La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l’équilibre des finances publiques (projet n° 687 rectifié, rapport n° 732, avis n° 705).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Muguette Dini, monsieur le président de la commission des finances, cher Jean-Jacques Hyest, monsieur le président de la commission de l’économie, cher Jean-Paul Emorine, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà maintenant trente-cinq années que nos comptes publics sont en déficit. Ce fait est si bien connu qu’il a même cessé de nous étonner, comme s’il était devenu naturel que l’État dépense toujours plus qu’il ne gagne, au point que nous avons pris l’habitude de vivre à crédit, en oubliant, au passage, qu’un jour ou l’autre nos enfants ou nos petits-enfants devront bien rembourser cette dette que nous avons creusée à force de déficits.
Pourtant, nous savions tous qu’une telle attitude, qu’une telle habitude était irresponsable. Pour justifier leur énième budget en déséquilibre, tous les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, se sentaient tenus d’invoquer le « poids des circonstances », qui exigeaient qu’une fois encore nous vivions au-dessus de nos moyens. Chacun reconnaîtra que la France n’a pas connu trente-cinq ans de circonstances exceptionnelles. Mais, de circonstances exceptionnelles en circonstances exceptionnelles, nous ne sommes jamais parvenus à redresser la barre et à rompre durablement avec la facilité budgétaire.
Tirer les leçons de cet échec collectif et garantir aux Français que le retour à l’équilibre ne sera plus un vœu pieux, tel est l’objet, mesdames, messieurs les sénateurs, du projet de loi constitutionnelle que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement.
Si l’expérience nous a appris la faiblesse de la volonté politique en matière de réduction des déficits, elle nous a aussi montré que nous pouvions surmonter celle-ci, en nous donnant des règles contraignantes pour l’avenir, qui nous obligent à tenir nos engagements et à respecter la parole donnée aux Français.
Si, au plus fort de la crise, nous sommes parvenus à contenir l’augmentation des déficits, puis à amorcer le retour à l’équilibre, c’est grâce aux règles que ce gouvernement s’est fixées en accord avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, et à la détermination qu’il met à les respecter.
Je pense, d’abord, à la règle d’affectation systématique des surplus de recettes à la réduction du déficit. Je pense, ensuite, à la norme de dépense, qui nous a permis, depuis plusieurs années, de contenir les charges de l’État et, depuis cette année, de stabiliser en valeur les dépenses hors charges de la dette et pensions. Je pense également au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui conduira en 2012 – c’est une première ! – à une baisse des dépenses de personnel de l’État. §Je pense, enfin, à l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qui n’avait pas été respecté depuis près de quinze ans et qui a, finalement, été tenu en 2010.
Les progrès que nous avons accomplis en quatre années à peine le montrent : ce qui a durablement compromis la France, c’est bien l’absence de règles pour protéger les Français des accès de faiblesse que connaissent parfois leurs responsables politiques.
Car, en matière budgétaire, nous ne souffrons pas d’avoir trop de normes ; nous souffrons de ne pas en avoir assez. Maintes et maintes fois, au cours de ces trente-cinq dernières années, des hommes et des femmes politiques responsables, à droite comme à gauche, ont tenté de redresser avec courage nos finances publiques. Si leurs efforts ont été infructueux, c’est parce qu’aucune norme ne venait empêcher leurs successeurs, qu’ils soient ou non de la même couleur politique, de laisser de nouveau filer les déficits.
La force de la règle, c’est qu’elle nous préserve des circonstances, rend la vertu budgétaire indépendante des soubresauts de la vie politique et nous contraints à dire la vérité aux Français sur la situation financière de notre pays.
Aussi n’est-ce pas un hasard si nombre de nations dans le monde ont déjà choisi de se doter de règles budgétaires extrêmement précises pour lutter contre les déficits. C’est tout simplement la meilleure manière, peut-être même la seule, de protéger les générations futures de l’irresponsabilité budgétaire.
Tout récemment, l’Allemagne a ainsi choisi de compléter sa loi fondamentale, qui comportait déjà une règle d’équilibre, pour y inscrire l’interdiction de voter un budget avec un déficit structurel supérieur à 0, 35 % du PIB à compter de 2016. Celle-ci s’accompagne d’un mécanisme de contrôle très strict, qui rend des mesures de redressement obligatoires, lorsque les écarts à l’objectif initial atteignent 1 % du PIB. C’est d’ailleurs un ministre des finances social-démocrate, Peer Steinbrück, qui a défendu cette réforme devant le Parlement.
De même, lorsque la Suède fut confrontée, en 1991, à une crise de financement sans précédent de son modèle social, elle parvint à le sauver en s’appuyant sur deux règles budgétaires extrêmement strictes : la première prévoyait un encadrement des dépenses sur trois ans ; la seconde affectait par avance tous les surplus de recettes au remboursement de la dette et à la réduction des déficits. Ce modèle nordique, dont il est tant question dans notre débat public, repose, en vérité, sur le principe même du retour à l’équilibre budgétaire.
Cette règle du « zéro déficit » tend désormais à s’imposer comme un standard international. Le Fonds monétaire international dénombre quatre-vingt-dix États dotés de règles budgétaires contraignantes, alors qu’ils n’étaient que sept en 1990. C’est dire que, partout dans le monde, les responsables politiques affirment leur détermination présente et future à redresser leurs finances publiques et à conforter ainsi la crédibilité budgétaire de la nation.
Le Gouvernement, qui est animé par cette même détermination, vous propose aujourd’hui de protéger les Français contre toute tentation démagogique future, en gravant dans notre Constitution l’obligation, pour tout gouvernement, de dire quand et comment il prévoit de revenir à l’équilibre.
C’est tout l’objet des lois-cadres d’équilibre des finances publiques que le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité créer, dans la droite ligne des recommandations rendues publiques, au mois de juin 2010, par le groupe de travail présidé par Michel Camdessus, dont le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat étaient membres.
Au travers de ces lois-cadres, qui couvriront au moins trois années, il reviendra à chaque gouvernement de préciser le rythme du retour à l’équilibre, en s’engageant sur une date, ainsi que la nature et l’ampleur des efforts qu’il entend demander, chaque année, à la collectivité nationale pour y parvenir. Quelles que soient les majorités futures, celles-ci pourront ainsi construire leur propre stratégie économique et budgétaire. Mais se dressera, à l’horizon, un objectif intangible : le retour à l’équilibre, dont la valeur constitutionnelle sera pleinement assurée et s’imposera au pouvoir exécutif comme au législateur.
Il sera désormais interdit au Gouvernement de dépenser dans le présent sans s’engager pour l’avenir. En effet, les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ne pourront plus être adoptés en l’absence de loi-cadre. L’engagement sur le retour à l’équilibre et sur les moyens d’y parvenir devra désormais, impérativement, précéder l’autorisation annuelle de dépenser. C’est ce qui distingue les lois-cadres d’équilibre des lois de programmation pluriannuelle que nous avons créées en 2008.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec la modernisation de nos institutions, nous avons réalisé une première avancée en invitant le Gouvernement à présenter un cadrage pluriannuel qui devait, aux termes de l’article 34 de notre Constitution, s’inscrire « dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».
La vertu budgétaire faisait ainsi son entrée dans notre charte fondamentale, mais elle restait encore soumise au bon vouloir du Gouvernement, puisque les lois de programmation pluriannuelle n’étaient ni obligatoires ni réellement contraignantes, du moins en droit.
Pour notre part, sous l’impulsion du Président de la République, nous nous sommes fait un devoir de respecter nos engagements. Les résultats obtenus en 2010 l’attestent : nous avons tenu tous nos objectifs ...
... et nous continuerons de le faire.
Toutefois, comme Michel Camdessus le constatait dans son rapport, cette première avancée devait encore être consolidée, car rien ne garantissait que les gouvernements futurs fassent preuve du même esprit de responsabilité que le nôtre. Au vu de notre histoire récente, il est même probable que, un jour ou l’autre, une majorité ne tarde pas à s’affranchir du respect de la parole donnée.
Entre l’objectif constitutionnel de retour à l’équilibre à terme et les lois de finances annuelles, il y avait vraiment un chaînon manquant.
C’est cette absence de règle garantissant que les engagements pris seront tenus que nous vous proposons aujourd’hui de combler.
Les futures lois-cadres d’équilibre s’imposeront en effet aux projets de loi de finances annuels ainsi qu’aux projets de loi de financement de la sécurité sociale : le Gouvernement sera donc bel et bien tenu de respecter ses engagements. Aussi les lois-cadres ne pourront-elles être prises à la légère : les majorités futures auront le devoir de dire aux Français la vérité sur l’état des finances publiques, sur le coût des engagements qu’elles ont pris, sur les impôts qu’elles comptent créer, sur les économies qu’elles comptent réaliser et, enfin, sur la date du retour à l’équilibre.
Cet horizon, plus ou moins lointain, sera le témoin de la détermination plus ou moins forte du Gouvernement à rompre effectivement avec la facilité de la dépense publique et la spirale de l’endettement. En matière de finances publiques, la sincérité et la transparence deviendront des obligations absolues.
