Madame la Présidente, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Économie », des changements significatifs concernant les crédits dédiés aux télécommunications, aux postes et à l'économie numérique sont à signaler depuis désormais deux ans. Plusieurs de ces changements s'inscrivent dans la continuité des travaux menés par notre commission.
Cette année, j'ai souhaité concentré mes analyses sur trois axes : le suivi de la mise en oeuvre du Plan France très haut débit, la compensation des déficits des missions de service public de La Poste et la « montée en puissance » de l'Agence nationale des fréquences (ANFR).
Concernant le suivi du Plan France très haut débit, à première vue, les objectifs sont en phase d'être atteints.
Le Gouvernement, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et les opérateurs de télécommunications se montrent confiants quant à la capacité de permettre à tous un accès au très haut débit d'ici la fin de l'année 2022. Selon les dernières données disponibles, au 30 juin 2022, 82 % des locaux, soit 35,2 millions d'entre eux, étaient éligibles au très haut débit par le biais d'une technologie filaire.
Aujourd'hui, cette dynamique est très largement soutenue par la vitesse de déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné (Ftth) à laquelle 75 % des locaux sont éligibles. Avec en moyenne plus d'un million de nouvelles lignes déployées par trimestre, l'objectif de généraliser la fibre optique à horizon 2025 semble également pouvoir être atteint.
Cette année encore, la France demeure le premier pays de l'Union européenne (UE) en matière de déploiement de la fibre optique.
Nous pouvons nous en féliciter mais, à y regarder de plus près, cela pourrait être au détriment de la qualité, de la résilience et de la durabilité des réseaux. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.
Tout d'abord, le nombre de foyers activement abonnés à la fibre, estimé à 16,3 millions au deuxième trimestre 2022, est inférieur de moitié au nombre de locaux raccordables à la fibre, révélant un taux de pénétration du marché de moins de 50 %. L'activation effective des réseaux fibrés n'est donc pas aussi rapide que ce que suggèrent les indicateurs mis en avant.
Deuxièmement, pour des raisons économiques, les opérateurs privilégient le déploiement aérien des réseaux fibre, au détriment de leur enfouissement. Selon une récente étude commandée par Infranum et la Banque des territoires, ce sont 500 000 km de lignes aériennes, principalement situées en zones rurales, qui sont vulnérables face aux crises.
Dans un contexte de dérèglement climatique, de multiplication des incendies, des tempêtes, des « coups de vent » et de dégradation réelle de l'entretien des lignes téléphoniques, ces choix économiques de court terme se font au détriment d'une plus grande résilience et d'une meilleure durabilité de nos réseaux de télécommunications. À l'inverse, d'autres pays européens, comme l'Allemagne, privilégient exclusivement l'enfouissement terrestre de leurs réseaux.
Ce point me semble déterminant car dans un contexte où le Plan France très haut débit est désormais doté de toutes les autorisations d'engagement nécessaires à sa réalisation budgétaire, nous devons être vigilants à la qualité du service rendu, aux usagers, particuliers, entreprises et collectivités.
La généralisation de la fibre optique s'accélère, et en parallèle se prépare la fermeture du plan cuivre, annoncé cette année par Orange, qui en est l'opérateur historique.
Alors que la fermeture commerciale de ce réseau doit être totale au 1er janvier 2026 et que l'Arcep n'autorise cette fermeture que si 100 % des locaux de la commune sont raccordables à la fibre, on estime que 670 000 foyers ne pourront pas, d'ici cette échéance, être raccordés à la fibre.
Le sujet des raccordements complexes est donc majeur, et à mon sens encore sous-estimé. Par l'intermédiaire du plan de relance, le Gouvernement a prévu 150 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour les années 2022 et 2023. Ces crédits doivent permettre de financer notamment le nouvel appel à projet de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dédié aux raccordements complexes.
Cet appel à projet est en cours, mais nous n'avons pas besoin d'attendre la publication des résultats pour constater que les moyens mobilisés sont insuffisants pour faire face aux besoins.
Nous devrons donc veiller à la reconduction d'un budget dédié aux raccordements complexes au-delà de 2023.
Dans d'autres domaines, les moyens budgétaires mobilisés s'avèrent plus adaptés. C'est notamment le cas des compensations versées à La Poste au titre de l'exercice de ses missions de service public. Sur ce point, je souhaite saluer les travaux menés par mes collègues MM. Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon dans le cadre de leur rapport d'information et de leur proposition de loi relatifs aux services publics de La Poste.
Cette année, et pour la première fois, les quatre missions de service public de La Poste font l'objet de compensations budgétaires pluriannuelles, ce qui facilite à la fois le travail de contrôle budgétaire du Parlement, mais surtout sécurise, dans la durée, le financement de services publics indispensables à nos concitoyens.
