Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, cette intervention contiendra peu de chiffres, car j’entends laisser aux rapporteurs l’évocation des sujets financiers, pour tenir au nom de mon groupe un propos plus général.
La situation de notre justice est discutée au Sénat depuis longtemps. Un rapport de la commission des lois de 2017 avait fait date, en établissant un constat et en énonçant un principe, qui donnait son titre à ce travail : Cinq ans pour sauver la justice !
Il préconisait, à l’époque, une remise à niveau des moyens humains et matériels des services judiciaires et pénitentiaires, se traduisant par un projet de loi de programmation pour la justice, élaboré dans une grande concertation et fondé sur une étude d’impact approfondie, soumise au Parlement.
Ce document était clair. Malheureusement, il faut reconnaître que votre prédécesseur en a peu tenu compte. Vous n’y êtes pour rien, mais nous n’avons pas rencontré beaucoup d’écho, en particulier à l’occasion de la préparation de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
C’est dommage, parce que la situation s’est aggravée en 2021. L’Agora de la justice, que le président Larcher a organisée en septembre de cette année, avait débouché sur seize propositions, préconisant, notamment, la mise à niveau des effectifs dans les juridictions.
Il était question de combler en priorité les vacances de postes de greffiers ; de réévaluer les besoins des magistrats professionnels au regard des réformes intervenues ; d’augmenter le nombre d’officiers de police judiciaire ; de rendre plus attractives leurs fonctions et de renforcer leur formation continue ; de procéder à l’évaluation réaliste de toute évolution législative et réglementaire en matière de justice et d’en dresser un bilan rigoureux.
Nous nous trouvions déjà alors dans une période postérieure à la pandémie de covid-19, laquelle avait révélé des carences importantes dans le fonctionnement du dispositif.
Au moment où se tenait cette Agora, un sondage montrait que 53 % de nos concitoyens ne faisaient pas confiance à notre justice, trop lente à leurs yeux. En conséquence, en cas de litige, ils ne la saisissaient qu’en tout dernier recours.
Ces constats ont donné naissance, dans un contexte particulier, aux États généraux de la justice, après une pétition signée par 3 000 magistrats – ils seraient en réalité 7 000 ! – et une sollicitation forte du Gouvernement.
Le rapport issu de ces travaux a été rendu au mois de juillet dernier ; il a malheureusement confirmé les constats qui avaient déjà été faits en 2017. Reprenant les principes dont nous nous étions alors saisis, il a affirmé que, si une remise à niveau des moyens humains et matériels était nécessaire, il fallait surtout envisager une réforme systémique de la justice.
L’un des axes particuliers qui ressortent de ces travaux est la simplification de la procédure pénale. N’oublions pas, toutefois, que, si celle-ci est extrêmement importante, car elle touche à nos libertés, la procédure civile est plus encore en souffrance. Or elle est la justice du quotidien, la justice de celles et ceux qui n’iront pas en prison, mais qui ont besoin de récupérer un loyer ou une propriété, de discuter d’un conflit de voisinage, voire d’une dette. Elle est absolument essentielle.
Monsieur le garde des sceaux, en toute honnêteté, il faut saluer ce budget important, qui marque une troisième hausse consécutive, de 8 %, et qui atteint un peu plus de 9 milliards d’euros, ce qui n’est pas inintéressant. L’augmentation atteint maintenant 40 % depuis 2017, rejoignant ce que nous avions nous-mêmes recommandé. Il faut le dire.
Quelques points posent néanmoins question, moins sur le fond que sur notre capacité à mettre en œuvre votre projet.
Vous prévoyez ainsi la création de 10 000 emplois en plus sur le quinquennat. C’est très bien. Cependant, il conviendra d’assurer les embauches annoncées de 2 500 magistrats supplémentaires sur cinq ans sans sacrifier la qualité du recrutement, à laquelle tout le monde est attaché. La capacité de l’École nationale de la magistrature (ENM) est ce qu’elle est, mais ce n’est pas impossible.
En outre, la formation de 500 auditeurs de justice et de 1 000 greffiers par an nécessitera d’importants aménagements, tant pour les premiers que pour les seconds, mais aussi pour les surveillants pénitentiaires et les assistants qui complètent l’équipe entourant les magistrats.
Un orateur déplorait précédemment l’embauche de contractuels. Ces derniers ont pourtant été très utiles. Les magistrats que nous rencontrons dans les juridictions le confirment tous, et ils demandent d’ailleurs que ces emplois soient reconduits.
Prenons garde à ce que nous disons, mes chers collègues : la magistrature a besoin de confiance, de propos rassurants et de moyens pour continuer son travail.
Nous aurons peut-être quelques difficultés à recruter des surveillants pénitentiaires, mais il faudra bien trouver le moyen de rendre cette profession attractive et de fidéliser ses agents.
Vous avez revalorisé les rémunérations à hauteur de 117 millions d’euros, non pas pour chacun des magistrats – ils auraient sans doute apprécié