C’est pourquoi ce texte mérite pleinement son nom de « règle d’or » en ce qu’il va transformer en profondeur l’action politique et le débat public, en nous obligeant, collectivement, à ne prendre devant les Français que des engagements réalistes et tenables.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’en sera fini des décisions à courte vue, prises sans souci du lendemain. La responsabilité deviendra la règle
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.
Cette loi est donc une loi de protection des Français, et notre jeunesse sera la première à en bénéficier
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.
… une jeunesse qui regarde aujourd’hui avec inquiétude les dettes s’accumuler...
On le comprend, avec une dette qui représente 22 000 euros par personne !
... et qui sait, elle, qu’elle devra un jour ou l’autre les rembourser.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces objectifs ont tout pour faire consensus. Les débats en première lecture ont montré qu’ils étaient partagés tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, du moins sur les travées de la majorité.
Le travail parlementaire a d’ores et déjà permis d’enrichir sensiblement le texte qui vous était proposé par le Gouvernement. Je tiens, en particulier, à saluer la grande qualité des modifications apportées par les commissions des lois des deux assemblées à la définition constitutionnelle des lois-cadres d’équilibre.
Le projet de loi initial renvoyait, en effet, la définition de ces textes à une loi organique, prise pour l’application du nouvel article 34 de la Constitution.
Vous avez estimé, à raison, me semble-t-il, monsieur le président de la commission des lois, que, en procédant ainsi, nous aurions affaibli la règle d’or. Le contenu des lois-cadres et la nature des obligations qu’elles font peser sur le législateur auraient, en effet, été de niveau simplement organique et non constitutionnel. Vous avez donc souhaité préciser dans notre loi fondamentale, en accord avec la commission des lois de l’Assemblée nationale et son président, Jean-Luc Warsmann, que les lois-cadres définiront non seulement des plafonds des dépenses, mais également un minimum de recettes nouvelles.
Je ne peux qu’être sensible à la pertinence de votre démarche, qui confortera l’obligation de retour à l’équilibre, en contraignant les gouvernements futurs à s’engager sur une trajectoire de recettes supplémentaires. Grâce aux travaux parlementaires, la règle d’un effort structurel minimal se trouvera inscrite dans notre charte fondamentale.
De même, vous avez posé dans la Constitution le principe d’une obligation globale de respect des efforts prévus en dépenses et en recettes.
Là encore, il s’agit, à mes yeux, d’une précision utile, qui conforte la règle d’or, en définissant la nature de la contrainte qui pèse sur le Gouvernement : les engagements pris par ce dernier devront naturellement pouvoir être ajustés dans le détail, mais ils s’imposent bien à lui dans leur globalité.
Je tiens également à saluer votre souci de garantir le respect des lois-cadres par les lois de finances annuelles et les lois de financement de la sécurité sociale. En prévoyant que le Conseil constitutionnel sera saisi d’office non seulement des lois-cadres, mais aussi des textes financiers annuels, vous avez prévenu le risque d’une violation par consensus de la loi-cadre et considérablement affermi le lien entre les lois-cadres, les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.
Cette saisine systématique témoigne du rôle déterminant que jouent les textes financiers dans la vie du pays, un rôle qui mérite un examen systématique de constitutionnalité. La sécurité juridique de tous s’en trouvera renforcée, car ce contrôle permettra notamment de garantir, avant même leur entrée en vigueur, la conformité à la Constitution de l’essentiel des normes fiscales. Avec l’essor des questions prioritaires de constitutionnalité, cela représente évidemment une véritable garantie de stabilité.
À l’évidence, la règle d’or sort donc confortée de vos travaux, et je me réjouis que le cœur de ce projet de loi constitutionnelle fasse d’ores et déjà consensus entre les deux assemblées.
J’ajoute que vous avez également souhaité renforcer le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement en matière budgétaire.
Cette volonté s’inscrit pleinement dans l’esprit de ce texte, dont le principe même est le respect des engagements pris devant la nation, bien sûr, mais aussi devant ses représentants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez bientôt à examiner des projets de lois-cadres soumis par le Gouvernement. Votre rôle dans la conception de notre stratégie budgétaire deviendra ainsi plus déterminant encore. Aussi était-il naturel que le Parlement examinât systématiquement les programmes de stabilité que la France transmet chaque année à la Commission européenne, comme nous l’avons fait pour la première fois cette année ; c’est un gage de cohérence, mais aussi de transparence.
En prévoyant que ce projet de programme pourra faire l’objet d’un débat et d’un vote à la demande du Gouvernement ou d’un groupe, vous avez, une fois encore, je tiens à le souligner, renforcé l’initiative parlementaire et accordé un nouveau droit à l’opposition, prolongeant ainsi l’esprit de la réforme constitutionnelle de 2008.
Vous avez, enfin, tenu à avancer de deux semaines les délais de dépôt, sur le bureau de l’Assemblée nationale, du projet de loi de finances initiale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de disposer de plus de temps pour les examiner. Je sais que les commissions sont particulièrement attachées à cette modification du calendrier. De votre côté, vous connaissez la contrainte extrêmement forte que ce calendrier fera peser sur l’exécutif.
J’en viens maintenant à l’unique point sur lequel les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat semblent encore nettement diverger : je pense, bien sûr, à l’impossibilité pour une disposition portant sur les prélèvements obligatoires d’être adoptée hors d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je veux vous dire l’esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette question.
Notre priorité est de mettre un terme à la multiplication des niches fiscales et sociales, dont le nombre et le coût sont aujourd’hui excessifs.
Prises isolément, nombre de ces niches peuvent paraître indolores. Pour en mesurer le nombre, l’évolution et le coût réel, il faut les appréhender globalement, ce qui est naturellement impossible lorsqu’elles sont dispersées dans les différents projets de loi examinés tout au long de l’année.
C’est pourquoi le Gouvernement s’est fixé une nouvelle règle depuis juin 2010, en s’interdisant de présenter des dispositions affectant les ressources fiscales et sociales en dehors des textes financiers.
Cela lui permet et cela vous permet, mesdames, messieurs les sénateurs, d’avoir une vue d’ensemble sur les niches, qui, avec votre accord, seront créées ou supprimées sur l’initiative de l’exécutif.
Mais cela permet surtout de les mettre en regard de l’équilibre budgétaire global défini dans les textes financiers.
C’est l’extension de cette règle aux propositions de loi, comme aux amendements d’initiative parlementaire, qui fait l’objet d’un débat nourri entre vos deux assemblées.
Je veux le dire devant vous aujourd’hui, quelle qu’en soit l’issue, le Gouvernement continuera de respecter la règle que le Premier ministre lui a fixée, comme il continuera de réduire avec détermination le nombre et le coût des niches.
Après un effort encore jamais réalisé de réduction des niches de 11 milliards d’euros en 2011, l’engagement de diminution de 3 milliards d’euros supplémentaires chaque année pendant trois ans – en 2012, en 2013 et en 2014 – sera tenu. Afin que le Parlement soit pleinement informé et associé à cet objectif, je transmettrai aux deux assemblées, comme je m’y étais engagée, le rapport de l’Inspection générale des finances, qui évalue le coût et l’efficacité de chacune des niches.
Je constate également que le cœur de la réforme constitutionnelle portée par ce texte fait consensus entre les deux assemblées ; nous sommes donc tous d’accord sur l’essentiel.
Dès lors, je souhaite qu’un dialogue constructif puisse s’engager sur le dernier point de divergence évoqué, et je serai naturellement très attentive à toutes les propositions que pourra formuler sur ce point la Haute Assemblée, notamment par la voix du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest.
Nous en sommes, me semble-t-il, tous convaincus, l’inscription de la règle d’or dans la Constitution est une réforme majeure, une réforme d’intérêt public que nous souhaitons tous voir adoptée très rapidement.
Comme vous, je sais que les Français sont troublés par le contexte international et qu’ils attendent, de la part de leurs responsables politiques, des signes très forts de leur détermination à redresser les finances publiques de notre pays.
Permettez-moi de le souligner, c’est bien nous tous qu’ils interpellent aujourd’hui. Car c’est nous tous qui, depuis trente-cinq ans, avons commis une faute collective en accumulant les déficits.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons une occasion historique d’effacer définitivement cette faute et de protéger ainsi notre génération et les générations à venir de tout risque de faiblesse future. C’est une démarche responsable que le Gouvernement a entamée depuis quatre ans déjà et qui a reçu le soutien sans faille de la représentation nationale, du moins de la majorité ; elle devrait aujourd’hui pouvoir tous nous réunir.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette occasion historique, nous devons la saisir, et le Gouvernement sait qu’il peut compter sur la sagesse du Sénat pour y parvenir.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi constitutionnelle relatif à l’équilibre des finances publiques nous est soumis, en deuxième lecture, après que l’Assemblée nationale a adopté conformes onze articles sur les dix-sept que comporte ce projet. Ce n’est pas si mal !
Sourires
Tout d’abord, je tiens, moi aussi, à souligner avec force l’accord des deux Assemblées sur le cœur de la réforme, chacune d’entre elle ayant précisé le texte, qui était, à notre avis, assez général et peu contraignant.
C’est ainsi que les députés, puis les sénateurs, ont clarifié et précisé les conditions d’adoption des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, celles de leur modification éventuelle, et l’obligation de rattraper les écarts constatés dans l’exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
Le Sénat avait, en outre, aménagé les modalités de contrôle de la conformité des lois de finances et de financement de la sécurité sociale initiale à la loi-cadre, des dispositions approuvées par l’Assemblée nationale.
Le contrôle du Conseil constitutionnel n’est pas un vain mot, puisqu’il est obligatoire. Le Conseil veillera d’ailleurs aussi à contrôler toute initiative intempestive, dont le financement ne serait pas prévu, hors les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, par rapport aux normes fixées dans la loi-cadre.
Si l’on compare ce dispositif très contraignant aux régimes applicables dans d’autres pays européens, tels que, par exemple, la République fédérale d’Allemagne ou la Grande-Bretagne, on peut constater que cette révision constitutionnelle est nécessaire eu égard à la dégradation, depuis plusieurs décennies, de nos équilibres budgétaires, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre.
Contrairement à ce que certains peuvent dire, il s’agit d’une réforme constitutionnelle indispensable, ...
... à la fois pour la crédibilité financière de notre pays et pour l’obligation impérative de restaurer l’équilibre de nos finances publiques.
Le projet de révision constitutionnelle, si l’on y ajoute l’adoption conforme par les deux assemblées des modalités d’examen par le Parlement du projet de programme de stabilité adressé aux instances européennes, aurait pu être adopté par le Sénat si ne persistait pas un désaccord de fond sur le régime des dispositions relatives aux prélèvements obligatoires.
Le rétablissement du monopole des lois de finances par l’Assemblée nationale ne peut être soutenu pour les motifs que la commission des lois et plusieurs autres commissions ont largement explicités en première lecture.
Je me permets de rappeler que la commission des lois de l’Assemblée nationale avait, dans un premier temps, supprimé ce dispositif, mais, en séance publique, pour des raisons qui n’apparaissent pas dans les travaux préparatoires, l’amendement a été remplacé par un mécanisme d’irrecevabilité/inconstitutionnalité assez problématique, pour ne pas dire baroque.
Dans le souci – hélas peu compris ! – de la volonté du Sénat de contribuer à une évolution de la réflexion sur ce sujet, nous avons voté un texte substituant au monopole des prélèvements obligatoires un monopole de l’entrée en vigueur des dispositions relatives aux recettes. Nous avions fait là un effort ! Il nous semblait que nous souscrivions ainsi parfaitement à l’objectif du monopole initialement proposé par le Gouvernement, mais hélas ! en vain.
Sans reprendre en détail les arguments développés en première lecture, nous ne pouvons que maintenir notre analyse des conséquences du monopole des lois financières, qui présente des inconvénients majeurs pour le droit d’initiative parlementaire et pour la cohérence du travail législatif.
Est-il souhaitable et pertinent, trois ans après la révision constitutionnelle de 2008, dont l’un des objectifs était de renforcer significativement le droit d’initiative du Parlement, d’adopter un dispositif qui réduit à néant le droit d’initiative du Parlement ? Nous répondons non, suivant en cela l’avis d’Eugène Pierre, un grand spécialiste du droit parlementaire et du droit électoral, qui indiquait dans le Traité de droit politique, électoral et parlementaire que « le droit d’initiative n’est pas moins important que le droit de vote ».
Est-il cohérent d’appliquer aux parlementaires de nouvelles irrecevabilités, alors qu’ils sont déjà soumis à l’irrecevabilité financière définie par l’article 40 de la Constitution, sans oublier l’irrecevabilité des cavaliers budgétaires ou sociaux, et alors que les mesures de dépenses fiscales les plus importantes ont, en général, été adoptées sur l’initiative du Gouvernement ou, hélas !, pire encore, ont été parfois inspirées par le Gouvernement ? Certainement pas !
Votre prédécesseur, madame la ministre, avait indiqué que cette mesure visait « d’abord à contraindre le Gouvernement lui-même à éviter d’additionner les textes, proposant ici des mesures dérogatoires sur le plan fiscal, là de nouvelles niches sociales. » On ne saurait mieux dire !
Alors qu’il y aurait sans doute lieu de veiller à un respect encore plus scrupuleux de l’article 40 de la Constitution, faut-il pour autant faire peser sur le Parlement le poids de la difficulté qu’éprouve le Gouvernement à se discipliner lui-même ?
Une telle mesure paraît disproportionnée, d’autant que nous devons veiller à assurer une articulation cohérente du monopole avec les règles de priorité définies à l’article 39 de la Constitution.
Comment en effet assurer à la fois la priorité qui revient au Sénat pour les textes dont l’objet principal est l’organisation des collectivités locales – je me permets de souligner que le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler ce point récemment – et la priorité accordée logiquement à l’Assemblée nationale pour les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ?
Le monopole aurait pour effet de vider de tout contenu l’article 72-2 de la Constitution, notamment pour ce qui concerne la compensation des transferts de compétences entre l’État et les collectivités territoriales. Hélas, aucune réponse n’a jamais été apportée à cette contradiction constitutionnelle !
Pour toutes ces raisons, il apparaît que le cadre constitutionnel précis et contraignant des lois-cadres d’équilibre des finances publiques, ainsi que le contrôle systématique par le Conseil constitutionnel, se suffit à lui-même, d’autant que tout dérapage, que ce soit dans l’élaboration des lois de finances et de financement de la sécurité sociale ou dans leur exécution, sera sanctionné.
À cet égard, on ne peut que saluer la circulaire du 4 juin 2010 du Premier ministre, laquelle prescrit aux ministres de respecter cette « règle d’or », qui relève avant tout de la responsabilité gouvernementale.
Il n’est pas forcément cohérent d’ajouter à une règle constitutionnelle pertinente et nécessaire, et que le Parlement s’honorerait d’adopter, ce qui demeure une règle de procédure, très contestable dans sa forme initiale et dont les effets n’ont pas été parfaitement mesurés.
C’est pourquoi, après maintes réflexions et échanges avec toutes les parties prenantes, dans la mesure où même le monopole différé des lois de finances ou de financement de la sécurité sociale présente aussi des inconvénients, il est apparu à la commission des lois que le monopole n’était pas le corollaire obligé de la révision constitutionnelle qui nous est proposée, et que nous approuvons.
Tant que le texte n’est pas voté, nous pouvons débattre, mon cher collègue !
Il s’agissait d’une simple précision d’ordre chronologique, mes chers collègues !
Tel est le sens de l’un de nos amendements, dont l’objet s’adapte parfaitement aux exigences de restauration de l’équilibre des finances publiques, que nous soutenons.
Madame la ministre, d’autres solutions auraient sans doute pu être explorées. Toutefois, celle que nous vous proposons semble en définitive la plus simple, la plus lisible et la plus efficace. Elle est en outre parfaitement conforme à l’exigence impérative de nous doter de règles constitutionnelles qui nous permettront, à l’avenir, de ne plus obérer nos finances publiques.
J’espère que cette règle d’or figurera, comme c’est le cas en Allemagne, dans la Constitution. Je pense qu’une telle évolution est largement suffisante pour éviter le renouvellement de tout ce que nous avons connu depuis trente ans !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que cela ne soit pas dans ses habitudes, la commission des affaires sociales a souhaité se saisir une nouvelle fois, au stade de la deuxième lecture, de ce projet de loi constitutionnelle, compte tenu de l’importance des enjeux.
Notre rapporteur, Alain Vasselle, l’a dit en première lecture, ce texte mérite d’être soutenu. Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques nous imposeront de définir une trajectoire d’assainissement de nos finances publiques qui aura une portée contraignante pour le Gouvernement et le législateur.
Nous connaissons des déficits depuis bientôt quarante ans et l’expérience a montré que la volonté politique n’a pas réussi à les limiter, même dans les périodes plus favorables où la croissance nous aurait permis de le faire.
Dans ces conditions, les deux assemblées ont trouvé sans mal un accord sur les dispositions du texte relatives aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques. Je le rappelle néanmoins, le Sénat avait adopté en première lecture un amendement visant à confier systématiquement l’examen de ces projets de loi-cadre à une commission spéciale composée de membres de la commission des finances et de la commission des affaires sociales. L’Assemblée nationale ayant jugé inutile d’inscrire cette disposition dans la Constitution, nous n’avons pas présenté de nouveau cet amendement. Pour autant, nous persistons à considérer comme indispensable la constitution d’une telle commission spéciale sur des textes de cette nature, car il deviendra essentiel de faire travailler ensemble les spécialistes des finances de l’État et des finances sociales. Nous en ferons d’ailleurs la demande en conférence des présidents.
Si la création des lois-cadres ne suscite pas de difficultés particulières, la question du monopole des lois financières en matière de fiscalité et de recettes de la sécurité sociale reste très débattue entre les deux assemblées, chacune campant sur ses positions : l’Assemblée nationale a confirmé ce monopole, en l’aménageant, tandis que le Sénat a maintenu le dispositif alternatif qu’il préconise. En deuxième lecture, les députés ont rétabli le texte qu’ils avaient précédemment adopté.
La commission des affaires sociales continue à penser, comme la commission des lois saisie au fond, que ce monopole présente plus d’inconvénients que d’avantages.
Il aurait en effet pour conséquence de limiter drastiquement l’initiative parlementaire, et les articles 2 bis et 9 bis, insérés par l’Assemblée nationale, ne changent rien à cet état de fait. Par ces articles, on ne fait en réalité qu’introduire une forme d’hypocrisie dans le dispositif, puisque le Gouvernement serait libre d’invoquer ou non l’irrecevabilité des mesures ne respectant pas le monopole, tout en ayant l’assurance que le Conseil constitutionnel censurerait les dispositions qui n’auraient pas été déclarées irrecevables pendant la discussion.
Par ailleurs, le monopole aurait pour effet de rendre très difficile, pour le Parlement, l’appréhension des grandes réformes. En éclater les mesures constitutives entre des textes ordinaires et des textes financiers que les assemblées ne pourraient discuter simultanément nous mettrait en grande difficulté pour mesurer la portée exacte des évolutions envisagées et proposer des améliorations.
Enfin, le monopole des lois financières aurait pour effet de nous contraindre à débattre de la fiscalité et des recettes de la sécurité sociale exclusivement à l’occasion de textes dont les conditions d’examen sont sévèrement encadrées. À la limite, on pourrait presque soutenir une proposition inverse : est-il raisonnable d’effectuer une grande réforme de la fiscalité dans le cadre de l’examen de la loi de finances, qui ne fait l’objet que d’une lecture dans chaque assemblée et est toujours examinée dans l’urgence ?
J’ajoute que le monopole des lois financières est non seulement dangereux, mais aussi inutile. Dès lors que nous mettrons en œuvre les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, Parlement et Gouvernement s’imposeront nécessairement une discipline qui les conduira à cesser de saupoudrer, dans l’ensemble des projets de loi, mesures d’allégement de charges sociales ou niches fiscales.
N’oublions pas que le respect de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques sera vérifié chaque année par le Conseil constitutionnel.
Dans ces conditions, la commission des affaires sociales a proposé, comme la commission des lois, de rétablir le texte adopté par le Sénat en première lecture, lequel subordonne l’entrée en vigueur des mesures relatives aux recettes fiscales et sociales à leur approbation dans le cadre de la loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.
Le président de la commission des lois, rapporteur de ce texte, nous propose désormais de supprimer purement et simplement le monopole des lois financières. Il s’agit d’une position raisonnable, qui mérite d’être approuvée et ne vide en rien de sa substance le projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis.
Sous réserve de l’adoption des amendements de la commission des lois, la commission des affaires sociales est donc favorable à ce projet de loi constitutionnelle et souhaite que le texte qui résultera de nos travaux, mes chers collègues, puisse faire l’objet d’un accord de la part de l’Assemblée nationale.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi constitutionnelle dont nous sommes saisis en deuxième lecture me réjouit à double titre.
Tout d’abord, le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à un accord sur les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui devraient constituer un instrument majeur de lutte contre la dérive de nos comptes publics.
Ensuite, s’agissant du monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires, qui fait encore débat entre nos assemblées, nous devrions adopter tout à l’heure un amendement présenté, au nom de la commission des lois, par M. Jean-Jacques Hyest et visant à la suppression totale de cette disposition.
La commission de l’économie ne peut que se féliciter de cette évolution. Elle s’était en effet saisie pour avis du texte, en première lecture, sur cette seule question du monopole, estimant que celui-ci portait gravement atteinte aux droits du Parlement et, en particulier, aux droits du Sénat. C’est pourquoi de nombreux sénateurs s’étaient mobilisés et exprimés en séance contre une telle disposition.
L’amendement que nous propose aujourd’hui la commission des lois montre que nous avons été entendus, ce dont je ne peux que me réjouir, madame la ministre.
Je rappelle que la commission de l’économie avait adopté un amendement, identique à un amendement présenté par le président de la commission de la culture, M. Jacques Legendre, tendant à supprimer le monopole et à différer au 1er janvier de chaque année l’entrée en vigueur des mesures de dépenses fiscales, afin de permettre au législateur financier de s’en saisir. Cet amendement visait à renverser la charge de la preuve, par rapport au dispositif de validation systématique proposé par les commissions des lois et des affaires sociales.
Peu avant la séance, la commission des lois avait rectifié son amendement, afin d’enserrer la validation dans un délai de quatre mois. À nos yeux, cela aboutissait en pratique à rétablir le monopole. C’est pourquoi j’avais alors présenté en séance, avec nos collègues Jacques Legendre et Jean Bizet, respectivement président de la commission de la culture et président de la commission des affaires européennes, ainsi que de nombreux autres collègues, un sous-amendement à l’amendement présenté par la commission des lois. Aux termes de ce sous-amendement, les dispositifs fiscaux devaient être validés par la prochaine loi de finances, ce qui préservait davantage les droits des parlementaires.
Même si nous avions adopté ce dispositif en considérant qu’il s’agissait d’un moindre mal par rapport à celui qui était proposé par l’Assemblée nationale, la validation systématique présentait un certain nombre d’inconvénients, qui ont d’ailleurs été soulignés lors de nos débats et par la commission des lois de l’Assemblée nationale dans son rapport. Ces réflexions ont d’ailleurs conduit les députés à rétablir le texte qu’ils avaient initialement adopté.
Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de blocage entre les deux assemblées, blocage dont il faut sortir pour faire aboutir un texte qui conditionne la crédibilité de notre pays au niveau européen.
L’amendement de suppression du monopole proposé aujourd’hui par la commission des lois constitue la solution la plus adaptée. Je voudrais à cet égard saluer la constance et la ténacité de son président.
Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner la portée du vote du Sénat sur cette disposition, en première lecture et, plus encore, en deuxième lecture. Ce vote devra être pris en considération, car il est très important à double titre : pour les parlementaires que nous sommes, car la maîtrise des finances publiques ne doit pas passer par un affaiblissement du Parlement ; pour le Sénat, qui a su faire preuve d’indépendance afin de préserver ses prérogatives constitutionnelles et la place qu’il occupe dans l’équilibre de nos institutions.
Enfin, ce vote consolide les acquis de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a renforcé sensiblement les pouvoirs du Parlement. Plus que jamais, comme le disait M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, il faut faire « le pari qu’en rendant leur liberté aux parlementaires ils mesureront et assumeront la plénitude de leurs responsabilités ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, je constate qu’il ne m’est pas possible de saluer le président de la commission des finances, ni son rapporteur général : sans doute l’absence de ces collègues, si assidus par ailleurs, dit-elle l’importance qu’ils attachent au projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis…
Ainsi donc vous allez parvenir à un compromis, mais il n’a été trouvé que récemment, comme je l’ai fait remarquer tout à l’heure à M. le président de la commission des lois. Et, de fait, les sénateurs de l’opposition non informés ne l’ont appris qu’à quatorze heures quinze, et ceux qui avaient regagné la séance, à quinze heures, les six sénateurs qui constituaient la commission des lois à quatorze heures trente ayant eu le privilège de connaître le compromis en premier.
Madame la ministre, je salue votre effort : en inscrivant ce projet de loi constitutionnelle à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale mercredi après-midi, vous parviendrez à obtenir un vote dans les mêmes termes par les deux assemblées avant la fin de la session extraordinaire. Très bien ! Vous aurez une raison d’être satisfaite…
Cependant, nous savons tous que nous n’irons pas à Versailles. N’y voyez, madame la ministre, aucune marque d’antipathie personnelle, ni contre Versailles ni contre ses représentants… Le fait est qu’aujourd’hui la majorité des trois cinquièmes n’est pas réunie, et que ce n’est pas de manière individuelle, comme la fois précédente, mais à grande échelle qu’il faudrait pratiquer le débauchage si on voulait qu’elle le fût…
Personne ne peut nier que, compte tenu de l’état des finances publiques comme du niveau de la dette, nous nous trouvons dans une situation difficile. Mais, de temps en temps, l’envie me prend de vous inviter à renoncer aux comportements de cour d’école pour considérer simplement les faits, les uns après les autres, et juger sur pièces : quel progrès !
Quand vous dites que le budget de l’État n’a pas été voté en équilibre depuis trente-cinq ans, vous avez raison. Mais quand vous ne dites pas que le niveau de la dette a doublé depuis 2002, vous manquez une autre occasion d’avoir raison ! De même, quand vous ne dites pas qu’une exonération de TVA d’un montant annuel de 3, 6 milliards d’euros équivaut à huit années d’économies tirées de la révision générale des politiques publiques, vous ratez une occasion supplémentaire d’avoir raison !
Commençons donc par considérer les faits ; chacun sera ensuite capable de juger.
Face à la situation de nos finances publiques, que nous proposez-vous ? Une révision constitutionnelle, présentée comme un remède miracle…
Vous connaissez, madame la ministre, le propos de Montesquieu régulièrement cité ici, singulièrement au sujet des révisions constitutionnelles : « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. » J’ai longuement réfléchi à cette maxime. J’ai conclu qu’elle n’avait pas été observée dans le cas présent, à moins peut-être que le Gouvernement ne soit atteint depuis peu de la maladie de Parkinson, ce qui serait la seule explication possible !
Nous sommes en désaccord sur la démarche.
