Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 28 novembre 2022 à 14h15
Loi de finances pour 2023 — Culture

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Culture » s’établit une nouvelle fois dans un contexte d’extrême fragilité d’un secteur en pleine convalescence.

La crise de la covid-19 a profondément bouleversé les pratiques et les fréquentations du public. Si les fermetures totales, les jauges et les débats entre activités essentielles et non essentielles sont aujourd’hui un mauvais souvenir, la fréquentation n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise. Elle a baissé de 15 % par rapport à 2019, que ce soit pour les musées ou les spectacles vivants ou les arts de la scène. Et ce chiffre n’est qu’une moyenne.

Des écosystèmes culturels déjà fragiles sont toujours en pleine incertitude. Les menaces que font peser les JO sur la saison culturelle 2024 n’aident pas à retrouver des perspectives rassurantes.

À cette situation déjà difficile est venue s’ajouter une autre crise, non plus sanitaire, mais énergétique et d’approvisionnement : l’explosion des coûts des factures d’électricité et de gaz, ainsi que des matériaux de construction impacte aussi très durement les équipements culturels et leurs opérateurs. Et là encore, les plus petits sont les plus exposés.

Face à cet état de crise multiple, il faut reconnaître que l’État a répondu présent. En témoignent les 2 milliards d’euros débloqués pour la culture durant le plan de relance, ainsi que les budgets successifs de la mission « Culture » à proprement parler, en constante augmentation. C’est d’ailleurs toujours le cas cette année, avec une augmentation de 7 % des crédits alloués.

Bien sûr, ce soutien est loin d’être parfait. On ne peut que regretter le fait que les efforts de relance soient plus importants sur le patrimoine que sur la création, l’absence de prise en compte de la relation systémique entre acteurs, surtout pour les petites structures associatives culturelles, ou encore la place de la rénovation énergétique, encore limitée dans les budgets.

Détaillons maintenant thème par thème les grandes composantes du budget.

J’évoquerai tout d’abord le patrimoine. Près de la moitié de l’augmentation du budget du programme 175 est due à la hausse des coûts et de l’inflation sur toute la chaîne de valeur culturelle. Il s’agit ainsi de financer des coûts en augmentation très forte pour les chantiers de plusieurs sites, comme les cathédrales de Soissons ou de Saint-Louis de Versailles, ainsi que des dépenses d’électricité, qui pourraient augmenter entre +128 % et +285 %, selon les estimations des rapporteurs.

Sur la création, l’effort, là aussi, est présent. Pour la première fois, le budget dépasse désormais la barre symbolique du milliard d’euros ; il faut le saluer. L’augmentation vise aussi bien à préserver les marges artistiques des opérateurs et des acteurs culturels face à l’inflation qu’à soutenir l’emploi via la revalorisation du Fonpeps, ou encore à financer plusieurs projets d’investissement et d’aménagement, comme ceux du Théâtre national de Chaillot ou de la Cité du Théâtre.

Vient enfin la transmission des savoirs, programme dont 25 % du budget est consacré au pass Culture, à hauteur de 208, 5 millions d’euros. Certes, cette politique du chèque, y compris dans la culture, n’est pas l’idéal. Le dispositif pourrait en effet être mieux ciblé, mieux accompagné. L’enveloppe pourrait aussi être plus importante. Mais tout ce qui concourt à l’éveil culturel de la jeunesse, à lui offrir un accès simple à la diversité culturelle du pays, même sans médiation, doit être salué.

Nous l’avons vu, dans chacun des programmes, la crise énergétique est une donnée majeure. Et puisque l’on parle de facture énergétique, il ne faut pas oublier les collectivités territoriales. Celles-ci représentent en effet 75 % de l’investissement public en direction de la culture : 9, 8 milliards d’euros en tout, contre 3, 5 milliards d’euros pour l’État. Or les directeurs des affaires culturelles des collectivités anticipent des cadrages budgétaires stricts pour l’exercice 2023 et redoutent une baisse du budget des collectivités dédié à la culture de 10 à 20 %. Cette situation fait craindre que le volet culturel ne soit une variable d’ajustement pour les collectivités si celles-ci ne sont pas suffisamment soutenues, en raison de la faible reprise du secteur et malgré les filets de sécurité et autres plans de soutien.

Voilà pourquoi nous vous proposerons par le biais d’un amendement de soutenir davantage les collectivités pour absorber l’augmentation des factures de leurs équipements culturels.

Nous ne nous contenterons pas de gérer la casse, puisque nous vous proposerons également d’aller plus loin dans la planification, ce que ne fait pas ce budget. Nous souhaitons l’émergence d’un fonds correctement doté pour enclencher enfin la rénovation énergétique des équipements culturels. Plusieurs acteurs culturels ont fait part de leur volonté de s’engager dans cette voie, et nous voyons, au-delà de l’aspect climatique, que la crise énergétique leur a donné raison. Nous soutiendrons naturellement leurs revendications.

Enfin, madame la ministre, je tiens ici à me faire le relais de plusieurs inquiétudes concernant la planification culturelle à long terme de l’État. Même s’il n’est formellement pas rattaché à cette mission, le plan France 2030 est aussi un levier stratégique culturel. Or on y voit beaucoup de références aux jetons non fongibles – les non fungible tokens (NFT) –, au métavers et à d’autres gadgets technoculturels qui, à l’heure où nous parlons, au-delà de l’effet bulle médiatique, se sont souvent révélés soit des arnaques grossières, soit des gouffres financiers sans fin, comme en témoigne aujourd’hui la situation de Meta, la firme mère de Facebook.

Madame la ministre, il y a mieux à faire, ne serait-ce que pour la musique. Nous en parlerons tout à l’heure, mais le soutien au CNM doit être renforcé, que ce soit par le biais d’une fiscalité affectée plus diversifiée ou par un soutien de l’État renforcé. Nous attendons ainsi les conclusions de la mission confiée à notre collègue Julien Bargeton.

Le budget que nous examinons aujourd’hui est un budget de rémission, un budget qui tente encore de pallier les difficultés d’un secteur dont l’écosystème est riche dans notre pays, mais qui se révèle aussi d’une infinie fragilité.

Il lui manque le souffle d’une grande relance culturelle. Par conséquent, nous déterminerons notre vote sur les crédits de la mission en fonction des débats sur les amendements.

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