Commission des affaires économiques

Réunion du 9 novembre 2022 à 16h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • agriculteur
  • agriculture
  • alimentaire
  • filière
  • forêt

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Dans le cadre de nos auditions budgétaires, nous entendons M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, qui vient nous présenter le projet de budget de son ministère pour 2023.

Je vous précise que cette audition est diffusée en vidéo en direct sur le site internet du Sénat et sera disponible ensuite en vidéo à la demande.

Monsieur le ministre, c'est la première fois que la commission des affaires économiques vous entend dans vos éminentes fonctions, même si nous avons déjà eu l'habitude de travailler avec vous en tant que ministre des relations avec le Parlement pendant près de quatre ans.

Nul doute que mes collègues profiteront de cette audition pour faire un tour de l'actualité agricole - elle est très riche : mise en oeuvre bloquée de retenues d'eau, crises inflationnistes et crise énergétique, conséquences de la sécheresse et des incendies, influenza aviaire, prédation du loup, crise du bio, négociations commerciales à venir, et j'en passe. Mais je vous demanderai, mes chers collègues, de vous concentrer autant que possible sur le budget.

Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget en très forte hausse, puisque la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'accroît de 30 %, passant de 3 milliards à 3,9 milliards d'euros.

Nous aurions été ravis de pouvoir nous féliciter avec vous de cette hausse... si elle ne s'expliquait pas essentiellement par des mesures de périmètre ! Sur les 880 millions de hausse, 430 millions s'expliquent par la simple budgétisation de l'exonération de cotisations sociales pour l'embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d'emplois, le TO-DE, auparavant compensée à la sécurité sociale par l'affectation d'une fraction de TVA. Cette évolution est réalisée au nom de la lisibilité - mais où est la lisibilité quand nous sommes amenés à comparer d'une année sur l'autre, pardonnez-moi cette image alimentaire, des choux et des carottes ?

Pour le reste, le programme 206 sur la sécurité sanitaire de l'alimentation augmente de 7 %, porté notamment par la mise en oeuvre de la police unique de la sécurité sanitaire des aliments. Le programme 215 sur les fonctions support augmente lui aussi de 7 %. En somme, les crédits n'augmentent guère beaucoup plus que l'inflation. Pis, certaines lignes peu onéreuses au profit de dispositifs qui avaient démontré leur efficacité, semblent moins abondées que l'an passé - la rapporteure Françoise Férat en citera quelques-unes.

Le programme 149, qui porte notamment les 250 millions de crédits budgétaires mis sur la table pour la réforme de l'assurance récolte, augmente de 21 %. Il faut souligner cet effort budgétaire notable, je le dis sincèrement. Et dire aussi que malgré tout le compte ne semble pas y être entièrement - je laisserai le rapporteur Laurent Duplomb revenir sur ce point.

Dans les quelques évolutions supplémentaires non pas votées par les députés, mais retenues par le Gouvernement, on trouve la hausse attendue de 10 millions d'euros en faveur de l'Office national des forêts (ONF), concrétisant l'engagement du Gouvernement à consacrer plus de moyens à la défense des forêts contre l'incendie - mes collègues Anne-Catherine Loisier et Olivier Rietmann ne manqueront pas de vous interroger à ce propos.

Cette année, il est clair que c'est au Sénat que le débat sur le budget agricole aura lieu, puisqu'à l'Assemblée nationale l'article 49 alinéa 3 a été activé en plein milieu des débats agricoles, et avant que les amendements les plus importants aient pu être discutés.

Vous l'avez compris, monsieur le ministre, j'aimerais donc vous entendre sur les réelles avancées de ce budget, et je suis sûre qu'il y en a.

Et au-delà de cette mission budgétaire, sur laquelle les trois co-rapporteurs Laurent Duplomb, Françoise Férat et Jean-Claude Tissot vous questionneront plus en détail, j'aurais voulu vous entendre sur l'ensemble des crédits portés par le ministère mais qui échappent à la mission « Agriculture ». Les montants sont considérables et il nous manque un panorama d'ensemble.

Je pense en particulier au plan de relance, qui a financé le monde agricole et forestier à hauteur de 1,5 milliard d'euros, mais aussi au plan France 2030, qui consacre 2,9 milliards d'euros à ces thématiques sur une période plus longue, ou encore aux divers crédits débloqués en urgence en lois de finances rectificatives pour faire face à la crise de l'énergie, à la sécheresse, au gel ou à la grêle.

Qu'en est-il en particulier de la mise en oeuvre du plan « entrepreneurs du vivant » et du plan de résilience Ukraine ?

Pouvez-vous faire une synthèse des crédits débloqués pour faire face aux aléas climatiques et économiques ?

Le plan France 2030 joue-t-il son rôle de catalyseur ? Permet-il de dessiner l'agriculture de demain, par des investissements par exemple dans la recherche ou dans la robotique ? Ou vient-il seulement pallier d'éventuels arbitrages perdus ?

Enfin, si nous en avons le temps, nous aimerions que vous nous présentiez vos intentions et votre agenda pour les prochains mois - je pense à la loi d'orientation sur le renouvellement agricole, qui aura elle aussi des implications budgétaires.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Je suis heureux de vous présenter ce budget, c'est un rendez-vous particulièrement utile dans le contexte que nous connaissons. L'aspect stratégique de notre capacité à produire pour nous nourrir a été de nouveau mis en évidence par la guerre en Ukraine et les crédits de cette mission revêtent par conséquent une importance particulière dans le moment que nous traversons.

Mais au-delà de ces grands bouleversements, je n'oublie pas l'urgence immédiate, en particulier le coût de l'énergie, et les risques sur la continuité de l'activité agricole. Je suis donc en contact étroit avec les filières agricoles, par exemple celle des endives, pour les soutenir et suivre l'évolution de leur situation, mais je suis également attentif aux situations particulières qui se présentent, c'est notamment le cas dans la Drôme avec le syndicat d'irrigation.

La première caractéristique de cette mission, c'est l'augmentation substantielle de ses crédits : ils s'élèvent cette année à 5,987 milliards d'euros, c'est 1 milliard d'euros en plus que l'année dernière.

Avec le plan de relance, France 2030, les financements européens et les dispositifs sociaux et fiscaux, ce sont 26 milliards d'euros qui sont alloués ou programmés pour le développement de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

C'est un budget qui nous donne les moyens de financer nos priorités, pour bâtir notre souveraineté alimentaire, grâce à l'engagement sans faille des agents du ministère, des services déconcentrés et des opérateurs, qui viendront le traduire concrètement sur le terrain.

Et cette augmentation des crédits, c'est surtout un signal fort pour ce premier budget du quinquennat, car c'est un soutien très concret et décisif avec l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance-récolte, la prolongation du TO-DE, le maintien des financements dédiés à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels, et pour continuer à dynamiser notre enseignement agricole ou améliorer notre politique forestière.

J'évoquerai en premier lieu le soutien à la forêt, c'est un aspect essentiel des crédits de cette mission, et je connais votre engagement sur le sujet, notamment avec le travail réalisé par le Sénat sur les feux hors normes de cet été. Le soutien appuyé à notre politique forestière, s'inscrit dans la droite ligne des annonces récentes du Président de la République sur l'objectif de renouvellement de 10 % de la forêt française d'ici 2030 pour faire face au changement climatique.

Je serai prochainement dans plusieurs départements pour traduire cette ambition de manière concrète, en présentant la feuille de route gouvernementale pour la planification forestière, et le volet forestier de France Nation Verte, autour de quatre axes.

Premier axe, la prévention des risques de feux de forêt : je réunirai prochainement les acteurs de la mise en oeuvre des obligations légales de débroussaillement, avant le lancement de travaux plus larges pour lutter contre l'émiettement de la propriété forestière. Le renforcement des moyens de l'ONF pour la lutte contre les feux naissants et la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) se traduit déjà concrètement dans ce budget avec la suspension des réductions de postes au sein de l'ONF et 10 millions d'euros supplémentaires prévus par cette loi de finances, auxquels s'ajoutent 10 millions suite à la première lecture à l'Assemblée nationale.

Deuxième axe, l'investissement dans les compétences. Pour être à la hauteur du défi forestier, nous avons besoin d'attirer les vocations, de soutenir la formation et les savoir-faire pour gérer durablement nos forêts.

Troisième axe, le grand chantier national de replantation de la forêt française : cela va permettre d'amplifier le travail de mon ministère depuis deux ans via le plan de relance et de renouvellement forestier, qui a permis de reconstituer près de 50 000 hectares. Et il nous faudra d'abord structurer pour cela notre filière graines et plants.

Enfin, dernier axe, le « Faire filière » évoqué par le Président de la République : avec une première réunion du Conseil supérieur de la forêt et du bois rassemblant tous les acteurs de la filière forêt-bois, que je présiderai le 1er décembre prochain.

Au-delà de la politique forestière, je voudrais évoquer trois axes forts de cette mission.

