Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant éviter tout suspense inutile : le groupe RDPI ne s’associera pas au concert de critiques et de commentaires plus ou moins acerbes que l’on entend ici ou là. Nous voterons les crédits de cette mission, car ils sont à la hauteur des enjeux.
Le décor est planté !
Nous le savons, notre modèle agricole ne vit pas un long fleuve tranquille : les enjeux sont climatiques, géopolitiques, sociaux, sanitaires et technologiques. L’agriculture française vit actuellement de profondes mutations.
Celles-ci sont d’abord liées aux défis conjoncturels résultant de la guerre en Ukraine, à la montée des prix de l’énergie et à la hausse record des prix des engrais, qui pousse les agriculteurs à retarder leur décision d’en acheter, et donc de planter, ce qui risque d’affecter la récolte en 2023.
Elles tiennent ensuite aux défis structurels, comme les conséquences du dérèglement climatique, le renouvellement des générations et les attentes grandissantes en matière d’alimentation tant durable que saine.
Enfin, au bout du chemin, il y a la souveraineté alimentaire, priorité de ce quinquennat mise en musique par le plan France 2030.
Face à ces nombreux enjeux, le ministère compétent et, plus globalement, ce gouvernement sont au rendez-vous, en augmentant les moyens financiers.
On peut débattre indéfiniment du niveau de la hausse des crédits prévue dans cette mission. Toutefois, selon nous, ce qui compte réellement, c’est de savoir si les investissements prévus par l’ensemble des programmes répondent aux attentes de nos agriculteurs et aux défis de notre modèle agricole. Mes chers collègues, j’aurai la faiblesse de penser que oui.
Arrêtons-nous quelques instants sur les points saillants de cette hausse budgétaire.
Les crédits du programme 149, programme moteur de la mission, étaient en baisse l’année dernière. Ils progressent désormais de 21 %. Cette hausse s’explique principalement par la mise en œuvre de la réforme de l’assurance récolte.
Vous savez comme moi que, face aux sécheresses à répétition, face aux gelées tardives ou aux fortes pluies, cette réforme était très attendue par la profession.
Les agriculteurs drômois, particulièrement touchés ces deux dernières années par les épisodes de gel et de grêle, en parlent régulièrement.
Quelques mois seulement après son adoption au Parlement, la réforme est en ordre de marche. La majorité sénatoriale a d’ailleurs pleinement participé à l’élaboration de cette loi.
Que dit ce budget ? Quelque 680 millions d’euros sont visés pour le triennal, sachant que 560 millions d’euros sont déjà sur la table : 256 millions sont donc inscrits noir sur blanc, qui s’ajoutent aux 185 millions d’euros de crédits européens et aux 120 millions d’euros de taxes affectées. Que demander de plus, mes chers collègues ?
J’évoquerai également l’action n° 26, Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois. Le dérèglement climatique a des conséquences dramatiques sur la biodiversité et surtout sur nos forêts. En 2022, pas moins de 65 000 hectares de forêts sont partis en fumée. Nous nous sommes rapprochés des records de 1976 et de 2003. Devant pareil drame écologique, je salue l’engagement de ce gouvernement visant à renouveler 10 % de la forêt française d’ici à 2030.
Pour parer à l’urgence, je salue surtout les 20 millions d’euros supplémentaires dirigés vers l’ONF, qui permettront de mettre enfin un terme aux suppressions d’emplois.
Je saisis également cette occasion pour souligner le renforcement des crédits dédiés aux besoins des patrouilles de surveillance et de contrôle réalisées par l’ONF.
La prévention et la gestion face aux crises sanitaires sont d’autres priorités de cette mission. Nous vivons dans un contexte d’attentes citoyennes fortes et justifiées. Il s’agit en l’occurrence de la réduction de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques, de la prise en compte du bien-être animal ou encore de l’objectif de 50 % de produits de qualité, dont 20 % de produits bio, dans nos cantines.
Grâce à des crédits en progression globale de 7 %, nous saluons la mise en place d’une police unique chargée de la sécurité sanitaire des aliments, dont l’action devrait à terme être non seulement plus lisible, plus adaptée et plus efficace, mais aussi plus coercitive.
Par ailleurs, réjouissons-nous que la couverture géographique des projets alimentaires territoriaux, chère à notre collègue Frédéric Marchand, ait fortement augmenté en 2021, passant de 65 % à 97 % sous le double effet de la simplification de la procédure de reconnaissance et d’un renforcement du soutien à l’émergence de ces projets.
Enfin, si l’on ajoute le plan France 2030, qui prévoit 2, 9 milliards d’euros de crédits pour l’agriculture, ainsi qu’un soutien à l’innovation et au développement des entreprises agricoles, à travers des financements de projets, on peut considérer que ce budget se donne les moyens de financer tant les besoins impératifs de nos agriculteurs que le développement de nouvelles fondations, basées sur l’innovation et l’agroécologie, pour le renouvellement des générations.
À ce propos, je salue également les crédits consacrés à l’enseignement agricole, qui atteignent un total de près de 2 milliards d’euros.
C’est donc un budget ambitieux et visionnaire que notre groupe s’apprête à voter. Il est étonnant que la majorité sénatoriale souhaite le rejeter, et cela alors que vous aviez adopté en commission des finances celui de l’année dernière, pourtant en stagnation.
Encore plus étonnant, vous avez refusé de voter ces crédits en commission, tout en proposant de multiples amendements. Permettez-moi de m’interroger sur la cohérence d’une telle méthode.
Vous l’aurez compris, pour notre groupe, il n’y a aucune raison objective de rejeter les crédits de cette mission et j’invite les groupes politiques qui partagent cet avis à faire preuve de responsabilité.