Il y a d’abord les lapalissades constitutionnelles. Les articles 2 bis et 9 bis du projet de loi constitutionnelle prévoient que le Conseil constitutionnel doit déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution : peut-être ces dispositions font-elles le bonheur de M. Warsmann ; pour notre part, nous ne les jugeons pas indispensables. Dans l’unanimité d’un œcuménisme retrouvé, le Sénat les rejettera une fois de plus : ce sera un point d’accord entre nous cet après-midi !
Le rôle du Conseil constitutionnel est important, et même très important. Nous l’avons encore constaté récemment, lorsque, pour la deuxième fois, il a censuré le projet de loi, frappé de malédiction, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région. Et il l’a fait parce que le « monopole » reconnu au Sénat pour l’examen en première lecture des textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales n’avait pas été respecté.
Avec le présent texte, vous avez tenté d’établir un monopole, mais vous avez décidé d’y renoncer. Comme nous réclamions la suppression de ce dispositif, nous n’en sommes pas mécontents. Faites encore un petit effort : supprimez les lois-cadres d’équilibre des finances publiques et nous finirons par être d’accord !
J’ai parfaitement compris, monsieur le président de la commission des lois, surtout après avoir entendu vos explications… Ne vous calomniez pas ainsi !
Pour en revenir au Conseil constitutionnel, son rôle n’est pas de juger de la conformité d’une prévision macroéconomique.
Il n’est pas non plus de juger de la validité d’hypothèses de croissance.
S’il en était autrement, le Conseil constitutionnel ne pourrait pas ne pas intervenir dans des choix politiques.
Or ce n’est pas sa mission. Laissons-le donc dans son rôle.
En outre, tout renvoi à la loi organique ouvre une brèche et prive le Parlement de toute maîtrise, car s’il faut, madame la ministre, une majorité des trois cinquièmes pour réviser la Constitution, il suffit d’une majorité simple pour adopter une loi organique…
Des exemples récents ont suffisamment montré que l’esprit du constituant pouvait être bafoué pour qu’aujourd’hui nous soyons méfiants. Le renvoi à la loi organique est une solution pleine d’imprécisions qui ne nous donne aucune garantie.
Contrairement à ce que l’on tente de nous faire croire, le Sénat, pas plus que l’Assemblée nationale, d’ailleurs, n’est pas le lieu d’un débat entre les partisans et les adversaires de l’équilibre budgétaire, même si la sacralisation de cette exigence peut, elle, être l’objet d’un autre débat.
Il ne s’agit pas non plus d’un débat entre ceux qui veulent maîtriser la dépense publique et ceux qui soutiennent un déficit systématique ; entre les professeurs de vertu budgétaire, saisis par le remords, et les théoriciens du déséquilibre.
La question n’est pas celle-là. Elle est de savoir si le fait d’inscrire une règle dans la Constitution est une réponse au problème qui se pose à nous. La réponse est manifestement négative. Car, sinon, dans le même élan, vous nous proposeriez l’inscription d’une règle dans tous les domaines où vous avez échoué : la politique de sécurité, la politique d’immigration… Non ! La Constitution est chose trop sérieuse !
Il ne suffit pas, madame la ministre, de répéter avec constance que des règles sont nécessaires ; plus vous réclamez de règles, moins vous avez de principes !
Pour cette raison, le projet de loi constitutionnelle que vous présentez me déplaît.
Je peux comprendre les objectifs d’affichage et de communication qui sous-tendent ce texte, mais la vérité est ailleurs. Le choix qui nous attend et qui nous oppose est celui d’une stratégie.
Dans la situation où se trouvent nos finances publiques et à laquelle le Gouvernement n’est pas totalement étranger – c’est une litote –, il faut savoir en effet à qui l’on demandera des efforts, comment l’on expliquera les décisions et comment l’on tracera des perspectives susceptibles de recueillir l’assentiment des Français.
Mais comment mettre en accord votre discours avec votre pratique lorsque, par exemple, vous proclamez qu’il ne sera pas possible d’accroître la charge de la caisse d’amortissement de la dette sociale sans créer au même moment des recettes équivalentes, et que vous passez outre à la règle ainsi à peine posée ?
Comment mettre en accord votre discours et celui de votre prédécesseur avec la pratique dont Nicole Bricq présentera les détails et qui a consisté à profiter d’une loi de finances rectificative pour augmenter encore les charges et accroître les cadeaux consentis à ceux qui en ont le moins besoin ?
La Cour des comptes a établi que le déficit public résultait pour deux tiers de raisons structurelles, pour un tiers de raisons liées à la crise. Deux tiers, un tiers, telle est la situation.
Je reviendrai tout à l’heure, monsieur le président de la commission des lois, sur l’immense effort que vous avez fait en acceptant un adverbe…
Pour l’heure, mon temps s’épuise. Le président de séance va sans doute, en toute rigueur, me contraindre à conclure mon propos, …dans l’heure qui vient !
Rires.
Je veux encore vous dire, madame la ministre, que quelque chose nous sépare, et ce n’est pas choquant dans une démocratie : c’est une conception, une stratégie politiques et la vision d’un objectif pour la France.
Notre ambition, que vous pouvez critiquer – c’est toujours la démocratie –, est de partager l’effort, d’être plus attentifs à ceux qui en ont le plus besoin et de faire porter particulièrement l’effort sur les niches fiscales que vous avez créées, parfois avec une précision remarquable : peut-être la « niche Copé » est-elle un sujet sur lequel nous pourrions réfléchir et progresser…
Dans la suite du débat, nous aurons l’occasion de poursuivre nos échanges et de nous répondre ; pour l’instant, je m’en tiens là, monsieur le président.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi constitutionnelle qui nous est aujourd’hui soumis en deuxième lecture prévoit d’introduire dans la Constitution une série de dispositions qui sont de nature à modifier en profondeur la gouvernance de nos finances publiques.
Plus exactement, ce texte vise à consacrer la fameuse « règle d’or » budgétaire chère à plusieurs membres éminents de notre assemblée : celle-ci consiste à inscrire dans la loi fondamentale, notre Constitution, le principe du retour à l’équilibre des comptes publics.
Il est envisagé de résoudre le problème des déficits par un encadrement plus strict, voire plus coercitif, des pouvoirs du Parlement dans les domaines budgétaire et fiscal, ainsi que pour ce qui a trait au financement de la sécurité sociale.
Le présent projet de loi constitutionnelle représente au même moment une forme de remise en cause des principes essentiels de la démocratie représentative.
En premier lieu, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, il modifie substantiellement l’article 34 de la Constitution en prévoyant que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale pourront seules fixer les règles « concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ». Il prévoit encore que les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.
En d’autres termes, le projet de loi constitutionnelle tend à restreindre aux seuls textes énumérés dans son article 1er l’usage de leur pouvoir d’amendement par les parlementaires. Or le cas se présentera au plus deux ou trois fois par an, en fonction d’un calendrier fixé par le Gouvernement.
Ainsi, le projet de loi constitutionnelle instituerait de facto une forme de tutelle sur la représentation nationale, alors que la réforme constitutionnelle de 2008 avait permis au Parlement de mettre en place des semaines dites d’« initiative parlementaire ».
Ces « niches » réservées au dépôt et à l’examen de propositions de loi sont l’occasion, pour chaque groupe, de faire preuve d’initiative, d’innovation et de créativité dans tous les domaines, sans exclusive. Le présent projet de loi ne nous privera-t-il pas de débats qui sont l’essence même de la démocratie ?
La souveraineté du peuple s’exerce par l’intermédiaire de ses représentants ; il est permis de se demander si le présent projet de loi, en restreignant le droit d’initiative parlementaire, ne lui porte pas directement atteinte.
On nous reproche régulièrement d’être une chambre d’enregistrement de normes communautaires à propos desquelles nous n’aurions pas notre mot à dire – ou si peu. Aujourd’hui, c’est le rôle du Parlement et sa capacité à « contre-proposer » qui sont en question.
Depuis 1958, l’article 40 de la Constitution nous interdit de déposer un amendement qui diminue les recettes de l’État ou augmente ses charges. Or, quoique cet article ait été appliqué avec rigueur, et avec une sévérité croissante depuis 2008, le moins que l’on puisse dire est que les gouvernements, quels qu’ils aient été, n’ont pas eu besoin du Parlement pour faire adopter des budgets en déséquilibre…
En réalité, ce projet de loi constitutionnelle est procédural ; il n’aborde pas suffisamment les questions de fond et ne résoudra pas de manière structurelle les problèmes du déficit et du poids insoutenable de la dette.
Avec ce projet de loi constitutionnelle, on prétend donner de la crédibilité aux textes budgétaires en instaurant une procédure rigide, qui ne tient pas compte des aléas de la vie économique. C’est un pari d’autant plus risqué que de nombreux moyens existent pour corriger les écarts budgétaires au cours de l’exécution.
La constitutionnalisation de la règle d’or budgétaire suffira-t-elle à cacher l’état réel de nos comptes publics ? Nous n’en sommes pas persuadés.
En second lieu, le projet de loi constitutionnelle créé des lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminant les normes d’évolution et les orientations pluriannuelles des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Il prévoit également qu’une loi organique en précise le contenu.
