Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, les crédits alloués à l’administration pénitentiaire dans le projet de loi de finances s’inscrivent en forte hausse, avec une progression de 7, 5 %.
Ces moyens supplémentaires ne sont pas superflus, compte tenu des besoins en moyens humains et des investissements nécessaires pour rénover et développer notre parc pénitentiaire.
Pourtant, les auditions auxquelles j’ai procédé m’ont parfois donné l’impression que les efforts réalisés sur le plan budgétaire n’avaient pas encore d’effets perceptibles sur le terrain. Je vois à cela deux explications : tout d’abord, une part importante des crédits est absorbée par le « programme 15 000 », qui vise à ouvrir 15 000 nouvelles places de prison d’ici à 2027 ; ensuite, le retour à une situation de surpopulation carcérale dégrade les conditions de travail du personnel, ainsi que les conditions de détention.
Concernant le « programme 15 000 », je rappelle qu’il est divisé en deux tranches : 7 000 places devaient être livrées entre 2017 et 2022, et 8 000 entre 2022 et 2027.
Nous devons constater que la première tranche a pris du retard, puisque le nombre de places livrées en cette fin d’année 2022 est de l’ordre de 2 000. La livraison d’une dizaine d’établissements est prévue en 2023, ce qui permettra de combler une partie de ce retard.
Il n’en reste pas moins que l’achèvement du programme à l’échéance prévue paraît aujourd’hui bien incertain. Je m’interroge, en particulier, sur les surcoûts qui résulteront de la hausse des prix de l’énergie et des matières premières : ils pourraient inciter à étaler dans le temps la mise en œuvre du programme.
Après la baisse constatée en 2020, du fait de la pandémie, la population carcérale est repartie à la hausse, pour se rapprocher désormais de ses plus hauts niveaux historiques. Dans les maisons d’arrêt, le taux d’occupation dépasse 140 % en moyenne, avec des pointes à plus de 200 % dans certains établissements, par exemple à la prison de Bordeaux-Gradignan, sur laquelle la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté nous a alertés.
Dans ce contexte, le Gouvernement a fait adopter, à l’Assemblée nationale, un amendement tendant à reporter une nouvelle fois la mise en application du principe de l’encellulement individuel. À l’évidence, les conditions observées sur le terrain font obstacle au respect de ce principe à compter du 1er janvier 2023.
La surpopulation carcérale dégrade tout d’abord les conditions de détention : on observe davantage de matelas au sol et un accès plus difficile aux activités sportives ou culturelles, et le suivi par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) tend à s’espacer, ce qui réduit les chances de réinsertion.
Elle détériore également les conditions de travail du personnel : les schémas d’emplois dans les établissements sont définis en fonction du nombre théorique de places, non en fonction du nombre de détenus réellement accueillis ; d’où une importante surcharge de travail, notamment pour les surveillants pénitentiaires, qui sont quotidiennement au contact des personnes incarcérées.
En dépit de ces difficultés qui persistent, la commission des lois a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de l’administration pénitentiaire, ainsi que sur l’article rattaché 44 ter, tout en étant convaincue de la nécessité de remettre à niveau de notre service public pénitentiaire.