé avec France relance et nous souhaitons poursuivre dans France 2030 ; enfin, troisième pilier, l'accès à l'eau, élément déterminant de la stratégie que nous devons mettre en oeuvre pour faire face aux dérèglements climatiques.

Afin de financer ce nouveau système, l'effort de l'État fait plus que doubler. Il atteint 256 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 185 millions d'euros de crédits européens et aux 120 millions d'euros de taxe affectée, soit un total de 560 millions d'euros - avec une trajectoire que nous voulons atteindre à 600 millions d'euros, telle qu'annoncée, et la capacité d'aller jusqu'à 680 millions d'euros si la réforme connaît un succès plus ample encore que ce que nous souhaitons. Ce nouveau système de gestion doit s'accompagner d'une nécessaire adaptation des filières.

Deuxième élément, la PAC. Sans citer l'ensemble des avancées de la nouvelle PAC, je voudrais évoquer le soutien au développement de l'agriculture biologique, avec un objectif de 18 % de la surface agricole utile certifiée en 2027. Pour y parvenir, les soutiens dédiés à l'agriculture biologique ont été augmentés de 36 % par rapport à la précédente programmation, soit 340 millions d'euros en moyenne par an. La dotation du fonds avenir bio est stabilisée avec 5 millions d'euros supplémentaires suite à l'examen en première lecture.

Je mentionnerai également deux avancées majeures de la nouvelle PAC, même si cela ne relève pas à proprement parler des crédits de cette mission : la conditionnalité sociale, qui vise le respect des règles dans le domaine du droit du travail ; le droit à l'erreur, qui est un élément important de la crédibilité et de la confiance qu'on doit réinstaurer entre l'administration et les agriculteurs.

Troisième élément, la prolongation du TO-DE pour trois ans. Elle est déterminante pour les activités fortement utilisatrices de main-d'oeuvre saisonnière pour lesquelles le coût du travail est un enjeu important de compétitivité.

Enfin, des moyens pour l'Outre-mer. Les moyens du crédit d'impôt outre-mer (Ciom) ont été maintenus, comme le budget européen du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) pour répondre notamment aux enjeux d'autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Nous avons aussi sensiblement augmenté le budget alloué aux filières sucre de La Réunion et des Antilles avec 19 millions d'euros supplémentaires.

Deuxième axe de notre action : assurer la sécurité sanitaire de nos aliments.

Vous l'avez dit, l'augmentation de nos crédits atteint 7 %, ils comportent trois éléments principaux. D'abord, un budget complémentaire de 9,4 millions d'euros à compter de 2023 pour garantir la mise en oeuvre de la loi de santé animale. Nous allons poser les jalons d'une sécurité sanitaire européenne, qui constituera à terme un avantage compétitif pour notre agriculture. Ensuite, nous allons fortement renforcer nos contrôles et la surveillance des dangers sanitaires : influenza aviaire, peste porcine africaine, tuberculose bovine, salmonelles et brucellose. Enfin, les crédits de cette mission permettront la mise en place de la police unique en charge de la sécurité sanitaire dont mon ministère sera responsable. C'est une réponse forte aux préoccupations légitimes de nos concitoyens à la suite de scandales alimentaires récents.

Dernier axe, la préparation de l'avenir, à travers ces crédits et ceux de la mission « Enseignement scolaire », que j'aurai l'occasion de présenter la semaine prochaine devant la commission de la culture au Sénat. Le plafond du Casdar est maintenu à 126 millions d'euros mais j'ai obtenu de bénéficier de l'excédent de recettes 2022, qui devrait représenter 17 millions d'euros, ce qui permettra de renforcer la recherche appliquée et le développement pour favoriser l'adoption d'innovations et de changement de pratiques soutenant en particulier la transition agroécologique. Nous investissons également en soutenant la formation grâce aux moyens consacrés à l'enseignement et à la recherche qui, hors dépenses de personnel, s'élèvent en 2023 à 699 millions d'euros, en hausse de 4 %.

Les crédits de cette mission vont aussi nous permettre la revalorisation de 4 % des bourses pour critères sociaux, de la prime d'internat, l'élargissement de la bourse au mérite, l'amélioration des capacités d'accueil de nos établissements et de nos écoles vétérinaires, notamment pour les élèves en situation de handicap. Et tout cela va nous permettre d'amplifier la dynamique constatée dans l'enseignement agricole.

Enfin, je conclurai sur un sujet essentiel pour notre souveraineté alimentaire, celui du renouvellement des générations.

Le 9 septembre dernier, le Président de la République a annoncé les axes de la future loi d'orientation et d'avenir agricole : l'orientation et la formation, la transmission et l'installation, la transition et l'adaptation face au changement climatique et notamment par l'innovation.

Une large concertation va maintenant être engagée, pour aboutir à un pacte et une loi présentée à la fin du premier semestre de l'année prochaine. Cette concertation sera menée au niveau national et au niveau régional dans un partenariat avec les chambres d'agriculture, les régions et de l'État. Les chambres d'agriculture sont des opérateurs de la massification des pratiques et de très bons observateurs de ce qu'est la réalité agricole, quand l'État et les régions sont les deux acteurs de la transition qui disposent des outils d'intervention. Le renouvellement de génération concerne la moitié des agriculteurs dans les dix ans qui viennent, soit près de 200 000 agriculteurs qui vont partir à la retraite ; nous avons besoin de les installer, non pas simplement dans une transmission-reprise mais dans une transmission-transition pour s'assurer qu'ils continuent leur activité sous le régime du dérèglement climatique, donc dans des conditions qui assurent la durabilité des systèmes. Je sais que votre commission des affaires économiques prendra une part active à cette concertation, avec un objectif que nous partageons largement : celui de garantir à tous nos agriculteurs un système viable au service de notre souveraineté - car sans renouvellement de génération, il n'y aura pas de souveraineté agricole et alimentaire possible.

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