Premier axe, le soutien aux filières et aux exploitations agricoles.

J'ai pris connaissance avec intérêt du rapport du Sénat sur la compétitivité de la « ferme France » et j'ai reçu leurs auteurs au ministère. La compétitivité est une dimension importante, et c'est par exemple pour cela que nous avons réalisé des investissements massifs avec France relance - 1,6 milliard d'euros - et France 2030 - 2,9 milliards d'euros -, mais l'enjeu de souveraineté alimentaire suppose de ne pas opposer production de masse et montée en gamme. C'est le revenu agricole qui en est la clé de voûte et dans cette logique, il nous faut produire plus, mais aussi produire mieux, et assumer les transitions écologiques et sociales, pour créer de nouveaux débouchés.

J'en viens à la réforme de l'assurance récolte, élément structurant de ce budget et du système assurantiel. Nous sommes parvenus, grâce au travail des deux chambres, à un texte qui nous place aux côtés des agriculteurs face aux effets du changement climatique, le récent collectif budgétaire confirme notre soutien en abondant les dispositifs d'accompagnement, notamment suite à la sécheresse.

Mais plus encore, nous apportons une réponse structurelle, avec la réforme de l'assurance récolte, qui résulte du Varenne de l'eau, lequel avait évoqué trois piliers : la refonte d'un système assurantiel parce que le système actuel va dans le mur, compte tenu de la multiplication des aléas ; l'accompagnement des transitions agricoles pour faire face aux dérèglements climatiques, nous avons déjà commencé avec France relance et nous souhaitons poursuivre dans France 2030 ; enfin, troisième pilier, l'accès à l'eau, élément déterminant de la stratégie que nous devons mettre en oeuvre pour faire face aux dérèglements climatiques.

Afin de financer ce nouveau système, l'effort de l'État fait plus que doubler. Il atteint 256 millions d'euros, qui s'ajoutent aux 185 millions d'euros de crédits européens et aux 120 millions d'euros de taxe affectée, soit un total de 560 millions d'euros - avec une trajectoire que nous voulons atteindre à 600 millions d'euros, telle qu'annoncée, et la capacité d'aller jusqu'à 680 millions d'euros si la réforme connaît un succès plus ample encore que ce que nous souhaitons. Ce nouveau système de gestion doit s'accompagner d'une nécessaire adaptation des filières.

Deuxième élément, la PAC. Sans citer l'ensemble des avancées de la nouvelle PAC, je voudrais évoquer le soutien au développement de l'agriculture biologique, avec un objectif de 18 % de la surface agricole utile certifiée en 2027. Pour y parvenir, les soutiens dédiés à l'agriculture biologique ont été augmentés de 36 % par rapport à la précédente programmation, soit 340 millions d'euros en moyenne par an. La dotation du fonds avenir bio est stabilisée avec 5 millions d'euros supplémentaires suite à l'examen en première lecture.

Je mentionnerai également deux avancées majeures de la nouvelle PAC, même si cela ne relève pas à proprement parler des crédits de cette mission : la conditionnalité sociale, qui vise le respect des règles dans le domaine du droit du travail ; le droit à l'erreur, qui est un élément important de la crédibilité et de la confiance qu'on doit réinstaurer entre l'administration et les agriculteurs.

Troisième élément, la prolongation du TO-DE pour trois ans. Elle est déterminante pour les activités fortement utilisatrices de main-d'oeuvre saisonnière pour lesquelles le coût du travail est un enjeu important de compétitivité.

Enfin, des moyens pour l'Outre-mer. Les moyens du crédit d'impôt outre-mer (Ciom) ont été maintenus, comme le budget européen du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI) pour répondre notamment aux enjeux d'autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Nous avons aussi sensiblement augmenté le budget alloué aux filières sucre de La Réunion et des Antilles avec 19 millions d'euros supplémentaires.

Deuxième axe de notre action : assurer la sécurité sanitaire de nos aliments.

Vous l'avez dit, l'augmentation de nos crédits atteint 7 %, ils comportent trois éléments principaux. D'abord, un budget complémentaire de 9,4 millions d'euros à compter de 2023 pour garantir la mise en oeuvre de la loi de santé animale. Nous allons poser les jalons d'une sécurité sanitaire européenne, qui constituera à terme un avantage compétitif pour notre agriculture. Ensuite, nous allons fortement renforcer nos contrôles et la surveillance des dangers sanitaires : influenza aviaire, peste porcine africaine, tuberculose bovine, salmonelles et brucellose. Enfin, les crédits de cette mission permettront la mise en place de la police unique en charge de la sécurité sanitaire dont mon ministère sera responsable. C'est une réponse forte aux préoccupations légitimes de nos concitoyens à la suite de scandales alimentaires récents.

Dernier axe, la préparation de l'avenir, à travers ces crédits et ceux de la mission « Enseignement scolaire », que j'aurai l'occasion de présenter la semaine prochaine devant la commission de la culture au Sénat. Le plafond du Casdar est maintenu à 126 millions d'euros mais j'ai obtenu de bénéficier de l'excédent de recettes 2022, qui devrait représenter 17 millions d'euros, ce qui permettra de renforcer la recherche appliquée et le développement pour favoriser l'adoption d'innovations et de changement de pratiques soutenant en particulier la transition agroécologique. Nous investissons également en soutenant la formation grâce aux moyens consacrés à l'enseignement et à la recherche qui, hors dépenses de personnel, s'élèvent en 2023 à 699 millions d'euros, en hausse de 4 %.

Les crédits de cette mission vont aussi nous permettre la revalorisation de 4 % des bourses pour critères sociaux, de la prime d'internat, l'élargissement de la bourse au mérite, l'amélioration des capacités d'accueil de nos établissements et de nos écoles vétérinaires, notamment pour les élèves en situation de handicap. Et tout cela va nous permettre d'amplifier la dynamique constatée dans l'enseignement agricole.

Enfin, je conclurai sur un sujet essentiel pour notre souveraineté alimentaire, celui du renouvellement des générations.

Le 9 septembre dernier, le Président de la République a annoncé les axes de la future loi d'orientation et d'avenir agricole : l'orientation et la formation, la transmission et l'installation, la transition et l'adaptation face au changement climatique et notamment par l'innovation.

Une large concertation va maintenant être engagée, pour aboutir à un pacte et une loi présentée à la fin du premier semestre de l'année prochaine. Cette concertation sera menée au niveau national et au niveau régional dans un partenariat avec les chambres d'agriculture, les régions et de l'État. Les chambres d'agriculture sont des opérateurs de la massification des pratiques et de très bons observateurs de ce qu'est la réalité agricole, quand l'État et les régions sont les deux acteurs de la transition qui disposent des outils d'intervention. Le renouvellement de génération concerne la moitié des agriculteurs dans les dix ans qui viennent, soit près de 200 000 agriculteurs qui vont partir à la retraite ; nous avons besoin de les installer, non pas simplement dans une transmission-reprise mais dans une transmission-transition pour s'assurer qu'ils continuent leur activité sous le régime du dérèglement climatique, donc dans des conditions qui assurent la durabilité des systèmes. Je sais que votre commission des affaires économiques prendra une part active à cette concertation, avec un objectif que nous partageons largement : celui de garantir à tous nos agriculteurs un système viable au service de notre souveraineté - car sans renouvellement de génération, il n'y aura pas de souveraineté agricole et alimentaire possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Les 200 millions d'euros supplémentaires que vous nous présentez pourraient laisser penser qu'enfin, les agriculteurs seraient entendus, mais, en réalité, ces crédits sont bien l'arbre qui cache la forêt de tout ce qui ne change pas.

L'assurance récolte requiert de la confiance, mais pour que les agriculteurs aient confiance, il faut leur en donner les moyens, donc commencer par un texte partagé. Or, ce texte, il est passé un peu au forceps et on attend toujours les décrets qui doivent traduire les engagements oraux pris dans l'hémicycle... Il y a certes la commission départementale d'expertise pour évaluer les calamités, mais le fait de n'inscrire aucun montant précis à la politique que vous prétendez conduire, n'aide pas à la confiance des agriculteurs. Vous demandez 120 millions d'euros d'effort aux agriculteurs mais vous n'inscrivez pas les 680 millions d'euros qui couvriraient les quatre taux que vous avez fini par accepter, c'est-à-dire les 20 % de franchise, les 70 % de subvention, et les 30 et 50 % de subvention de l'État. Pourquoi ne pas le faire ? Cela traduirait les engagements de l'État, même si la totalité de ces crédits devaient, finalement, ne pas être consommés.

