Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 17 novembre 2022 à 10h30
Fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi — Vote sur l'ensemble

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, une petite heure a suffi à mettre d’accord le Gouvernement et la majorité sénatoriale sur ce texte censé permettre le plein emploi, mais dont l’objectif principal est la reprise en main de l’assurance chômage par le Gouvernement.

L’article 1er du projet de loi vise à autoriser le Gouvernement à fixer seul, et à la place des organisations syndicales et patronales, les conditions d’indemnisation de l’assurance chômage.

Une telle remise en cause de la gouvernance paritaire marque une nouvelle étape du processus d’étatisation de l’assurance chômage pour moduler l’indemnisation selon la conjoncture économique.

Le Gouvernement module la durée d’indemnisation selon que la situation de l’emploi est au vert, à l’orange ou au rouge. Avec les indicateurs choisis par le Gouvernement, le vert entraînera une réduction de 25 % de la durée des allocations ; pour l’orange, la réduction sera de 15 % ; et si c’est rouge, la durée d’indemnisation sera maintenue. Selon les calculs des organisations syndicales, la modulation entraînera une baisse moyenne de 25 % du nombre de mois d’indemnisation.

Concrètement, un demandeur d’emploi inscrit à partir du mois de février 2023 et ayant bénéficié de vingt-quatre mois d’indemnisation chômage avec les anciennes règles verra ses droits réduits à dix-huit mois. Pour les plus précaires, qui pouvaient bénéficier de six mois d’indemnisation avec les anciennes règles, cela passera à seulement quatre mois. Enfin, les seniors, dont on parle beaucoup en ce moment, qui avaient droit à trente-six mois, chuteront à vingt-huit mois. Cette modulation va précariser davantage les travailleurs et aggraver les disparités géographiques.

Cette loi, véritable coup de force sur la démocratie sociale, s’accompagne d’une remise en cause du principe d’égalité. Cette atteinte grave aux droits des salariés a été rendue possible grâce à la droite sénatoriale, qui a obtenu en contrepartie de son soutien des régressions sociales majeures.

Les Républicains ont obtenu l’encadrement de l’abandon de poste. Désormais les salariés qui abandonnent leur poste seront considérés comme présumés démissionnaires. Ils perdront par conséquent le bénéfice de l’indemnisation chômage. Bravo !

Je rappelle simplement que ni le ministère du travail ni Pôle emploi ne disposent d’études statistiques et d’études sur les abandons de postes en France. Cette disposition repose uniquement sur une instrumentalisation de l’abandon de poste par certains employeurs. Surtout, elle crée une procédure déséquilibrée pour les salariés et totalement inadaptée à la réalité de la justice prud’homale.

Enfin, le Gouvernement a accepté de supprimer l’indemnisation chômage des salariés en CDD ou en contrat de mission qui refusent deux contrats à durée indéterminée.

Après avoir favorisé et financé par des milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales les contrats courts, la droite sénatoriale et le Gouvernement pénalisent aujourd’hui celles et ceux qui refusent un contrat à durée indéterminée. Encore une fois, bravo !

Le député Marc Ferracci, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, a lui-même reconnu que les abandons de poste et les refus de CDI étaient des situations non massives. Pourquoi pénaliser des comportements minoritaires ?

Avec ce texte, vous inversez le sens même de l’assurance chômage, dont l’objectif est de protéger les salariés contre la perte de leur travail. Désormais, ce sont les employeurs qui sont protégés contre les salariés du choix de leur contrat de travail !

En conclusion, ce projet de loi constitue une attaque contre les droits des travailleurs et des chômeurs. Il nous donne un avant-goût des mauvais coups à venir de la part du Gouvernement, qui pourra désormais compter sur la droite au Sénat pour conserver une majorité parlementaire.

Les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste défendent, vous le savez, un autre projet de société reposant sur une véritable sécurité sociale professionnelle. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion