Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce soir les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Intervenant au nom du rapporteur spécial, Victorin Lurel, qui n’a pas pu être parmi nous ce soir, je souhaiterais introduire mon propos par un retour sur la situation du compte. Depuis 2020, son fonctionnement est très nettement affecté par les conséquences économiques de la crise sanitaire et, désormais, par le contexte international, tant du côté des dépenses, avec d’importants moyens mobilisés pour aider certaines entreprises du portefeuille, que du côté des recettes, du fait de l’interruption des cessions d’actifs. Il a ainsi fallu recourir à plusieurs versements du budget général pour alimenter le compte.
Cette logique devrait se poursuivre en 2023. Alors que les conditions du marché ne sont toujours pas favorables à la réalisation de nouvelles cessions, les versements du budget général devraient représenter les trois quarts des recettes du compte, et même 95 % une fois retranchées les recettes exceptionnelles.
Par ailleurs, pour l’année prochaine, seule une faible part des 10 milliards d’euros d’investissements en capital prévus par le Gouvernement est connue et détaillée dans le projet annuel de performance du compte. Pour 80 % des crédits, « le caractère [des] opérations reste confidentiel, afin de ne pas porter préjudice aux intérêts patrimoniaux de l’État ». Si nous pouvons comprendre ce besoin de confidentialité, cela limite très fortement la capacité d’appréciation du Parlement pour l’année à venir.
Par ailleurs, l’inscription de 6, 6 milliards d’euros au titre de la contribution au désendettement de l’État est un véritable tour de « bonneteau » budgétaire, selon l’expression de M. Lurel. Personne n’est dupe : la contribution au désendettement vient en réalité nourrir d’autant le déficit prévu pour 2023.
C’est pour écarter ce mécanisme en trompe-l’œil que la commission des finances a adopté un amendement visant à supprimer les crédits du programme 732 du CAS. Cet amendement intervient en cohérence avec l’annulation des crédits proposés sur la mission « Engagements financiers de l’État » par notre collègue Jérôme Bascher.
Je tiens cependant à relever un point positif : le versement sur le CAS de la dotation en numéraire du fonds pour l’innovation et l’industrie (FII). Alors que celle-ci bénéficiait d’une garantie de rémunération de 2, 5 % par an sur un compte du Trésor, financé par l’État, le Gouvernement fait enfin le choix du bon sens en mettant fin à cette dotation et en la remplaçant par des crédits budgétaires.
J’en arrive à la situation du portefeuille de l’État actionnaire, lequel a retrouvé cet été une valorisation légèrement supérieure à son niveau d’avant la crise. Cette valorisation est toutefois dopée par l’offre publique d’achat visant les actions du groupe EDF.
Ainsi, si l’on isole la valorisation d’EDF, la performance du portefeuille de l’Agence des participations de l’État (APE) est très inférieure à celle des grandes entreprises françaises, et ce malgré les opérations de recapitalisation intervenues.
La nationalisation d’EDF me semble aller dans le bon sens. Elle laisse néanmoins entièrement ouverte la question de la situation financière du groupe, dont la dette devrait atteindre 60 milliards d’euros d’ici à la fin de l’année, et dont les besoins d’investissements sont évalués entre 17 milliards et 20 milliards d’euros par an.
Le nouveau président-directeur général d’EDF, Luc Rémont, qui a pris ses fonctions hier, jeudi, devra répondre rapidement aux nombreux défis de l’entreprise : il devra rassurer face aux craintes de démantèlement et permettre la viabilité de l’entreprise.
Je terminerai mon intervention en envisageant la suite : quel rôle et quels défis pour l’État actionnaire demain ? Alors que la nouvelle doctrine d’intervention de l’APE n’est pas encore définie, les pistes esquissées l’an dernier sont toujours d’actualité.
L’intervention de l’APE devra ainsi tenir compte de quatre facteurs : le soutien auprès d’entreprises touchées par la crise ; la préservation de notre souveraineté économique ; l’accompagnement des transitions environnementales et l’accompagnement face aux ruptures technologiques et numériques.
Outre un retour à la doctrine définie sous François Hollande en 2014, j’y vois surtout le choix de revenir à une utilisation des participations financières de l’État comme un outil de politique économique à part entière.
La commission des finances propose d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », amendés par l’amendement de la commission visant à supprimer les crédits dédiés au remboursement factice de la dette.