Le TO-DE, ensuite. Le Président de la République en annonce la pérennisation, mais il faut faire attention aux mots, au sens qu'on leur donne, qui peut varier ici et là. Il est vrai que le Président de la République a dit qu'il voulait pérenniser le TO-DE, qu'il estime être un bon système ; mais alors, pourquoi le Gouvernement ne l'a-t-il pas fait ? Les 430 millions d'euros figurent désormais au budget de l'agriculture, mais pourquoi a-t-il fallu attendre l'amendement d'un député Les Républicains pour pérenniser le TO-DE pendant trois ans, puis le passage au Sénat pour lever cette durée ? Même chose, pour la police alimentaire : j'y suis favorable, en particulier parce que c'est le moyen de faire respecter les clauses miroirs ; mais vous mettez les agents dans les départements, ce n'est pas là qu'ils vont régler le problème des produits importés qui ne respectent pas nos normes, c'est à Rungis et sur les frontières qu'il faut avoir des agents de la police alimentaire, plutôt que de leur demander d'embêter et contrôler toujours plus les agriculteurs qui s'arrachent à la tâche tous les jours !

En réalité, nous souffrons d'une sur-administration et d'une sur-transposition, au point que si, après des années on est parvenu à faire baisser la pénibilité physique du travail agricole, on en a considérablement augmenté la pénibilité psychologique. Je vais vous citer l'exemple de Cyril Testud, agriculteur en Ardèche : parce qu'une année, il a oublié de cocher une case dans le formulaire d'une indemnité qu'il touche sans discontinuer depuis des années, il a perdu 13 950 euros d'aide, sans possibilité de rattrapage : vous trouvez cela normal ?

Alors j'ai une proposition, monsieur le ministre. Les représentants de la restauration hors domicile me disent que l'inflation dépasserait 15 % pour leurs produits à compter d'avril prochain, ce qui augmenterait de 40 centimes le coût d'un repas de cantine ; ils me disent aussi que toutes les contraintes que nous leur avons ajoutées depuis quatre ans, en particulier dans les lois « Egalim », représenteraient 20 centimes de plus pour un repas de cantine. Alors, monsieur le ministre, quand on est, comme le dit le Président de la République, dans une économie de guerre, arrêtez de multiplier les injonctions contradictoires aux agriculteurs et donnez à la liberté d'entreprendre la possibilité de s'exprimer - ou bien nous serons dans une situation où il sera trop tard, les dégâts seront faits...

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

rapporteure pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - À la suite de deux rapports dont j'étais co-rapporteure, je vous parlerai de la réforme de la police sanitaire unique et du soutien aux agriculteurs en difficulté, en particulier au monde de l'élevage.

On ne peut que se réjouir de la mise en place progressive, d'ici au 1er janvier 2024, de la police sanitaire unique, qui était une demande ancienne de notre commission. Dans plusieurs rapports, je pense à celui de Laurent Duplomb sur le sésame à l'oxyde d'éthylène ou, plus récemment, à notre rapport transpartisan sur l'information du consommateur avec Fabien Gay et Florence Blatrix Contat, notre commission a appelé à clarifier la répartition des compétences entre Direction générale de l'alimentation (DGAL) et Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF). Voilà qui sera chose faite, et votre ministère obtient pour exercer ses nouvelles missions la création de 90 ETP ainsi que le transfert de 60 ETP de la DGCCRF.

Seulement cette réforme n'épuise pas la problématique de la sécurité sanitaire des aliments, comme l'ont rappelé les drames, heureusement rares et isolés, de cette année : Buitoni, Kinder...

La DGCCRF disposait de 100 ETP de plus pour effectuer les mêmes missions. Une partie non négligeable des contrôles sera déléguée par la DGAL à des prestataires privés, ce qui fait craindre une qualité disparate de ces contrôles. Vos services nous disent que cette délégation permettra aux équipes de se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée - mais n'est-ce pas là un aveu que les contrôles ne sont pas encore pleinement pris au sérieux dans notre pays ? Alors qu'un oeil avisé, expérimenté, permettrait bien souvent de détecter ce qu'on ne croyait pas détectable. Pouvez-vous donc nous rassurer sur le fait que cette délégation, dont on comprend qu'elle est faite pour des raisons budgétaires, ne signifiera pas « perte de compétences » ?

Par ailleurs, nous nous inquiétons que la pression du contrôle ne soit pas exercée au bon endroit, à cause d'un mauvais diagnostic. Un peu à la manière de la Toinette de Molière, qui, grimée en médecin, s'obstine à voir dans le poumon l'unique cause des tourments d'Argan, Le Malade imaginaire (« Le poumon, le poumon, vous dis-je. »), nous continuons de voir chez nos producteurs, nos transformateurs, nos distributeurs et nos restaurateurs des coupables, alors que le maillon faible de la protection des consommateurs, c'est le contrôle des denrées importées. Nous voudrions donc que les effectifs que vous souhaitez déployer dans les départements soient un peu plus à Rungis à contrôler nos importations que sur le dos de nos professionnels. Or, les compétences restent éclatées entre les douanes et vos services, et il me semble que cela ne peut que nuire à l'efficience des contrôles. Comment, donc, comptez-vous renforcer la coordination entre les douanes et vos services ? Va-t-on réussir un jour à muscler pour de bon, avec une police aux frontières digne de ce nom, les contrôles des importations, en coopération avec nos voisins européens ? Les coupures possibles d'électricité inquiètent ; lors du salon de l'alimentation, vous avez dit que les secteurs agricoles seraient prioritaires. Il faut protéger les filières de produits périssables, vous évoquez des crédits, mais des instructions ont-elles été données aux préfets pour assurer qu'aucune coupure n'aurait lieu ?

Mon deuxième motif d'inquiétude est celui des agriculteurs en situation de détresse. Une feuille de route a été publiée en novembre 2021, nourrie notamment par le rapport que nous avions rendu avec Henri Cabanel. Un an après, en raison du caractère transversal des mesures, nous manquons cruellement de visibilité sur les traductions budgétaires de cette feuille de route, passées l'an dernier de 30 à 42 millions d'euros, éclatés en diverses actions, programmes et même missions. Il ne faudrait pas que ce soit « un coup de com' et puis s'en va ». Où en est-on de la mise en oeuvre de cette feuille de route ? Les crédits de paiement de l'aide à la relance des exploitations agricoles, qui avait été doublée l'an dernier, sont en perte de vitesse (5,2 contre 7,1 millions d'euros). Je remarque avec satisfaction que la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a effectué un focus thématique sur le service de remplacement, faisant siennes des recommandations que nous avions formulées avec Henri Cabanel pour le rendre plus attractif pour les exploitants. Nous sommes favorables à l'augmentation de l'incitation, via le crédit d'impôt. Mais en complément de cette intervention fiscale, quels autres outils voyez-vous pour en augmenter l'attractivité, tant du côté des agriculteurs que du côté des agents remplaçants ?

En somme, pouvez-vous nous donner une vision d'ensemble sur cette feuille de route, et nous rassurer sur le fait que son ambition est maintenue ? La mobilisation est-elle bien générale au sein des services de l'État ? Je pense à l'OFB, dont les contrôles stressent tellement nos agriculteurs qu'ils en arrivent, comme cela a été malheureusement le cas récemment, à commettre le pire ? C'est crucial pour notre agriculture et en particulier pour notre élevage, qui a beaucoup souffert ces derniers temps.

J'ajoute à propos de l'élevage, que sur l'aspect vétérinaire, nous nous étions félicités l'an dernier que les stages tutorés bénéficient d'un financement satisfaisant. On constate cette année une baisse de près d'un quart des crédits de paiement, pour un dispositif pourtant de bon sens et peu coûteux, permettant de lutter contre les déserts vétérinaires. Comment justifiez-vous cette baisse ?

Et enfin, je ne peux pas conclure sans dire un mot de la dramatique crise de l'influenza aviaire, qui a coûté plus d'1 milliard d'euros à l'État sur la saison 2021-2022, répartis en 300 millions d'euros d'aides sanitaires et en 800 millions d'aides économiques. Rapportée à ce milliard, la ligne budgétaire d'un million d'euros relative à la vaccination me semble bien peu abondée. Je comprends que les verrous au développement de la vaccination ne sont pas uniquement budgétaires, mais administratifs, mais n'y aurait-il pas moyen de donner un coup de pouce budgétaire à cet outil indispensable de prévention ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Je vais pour ma part vous interroger sur les forêts, confrontées à de nombreux défis, sur la recherche, indispensable pour assurer l'évolution de nos modèles, et enfin sur l'enseignement, qui devrait être le principal moteur du renouvellement des pratiques et des générations dans les années à venir.

Après une année marquée par une triste vague de feux de forêt, il est de notre devoir de ne plus traiter cet enjeu à la légère et d'avoir une réflexion nouvelle sur ces espaces et sur cette filière.

La question du renouvellement forestier est donc un sujet majeur. À ce stade, avez-vous une estimation du surplus nécessaire au renouvellement forestier à la suite des feux de cet été ? Est-ce qu'un premier bilan des aides consacrées au renouvellement forestier a pu être réalisé ?

