Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 30 novembre 2022 à 21h45
Loi de finances pour 2023 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le président, mes chers collègues, ce budget entrera dans l’Histoire, monsieur le ministre, puisque voilà presque soixante ans, un pacte a été passé entre les agriculteurs français, la Nation et les pouvoirs publics au sujet de la création du fonds national de garantie des calamités agricoles.

Ce fonds a été créé en 1964, non pas pour faire plaisir aux paysans, mais pour permettre aux agriculteurs d’affronter les différents aléas. À cette époque, il était déjà admis que l’État devait aussi prendre sa part de responsabilité afin que l’assiette soit remplie.

Mon propos n’est pas de remettre en cause la réforme, que nous souhaitions tous, monsieur le ministre. Mon propos, au-delà du sujet du budget, a trait à votre engagement.

En effet, en 1964, s’assurer n’était pas un choix. Le risque était alors systématiquement couvert par les assurances incendie des agriculteurs. Par conséquent, tout le monde par définition contribuait, selon le principe du « un pour un ».

Aujourd’hui, le principe, c’est celui du volontariat, ce qui constitue un enjeu terrible, monsieur le ministre. À cet instant, personne ne peut évaluer le nombre d’agriculteurs qui souscriront réellement ces contrats d’assurance, notamment lorsqu’il s’agit de productions très spécifiques, comme l’élevage à l’herbe.

La responsabilité est énorme, tant pour l’avenir des agriculteurs que pour l’assiette des Français, tant pour l’économie de notre pays que pour les entreprises agroalimentaires. Il est difficile de le mesurer.

Je souhaiterais que, à l’occasion de vos réponses, monsieur le ministre, le Gouvernement s’engage, au-delà du sujet assurantiel, à être aux côtés des agriculteurs, afin de garantir les conditions de production, si nécessaire, et de leur offrir des perspectives.

Le deuxième sujet, monsieur le ministre, concerne les conséquences de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Égalim.

Encore une fois, mon propos n’est pas d’inciter à un retour en arrière, mais de vous alerter.

Il nous reste pratiquement un an. D’ici là, les 300 000 exploitations agricoles auront dû recevoir un conseil stratégique phytosanitaire afin de pouvoir continuer d’acheter des produits phytopharmaceutiques.

Monsieur le ministre, je pense que vous disposez des mêmes chiffres, qui indiquent que très peu d’exploitations y ont eu recours.

Aujourd’hui, je ne vois pas dans ce budget – cela a été évoqué à propos du Casdar – les moyens de donner un souffle nouveau, d’ici au 31 décembre 2023, pour que la ferme France puisse continuer d’être performante. Ce sujet fait également partie des défis à relever.

Monsieur le ministre, le prochain sujet a trait à la situation actuelle. L’inflation, qui frappe l’agriculture et les entreprises agroalimentaires, n’est pas uniquement française ; elle est européenne.

Une fois encore, nous avions pensé mettre en place un système pour protéger et réassurer les agriculteurs pour garantir leurs revenus.

J’avancerai quelques chiffres. S’agissant du prix du lait, avant la loi Égalim, la France se situait largement au-dessus de la moyenne du cours du lait payé aux paysans européens. Aujourd’hui, vous le savez, monsieur le ministre, nous sommes presque les derniers de la classe, seuls deux pays étant classés derrière nous.

La différence de prix pour 1 000 litres de lait, avec l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Belgique, est de 60 à 100 euros, alors que nous avons les mêmes charges.

Le problème de la compétitivité et du revenu permettant aux agriculteurs d’affronter cette situation très particulière est devant nous. Or ce projet de budget ne nous apporte aucune réponse.

Le dernier point, monsieur le ministre, concerne la forêt. Depuis un an – c’est également assez historique –, jamais autant de moyens n’auront été consacrés à l’accompagnement des forestiers, des communes, des territoires en matière de reforestation et de plantation.

Cependant, vous le savez, quand on plante un arbre, on n’a jamais la certitude qu’il pourra grandir. Pour cela, des moyens humains sont nécessaires, essentiellement pour accompagner sa croissance. Or un important déficit existe en la matière dans le secteur forestier.

Le travail réalisé, à l’occasion des Assises de la forêt et du bois, suscite également une certaine déception.

Nous avions proposé que le régime des TO-DE soit élargi aux forestiers, qui en avaient tant besoin. Nous n’avons pas eu gain de cause.

Je conclurai mon propos en vous posant une question, monsieur le ministre : où est l’ambition française de reconquête de l’indépendance alimentaire et de l’indépendance stratégique de notre forêt ?

Pour cette raison, nous voterons contre ce budget pour 2023.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion