Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord évoquer la mémoire de Charlotte, l’histoire tragique d’une jeune magistrate de 29 ans qui s’est donné la mort le 23 août 2021 à Béthune.
Envoyée de tribunal en tribunal, elle comblait les effectifs manquants des juridictions du Nord. À ces conditions de travail difficiles s’ajoutaient des injonctions à aller toujours plus vite, symptôme d’une justice malade qui préfère un jugement rapide et dégradé à un jugement de qualité.
À la suite de son suicide, une pétition réunissant 3 000 magistrats et plus de 100 greffiers a vu le jour pour condamner une justice qui n’écoute pas et qui chronomètre tout.
Parlons de la magistrate Marie Truchet, qui s’est écroulée en pleine audience de comparution immédiate, le 18 octobre dernier, au tribunal de Nanterre, pour ne plus jamais se relever.
Il ne s’agit pas là de faits anecdotiques, mais de vies humaines, sacrifiées sur l’autel d’une justice à bout de souffle. Les États généraux ont d’ailleurs confirmé l’état de délabrement avancé de notre système judiciaire, qui ne parvient plus à exercer ses missions dans des conditions satisfaisantes.
La grève qui a rassemblé cette semaine greffiers et magistrats autour de ces questions constitue une illustration supplémentaire du ras-le-bol qui règne au sein du corps judiciaire.
Dans son rapport, le comité des États généraux met également l’accent sur l’importance de la réinsertion en prison.
Nous relevons une augmentation significative des crédits alloués à l’insertion professionnelle des détenus, dont 2, 8 millions d’euros pour le renforcement du statut de détenu travailleur et 2 millions d’euros consacrés à la diversification des actions de réinsertion.
J’aurais aimé que l’on s’indigne autant de l’état de nos prisons que d’une séance de karting à la maison d’arrêt de Fresnes… Mes nombreuses visites en prison me permettent d’attester que les prisons françaises ne répondent pas à l’exigence de dignité à laquelle tout être humain peut prétendre. Nous ne soignerons pas le fléau de la surpopulation carcérale par l’élargissement du parc immobilier. La solution est ailleurs ; elle réside dans l’aménagement des courtes peines.
Monsieur le garde des sceaux, on ne peut nier tous les efforts financiers entrepris ces trois dernières années pour redresser le budget de la justice. Pour autant, 9, 6 milliards d’euros suffiront-ils pour faire oublier trop d’années de négligence ?
Au vu de ces efforts, je voterai toutefois ces crédits, même si notre justice a besoin d’une réforme structurelle de fond, à tous les niveaux.