Intervention de Carole Grandjean

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire sur un projet de loi

Carole Grandjean :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens en premier lieu à excuser Olivier Dussopt, qui n’a pas pu être présent aujourd’hui.

Je me réjouis de l’accord trouvé entre votre chambre et celle des députés en commission mixte paritaire. Cet accord s’explique notamment par la qualité constante des débats tout au long de l’examen de ce projet de loi.

Je remercie l’ensemble des parlementaires qui ont œuvré à rendre possible un compromis au profit de l’intérêt général. L’esprit de responsabilité et, précisément, le sens de l’intérêt général ont permis de parvenir à un texte qui est à la fois équilibré et à la hauteur des enjeux ; une étape supplémentaire est ainsi franchie vers le plein emploi.

Je salue également le travail exigeant des deux rapporteurs, Mme Frédérique Puissat et M. Olivier Henno. Vous avez, par voie d’amendement, apporté au texte de nombreuses modifications importantes, et nous pouvons tous vous en remercier.

Par ce texte, nous préservons les droits des demandeurs d’emploi.

Le projet de loi confère au Gouvernement la possibilité de prolonger les droits d’indemnisation pour quatorze mois, jusqu’au 31 décembre 2023. Quant au bonus-malus, il est prolongé jusqu’au 31 décembre 2024 ; ce dispositif nous permet d’encourager les entreprises à moins recourir aux contrats de très longue durée.

Par ailleurs, à la faveur d’un amendement proposé par votre chambre, le texte issu de la commission mixte paritaire prévoit explicitement la possibilité de faire varier les règles de l’assurance chômage en fonction de la situation du marché du travail. Cette disposition est non seulement utile par ses vertus de lisibilité, mais il témoigne de la volonté commune des législateurs de sécuriser, de soutenir et d’encourager la réforme que nous sommes en train de mener en concertation avec les partenaires sociaux. Olivier Dussopt réunira d’ailleurs les partenaires sociaux le 21 novembre prochain, afin de conclure les concertations que nous avons conduites depuis le 17 octobre dernier. La solution que nous retiendrons, qui sera juste et équilibrée, s’appuiera sur une modulation de la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi au regard des offres disponibles sur le marché du travail.

Cette modulation permettra de soutenir notre activité économique dans un contexte où le besoin s’en fait considérablement ressentir : par exemple, 30 % des entreprises renoncent à une partie de leur activité pour des raisons de pénurie de main-d’œuvre.

Contrairement à ce qu’il nous est arrivé d’entendre, cette réforme ne pénalisera pas les demandeurs d’emploi les plus fragiles. Elle ne reviendra pas sur les conditions d’affiliation minimale et ne diminuera donc pas le nombre de personnes dont s’ouvrent les droits à l’assurance chômage.

Vous avez également apporté, mesdames, messieurs les sénateurs, une clarification législative relative à l’abandon de poste. Désormais, l’abandon de poste vaudra présomption – il s’agit bien d’une « présomption », j’y insiste – de démission. La nuance étant importante, je m’y arrête quelques secondes.

Cette disposition sera suivie d’un décret : l’abandon de poste n’étant pas vraiment formalisé par le code du travail, elle aboutissait par défaut à une situation de faute grave ; or il n’est pas anodin d’être licencié pour faute grave, et ce processus excluait la possibilité de toucher des indemnités de licenciement.

La nouvelle procédure qui verrait le jour en cas d’adoption du projet de loi permettrait d’expliciter les véritables causes sous-jacentes à l’abandon de poste. La démission s’imposera lorsque le salarié arrête sans prévenir d’exécuter son contrat de travail. Une procédure de mise en demeure par l’employeur est prévue ; ainsi la démission pourra-t-elle être écartée lorsque l’abandon de poste se justifie par des motifs de santé ou de sécurité par exemple.

Prenons également acte de la volonté des législateurs d’encadrer les refus de proposition d’embauche en CDI qui font suite à des contrats d’intérim ou à des contrats à durée déterminée. Les ajustements et encadrements nécessaires proposés en commission mixte paritaire et l’investissement transpartisan sur ce sujet ont permis d’aboutir à un compromis. Vous avez ainsi pris soin de préciser que les CDI refusés doivent être conformes au profil de l’offre raisonnable d’emploi prévu par le projet personnalisé d’accès à l’emploi du demandeur.

Cette précision paraît nécessaire afin de ne pas risquer de réduire la proportion de demandeurs d’emploi qui acceptent d’occuper un emploi dans l’attente de trouver un poste plus conforme à leur projet professionnel.

Cette disposition a également été l’occasion d’ouvrir un débat intéressant sur l’attractivité de certains métiers et les conditions de fidélisation des salariés, ainsi que sur les nouveaux comportements observés, chez les jeunes notamment, sur le marché du travail.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité intégrer les centres de gestion de la fonction publique territoriale dans le processus d’accès à l’assurance chômage des agents territoriaux démissionnaires qui, dans la suite de leur trajectoire, sont susceptibles de percevoir une allocation de l’assurance chômage.

Selon la réglementation de l’assurance chômage, dans certains cas, les collectivités locales se retrouvent en situation de devoir payer le montant des allocations versées. Nous sommes sensibles à cette curiosité du droit, qui peut mettre certaines collectivités dans la difficulté financière. Une telle évolution a ainsi naturellement trouvé place dans ce texte. Je précise que cette nouvelle disposition ne suffira sans doute pas totalement. Olivier Dussopt s’est engagé devant votre chambre à examiner ce sujet avec mes collègues ministres respectivement chargés de la fonction publique et des collectivités territoriales, afin de trouver une solution définitive.

Vous avez également confirmé la volonté parlementaire forte de refonder un dispositif de validation des acquis de l’expérience plus moderne, plus simple, plus sécurisant pour les candidats, en offrant un nouveau cadre de coopération. Nous réussirons ainsi à concilier, j’y ai été sensible, les objectifs nationaux et des stratégies locales de développement des emplois et des compétences.

Ce texte fonde un nouveau service public pour notre pays, celui d’une reconnaissance élargie des compétences des actifs, organisé selon une véritable logique d’universalité, celle-là même que la majorité sénatoriale a promue tout au long des débats. Nous sommes fiers d’avoir ouvert grand les portes de la validation des acquis de l’expérience !

Les avancées à mettre au compte de ce projet de loi sont nombreuses et importantes ; elles constituent des jalons sur le chemin du plein emploi, aux côtés d’autres leviers que nous souhaitons actionner.

Cette réforme est une première réalisation, dont nous pouvons collectivement nous féliciter. Vous l’aurez compris, le Gouvernement est évidemment favorable à l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.

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