De manière plus concrète, ces feux, qui ont dévasté des dizaines de milliers d'hectares en France durant l'été dernier, doivent nous conduire à repenser les forêts et le mode de gestion des forêts. Comment devons-nous replanter pour avoir des forêts adaptées au changement climatique, plus durables et moins à risque sur le plan des incendies ?

Est-ce qu'une réflexion est engagée au sein de votre ministère à ce sujet, notamment sur les questions de mixité au sein des forêts, thématique particulièrement documentée ?

Le président de la République a annoncé vouloir planter 1 milliard d'arbres d'ici à 2032. Avez-vous une estimation de cette nouvelle « grande annonce » ?

Les moyens et les effectifs de l'ONF suscitent logiquement toutes les attentions. Selon la trajectoire établie dans le contrat État - ONF 2021-2025 ajusté, les effectifs de l'ONF auraient dû diminuer de 80 postes en 2023. Les récentes annonces gouvernementales, que vous avez confirmées à l'Assemblée nationale mercredi dernier, semblent indiquer un renoncement à la suppression de ces postes. monsieur le ministre, est-ce que le contrat État - ONF 2021-2025 est maintenu malgré ce récent revirement de situation ? Ne serait-il pas plus logique de revoir ce contrat qui continue de prévoir des suppressions de poste dans le contexte actuel traversé par les forêts ?

Enfin, nous aurions aimé savoir plus précisément ce que permettront de financer les 10 millions supplémentaires accordés à l'ONF, en dehors des 3,3 millions fléchés sur la création de 60 postes. Alors qu'une affectation des moyens centrée sur l'agence de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) d'Aix-en-Provence pour la zone Sud est évoquée, il parait souhaitable d'avoir une réflexion plus globale, au bénéfice de l'ensemble des territoires forestiers.

Nous l'avons vu cet été, la prévention des incendies ne concerne plus seulement le sud de la France. La multiplication des épisodes de sécheresse et la hausse continue des températures concernent l'ensemble de nos territoires, ces critères doivent être pris en compte pour assurer une juste répartition des moyens.

Sur la recherche agricole, ensuite, j'ai interrogé à de nombreuses reprises vos différents prédécesseurs sur l'évolution du compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » (Casdar).

Le produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles affecté au Casdar est toujours estimé à 126 millions d'euros, c'est-à-dire exactement au même montant que l'an dernier, malgré le dépassement systématique de ces recettes prévisionnelles, et malgré l'inflation qui rogne d'autant les moyens d'intervention. Vos services nous ont indiqué qu'un compromis avait été trouvé avec Bercy pour maintenir ce compte d'affectation spéciale, et que les montants qui se trouveraient au-dessus du plafond seraient mobilisés pour des « actions de type Casdar ».

Monsieur le ministre, ces accords ministériels ne sont pas suffisants, face à la multiplication des enjeux auxquels doit faire face la recherche agricole.

Depuis plusieurs années, nous demandons d'augmenter le plafond du Casdar au niveau réel des cotisations, et nous vous redemandons une transparence totale sur les reliquats des dernières années de ce compte d'affectation spéciale.

Alors que les instituts techniques sont obligés de redoubler d'inventivité pour trouver des moyens et des techniques adaptés au changement climatique, ils ont besoin, plus que jamais, de pouvoir programmer leur recherche sur plusieurs années, sans l'épée de Damoclès d'un arrêt de financement.

De façon plus générale, il convient de s'assurer que les instituts de recherche, et je pense en particulier à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), puissent exercer leurs missions malgré la hausse des charges qu'ils subissent comme tout le monde. Des évolutions sont prévues pour tenir compte de leur situation et permettre ainsi un fonctionnement normal de leur activité ?

S'agissant enfin de l'enseignement agricole, nous aimerions que vous reveniez plus précisément sur les spécificités du budget relatives à ce domaine : parmi les moyens supplémentaires affectés, lesquels relèvent de la hausse générale du budget de l'éducation et lesquels sont spécifiques à l'agriculture ?

Pour conclure sur une note un peu plus politique sur cette thématique, je considère que nous devons réellement nous poser la question du modèle agricole qui est enseigné dans les différents établissements.

Face à la multiplication des difficultés et des questionnements environnementaux - sécheresse, gestion de l'eau, utilisation des intrants -, et face aux problématiques propres au monde agricole - enjeux de la transmission, gestion des exploitations et de l'artificialisation face aux tentations d'installations énergétiques -, l'enseignement doit traiter de l'ensemble de ces enjeux pour avoir des agricultrices et des agriculteurs formés et prêts à affronter ces différents défis.

Enfin une toute dernière question, qui est issue des échanges, hier après-midi, avec votre Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises. Il nous a été indiqué que les aides compensatoires à l'explosion des factures énergétiques pour les exploitants agricoles sont uniquement calculées a posteriori et transmises dans un second temps. Pourtant, à cause de la très forte hausse des coûts énergétiques, qui concernent des filières variées - de l'élevage à la production nécessitant des chaines de froid -, certains exploitants ne vont pas prendre le risque de démarrer leur production, pour ne pas mettre en péril l'ensemble de leur exploitation.

Ainsi, monsieur le ministre, est-ce qu'une réflexion est engagée pour permettre un mécanisme par anticipation, qui soulagerait directement les agriculteurs ?

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Le texte sur l'assurance récolte, Monsieur Duplomb, n'est pas passé au forceps, puisqu'à l'issue d'un débat parlementaire où les points de vue ont été exprimés, les positions du Sénat ont été largement reprises, y compris sur le règlement omnibus - en réalité, vous avez obtenu ce que vous demandiez. Et nous savions qu'il fallait un dialogue avec les filières, nous avons vu qu'il y avait des différences, et je ne veux pas nourrir les oppositions entre filière, car nous avons intérêt à ce que le système fonctionne pour tout le monde. Vous me dites qu'il faut crédibiliser la loi par le budget ; certes, mais il faut aussi crédibiliser le budget lui-même. Or, si nous avons une trajectoire autour de 680 millions d'euros dans le triennal, nous en sommes cette année autour de 560 millions d'euros, mais nous ne connaissons pas encore la réaction précise des agriculteurs. Le Président de la République a dit qu'on visait 600 millions d'euros dans le triennal, et que l'État couvrirait sur ses deniers les dépenses si elles allaient au-delà, jusqu'à 680 millions d'euros. Nous avons un travail à faire, de conviction après des agriculteurs, nous le savons bien, des arboriculteurs par exemple ont besoin d'être convaincus de la solidité du système.

Sur les calamités naturelles, nous avons accéléré, pour 12 départements, le processus de reconnaissance, donc de traitement. Les indemnités étaient versées en mars-avril, désormais ce sera début décembre pour les 12 départements concernés. J'ajoute que, pour le système prairial, la reconnaissance satellitaire fonctionne dans 90 % des cas, c'est une avancée parce que si l'on dit qu'on doit partout faire une enquête de terrain, les délais seront trop longs. Nous allons travailler avec les secteurs, et, en cas de désaccord, on regarde les différences, mais il est important de dire que le système satellitaire fonctionne, même s'il peut être amélioré - je fais la comparaison avec la météo : ce n'est pas parce qu'elle se trompe parfois, qu'on doit s'en passer toujours.

Nous réintégrons le TO-DE dans le budget et nous avons perspective à trois ans, cela ne vous donne peut-être pas entière satisfaction, mais c'est intéressant, cela donne plus de prévisibilité. Il faut regarder maintenant s'il y a des ajustements à faire pour les filières où la main-d'oeuvre est un facteur déterminant de compétitivité.

Nous ajoutons 90 ETP à la police sanitaire, c'est là aussi un progrès, et nous devons, du fait du regroupement des effectifs, faire converger des cultures administratives qui sont loin d'être les mêmes, le tout en faisant davantage de contrôle. J'étais ce matin à Rungis, j'ai vu l'équipe de 36 contrôleurs, elle est significative et elle contrôle aussi bien à l'importation qu'à l'exportation. Je suis ouvert à ce qu'on regarde en détail la pertinence de l'affectation des agents compte tenu des risques et des besoins de contrôle, je crois que l'échelle pertinente n'est pas nécessairement départementale, il faut raisonner à l'échelle nationale. En tout état de cause, je partage votre sentiment qu'il faut, à travers le contrôle des clauses miroirs en particulier, crédibiliser nos dispositifs vis-à-vis de l'extérieur.

Nous travaillons à la délégation des contrôles. Les scandales sanitaires, s'ils sont rares, sont, par définition même, scandaleux, mais nous ne devons pas perdre de vue que nous sommes les meilleurs pour la sécurité sanitaire des aliments, nous n'en rabattons pas - et c'est aussi pour cette raison qu'il faut contrôler l'application des clauses miroirs. Nous travaillons à la délégation des contrôles à des organismes bien précis, par exemple ceux qui contrôlent déjà des végétaux et qui ont le niveau d'expertise suffisant.

