Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Santé » est limité, raison pour laquelle nous pensons qu’elle doit être repensée tant en termes de moyens qu’en termes de gouvernance.
Si l’importance de cette mission est réduite, c’est que l’État délègue toujours plus la politique de santé à l’assurance maladie. En témoigne, par exemple, le transfert de la dette covid, aujourd’hui intégralement supportée par les crédits de l’assurance maladie.
Ne nous égarons pas : l’augmentation de ce budget, deux fois et demie supérieur à celui de l’année dernière, s’explique par la création du programme 379 qui permet à l’État de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus au titre du plan de relance, ce qui n’a finalement aucune influence sur les politiques publiques portées dans le cadre de la mission.
Le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », est en augmentation par rapport à 2022.
Depuis le début de la crise sanitaire, ce programme sert de support indirect à la gestion de la crise au travers de l’achat de matériels ou de systèmes d’information. La commission d’enquête du Sénat sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques a relevé les montants importants consacrés au paiement de missions réalisées par ces cabinets. Cette augmentation budgétaire n’apporte donc, en ce début de quinquennat, aucune nouvelle disposition d’importance.
Par ailleurs, nous sommes particulièrement déçus de l’absence totale de politiques de prévention dans ce budget. Le texte ne comporte que peu de programmes spécifiques et aucune hausse de crédits significative.
Cela est d’autant plus décevant que nous nourrissions quelques espoirs avant la publication du PLFSS. Les propos du ministre de la santé et de la prévention, qui annonçait un virage en faveur de la prévention, avaient recueilli – et recueillent toujours – notre soutien.
Nous aurions reçu avec bienveillance toute mesure forte en la matière. Mais c’était sans compter sur l’arbitrage du ministre chargé des comptes publics, qui s’inscrit dans la lignée de tant de ses prédécesseurs ayant soutenu une politique de contrainte sur le système de soins, et ce alors même que la crise de la covid-19 est passée par là…
Nous pourrions ainsi dresser une longue liste des sujets manquants en matière de prévention, mais je me limiterai à ce stade à citer la santé environnementale qui, depuis 2016, est inscrite dans la loi et a fait l’objet de nombreux travaux. Pourtant, aucune mesure n’a été prise dans ce domaine, ce qui est aussi largement le cas en ce qui concerne la psychiatrie et la santé mentale.
En outre, nous regrettons toujours que l’Agence nationale de santé publique soit financée par la sécurité sociale, une décision prise dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. Les missions de sécurité sanitaire et de gestion de crise dévolues à cette agence sont des missions régaliennes, dont le financement doit être réintégré dans le budget de l’État.
Par ailleurs, fallait-il créer, fin octobre dernier, une énième agence, celle de l’innovation en santé, dont la mission est d’accélérer la mise sur le marché des innovations françaises ? Il existait auparavant une mission ministérielle, bénéficiant de deux équivalents temps plein, qui n’ont pas été transférés à l’agence. Allons-nous continuer d’accroître le millefeuille ? Cette agence est le pur produit d’un système de gouvernance inefficace, qui organise la confusion des rôles et des missions.
J’en viens au programme 183 et à l’aide médicale de l’État. Comme tous les ans, c’est le sujet qui déchaîne le plus de postures idéologiques. Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de l’examen des amendements.
Cette année, les crédits sont portés à 1, 14 milliard d’euros. Je vous invite, mes chers collègues, à vous pencher sur les raisons de cette augmentation : elle est due, pour une large part, à la hausse du recours à l’hôpital.
J’ajoute que la diminution drastique de la délivrance des titres de séjour entraîne de facto un accroissement du nombre de personnes qui relèvent de l’AME plutôt que de l’assurance maladie.
Les mesures restrictives en la matière sont à contre-courant : l’instauration d’un délai de carence de trois mois pour l’accès à la protection universelle maladie des demandeurs d’asile ne fait qu’accroître la gravité des soins pris en charge. Qui plus est, l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière est de plus en plus compliqué.
Mes chers collègues, l’AME est un outil non pas de politique migratoire, mais de santé publique. Du reste, les tentatives pour contrôler les dépenses par le biais de la politique migratoire sont vouées à l’échec, comme l’a elle-même constaté la commission des finances.
Il serait plus fructueux, à tous égards, de confier le régime d’aide médicale de l’État à l’assurance maladie.
Par conséquent, si les crédits de l’AME étaient maintenus et qu’un dialogue fructueux s’instaurait entre nous sur les amendements déposés, nous pourrions voter les crédits de cette mission. La suite nous dira ce qu’il en sera !