Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite, en complément des propos de mon collègue Thierry Cozic, aborder notamment le sujet des compensations versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public, qui figurent parmi les crédits de la mission « Économie ».
Trois de ces compensations sont pérennisées en 2023. Tout d’abord, la compensation visant à financer le transport postal de la presse par La Poste est maintenue ; elle s’élèvera à 40 millions d’euros en 2023. Ensuite, la dotation pour le service postal universel dans l’ensemble du territoire national n’est pas modifiée ; son montant sera compris entre 500 et 520 millions d’euros en 2023. Enfin, la dotation au fonds postal national de péréquation territoriale est maintenue, pour que La Poste puisse remplir sa mission essentielle d’aménagement et de développement du territoire, qui consiste à maintenir des points de contact dans l’ensemble du pays.
En outre, en 2023, une nouvelle compensation au groupe La Poste intègre la mission « Économie ». En effet, la Banque postale est chargée par la loi d’une mission d’intérêt général d’accessibilité bancaire. Cette mission se traduit par l’obligation, pour cet établissement, d’ouvrir gratuitement à toute personne qui le demande un livret A fonctionnant comme un quasi-compte courant. L’objectif de ce dispositif est l’insertion bancaire et sociale. L’établissement doit permettre aux personnes dont les besoins spécifiques ne sont pas couverts par les autres dispositifs d’avoir accès à un support bancaire simple, adapté à leurs besoins – elles doivent pouvoir bénéficier de faibles montants minimum de retrait et disposer de moyens de paiement.
Cette mission d’intérêt général a un coût pour la Banque postale, qui s’explique par la consommation accrue de services de guichet. En contrepartie, la Banque postale reçoit une compensation. Celle-ci a jusqu’ici été débudgétisée, le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations en assumant la charge.
L’article 43 de ce projet de loi de finances vise à intégrer au budget général de l’État le montant de cette compensation, au sein de la mission « Économie ». Cette réforme nous apparaît opportune.
Premièrement, elle décharge le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations d’une mission importante, qui n’entre pas dans le cadre de son mandat principal, à savoir le financement du logement social.
Deuxièmement, la budgétisation de la compensation harmonise l’objectif du dispositif – une mission d’intérêt général – et son financeur – l’État. Elle donne aussi une plus grande portée au vote des crédits par le Parlement.
J’en viens au plan France Très haut débit, sur lequel nous avons concentré une autre partie de nos travaux.
Le programme 343 comprend en effet une part substantielle de la participation de l’État au financement de ce plan, qui devrait s’élever au total à 3, 64 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année 2023. Ce plan contribue à l’objectif de couvrir intégralement le territoire en fibre optique à l’horizon 2025 en subventionnant les réseaux d’initiative publique, les RIP, qui sont mis en œuvre dans les zones où le déploiement de la fibre n’est pas rentable pour les opérateurs.
Mes chers collègues, comme vous le savez, les RIP sont des réseaux de très haut débit mis en place au travers de projets au sein desquels les collectivités territoriales doivent s’associer, à l’échelle départementale, pour bénéficier d’un soutien de l’État, via le plan France Très haut débit.
Il ressort de notre analyse que ce plan a eu des conséquences très positives sur le déploiement du très haut débit dans les zones concernées. La dynamique est forte : près de 1 500 000 nouvelles prises de fibre optique ont été déployées au cours du premier semestre 2022 grâce aux RIP, soit 64 % des déploiements sur l’ensemble du territoire durant la même période.
Mais nous tenons à signaler plusieurs points qui nous ont alertés, s’agissant du déploiement de la fibre optique dans les autres zones, car ils sont susceptibles d’empêcher l’atteinte de l’objectif fixé – le déploiement de la fibre optique dans l’ensemble du territoire en 2025.
Tout d’abord, dans les zones très denses, où le déploiement relève de l’initiative des opérateurs, le rythme insuffisant constaté au cours des derniers semestres perdure. De plus, l’état d’avancement des déploiements dans ces zones est très disparate.
Par ailleurs, dans les zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement, dites « zones Amii », les engagements de déploiement que les opérateurs privés ont pris vis-à-vis de l’État ne sont pas atteints. De plus, dans ces zones, la dynamique de déploiement des opérateurs ralentit.
Enfin, nos inquiétudes portent sur les zones d’appel à manifestation d’engagement local, dites « zones Amel », où les opérateurs ont également pris des engagements de déploiement, à l’instar de ceux des zones Amii. À ce jour, seulement un tiers des locaux qui devaient être rendus raccordables en zone Amel l’ont été ; le respect des échéances prévues dans chacun des cas ne semble pas assuré, loin de là !
Dans ces conditions, nous considérons que l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l’Arcep, doit impérativement se saisir de son pouvoir de sanction afin de contraindre les opérateurs à atteindre leurs objectifs.
Ainsi que nous l’avions indiqué l’année dernière, l’Arcep ne doit pas attendre d’être saisie par les collectivités pour agir. On constate en effet dans nos territoires que celles-ci ne sont pas vraiment en position de force vis-à-vis des opérateurs pour demander à l’Arcep d’engager une procédure de sanction.
Par ailleurs, alors que les réseaux sont aujourd’hui en pleine phase de déploiement, il nous semble nécessaire d’anticiper les coûts liés à l’entretien de ces réseaux et à la réalisation de raccordements complexes, dont le financement doit permettre de sécuriser l’éligibilité de l’ensemble de nos concitoyens à la fibre. En l’état actuel des choses, nous nous demandons si les montants prévus sont suffisants.
J’aborderai enfin le sujet du Fonds de développement économique et social. Il nous semble indispensable de tirer les conséquences de la prolongation de l’encadrement temporaire des aides d’État pour 2023, résultant de la décision de la Commission européenne du 28 octobre 2022, à propos du dispositif des prêts bonifiés. En effet, la décision de la Commission européenne ouvre la possibilité de prolonger en 2023 le dispositif des prêts bonifiés au bénéfice des PME et ETI touchées par les conséquences économiques de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Aujourd’hui, le projet annuel de performance du programme 877 correspondant ne prévoit pas la prolongation du dispositif, alors même que des crédits demeurent non consommés, à hauteur de 158 millions d’euros l’été dernier, pour une dotation initiale de 500 millions d’euros.
Nous encourageons donc le Gouvernement à prolonger l’application de ces prêts bonifiés en 2023, en utilisant les crédits non consommés en 2022, sans qu’il y ait besoin d’adopter d’amendement.