Est-on en situation de suradministration ? J'ai été surpris, en prenant mon poste, de l'effet que peut avoir un oubli, comme dans l'exemple que vous citez, Monsieur Duplomb : dans les dossiers de la PAC dont on parle, il n'y a pas de droit à l'erreur. C'est pourquoi nous mettons en place le droit à l'erreur, où l'administration peut même s'enquérir de savoir, ça s'applique dans l'exemple que vous citez, si l'agriculteur n'a pas oublié de cocher une case pour une aide qu'il obtient régulièrement, où l'agent de l'administration traite ces questions avec bienveillance. Cependant, si la superposition des règles peut effectivement alourdir les dépenses - c'est un ancien maire qui vous parle -, les lois « Egalim » fixent des objectifs et ne pénalisent pas lorsqu'on ne les atteint pas - c'est le cas, par exemple, pour les emballages plastiques. Il faut donc être très attentif à la transition, pour laisser le temps aux agriculteurs de s'adapter aux règles quand elles changent.

Face au mal-être agricole, Madame Férat, je crois que nous ne devons pas méconnaitre que nous avons, collectivement, une responsabilité. Car si ce mal-être a des causes financières, il tient aussi à ce que la société dit des agriculteurs, en particulier les médias, il tient au regard que les agriculteurs sentent sur eux, aux critiques dont ils font l'objet, aux discours qui les font passer pour des pollueurs venus d'un autre temps. Nous ajoutons 12 millions d'euros pour faire face au mal-être agricole, il faut accompagner ces moyens pour dire aux agriculteurs qu'ils ont droit à des mesures pour améliorer leurs conditions de travail, mais aussi au répit, au remplacement, aux vacances - ce n'est pas une faiblesse, nous devons en faire la promotion.

Le plan de prévention se déploie, il est en place dans une cinquantaine de départements, j'ai piloté une réunion il y a deux semaines pour demander qu'il soit déployé complètement. Nous allons assouplir la procédure d'aide à la relance des exploitations agricoles et prévoir l'octroi du RSA en urgence. Les agriculteurs ne le demandent pas, mais cet octroi peut être utile en cas de chute soudaine des revenus. Nous devons nous assurer que les lois sur la revalorisation des retraites agricoles sont bien appliquées, je le demande aux préfets dans tous mes déplacements.

Dans le cas du suicide que vous citez, Madame Férat, où un contrôle avait précédé ce passage à l'acte fatal, j'ai diligenté une enquête administrative pour que l'on regarde comment s'était passé le contrôle. Il faut assumer la nécessité du contrôle, mais il faut aussi de la confiance dans les contrôles. Cela implique de maîtriser leur multiplication et aussi d'assurer que le contradictoire soit respecté, et il faut se garder de présenter toute erreur comme intentionnelle - même dans le contrôle, il faut une relation de confiance. Sur le cas particulier dont vous parlez, très douloureux, je pense à la famille de cet agriculteur et à ce qu'elle a vécu, ce drame pose la question du dialogue et de la confiance. Bien de fautes au regard de la réglementation tiennent à ce qu'on ne connait pas toujours la loi, et chacun sait ici qu'elle est complexe. Je travaille avec le directeur de l'OFB, pour faire connaitre les nouvelles règles de la PAC.

Sur les crédits vétérinaires, ensuite, la dotation n'a pas diminué mais le nombre d'étudiants a augmenté...

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Certes, nous en débattrons en séance...

Nous avons un sujet sur la médecine vétérinaire en générale, un décret en attente peut régler des choses, nous en reparlerons.

S'agissant du vaccin contre l'influenza aviaire, j'essaie de prendre les décisions sous le regard des scientifiques, l'influenza repart du fait de la faune sauvage et de la migration et elle se développe dans les régions des couvoirs, nous allons devoir adapter nos mesures. Le vaccin a été autorisé en juin, la France, parmi quatre pays, s'est portée volontaire pour l'expérimentation ; les premiers éléments sont encourageants, nous aurons les résultats en janvier, et nous pourrons alors, si les résultats sont bons, adopter un plan de vaccination, qui ne vienne pas freiner l'export. Il va nous falloir, donc, procéder à la qualification du vaccin pour décembre, puis négocier avec les pays tiers les modalités d'export, ensuite définir notre stratégie vaccinale. J'ai espoir que passé cet épisode, on aura des solutions. Je salue le travail avec les organisations professionnelles dans les départements, qui se mobilisent jour et nuit, y compris pendant les jours fériés. La solidarité entre éleveurs, collectivités locales et services vétérinaires est exemplaire.

L'agroalimentaire est prioritaire pour éviter les coupures d'électricité éventuelles, mais les choses ne sont pas simples à définir précisément, dans la chaîne de la production agroalimentaire. Nous réunissons chaque semaine une cellule sous l'autorité de Matignon, avec le ministère de l'intérieur, pour examiner la situation par département et définir les priorités. Je vous confirme donc le principe de priorité du secteur, mais le déploiement n'est pas simple, la situation concrète dépendra de l'appel d'énergie et du réseau. J'étais dans votre département, Madame Férat, et il est clair que des coupures d'électricité n'auraient pas les mêmes conséquences dans toutes les filières alimentaires, je pense, par exemple, à la filière laitière. Des producteurs ont fait des appels d'énergie maintenant, en prévision, pour ne pas en avoir besoin lorsqu'il y aura le plus de risque de coupure, c'est un travail de responsabilité.

Il faut repenser la gestion de la forêt, Monsieur Tissot, vous avez raison de le dire, nous devons repenser la mixité, mais il faut aussi se mettre d'accord sur les perspectives, car la réalité des forêts est commandée par le climat et le sol. Il nous faut renforcer les moyens de la recherche, nous n'avons pas bien documenté les bonnes espèces, celles dont nous savons avoir le plus besoin désormais, car nous avons perdu la moitié du stockage carbone en forêt, et les attentes de la société ont changé. Attention cependant, il ne faudrait pas que les résineux deviennent le bouc émissaire, comme le maïs l'est devenu pour les champs, il faut documenter les choses précisément, par territoire.

Le contrat d'objectifs et de moyens de l'ONF est fondé sur une trajectoire, il faut en débattre. La question des moyens n'est pas la seule, il y a aussi les objectifs, et nous ne devons pas oublier que nous avons élargi ses missions, ce qui va absorber une partie des 20 millions d'euros de crédits dont nous parlons cette année, et que les missions seront élargies encore avec la prévention des incendies.

J'ai dit que les recettes de la taxe affectée au Casdar au-delà du plafond seraient redéployés l'an prochain pour des programmes de recherche. Nous avons besoin de mobiliser des crédits sur la forêt, la mobilisation est d'ailleurs bien plus large que le compte d'affectation spéciale de mon ministère puisqu'il faut compter avec les 2,9 milliards d'euros de France 2030 pour les forêts et la transition agricole, pour déployer par exemple le plan protéines.

Quel est notre modèle agricole ? C'est une question pour la loi d'orientation sur le renouvellement des générations - et je crois que la question est plurielle, il faut savoir si l'on parle du ou des modèles agricoles. Il me semble que les critères d'un bon modèle agricole, ce sont la rémunération de l'agriculteur, l'adaptation au changement climatique et le côté durable pour les décennies à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Sur les filières élevage et chambres froides, il y aura des aides a priori, plutôt qu'a posteriori ?

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Nous serons dans une logique de guichet mais il y a de l'imprévisibilité. L'idée c'est de pouvoir s'assurer du principe de l'accord, mais c'est différent du financement a priori.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

Le problème, c'est qu'on demande au producteur de constater à l'avance un déficit qu'il ne connait pas... cela n'incite pas à produire parce que l'éleveur qui lance sa chaine de production sait qu'il aura les factures d'énergie à payer !

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Nous allons procéder comme nous l'avons fait pendant la crise sanitaire : la direction générale des finances publiques (DGFIP) sera chargée du paiement, avec une forme d'automaticité sur production de factures, donc a posteriori.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Au moins, vous allez lever l'incertitude sur l'éligibilité.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

J'aurai plus d'éléments à vous présenter lors du débat en séance plénière.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Segouin

Je veux revenir sur la balance commerciale qui n'est excédentaire que grâce aux vins et spiritueux, ce qui veut dire qu'on a perdu du terrain sur toutes les autres productions. La « ferme France » a perdu partout de la compétitivité : ses normes pèsent trop, son coût du travail est trop élevé, des procédures compensatrices non pérennes rendent la prévision difficile, le nombre d'exploitation baisse. Qui plus est, nous surtransposons les normes européennes et nous contrôlons davantage notre production que celle qui entre sur notre territoire. Vous dites que vous allez faire respecter la clause miroir - est-ce à dire que les traités de libre échange n'auront plus lieu d'être ? À la commission des finances, nous sommes très inquiets de la perte de compétitivité : comment allez-vous faire entre les objectifs liés à l'écologie, au pouvoir d'achat et aux contraintes économiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

En amont de la visite du Président de la République aux États-Unis début décembre, nous avons souhaité, au nom de la commission des affaires économiques et du groupe vigne et vin, attirer son attention sur le règlement définitif du contentieux commercial aéronautique que subit de plein fouet la filière viticole. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour nous soutenir.

