Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au tournant du siècle, la France s’est laissée bercer par le mythe d’une mondialisation heureuse. Cette douce musique nous a fait oublier l’importance de l’État stratège.
Malheureusement, la crise sanitaire, puis la crise énergétique nous ont cruellement rappelé sa nécessité. L’État stratège, c’est l’État qui bâtit une stratégie économique pour défendre sa souveraineté.
Il ne s’agit pas de dire que l’État doit administrer l’économie. Bien au contraire, l’État doit choisir ses priorités stratégiques et travailler, sur ces verticales, à garantir l’intérêt général sur le long terme. Cette vision doit aujourd’hui nous réunir, au-delà de nos clivages politiques.
Vous l’aurez compris, je concentrerai mon propos sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Les crédits de ce compte sont en constante augmentation depuis le début de la crise sanitaire, il y a près de trois ans. Cela correspond précisément au retour de l’État stratège sur le devant de la scène. En 2023, le montant des crédits dépassera les 17 milliards d’euros, essentiellement en provenance du budget général.
La succession des crises a eu un double effet positif : d’une part, elle a permis l’abondement massif de ce compte pour financer une stratégie économique ambitieuse ; d’autre part, elle a encouragé l’Agence des participations de l’État à reconsidérer sa doctrine, pour se consacrer désormais aux secteurs les plus stratégiques.
La nationalisation d’EDF, qui prépare le renouvellement de notre parc nucléaire, avec la construction, à long terme, de plusieurs EPR (European Pressurized Reactors), en cohérence avec la volonté affichée par le Gouvernement de neutralité carbone et d’indépendance énergétique, découle de cette logique.
Bien sûr, l’avenir d’EDF ne tient pas exclusivement à ces nouveaux chantiers. Notre fleuron national devra également rénover le parc existant, développer des produits d’export, tels que les SMR (Small Modular Reactors), et, bien sûr poursuivre le développement des énergies renouvelables, afin de doter la France d’un mix décarboné et résilient.
Monsieur le ministre, j’attire votre attention sur un sujet qui nous tient à cœur depuis longtemps : le renouvellement de nos concessions électriques en Aveyron. Cela fait dix ans que celles-ci sont suspendues à la décision de la Commission européenne. Or c’est au Gouvernement qu’il revient de négocier avec cette dernière. Nous souhaitions déjà, lorsque j’étais député, et c’est toujours le cas de l’ensemble des formations politiques du Sénat aujourd’hui, qu’EDF continue d’être concessionnaire.
En effet, EDF a exprimé son envie d’investir considérablement sur les barrages hydroélectriques, qui représentent en Aveyron 10 % de la production hydroélectrique nationale. Nous savons combien celle-ci est nécessaire. En quelques secondes, nous pouvons offrir une quantité considérable d’énergie ; il me semble que ce n’est pas neutre, en cette période. Aussi aimerions-nous que ce dossier avance.
Je crois que sur ces différents chantiers, la nationalisation d’EDF contribuera à la réalisation de nos objectifs.
Je salue le travail mené par notre collègue Martine Berthet, rapporteure spéciale au nom de la commission des affaires économiques, sur ces crédits.
Je partage l’essentiel de son analyse, notamment sur les enjeux liés à la nationalisation d’EDF et au grand professionnalisme de l’Agence des participations de l’État. Je fais également miennes ses réserves quant à la lisibilité du compte.
D’une part, des montants importants sont transférés du budget général vers ce compte spécial, ce qui permet certes de soutenir une politique ambitieuse, mais doit s’accompagner de décisions courageuses.
D’autre part, la nouvelle doctrine de l’agence doit également permettre la cession d’actifs non stratégiques, pour poursuivre le désendettement de l’État.
Malgré ces réserves, le groupe Les Indépendants soutiendra les crédits de ce compte spécial. Il s’agit non pas de donner un blanc-seing au Gouvernement, mais bien de renforcer le rôle de l’État stratège dans notre pays.