Intervention de Valérie Pécresse

Réunion du 11 juillet 2011 à 15h00
Équilibre des finances publiques — Discussion en deuxième lecture et adoption d'un projet de loi constitutionnelle modifié

Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement :

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Muguette Dini, monsieur le président de la commission des finances, cher Jean-Jacques Hyest, monsieur le président de la commission de l’économie, cher Jean-Paul Emorine, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà maintenant trente-cinq années que nos comptes publics sont en déficit. Ce fait est si bien connu qu’il a même cessé de nous étonner, comme s’il était devenu naturel que l’État dépense toujours plus qu’il ne gagne, au point que nous avons pris l’habitude de vivre à crédit, en oubliant, au passage, qu’un jour ou l’autre nos enfants ou nos petits-enfants devront bien rembourser cette dette que nous avons creusée à force de déficits.

Pourtant, nous savions tous qu’une telle attitude, qu’une telle habitude était irresponsable. Pour justifier leur énième budget en déséquilibre, tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, se sentaient tenus d’invoquer le « poids des circonstances », qui exigeaient qu’une fois encore nous vivions au-dessus de nos moyens. Chacun reconnaîtra que la France n’a pas connu trente-cinq ans de circonstances exceptionnelles. Mais, de circonstances exceptionnelles en circonstances exceptionnelles, nous ne sommes jamais parvenus à redresser la barre et à rompre durablement avec la facilité budgétaire.

Tirer les leçons de cet échec collectif et garantir aux Français que le retour à l’équilibre ne sera plus un vœu pieux, tel est l’objet, mesdames, messieurs les sénateurs, du projet de loi constitutionnelle que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement.

Si l’expérience nous a appris la faiblesse de la volonté politique en matière de réduction des déficits, elle nous a aussi montré que nous pouvions surmonter celle-ci, en nous donnant des règles contraignantes pour l’avenir, qui nous obligent à tenir nos engagements et à respecter la parole donnée aux Français.

Si, au plus fort de la crise, nous sommes parvenus à contenir l’augmentation des déficits, puis à amorcer le retour à l’équilibre, c’est grâce aux règles que ce gouvernement s’est fixées en accord avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et à la détermination qu’il met à les respecter.

Je pense, d’abord, à la règle d’affectation systématique des surplus de recettes à la réduction du déficit. Je pense, ensuite, à la norme de dépense, qui nous a permis, depuis plusieurs années, de contenir les charges de l’État et, depuis cette année, de stabiliser en valeur les dépenses hors charges de la dette et pensions. Je pense également au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui conduira en 2012 – c’est une première ! – à une baisse des dépenses de personnel de l’État. §Je pense, enfin, à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qui n’avait pas été respecté depuis près de quinze ans et qui a, finalement, été tenu en 2010.

Les progrès que nous avons accomplis en quatre années à peine le montrent : ce qui a durablement compromis la France, c’est bien l’absence de règles pour protéger les Français des accès de faiblesse que connaissent parfois leurs responsables politiques.

Car, en matière budgétaire, nous ne souffrons pas d’avoir trop de normes ; nous souffrons de ne pas en avoir assez. Maintes et maintes fois, au cours de ces trente-cinq dernières années, des hommes et des femmes politiques responsables, à droite comme à gauche, ont tenté de redresser avec courage nos finances publiques. Si leurs efforts ont été infructueux, c’est parce qu’aucune norme ne venait empêcher leurs successeurs, qu’ils soient ou non de la même couleur politique, de laisser de nouveau filer les déficits.

La force de la règle, c’est qu’elle nous préserve des circonstances, rend la vertu budgétaire indépendante des soubresauts de la vie politique et nous contraints à dire la vérité aux Français sur la situation financière de notre pays.

Aussi n’est-ce pas un hasard si nombre de nations dans le monde ont déjà choisi de se doter de règles budgétaires extrêmement précises pour lutter contre les déficits. C’est tout simplement la meilleure manière, peut-être même la seule, de protéger les générations futures de l’irresponsabilité budgétaire.