Les dégustations gratuites de vin sont exonérées d'accises en l'absence de transactions commerciales. Cette tradition est remise en cause. Selon l'administration, cela représente entre 300 000 et 600 000 euros de droits exonérés. Quelle réponse apporter aux vignerons ?

La loi pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires est entrée en vigueur le 1er juillet dernier. Or, ses décrets d'application ne sont pas publiés : quand le seront-ils ?

Dans les zones insulaires atlantiques, des projets de transformation et de commercialisation à la ferme sont bloqués en raison de la loi Littoral, ce qui inquiète les agriculteurs inscrits dans le maintien des activités agricoles. Il faut que ces activités soient considérées dans le prolongement de l'acte de production : qu'en pensez-vous ?

Les producteurs de sel marin de l'Atlantique s'interrogent sur le projet de label bio pour le sel. Les négociations n'avancent pas et font apparaître des positions antagonistes de plusieurs pays de l'Union européenne. Les petits producteurs attendent des réponses concrètes, je ne peux me satisfaire de votre réponse du 3 novembre à une question écrite qui n'apporte aucun élément tangible.

Enfin, faute de vétérinaires, le maillage sanitaire est en péril, surtout dans la ruralité : que compte faire le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Cardon

Habitant à proximité des hortillonnages dans la Somme, je vous parlerai des petites structures bios alternatives et urbaines, qui sont une manière de mettre un peu d'urbanité dans le monde agricole, de remettre au goût du jour des pratiques culturales et de favoriser les connexions entre mondes rural et urbain. Elles contribuent indéniablement à la sécurité alimentaire, à la création de liens sociaux et à la lutte contre le changement climatique, et ses impacts économiques et environnementaux sont loin d'être négligeables.

Malheureusement, les dispositifs d'aide et de soutien sont encore trop liés à la surface exploitée.

Que comptez-vous faire pour que les nouvelles formes d'agriculture ne soient pas qu'une variable d'ajustement dans l'après-crise, mais au contraire un levier de la résilience des villes et de la transition écologique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Le Gouvernement revient sur sa décision de supprimer des postes à l'ONF, mais il laisse à l'Office le soin de financer 20 postes sur son propre budget : comment comptez-vous qu'il le puisse, étant donné que le produit de ses ventes sera loin d'y suffire ?

Comment, ensuite, améliorer la gestion de la forêt privée, qui représente tout de même 12 millions d'hectares, contre 5 millions d'hectares pour la forêt privée ? Quid, en particulier, du financement des 11 ETP accordés au centre national de la propriété forestière (CNPF) ?

Je vous ai entendu sur le mal-être des éleveurs, mais quelles sont vos réponses concrètes, en particulier sur l'application des clauses miroirs ?

Enfin, qu'en est-il des traités de libre échange actuellement en négociation, par exemple le Mercosur, et ses menaces pour nos producteurs de viande bovine ? Qu'en est-il, enfin, sur la directive européenne sur les émissions industrielles, dite IED, actuellement au Parlement européen, qui inclurait les petits élevages de 150 unités de gros bétail (UGB) sous le régime des ICPE - ce qui serait autant de contraintes pour les éleveurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Vous êtes ministre de la sécurité alimentaire ; quelle conception en avez-vous pour signer à tour de bras des traités de libre échange qui encouragent la compétition déloyale, ainsi que le moins disant social et environnemental ? À quand le débat sur le CETA ? Pourquoi ne l'avez-vous pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement quand vous étiez ministre en charge des relations avec le Parlement ? Quand est-ce que le Gouvernement le fera ? Nous avons adopté à la quasi-unanimité une proposition de résolution européenne dans ce sens.

Que pensez-vous, ensuite, du fait que les accord de deuxième génération, n'aient pas à être ratifiés par les parlements nationaux, mais qu'ils passent seulement dans la procédure de la Commission européenne, donc à bas bruit, quelles que soient leurs conséquences pour nos agriculteurs et nos éleveurs : êtes-vous favorable, comme ministre de l'agriculture et de la sécurité alimentaire, à ce que tous les accords soient ainsi validés, comme on l'a vu la semaine dernière pour l'accord avec la Nouvelle-Zélande ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Je veux vous parler de la problématique de l'eau, que nous connaissons bien dans le Gers et qui est très complexe, parce qu'il ne s'agit pas seulement d'une affaire d'investissement, mais bien d'une question qui concerne le territoire dans son ensemble et qui demande donc une démarche territoriale.

L'évaluation des projets territoriaux de gestion de l'eau, lancés en 2019, établit que cette approche collective est intéressante pour progresser à l'échelle des bassins hydrographiques, et pour éviter les blocages que l'on connait aujourd'hui, alors que les agriculteurs ont besoin d'investissements et accéder à l'eau. Qu'en pensez-vous ?

Sur l'influenza aviaire, ensuite, je veux vous faire passer un message : celui de protéger les modes d'élevages autarciques, les petits, car s'ils disparaissent, ce sera dramatique - ces éleveurs sont des vecteurs d'image positive et de qualité pour les territoires et, que je sache, ils ne sont pas à l'origine de l'infection.

Enfin, comment allez-vous vous arranger sur la moyenne olympique qui renvoie aux règles de l'OMC et qui risque d'être un facteur d'incompréhension, donc de défiance, envers l'assurance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Nos territoires, et particulièrement le mien, le Lot-et-Garonne, sont de plus en plus touchés par des épisodes de gel qui sont dévastateurs pour les cultures et qui provoquent des pertes importantes de récolte, comme c'est malheureusement encore le cas cette année avec les pruneaux ou les noisettes. Quel accompagnement de l'État les producteurs peuvent-ils attendre ? Compte-tenu du dérèglement climatique, ces aléas vont se produire plus fréquemment : quel cadre pérenne d'aide pour lutter contre l'irrégularité croissante des récoltes ?

Le stockage de l'eau, ensuite, ne relève pas de votre périmètre, mais l'avis du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est essentiel sur cette question. Comment notre agriculture va-t-elle s'adapter aux déficits hydriques de plus en plus fréquents ? Monsieur le ministre, quelle est votre opinion sur le stockage de l'eau par bassines ? De manière plus générale, comment lutter contre l'impact de ces dérèglements hydriques ? Estimez-vous qu'une mutation des cultures à l'horizon 2050 est inévitable, et si oui, comment peut-on s'y préparer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Votre prédécesseur avait rédigé une feuille de route sur la « prévention du mal être et l'accompagnement des populations agricoles en difficulté », nommé M. Daniel Lenoir, inspecteur général des affaires sociales au poste de coordinateur national, et prévu la mise en place d'une cellule dans chaque département : ces cellules ne sont pas toutes installées, pourquoi ce retard ? J'avais un amendement pour créer un observatoire, il a été jugé irrecevable. Il y a dix ans, l'actuel ministre de l'économie et des finances, qui était alors ministre de l'agriculture, annonçait déjà des mesures pour faire face au mal-être des agriculteurs : pourquoi les choses prennent-elles tant de temps ?

Sur l'installation, vous avez élevé le plafond d'exonération de droits de mutation lors des transmissions, mais nous avons un problème de foncier : les Safer manquent de moyens, même s'il y a des systèmes de portage financier régionaux comme nous en avons en Occitanie, j'en remercie la présidente Carole Delga. Les établissements publics fonciers (EPF) pourraient contribuer, qu'en pensez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Michau

Alors que nous allons discuter des crédits pour l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), je souhaite vous interroger sur les informations qui ont été diffusées lors de la récente réunion avec les organisations professionnelles agricoles. Les éleveurs de montagne, très inquiets, ont été surpris d'apprendre la non prise en compte des surfaces collectives pour la mise en oeuvre de l'écorégime pour les exploitations transhumantes. Ces surfaces collectives représentent 430 000 hectares dans les Pyrénées, soit un quart de la superficie du massif. Cette mesure entraînerait des pertes financières conséquentes pour les 4 000 éleveurs transhumants, de l'ordre de 20 millions d'euros.

De même, l'introduction d'un critère de chargement plancher à 0,2 UGB par hectare parmi les critères d'entretien minimal pour la définition de l'activité agricole semble irréaliste en ce qui concerne les territoires pastoraux, car beaucoup ne permettent pas de supporter de tels chargements. Cette mesure nous parait incompréhensible ; connaissant votre attachement au pastoralisme et à l'agriculture de montagne, qu'en pensez-vous ?