La loi constitutionnelle renvoie à la loi organique, qui renvoie elle-même à la loi-cadre. Avec un programme de stabilité et des engagements européens qui ne nous laissent qu’une faible marge de manœuvre, nous subissons déjà des contraintes suffisamment lourdes sans qu’il soit nécessaire d’ajouter une nouvelle procédure. D’autant plus que le texte ne prévoit aucune coïncidence entre les programmes de stabilité et les lois de finances. Le dispositif risque de rendre plus complexe encore la procédure budgétaire.
La création des lois-cadres d’équilibre des finances publiques pourrait entraîner une très grande rigidité, qui limiterait la capacité du Parlement à voter des réformes d’ampleur de façon autonome.
Permettez-moi de rappeler les termes de l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, [...] par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée ».
La critique que moi-même et mes collègues du Rassemblement démocratique social et européen faisons de ce projet de loi constitutionnelle est donc motivée par une idée simple : c’est la volonté politique, traduite en choix politiques décidés ici même, au Parlement, qui permettra d’atteindre l’équilibre des finances publiques, et non pas une réforme constitutionnelle.
La plupart de mes collègues du RDSE considèrent que la Constitution doit fixer des droits et des normes, qu’elle doit déterminer des règles, non des objectifs politiques, au risque de confondre les règles de fonctionnement de nos institutions avec les choix politiques exprimés par le peuple français lors de la désignation de ses représentants au Parlement.
Il est tout de même étonnant que, en dépit des échecs successifs des différents gouvernements, quels qu’ils soient, dans leurs tentatives pour résorber nos déficits et réduire notre dette, on veuille néanmoins se parer des habits de la vertu budgétaire, et ce d’autant plus que toutes les lois de finances successives se sont appliquées à dégrader, l’une après l’autre, les équilibres des comptes publics adoptés par la loi précédente, au sein même de chaque exercice budgétaire.
Pour conclure, j’indiquerai que les membres du groupe du RDSE maintiendront, pour cette deuxième lecture, la position qu’ils avaient adoptée en première lecture et que, pour ma part, je m’abstiendrai une nouvelle fois.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aujourd’hui, nous examinons à nouveau un projet de loi constitutionnelle dont l’avenir demeure incertain.
Nicolas Sarkozy a tenté de donner des gages aux marchés financiers en proposant d’inscrire dans la Constitution le principe d’une règle d’or répondant aux exigences de la mondialisation financière et s’imposant aux peuples et à leurs représentants durant une période d’au moins trois ans, sans que le pouvoir législatif puisse s’y opposer ni la modifier, même marginalement, au cours de la période concernée.
Le Gouvernement, en particulier par la voix de Michel Mercier, garde des sceaux, a appelé nos concitoyens à la responsabilité. Cette règle d’or, c’est-à-dire l’austérité budgétaire gravée dans le marbre de nos institutions, vise à « responsabiliser » le salarié, le chômeur, le retraité, l’allocataire du revenu de solidarité active, le RSA, autrement dit, à les rendre responsables de la dette, qui a doublé depuis 2002 – 1 800 milliards d’euros au lieu de 900 milliards d’euros –, en exonérant de toute responsabilité les vrais responsables de la crise, à savoir les banques, les financiers, bref, les décideurs économiques qui ont fait le choix d’une politique monétaire tournant le dos à une politique de croissance et de développement industriel, lequel fait aujourd’hui tant défaut à la France.
Nous avons examiné le 14 juin, en première lecture, ce texte constitutionnel sacralisant l’austérité budgétaire, c’est-à-dire la baisse du pouvoir d’achat, la réduction du service public à la portion congrue, soit une semaine avant que soit décidé le scandaleux allégement de l’impôt sur la fortune qui, faut-il le rappeler, se cumule avec le maintien, durant deux ans, du bouclier fiscal.
Madame la ministre, 1, 8 milliard d’euros de recettes en moins ! Pour qui et pour quoi ?
Nous avions assisté auparavant à la mise au pilori, par M. Copé et ses amis, des bénéficiaires du RSA, présentés comme des profiteurs.
Voilà quelques jours, le Gouvernement a décidé l’allongement de la durée des cotisations de retraite, visant, là encore, les salariés plutôt que les actionnaires.
Madame la ministre, on attend toujours des mesures efficaces contre les parachutes dorés, contre les stock-options, contre les rémunérations exorbitantes !
S’agissant des niches fiscales, nous avons maintes fois formulé des propositions visant à procurer un surcroît de recettes, mais, tant du côté de la majorité sénatoriale que du côté du Gouvernement, nous n’avons obtenu aucune réponse.
Ce projet de loi constitutionnelle symbolisait le « deux poids et deux mesures » de la politique de Nicolas Sarkozy : on serre la ceinture du peuple et on remplit le portefeuille des plus riches.
Rires sur certaines travées de l ’ UMP.
Monsieur Fourcade, personne ne peut contester ici que, depuis cinq ans, les inégalités sociales se sont accrues dans notre pays !
Ceux qui veulent ainsi instaurer l’hyper-austérité tentent de faire avaler à notre peuple la même potion amère que celle que boivent actuellement les Grecs, les Portugais ou les Espagnols.
La nomination de M. Draghi à la tête de la Banque centrale européenne souligne la manipulation en cours. Ce financier était responsable, pour l’Europe, de la banque américaine Goldman Sachs, alors que cette dernière corrompait les comptes publics de la Grèce.
Le même homme est maintenant à la tête des marchés financiers européens, alors que, selon nous, il aurait dû être sévèrement sanctionné avec ses comparses – pour ne pas dire ses complices –, en raison de ses lourdes responsabilités dans la crise actuelle.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront une nouvelle fois sans aucune hésitation contre ce projet de loi constitutionnelle instaurant une loi-cadre d’équilibre des finances publiques.
Souriressur les travées de l’UMP.
Je l’ai dit, nous refusons l’intégration dans notre Constitution des règles de l’orthodoxie budgétaire décidée par la Commission européenne.
Nous la refusons d’autant plus que les exonérations fiscales et sociales ne sont pas remises en cause. Il faut tout de même rappeler que 100 milliards d’euros de recettes fiscales manquent du fait de la mansuétude manifestée à l’égard des plus riches.
M. Serge Dassault s’exclame.
Eh oui, mon cher collègue !
Il faut savoir également que, l’an dernier, le montant des exonérations sociales a atteint 173 milliards d’euros !
Voilà, madame la ministre, des possibilités de recettes !
Je pourrais également parler des entreprises du CAC 40 et, parmi elles, de Total, qui ne paie pas d’impôt. Pour reprendre une image que j’ai employée ici même récemment, je dirai que l’épicier du coin paie aujourd’hui plus d’impôt que Total !
Nous refusons cet affichage hypocrite de la vertu budgétaire par le Président de la République, alors que la première mesure qu’il a prise, en juillet 2007, et qui fut votée comme un seul homme par sa majorité, a été d’accorder 10 milliards d’euros aux plus favorisés, avec la trop fameuse loi TEPA, qui comprenait le bouclier fiscal.
La règle d’or de M. Sarkozy, c’est de ne jamais décevoir ses amis, ceux du Fouquet’s et de Davos.
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Nous voterons donc contre ce projet de loi constitutionnelle, car son principe même porte atteinte aux droits du Parlement.
Cela a été dit : comment accepter qu’une majorité engage le Parlement pour trois, cinq ou dix ans, au mépris d’éventuelles évolutions électorales, au mépris de nouveaux choix citoyens ?
En première lecture, Nicole Borvo Cohen-Seat avait souligné la contradiction profonde entre ce texte et des principes fondateurs de la République, comme l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui pose que c’est le peuple et ses représentants qui décident de l’impôt.
Notre collègue avait également rappelé une décision du Conseil constitutionnel de 2001 précisant que la loi de finances votée chaque année était le « cadre privilégié » de l’application de l’article XIV précité.
Personne, ni le rapporteur ni le ministre, n’a daigné répondre à cette forte argumentation.
Le Parlement et les parlementaires n’auront pu exercer, durant cette période d’application de la loi-cadre, leur droit d’initiative, leur droit d’amendement.
Nous avons noté l’attitude de la majorité sénatoriale, qui, à l’exception de la commission des finances, a refusé les excès manifestes du texte initial voté par l’Assemblée nationale.
L’attitude de la majorité sénatoriale est cependant profondément contradictoire, car elle accepte le principe des lois-cadres, qui induit pourtant la réduction des droits des parlementaires.
Pour conclure, je rappelle notre hostilité aux pouvoirs exorbitants conférés par le présent texte au Conseil constitutionnel – texte accepté en grande partie par la majorité sénatoriale –, un Conseil érigé en garant de l’orthodoxie budgétaire et à qui il reviendrait de censurer ou non toute disposition financière au regard de son adéquation aux principes de la loi-cadre.
Faut-il rappeler que le Conseil constitutionnel n’a pas de légitimité démocratique et qu’il ne peut ainsi contraindre le Parlement ?
Le Congrès de Versailles n’aura pas lieu dans l’immédiat, car Nicolas Sarkozy n’a pu rassembler jusqu’à présent les trois cinquièmes des parlementaires derrière son projet antidémocratique. C’est une bonne chose pour que subsiste encore une parcelle de souveraineté populaire en matière budgétaire.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne voterons pas ce projet de loi constitutionnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mes chers collègues, comme vous nous l’avez rappelé, madame la ministre, c’est l’insuffisante maîtrise de nos comptes publics, notamment en période de croissance, qui a conduit aux déséquilibres budgétaires actuels.