Tout récemment, l’Allemagne a ainsi choisi de compléter sa loi fondamentale, qui comportait déjà une règle d’équilibre, pour y inscrire l’interdiction de voter un budget avec un déficit structurel supérieur à 0, 35 % du PIB à compter de 2016. Celle-ci s’accompagne d’un mécanisme de contrôle très strict, qui rend des mesures de redressement obligatoires, lorsque les écarts à l’objectif initial atteignent 1 % du PIB. C’est d’ailleurs un ministre des finances social-démocrate, Peer Steinbrück, qui a défendu cette réforme devant le Parlement.

De même, lorsque la Suède fut confrontée, en 1991, à une crise de financement sans précédent de son modèle social, elle parvint à le sauver en s’appuyant sur deux règles budgétaires extrêmement strictes : la première prévoyait un encadrement des dépenses sur trois ans ; la seconde affectait par avance tous les surplus de recettes au remboursement de la dette et à la réduction des déficits. Ce modèle nordique, dont il est tant question dans notre débat public, repose, en vérité, sur le principe même du retour à l’équilibre budgétaire.

Cette règle du « zéro déficit » tend désormais à s’imposer comme un standard international. Le Fonds monétaire international dénombre quatre-vingt-dix États dotés de règles budgétaires contraignantes, alors qu’ils n’étaient que sept en 1990. C’est dire que, partout dans le monde, les responsables politiques affirment leur détermination présente et future à redresser leurs finances publiques et à conforter ainsi la crédibilité budgétaire de la nation.

Le Gouvernement, qui est animé par cette même détermination, vous propose aujourd’hui de protéger les Français contre toute tentation démagogique future, en gravant dans notre Constitution l’obligation, pour tout gouvernement, de dire quand et comment il prévoit de revenir à l’équilibre.

C’est tout l’objet des lois-cadres d’équilibre des finances publiques que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité créer, dans la droite ligne des recommandations rendues publiques, au mois de juin 2010, par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus, dont le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat étaient membres.

Au travers de ces lois-cadres, qui couvriront au moins trois années, il reviendra à chaque gouvernement de préciser le rythme du retour à l’équilibre, en s’engageant sur une date, ainsi que la nature et l’ampleur des efforts qu’il entend demander, chaque année, à la collectivité nationale pour y parvenir. Quelles que soient les majorités futures, celles-ci pourront ainsi construire leur propre stratégie économique et budgétaire. Mais se dressera, à l’horizon, un objectif intangible : le retour à l’équilibre, dont la valeur constitutionnelle sera pleinement assurée et s’imposera au pouvoir exécutif comme au législateur.

Il sera désormais interdit au Gouvernement de dépenser dans le présent sans s’engager pour l’avenir. En effet, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ne pourront plus être adoptés en l’absence de loi-cadre. L’engagement sur le retour à l’équilibre et sur les moyens d’y parvenir devra désormais, impérativement, précéder l’autorisation annuelle de dépenser. C’est ce qui distingue les lois-cadres d’équilibre des lois de programmation pluriannuelle que nous avons créées en 2008.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec la modernisation de nos institutions, nous avons réalisé une première avancée en invitant le Gouvernement à présenter un cadrage pluriannuel qui devait, aux termes de l’article 34 de notre Constitution, s’inscrire « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

La vertu budgétaire faisait ainsi son entrée dans notre charte fondamentale, mais elle restait encore soumise au bon vouloir du Gouvernement, puisque les lois de programmation pluriannuelle n’étaient ni obligatoires ni réellement contraignantes, du moins en droit.

Pour notre part, sous l’impulsion du Président de la République, nous nous sommes fait un devoir de respecter nos engagements. Les résultats obtenus en 2010 l’attestent : nous avons tenu tous nos objectifs ...

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