Ce projet de budget, ensuite, provisionne 1 milliard d'euros pour la gestion de la grippe aviaire. Les producteurs de palmipèdes, notamment en Occitanie, pourraient être exclus de l'aide compensatoire qui ne viserait que les producteurs situés en zone touchée directement. De nombreux producteurs et éleveurs ne pourraient donc y prétendre, alors qu'ils ont subi de lourdes pertes et qu'ils sont partiellement ou totalement dépourvus de production. En effet, leurs fournisseurs de canetons implantés dans l'Ouest de la France, n'ont pas pu les approvisionner car les entreprises Thibaud Caneton et Orvia ont vu leur population éradiquée du fait de la pandémie.

Envisagez-vous une extension de l'aide compensatoire pour que tout producteur, victime directement ou indirectement de l'influenza aviaire et indépendamment de sa localisation, accède à une même mesure compensatoire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Chauvin

Les questions sur l'élevage étant très nombreuses, je vous invite à venir devant notre groupe d'études élevage, après le débat budgétaire.

La filière porcine bio est en surproduction, évaluée à 25-30 % de la demande, le marché allemand s'est tassé, le cours s'envole cette année, mais la filière n'est pas en bonne santé. La filière bio appelle à l'aide : quelles solutions, dans quels délais ? Pensez-vous à des aides d'urgence ou à un plan d'accompagnement ? Comment accompagner en particulier les éleveurs qui sont proches de la retraite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Amel Gacquerre

La situation des endiviers est particulièrement alarmante, parce que la production d'endives demande beaucoup d'électricité, c'est une question de survie pour cette filière qui représente des milliers d'emplois, alors que 30 % des producteurs renégocient leur contrat d'électricité. Ainsi, un producteur qui a vu passer sa facture de 150 000 à 300 000 euros depuis l'année dernière, devrait payer 800 000 euros l'année prochaine. Je sais que vous êtes à l'écoute, vous avez annoncé l'application d'un amortisseur électricité, mais c'est insuffisant pour les endiviers qui en sont à se demander comment passer les prochaines semaines : pouvez-vous envisager un soutien plus fort et plus pérenne aux productions plus énergivores, en particulier pour les endiviers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Les contrôles se multiplient et pèsent bien davantage sur notre production que sur celle que nous importons, le rapport est de un à dix puisque 3 000 agents contrôlent notre production, et 300 agents les produits que nous importons. Monsieur le ministre, seriez-vous prêt à répartir ces agents de manière équilibrée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Quelle différence faites-vous entre la souveraineté alimentaire et l'autosuffisance alimentaire ? L'agriculture bio se soucie de la terre, elle est résiliente et à même de répondre aux défis du réchauffement climatique et de l'effondrement de la biodiversité, mais vous n'envoyez pas de signal fort dans sa direction, c'est dommage. Vous dites qu'en matière d'insecticides et de biocides, il n'y aura pas d'interdiction sans solution : cela m'inquiète un peu, car à partir d'un moment, il faudra bien choisir, non ? Que pensez-vous de la lutte pour éviter la disparition des pollinisateurs ? Enfin, quelle est la responsabilité de l'élevage intensif dans la grippe aviaire - le sujet est-il documenté ? Les petits éleveurs de plein air paient un tribut particulièrement lourd à la grippe aviaire, mais sait-on précisément leur rôle dans sa diffusion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Dans la Drôme, 860 brebis ont été perdues cette année du fait d'attaques de loups, c'est dire que les attentes sont fortes sur le nouveau Plan loup. Elles vont jusqu'à la définition du seuil de 500 bêtes qui avait été fixé pour que l'espèce soit viable et, finalement, à la régulation du nombre de loups et à son classement comme espèce protégée dans la convention de Berne.

Ensuite, peut-on compter sur le chèque alimentaire pour l'an prochain ?

Enfin, le syndicat d'irrigation de la Drôme s'alarme de l'envolée du prix de l'électricité, les aides annoncées ne paraissent pas couvrir le surcoût : que pensez-vous pouvoir faire dans ce budget ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Le seuil de survie de l'espèce, fixé à 500 individus pour le loup, est atteint depuis longtemps puisque l'Office français de la biodiversité en dénombrait 921 en juin dernier. Dès lors, il faut contenir sa prolifération, ou bien le prochain Plan loup 2023-2028 devra être un plan de sauvegarde des femmes et des hommes qui produisent notre alimentation, préservent et entretiennent notre environnement... Monsieur le ministre, quelles sont vos propositions pour lutter contre la surpopulation des loups qui menace le pastoralisme ? Il faut agir face à l'extension territoriale des loups. Devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, le 21 septembre dernier, vous avez dit que le statut du loup devait évoluer rapidement, compte tenu de la menace. Vous avez rappelé la nécessaire négociation européenne, en précisant que vous présenteriez à la fin du mois la position de la France : où en sont ces négociations pour obtenir le déclassement du loup d'espèce « super protégée » à « protégée » ? Lors d'une séance de questions d'actualité au Sénat, vous avez annoncé la création d'une seconde brigade loup : vos crédits prévoient-ils de financer ce projet important, ou bien comment allez-vous faire ?

Dans mon département, les éleveurs fromagers subissent eux aussi une importante augmentation de leur facture énergétique, à quoi s'ajoute l'augmentation des coûts de l'alimentation du bétail, de la conservation froide, de la livraison : quelles mesures de soutien pour ces éleveurs fromagers qui sont déjà durement touchés par la prédation des loups ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Merillou

La souveraineté alimentaire va devenir un problème de plus en plus important, à mesure que la France importe toujours plus et exporte toujours moins - avec des conséquences pour les agriculteurs, mais aussi pour les consommateurs, en particulier ceux qui ont moins de moyens et qui n'accèdent plus qu'à des produits de qualité médiocre parce qu'ils ne sont pas contrôlés.

Il n'y a pas d'agriculture sans eau, c'est particulièrement vrai dans le Sud-Ouest. Les grandes retenues collinaires permettent de réguler l'étiage des rivières et elles sont aussi au service de la biodiversité : nous en avons un bon exemple en Dordogne, avec la retenue d'eau due à l'installation d'un barrage il y a une vingtaine d'années. Alors, il faut avoir une vision positive de l'irrigation.

Enfin, sur le chèque alimentaire, peut-on travailler directement avec les organisations caritatives ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bouloux

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à aligner le calcul des retraites agricoles sur celui des salariés et des indépendants, c'est-à-dire sur les 25 meilleures années de revenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sebastien Pla

Avec ce budget, on prend les mêmes mesures et on recommence, je ne comprends pas où est la trajectoire novatrice, ni quelle stratégie de développement agricole vous proposez dans le contexte très tendu que nous connaissons.

Les compagnies d'assurances seront-elles en mesure de mettre en oeuvre l'assurance récolte l'an prochain ? Comment allez-vous régler la question de la moyenne olympique ? Je suis vigneron et prendrai mon exemple : après trois années de grêle et de gel, je serai à 20 hectolitres par hectare, je n'ai donc aucun intérêt à m'assurer...

Enfin, les abattoirs de proximité sont en grande difficulté : comment comptez-vous les accompagner ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Les amortisseurs que l'État met en place face à l'envolée du prix de l'énergie ne suffisent pas à certaines petites entreprises agricoles ; il y a des trous dans la raquette. Vous l'avez constaté dans mon département, avec un producteur de pommes de terre qui payait l'électricité 70 euros le MWh et qui, malgré le dispositif de l'État, verrait sa facture quadrupler : que pensez-vous faire pour ces producteurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Redon-Sarrazy

J'évoquerai le renouvellement des générations de vétérinaires. Pour que le ministre de l'agriculture qui sera en poste en 2030 ne se retrouve pas dans la situation que connaît votre collègue de la santé en ce moment, il est nécessaire de prendre dès à présent les bonnes décisions.

Nous avons un projet en Nouvelle-Aquitaine, région où les filières animales sont très présentes et le problème sanitaire prégnant. La santé animale et la santé humaine sont indissociables : c'est le coeur du projet d'école vétérinaire à Limoges. Elle s'intitule One Health, une seule santé : ce n'est pas seulement une école, c'est tout un écosystème avec les praticiens vétérinaires, les formations médicales humaines, les écoles d'agronomie, les formations universitaires en biologie et en sciences de la vie et de la santé, les entreprises leaders du secteur.

Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à accompagner ce projet et à lui donner les moyens nécessaires aux cotés de la région Nouvelle-Aquitaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

La Commission européenne veut supprimer un herbicide, le Bonallan, dont la matrice active est la benfluraline ; les États membres avaient jusqu'au 4 novembre pour prendre position. Sachant que si ce produit est supprimé, il n'y a pas de substitution ; quelle est la position du Gouvernement ? Les cultures de l'endive, mais aussi de la chicorée et de haricots, en dépendent - celles des pommes également, et des pommes de terre.