C’est la raison pour laquelle vous vous êtes engagée – et nous avec vous – à inscrire dans la Constitution une « règle d’or » qui interdirait tout déficit budgétaire en dehors des investissements.
Nos partenaires européens attendent beaucoup de la France en la matière.
Nous le savons tous, notre pays souffre d’un problème structurel pour maîtriser ses comptes. De fait, la crise a fait exploser notre déficit budgétaire et notre dette publique. Or la maîtrise de notre endettement et le retour à l’équilibre de nos finances publiques ne sont pas seulement une nécessité économique ; ils constituent un impératif si nous voulons préserver notre liberté de choix pour la préparation de l’avenir, pour protéger notre modèle social et garantir notre souveraineté.
Cette situation appelle donc un renforcement de la gouvernance de nos finances publiques. Mais cela ne doit pas se faire dans n’importe quel sens. C’est pourquoi, d’ailleurs, le Sénat avait été le lieu de débats passionnés en première lecture.
Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques, Jean-Jacques Hyest les a brillamment rappelés. Néanmoins, je voudrais redire notre attachement à la discussion parlementaire, à la valeur constitutionnelle de l’initiative parlementaire, notamment depuis la réforme constitutionnelle de 2008.
Alors qu’un accord est intervenu sur le cœur de la réforme, à savoir les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, un désaccord subsiste entre le Sénat et l’Assemblée nationale à la suite du rétablissement par celle-ci, en deuxième lecture, du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.
La Haute Assemblée a suivi la position de la commission des lois et a souhaité préserver le droit d’initiative des parlementaires et la possibilité pour les commissions permanentes d’examiner de façon cohérente les réformes de grande ampleur.
C’est pourquoi le groupe UMP soutient la démarche engagée par la commission des lois et son président-rapporteur, que je tiens à féliciter du travail minutieux qu’il a effectué sur ce texte tellement important pour notre avenir commun.
Oui, le groupe UMP soutiendra cette démarche, car elle permet de préserver l’efficacité de cette réforme telle qu’elle est envisagée, tout en corrigeant ses inconvénients et en privilégiant la cohérence et la sécurité juridique.
Je voudrais d’ailleurs renouveler le vœu que notre collègue Patrice Gélard avait formulé en première lecture, celui d’une attitude responsable de la Haute Assemblée pour forger un outil qui concilie respect de l’initiative parlementaire et retour à l’équilibre budgétaire.
En conclusion, la règle budgétaire que nous allons adopter, celle du « zéro déficit », sera une affirmation de notre détermination à protéger les Français. C’est pourquoi elle mérite bien son nom de « règle d’or ». Et ceux qui la refusent, refusent, en réalité, de s’astreindre à une discipline, même pour une meilleure protection des Français, ce que je regrette.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en première lecture le groupe socialiste avait répondu négativement aux deux questions essentielles que pose ce projet de loi constitutionnelle : le Gouvernement est-il crédible ? Le Gouvernement est-il sincère ?
Près d’un mois après cet examen du texte par le Sénat, le 14 juin, aucune raison d’infléchir cette position n’est apparue, bien au contraire : nous avons examiné entre-temps une série de lois financières et leur bilan est assez dur au regard de la règle que vous souhaitez imposer.
Mais, monsieur le président Hyest, vous ne niez pas avoir voté ces textes !
Nous avons examiné la loi de règlement des comptes pour l’année 2010 ; à ce titre, nous avons pu constater que le coût de la réforme de la taxe professionnelle était plus de deux fois supérieur à celui qui avait été annoncé en 2009, et qu’il n’était d’ailleurs pas compensé par des recettes équivalentes, puisque la taxe carbone est morte aussitôt que née.
Nous avons pu également constater que le surplus de recettes fiscales lié à la reprise économique en 2010 était amputé de plus d’un tiers par les coûts supplémentaires engendrés par la funeste loi TEPA et la baisse de la TVA dans la restauration.
Nous avons relevé que, hors plan de relance, les dépenses fiscales avaient augmenté de 2, 5 milliards d’euros – il s’agit des fameuses niches, qui croissent et se multiplient ! – et que la règle de gage des dépenses fiscales prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 n’était pas respectée.
Dès lors, comment vous ferions-nous confiance en 2011, qui plus est à la veille d’une échéance capitale pour les cinq années à venir ?
Le débat d’orientation budgétaire ne nous a pas rassurés davantage sur votre volonté de vous attaquer énergiquement aux dépenses fiscales qui grèvent notre fiscalité.
Madame la ministre, dans l’entretien que vous avez accordé à un journal dominical, vous avez annoncé que le Parlement aurait connaissance, à la fin du mois de juillet, du rapport de l’Inspection générale des finances relatif à l’évaluation des dépenses fiscales – comme quoi, il est utile de lire le journal : je vous avais posé la question la semaine dernière, mais vous n’aviez pas daigné répondre…
Ce travail sera certainement très utile. En outre, il nous permettra de tester votre volonté d’agir sur les recettes de l’État en 2012.
Pour l’heure, vous n’agissez que sur les dépenses, et encore ! En 2010, vous n’avez respecté la norme « zéro volume » qu’au prix des nombreux arrangements ; nous les avons énumérés la semaine dernière.
Faut-il ajouter que les deux lois de finances rectificatives votées les jours derniers amputent les recettes prévues par la loi de finances pour 2011 et pèseront sur l’exercice budgétaire 2012 ? Il s’agit de l’allégement de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, et de la prime pour le partage de la valeur ajoutée.
Quant à la trajectoire budgétaire, qui nous conduirait, selon vous, Gouvernement et majorité, à passer sous la barre des 3 % de déficit en 2014, il s’agit d’un conte de fées. Nous n’y croyons pas plus aujourd’hui qu’il y a un mois, au contraire : en effet, nul ne peut l’ignorer sur ces travées, les perspectives macroéconomiques se sont assombries au cours des dernières semaines - la prudente Banque de France a en effet revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2011 - et les politiques budgétaires restrictives menées en Europe pénalisent la croissance, ce qui fragilise particulièrement la France dont les flux commerciaux sont pour l’essentiel intra-européens. Le déficit du commerce extérieur, qui est catastrophique, pèsera durablement sur nos comptes.
Je ne m’en réjouis pas, bien sûr. Mais, force est de le constater, en un mois, le déficit s’est encore aggravé à la fin du mois de mai, ce que le déblocage des fonds pour soutenir la Grèce n’explique que partiellement. D’ailleurs, la charge de la dette a augmenté avant même que ne prenne effet le relèvement des taux décidé par la Banque centrale européenne.
Dans ce contexte, la règle d’or que vous souhaitez imposer au Parlement est irréaliste. Du reste, les commissions des finances des deux assemblées n’ont pas pris part au consensus que vous invoquez. J’observe que ni le président ni le rapporteur général de la commission des finances du Sénat ne sont présents aujourd’hui. J’ai noté que la commission des finances de l’Assemblée nationale a renoncé à se saisir pour avis du texte en deuxième lecture ; que son président s’est installé dans l’hémicycle et non au banc des commissions ; que son rapporteur général était absent, sans doute – ce n’est qu’une interprétation, mais je la crois juste – pour témoigner sa désapprobation quant à la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce texte.
Ces quatre parlementaires ont participé à la commission Camdessus : ils ne peuvent pas se reconnaître dans l’exercice que vous leur proposez, et je le comprends.
Sur le fond, pour être durable, la solution au problème des dettes souveraines en Europe ne peut qu’être globale, à l’échelle de l’Union européenne. Le dossier est sur la table depuis quelques mois, il a encore été repris le week-end dernier : il s’agit de la mise en place d’une dette européenne et d’obligations européennes. Faudra-t-il attendre que les dirigeants soient à la hauteur, de part et d’autre du Rhin, pour y parvenir ?
D’ici là, les marchés ne nous laisseront aucun répit.
Allez-vous continuer, les uns et les autres, chers collègues, à laisser le président de la Banque centrale européenne faire de la politique à la place des États ? Il le fait à bon escient quand il rachète de la dette souveraine, sans doute à moins bon escient quand il relève les taux directeurs, compte tenu de la faiblesse de la croissance dans la zone euro.
Madame la ministre, de deux choses l’une : soit vous êtes sincère et la règle que vous instituez est non pas d’or mais de plomb, car elle bloquera toute velléité de croissance durable et créatrice d’emplois, …
… soit vous n’êtes pas sincère – c’est mon hypothèse – et vous vous livrez ici à un pur exercice de communication, voire de propagande électorale.
Dans les deux cas, nous refusons votre proposition : la ficelle électorale est trop grosse ! J’ai lu vos interventions hier et ce matin dans la presse. Sachez que le groupe socialiste n’a pas de leçons à recevoir. Nous avons su prendre nos responsabilités en octobre 2008, quand il s’est agi d’apporter le soutien de la nation aux banques et en mai 2009, quand il s’est agi d’apporter le premier soutien à la Grèce.
Quant à la situation, madame la ministre, nous ne la connaissons que trop : voilà dix ans que vous l’aggravez ! Permettez que nos solutions pour y remédier diffèrent des vôtres. Vous souhaitez préempter le débat de 2012, mais vous n’y arriverez pas !
