Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Développement économique de la filière du chanvre — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Guillaume Gontard vient de vous présenter le potentiel de la filière française du chanvre du point de vue industriel. Pour ma part, je souhaite me focaliser sur un produit particulier de cette filière : le CBD (cannabidiol).

En préambule, un effort de définition s’impose, tant la confusion peut régner sur ce sujet.

Quand on évoque le chanvre, le CBD ou le THC, on parle de deux espèces de plantes très proches biologiquement. Si le chanvre est un produit issu du traitement de la fibre de ces plantes, le CBD et le THC sont des molécules provenant des fleurs.

Lorsque l’on parle de cannabis récréatif, on parle du THC. Rappelons-le pour éviter tout amalgame : le CBD n’a strictement rien à voir avec le THC. Nous parlons bien de deux molécules différentes, avec des effets différents. Si le THC est considéré, à juste titre, comme un psychotrope, avec tous les risques d’addiction afférents d’un point de vue médical, le CBD n’engendre pas d’addiction et les effets psychotropes sont inexistants. À ce titre, il n’est pas recherché lors des tests de dépistage des stupéfiants par les forces de l’ordre.

Lorsque l’on parle de CBD en tant que produit commercialisé, on parle d’extrait de fleur de chanvre, que certains trouvent apaisant, antistress, présentant un taux de THC inférieur à 0, 2 %, très largement au-dessous du seuil à partir duquel se manifestent les effets psychoactifs.

Pourtant, une certaine confusion existe parfois dans les esprits. Lorsque l’on regarde l’évolution de la législation autour du CBD, on constate que cette confusion règne jusqu’au sommet de l’État, et ce dès l’apparition de la filière en France, au grand dam du secteur agricole.

Les premières boutiques de vente de CBD apparaissent dans notre pays en 2018. La police en a fermé de manière régulière, en raison d’une mauvaise interprétation d’un arrêté de 1990, daté et inadapté à ce nouveau marché.

Pour y remédier, en juin 2018, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives a eu la brillante idée de distinguer le CBD synthétique du CBD récolté naturellement.

Sans même mentionner le côté scientifiquement inepte de cette distinction, celle-ci a mis la France en situation de non-respect du droit européen, non-respect confirmé par la Cour de justice de l’Union européenne en novembre 2020, en raison d’une entrave aux principes d’égalité devant la loi et de libre-échange au sein de l’Union.

Pour y remédier, le Gouvernement a eu une nouvelle idée plus brillante encore, donnant lieu à un arrêté en décembre 2021 : autoriser le CBD en tant que molécule, mais interdire la commercialisation de la fleur de chanvre ainsi que son utilisation en infusion.

Ce nouveau trait – bien français – de génie administratif n’a pas mis longtemps à recevoir le jugement qu’il méritait, à savoir une suspension par le Conseil d’État en janvier 2022. Le jugement au fond est encore attendu.

Ces deux décisions du Gouvernement témoignent bien d’un malaise sur le sujet, d’une confusion, d’une instrumentalisation de la filière CBD à finalité morale et d’une forme de déni de la science. Nous le disons et le répétons : le CBD n’est pas une drogue, même s’il contient des traces infimes de THC.

Il faut d’urgence en finir avec cette confusion entretenue à dessein, car des emplois et des filières agricole, industrielle et commerciale sont en jeu. Le CBD satisfait la demande de 7 millions de consommateurs, au travers de 1 800 boutiques spécialisées, et représente plus de 30 000 emplois si l’on prend en compte la production, la distribution et la commercialisation. Tous ces commerçants vivent une grande insécurité à cause de ces revirements réglementaires et craignent pour leur avenir.

Si, au contraire, on en finissait avec cette confusion permanente et que l’on soutenait réellement la filière, on pourrait créer des dizaines de milliers d’emplois supplémentaires.

Le CBD n’est ni une drogue ni un produit addictif. Il est utilisé dans toutes les tranches de la société, à tous les âges. Les Françaises et les Français aiment ça !

Madame la secrétaire d’État, finissons-en avec la confusion permanente et revenons à la science, laquelle fait bien la distinction entre les molécules du THC et du CBD. Permettons l’essor de toute une filière composée d’emplois locaux et de commerces de proximité. Le pouvoir réglementaire est entre vos mains : utilisez-le à bon escient !

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