Au total, pour 2021, le coût net cumulé des quatre missions est évalué à 1,69 milliard d'euros pour un niveau cumulé de compensations de 1,12 milliard d'euros.
Pour 2022, ce même coût net cumulé des quatre missions est estimé à 1,54 milliard d'euros pour un niveau cumulé de compensations de 1,1 milliard d'euros.
Le niveau des compensations accordées à La Poste a quasiment doublé par rapport aux années précédentes en raison de l'octroi, pour la première fois, d'une dotation budgétaire comprise entre 500 et 520 millions d'euros, modulable en fonction des résultats de qualité de service, et visant à compenser le déficit du service universel postal.
À noter que, pour 2021, le Gouvernement a fait le choix d'accorder par défaut les 20 millions d'euros supplémentaires, alors même que les indicateurs de qualité de service n'étaient pas connus.
Il me semble préférable, pour les années à venir, de respecter la « logique préalable du bonus-malus », sous-jacente à l'octroi de cette compensation.
Sur la mission d'accessibilité bancaire, les compensations budgétaires versées à La Banque Postale sont désormais intégrées au budget général de l'État, la gestion n'étant plus assurée par le Fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. C'est un point appréciable en matière de lisibilité budgétaire.
Concernant la mission de transport et de distribution de la presse, la compensation versée pour 2023 devrait s'élever à 40 millions d'euros. Ce montant est en hausse par rapport aux prévisions de l'an dernier, en raison du retard de la mise en oeuvre de la réforme globale de la distribution de la presse.
Enfin, sur la mission de contribution à l'aménagement du territoire, les compensations budgétaires versées à La Poste sont également en hausse pour rééquilibrer la baisse des compensations fiscales.
Dans la continuité des dispositions introduites par le Sénat en loi de finances pour 2021, une compensation budgétaire est désormais versée pour prendre en compte les conséquences de la suppression des impôts de production, sur le financement de cette mission de service public. Cette compensation, de 74 millions d'euros pour 2023, a été majorée de 31 millions d'euros par un amendement du Gouvernement, toujours pour compenser les effets de la deuxième partie de la réforme des impôts de production.
Nous devrons veiller au bon financement de cette mission de service public car elle permet notamment le maintien des 17 000 points de contact postaux sur l'ensemble du territoire. En jeu, il y a tout de même la fermeture de bureaux de poste et leur mutualisation.
Sur le troisième et dernier point, j'ai souhaité cette année insister sur le rôle insuffisamment connu de l'Agence nationale des fréquences (ANFR). Opérateur de l'État principalement chargé de la bonne distribution des fréquences radioélectriques, les moyens de l'ANFR sont renforcés depuis 2021 dans la perspective de la préparation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.
Véritable « diplomate des ondes », l'ANFR devra notamment assurer la bonne distribution des fréquences entre les médias du monde entier et éviter les risques d'interférence et de brouillage. Or, ce rôle est mis à mal par la suppression, à compter du 1er janvier 2023, de la « taxe de brouillage », dispositif simple, rapide et dissuasif, dont disposait l'ANFR, lors de ses interventions de résolution de brouillage.
En l'absence d'outils juridiques nouveaux permettant à l'ANFR de faire respecter la réglementation relative aux fréquences radioélectriques, la « montée en puissance » de l'Agence devient plus aléatoire, à une période où le développement des usages, des fréquences, des réseaux et des infrastructures multiplient les incidents et les interférences.
En conséquence, je défendrai, à titre individuel, un amendement en séance publique visant à rétablir cette taxe.
Cette « montée en puissance » de l'ANFR est également toute relative au regard des nouvelles obligations de surveillance de marché en matière de contrôle parental.
Depuis la promulgation de la loi relative au renforcement du contrôle parental sur les moyens d'accès à Internet, dont notre collègue Mme Sylviane Noël était rapporteure pour la commission, et dans l'attente de la publication des décrets d'application, l'ANFR peine à déterminer une véritable stratégie de contrôle ciblée des appareils connectés à contrôler en priorité.
Les hausses d'effectifs (+ 8 ETPT d'ici 2026) et budgétaires (+ 840 000 € d'ici 2026) prévues à cet effet semblent bien modestes au regard du nombre d'appareils à contrôler avant leur mise sur le marché français et au regard de l'importance politique toujours plus grande que nous accordons à la protection des mineurs en ligne.
Il nous faudra être particulièrement attentif concernant la qualité et la rapidité du déploiement de ce dispositif de contrôle dans les années á venir.
Je vous remercie pour votre attention, et je reste bien entendu à votre écoute pour répondre à vos questions.