Ensuite, l'usage des néonicotinoïdes sera autorisé l'an prochain pour la dernière année dans la culture de la betterave sucrière : qu'en sera-t-il ensuite, s'il n'y a pas de produit alternatif ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

La filière féculière, qui entre dans les processus pharmaceutique et cosmétique, voit sa production baisser malgré une revalorisation des prix par les industriels, les surfaces vont passer de 23 500 hectares l'an dernier à 18 700 cette année. Allez-vous adopter des mesures conjoncturelles, une aide à la production, ou bien la filière peut-elle espérer une aide structurelle dans le cadre des éco-régimes, compte tenu de la production de protéine de pomme de terre ? Ou encore, pourra-t-elle, pour faciliter sa production, réutiliser des eaux chargées résiduaires issues des stations d'épuration, ou encore inclure ses équipements dans les programmes de modernisation des outils industriels ?

Ensuite, j'ai interrogé vos services sur les difficultés des producteurs d'endives, j'espère une réponse.

Enfin, que pensez-vous de la décapitalisation de l'élevage et des risques qu'il y aura demain sur les intrants dans les unités de méthanisation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Micheline Jacques

Vous avez annoncé dans votre propos liminaire une augmentation des crédits pour soutenir l'agriculture ultramarine et je m'en réjouis.

Le plan chloredécone 2021-2027 oriente plus particulièrement la recherche sur la compréhension de l'évolution de cette molécule dans la nature et les éventuelles méthodes de décontamination. Quelle place prévoyez-vous de faire à la diversification de la production ? Que pensez-vous du colza pour l'usage de la chimie verte en vue de faire des outre-mer des territoires d'innovation ?

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Une dernière question d'Olivier Rietmann, qui vous demande où en est le décret d'application de la loi du 23 décembre 2021, dite loi Sempastous, portant mesures d'urgence pour assurer la régulation de l'accès au foncier agricole.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Sur les accords de libre-échange, il faut se mettre d'accord : on ne peut pas demander à être exportateur et refuser l'accès à notre marché ; soit on choisit d'être exportateur, soit de ne pas l'être - il faut accepter les règles du jeu et l'enjeu est alors du côté de notre compétitivité, mais on ne peut choisir la façon de commercer au gré de ce qui nous arrange. En réalité, la concurrence agricole est le plus souvent intracommunautaire, l'écart n'est pas d'abord le fait des accords de libre-échange. Chacun regrette la perte de souveraineté alimentaire française, mais on doit assumer notre capacité exportatrice, donc les règles du jeu.

Peut-on se contenter de viser l'autosuffisance alimentaire ? Mais quand le climat se dérègle, si vous produisez juste ce qu'il faut, comment faites-vous quand la récolte est moins bonne qu'attendue ? Vous n'avez aucune réserve, rien de côté ? Et quand un Poutine fait de l'alimentation une arme de guerre en bloquant les ports, il faut pouvoir donner à ceux qui manquent subitement - et qu'est-ce que vous penseriez d'un monde où ceux qui ont beaucoup, se contenteraient de produire pour eux-mêmes, sans échange, sans penser aux autres ? C'est le fond, on a besoin d'échanges - et il y a la méthode, il faut que les accords de libre-échange, la concurrence, soient régis par des règles loyales...

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

On a toujours commercé, bien avant les accords de libre-échange ; les gens n'en peuvent plus de ce type d'arguments éculés...

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Les clauses de réciprocité n'étaient guère dans la culture de la Commission européenne, nous progressons. Nous veillons à ce que ces clauses figurent dans tous les accords, c'est un travail de longue haleine. Il faut porter le fer sur les clauses environnementales, on ne peut pas tout faire. Sur la méthode, il y a effectivement un sujet démocratique, car une fois que la Commission européenne a mandat de négocier, elle ne revient devant les États-membres que quinze jours avant la signature ; nous avons besoin de plus de temps et de débats. Quant au CETA, le débat n'est pas à l'ordre du jour parlementaire, demandez-le au ministre des relations avec le Parlement... Et je vous fais remarquer que, sur le fond, le CETA est plutôt favorable à nos intérêts commerciaux.

Le sujet de la prédation se pose à l'échelon européen ; nous parlons du guide interprétatif de la directive « Habitat ». Nous sommes en débat avec la Commission européenne et les autres États membres ; nous nous sommes exprimés et je peux vous dire que les points de vue ne sont pas les mêmes, c'est aussi parce que le problème n'est pas le même partout sur le continent... Dans l'immédiat, il faut se mettre d'accord sur le comptage, rétablir de la confiance. Cependant, je tiens à préciser que personne n'a dit qu'à 500 loups on fermerait le ban, il a été simplement écrit que c'était un objectif. Ensuite, nous devons simplifier le prélèvement : les modalités de tir, les équipements, les éléments administratifs sur les délais de financement de la prévention, sur l'indemnisation. Je sais que l'élevage est menacé, en particulier le pastoralisme. La désespérance de l'éleveur est terrible après l'attaque de loups, il en va aussi de la diversité. L'élevage participe à la biodiversité, on ne peut tout sacrifier. Il faut documenter ces éléments, mieux connaître la cohabitation du pastoralisme et des loups. Quant à la deuxième brigade loups, elle est pré-positionnée dans les Pyrénées, il faut former les louvetiers, et préciser les choses dans le Plan loup.

Il y a besoin d'eau en agriculture, c'est certain, et le dérèglement climatique, chacun doit l'entendre, va conduire à des arythmies de pluviométrie ; on va donc passer de périodes où il y aura trop d'eau, à d'autres où l'on en manquera, il faut s'organiser. Ce qui est désespérant dans le projet actuellement contesté, c'est qu'il s'articule avec un projet de territoire où l'on a réduit les produits phytosanitaires, et où on est même passé d'une consommation de 20 à 13 millions de cube d'eau, c'est vertueux pour la consommation d'eau. Qui plus est, des associations qui ont signé le protocole protestent aujourd'hui. Or, je crois qu'il faut être clair : une fois le projet territorial négocié puis signé, une fois les recours juridiques épuisés, le projet doit être appliqué, il faut être de bonne foi. Il faut regarder à quoi servent les ouvrages et celui dont on parle est certes utile à l'irrigation, mais aussi au maintien des étiages, à la lutte contre les inondations, à la lutte contre les incendies, à l'alimentation en eau potable. Il faut faire attention aux discours, je dis que le retour à l'état de nature est mortifère, c'est la mort de l'agriculture, un retour de dix mille ans en arrière - ce qui ne veut pas dire que le dérèglement climatique ne va pas nous conduire à abandonner des cultures sur certains territoire. Et dans ce passage, on a besoin de construire du collectif.

Le chèque alimentaire, on lui demande tout : gérer la précarité, donner un accès à une alimentation de qualité, aider à la transition de filière... c'est trop. D'où l'idée qu'on peut avancer via les banques alimentaires, dans la restauration collective, pour faire découvrir la diversité et la qualité alimentaires ; ça peut être intéressant en particulier pour des jeunes qui en sont éloignés, en tout cas plus intéressant qu'un chèque qui se dépensera au supermarché.

Les décrets d'application de la loi dite Sempastous sont au Conseil d'État depuis le mois d'aout, il en a délibéré ce jour et c'est pourquoi la presse s'en fait l'écho.

La dégustation gratuite des vins n'est pas un sujet législatif, il relève de l'administration des douanes.

Le bio est l'un des modèles alternatifs, il n'est pas le seul. Vous dites, monsieur Cardon, qu'il faut remettre un peu d'urbanité dans le monde rural - mais je vous le demande : et si l'on remettait un peu de ruralité et d'urbanité dans le monde urbain ? Il faut prendre garde aux injonctions, surtout lorsqu'on s'adresse à des gens dont on ne paie pas bien l'effort. C'est mon avis personnel, mais je crois qu'il faut laisser tout le monde faire son chemin, je crois que des modèles sont plus compliqués que d'autres et qu'il faut du temps à la transition, mais qu'il n'y a pas d'un côté les bons, et de l'autre les méchants.

Je veux dire à M. Cuypers que, sur la benfluraline, le délai pour la position des États membres est au 12 décembre prochain.

Ensuite, sur les néonicotinoïdes, on ne peut pas dire qu'on en sort, mettre des moyens pour en sortir, s'engager sur un calendrier, puis repousser tout le temps le calendrier en ajoutant des délais. Ils sont autorisés l'an prochain, l'échéance est en 2024. Il va se passer des choses en 2023, l'Inrae présentera des résultats, et nous recherchons des solutions alternatives, mais il y a bien un moment où l'interdiction s'appliquera.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Monsieur le ministre, nous devons, conformément à vos engagements pris ailleurs, lever notre réunion. Je propose que vous répondiez par écrit aux autres questions, et que vous reveniez devant nous au mois de janvier.

Debut de section - Permalien
Marc Fesneau, ministre

Sur le guichet des compensations du coût énergétique et l'idée qu'il y a des trous dans la raquette, par exemple pour les endiviers, je crois que nous avons les mêmes informations, parce que nous travaillons tous avec les filières. Nous ajusterons le dispositif, pour être au plus près des besoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Les questions sont posées, nous comptons sur vous pour les réponses.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 05.