Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, voilà maintenant trois ans que la justice de notre pays rattrape progressivement son retard budgétaire. Nous partions de très loin.
Les derniers rapports d’évaluation de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) montraient que la dépense par habitant pour la justice judiciaire était en France inférieure à la moyenne européenne. Les récents exercices budgétaires devraient renverser cette tendance ; nous devons nous en réjouir et poursuivre nos efforts.
Dans l’ensemble, nous saluons les principales dispositions de ce budget : financement des revalorisations indemnitaires des magistrats et des greffiers ; mise en œuvre des recrutements nécessaires ; nouvelle hausse des crédits budgétaires portée par l’augmentation des frais de justice et par l’immobilier judiciaire ; développement des aménagements de peines et des mesures alternatives à l’incarcération. Tout cela nous semble aller dans la bonne direction.
Pour 2023, les crédits de la mission « Justice » connaissent une augmentation inscrite dans la continuité des deux exercices budgétaires précédents, et la dynamique observée en matière d’emplois doit être soulignée.
J’y insiste, tant les maux de la justice dans notre société se résument souvent à des questions de temps. D’un côté, le temps d’attente d’un jugement est trop long pour le justiciable, dont l’impatience se justifie ; de l’autre, le temps disponible pour les juridictions est trop limité, ce qui entrave leur capacité à rendre des décisions suffisamment motivées et comprises par nos concitoyens.
Aussi, toutes ces annonces budgétaires vont dans le bon sens, mais il reste du chemin à parcourir pour que notre justice retrouve légitimement sa place dans l’esprit de nos concitoyens et que ceux-ci reprennent confiance dans l’institution judiciaire.
Tout le monde pense spontanément à la justice pénale, mais d’autres services sont également sinistrés. J’ai en particulier à l’esprit la protection judiciaire de la jeunesse. De nombreux établissements qui en relèvent sont saturés en raison d’un manque de personnel et font face à des difficultés de recrutement, comme l’a souligné notre collègue Maryse Carrère, dans son rapport.
Éducateurs, chefs de service ou psychologues ne sont pas assez nombreux, parce que les postes manquent, mais aussi parce que ceux qui existent restent vacants, en raison d’une faible attractivité et d’une rotation élevée dans les services. La hausse des crédits est ici salutaire, mais elle ne suffira pas à désengorger ces structures.
Ajoutons à ce constat que la Cour européenne des droits de l’homme ne manque pas de condamner régulièrement la France en raison de la durée excessive de ses procédures.
Évidemment, personne dans cet hémicycle n’envisagerait de céder au désir archaïque d’une justice expéditive et hasardeuse. Il demeure néanmoins que des réformes procédurales adoptant des perspectives de simplification et d’allégement sont proposées périodiquement. Elles concernent la collégialité, dont l’usage est de plus en plus rare dans les juridictions, voire, plus radicalement, l’exclusion du recours au juge.
Le Sénat avait fait montre de sa prudence, et notre groupe avait dit ses inquiétudes, lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, au sujet de la généralisation de l’amende forfaitaire délictuelle.
Notre justice étant trop lente, chacun s’accorde à le constater, il faut trouver des solutions, mais celles-ci ne sauraient pour autant nous conduire à renoncer à notre procédure pénale ; sa complexité permet de garantir que les décisions qui en émanent sont équilibrées et répondent aux vertus de prudence, de tempérance, de justice et de force auxquelles notre République aspire. Aussi, à des procédures simplifiées, nous préférons un renforcement des moyens, humains comme matériels, et des formations.
Les magistrats, greffiers et avocats expriment régulièrement leur mal-être, par des grèves ou via des tribunes de presse ; ils nous font part de leur surcharge de travail, de leur découragement et de leur épuisement. Je suis certain, toutefois, qu’aucun d’entre eux ne voudrait renoncer aux principes fondamentaux de notre justice. Nous devons donc continuer à former et à recruter, sans jamais dévoyer notre droit processuel.
Pour ce faire, il faut des moyens. Ce budget en comporte, nous le saluons, mais l’effort n’est pas encore achevé. Le projet de loi de programmation qui est annoncé devra s’inscrire dans cette dynamique.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, tout en restant vigilant, le groupe du RDSE votera en faveur des crédits de cette mission.