Nous voterons contre ce projet de loi constitutionnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je remercie l’ensemble des orateurs de la majorité qui se sont exprimés.
Le texte que nous examinons aujourd’hui porte non seulement les germes d’une réforme majeure, mais il va également changer notre manière de voir et d’agir. Nous avons un double devoir de vérité et de responsabilité. Aussi ce projet de loi constitutionnelle méritait-il un véritable débat, et je suis très heureuse qu’il ait lieu aujourd’hui.
Monsieur Frimat, madame Bricq, vous affirmez que les règles sont inutiles voire dangereuses.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je vous répondrai d’une phrase : ceux qui refusent les règles, ce sont précisément ceux qui n’ont aucune intention de les respecter !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Si nous souhaitons nous doter de règles, c’est parce que nous nous faisons un devoir de les respecter. Je vais même plus loin : ce sont ces règles qui nous permettront de débattre démocratiquement de nos stratégies.
Monsieur Marsin, selon vous, le projet de loi constitutionnelle bafouerait le droit d’initiative parlementaire… Je vous renvoie à la discussion, sans doute très riche et très intéressante, que nous ne manquerons pas d’avoir sur l’amendement n° 21 présenté par M. Hyest, au nom de la commission.
Monsieur Foucaud, vous contestez la légitimité démocratique du Conseil constitutionnel ; toutefois, vous ne pouvez contester sa légitimité institutionnelle pour contrôler le respect par la loi des normes supérieures.
Quoi qu’il en soit, s’il y a quelque chose qui ne devrait pas faire débat sur ces travées, c’est bien l’objectif de retour à l’équilibre budgétaire. La question qui nous est posée aujourd’hui à tous, membres de la majorité présidentielle et de l’opposition, est la suivante : êtes-vous pour ou contre le retour à l’équilibre ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les « conformes » ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa, les mots : « l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; » sont supprimés ;
2° Au dix-septième alinéa, après le mot : « et », sont insérés les mots : «, sous réserve du vingtième alinéa, » ;
3° Après le dix-neuvième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale fixent les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les principes fondamentaux concernant les autres ressources de la sécurité sociale.
« Les lois-cadres d’équilibre des finances publiques déterminent, pour au moins trois années, les orientations pluriannuelles, les normes d’évolution et les règles de gestion des finances publiques, en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. Elles fixent, pour chaque année, un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes qui s’imposent globalement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elles ne peuvent être modifiées en cours d’exécution que dans les conditions prévues par une loi organique. Une loi organique précise le contenu des lois-cadres d’équilibre des finances publiques et peut déterminer celles de leurs dispositions, autres que celles prévues à la deuxième phrase du présent alinéa, qui s’imposent aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Elle définit les conditions dans lesquelles sont compensés les écarts constatés lors de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale. » ;
4° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 14 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 19 rectifié est présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Bernard Frimat. Madame la ministre, j’ai été frappé par le caractère éminemment détaillé, riche, intéressant de votre réponse aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale !
Sourires.
Nous souhaitons la suppression de l’article 1er, qui est au cœur de ce projet de loi constitutionnelle ; les articles suivants en tirent un certain nombre de conséquences logiques qui seront sans doute traitées très rapidement.
Où en sommes-nous ? La rédaction de l’article 1er a évolué : nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion de l’amendement n° 21 déposé au nom de la commission des lois par M. Hyest. Dans l’état actuel du texte, les lois-cadres d’équilibre des finances publiques et le monopole sont réintroduits.
Chers collègues de la majorité, reconnaissez notre effort, puisque nous allons au-delà de vos désirs en proposant la suppression du monopole à laquelle il vous a fallu tant de temps pour vous rallier et la proposer vous-mêmes aujourd’hui : voilà un premier point qui a donc cessé de nous opposer.
Il reste cependant les lois-cadres. La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit à l’article 34 de la Constitution les « lois de programmation », que vous souhaitez remplacer par des « lois-cadres ». À mon sens, il s’agit d’une erreur, non pas, madame la ministre, parce que nous refusons toute règle, mais parce que les règles que l’on se contente de poser sans les respecter sont d’un intérêt limité. Nicole Bricq a suffisamment souligné l’écart existant en la matière entre votre discours et votre pratique. Ce ne sont pas les mêmes qui ont présenté la loi de règlement et qui, aujourd’hui, défendent la règle plaqué or que vous essayez de consacrer.
Nous nous opposons à cette mécanique dont nous ignorons tous les tenants et les aboutissants, dans la mesure où nous ne connaissons pas la loi organique. Nous nous opposons à une mécanique qui confère au Conseil constitutionnel un rôle qui n’est pas le sien en l’obligeant à se prononcer sur la validité de vos hypothèses macroéconomiques et de croissance, lorsque vous présenterez la loi de finances initiale.
Pour nous, la solution réside non pas dans une révision constitutionnelle, mais dans l’adoption d’une stratégie politique.
Vous souhaitez adopter cet article pour vous protéger de vos propres errements : si vous n’arrivez pas à vous gouverner, ne prétendez pas gouverner les autres !
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 14.
Madame la ministre, quand vous posez la question : « Êtes-vous pour ou contre l’équilibre budgétaire ? », vous vous adressez sans doute à vous-même et à votre majorité : vous l’avez si mal respecté depuis dix ans ! Il serait plus politique de demander : « Comment ? » Or, pour ce qui vous concerne, nous connaissons vos recettes...
Si nous avons déposé cet amendement de suppression, c’est parce que nous rejetons totalement l’inscription d’un carcan budgétaire dans la Constitution.
Nous sommes tout à fait cohérents : en effet, nous nous sommes opposés à cette disposition lors du vote du traité constitutionnel européen que notre peuple a rejeté, vous le savez, même si vous vous êtes acharnés à faire ratifier ce texte malgré tout, comme l’ont fait, du reste, l’ensemble des pays de l’Union.
La Constitution ne peut pas déterminer la politique économique d’un pays : ce n’est pas son rôle ! Certes, il a pu en être ainsi dans d’autre pays, par exemple en Union soviétique, mais pour notre part nous nous y sommes opposés lors du référendum sur le traité constitutionnel européen, et nous nous y opposons encore aujourd’hui à l’occasion de l’examen de ce projet de loi visant à la constitutionnalisation de ce que vous appelez, fort mal à propos, la règle d’or.
La politique économique et budgétaire relève de la souveraineté populaire et peut varier en fonction des choix politiques. Or si cette constitutionnalisation était adoptée, une nouvelle majorité serait contrainte de conduire la même politique que celle qui l’a précédée !
Cela va à l’encontre de la souveraineté du peuple, dont nous ne sommes que les représentants. Vous la bafouez, de même que vous bafouez les droits du Parlement, puisque vous lui enjoignez en quelque sorte de suivre la même politique durant les trois prochaines années. On ne peut ainsi aliéner la souveraineté populaire !
La souveraineté du peuple, c’est l’équilibre ! Ne dites pas n’importe quoi !
Si le peuple souhaite que ses représentants votent des recettes supplémentaires, ceux-ci doivent pouvoir le faire, cher collègue !
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.
La parole est à M. Daniel Marsin, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
La règle d’or est une disposition constitutionnelle d’équilibre des finances publiques, devant s’imposer aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. La supprimer reviendrait à annuler l’ensemble du texte. Je rappelle qu’un dispositif analogue a été adopté par de nombreux parlements et figure notamment dans la loi fondamentale allemande, tandis que le Royaume-Uni s’engage actuellement dans cette voie.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements.
Je reviendrai tout à l’heure sur la question du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires, lorsque je présenterai un amendement tendant à dissocier la règle d’or de ce monopole.
Pas du tout ! Je pense simplement que ce sont deux questions différentes.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces trois amendements tendant à supprimer le cœur de la réforme proposée par le Gouvernement ne peuvent que m’inspirer un sentiment de profonde incompréhension. Permettez-moi de vous dire franchement, et au risque de vous choquer, que je les trouve irresponsables !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cette réforme est directement issue des conclusions du groupe de travail présidé par Michel Camdessus et auquel ont participé, notamment, les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Au-delà de l’exigence de mettre en œuvre une réforme constitutionnelle en vue de donner une portée effective à l’objectif d’équilibre, ces travaux ont conclu à la nécessité d’instaurer un nouveau dispositif, celui-là même que le Gouvernement vous a proposé, et dont le cœur est constitué des lois-cadres d’équilibre des finances publiques.
Le retour à l’équilibre des comptes publics est un impératif admis aujourd’hui par tous, sauf par ceux qui veulent continuer à se bercer d’illusions et à vivre dans la facilité de la dépense publique !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Le nombre des pays qui ont pris conscience de cette nécessité et se sont dotés de règles contraignantes à cet égard est ainsi passé de sept à quatre-vingt-dix au cours des vingt dernières années. En Allemagne, c’est le ministre social-démocrate des finances, Peer Steinbrück, qui en a pris l’initiative.
Regarder la vérité en face, c’est reconnaître que, collectivement, nous avons échoué depuis des années à supprimer les déficits.
Cela ne devrait pas être un sujet de clivage entre la majorité et l’opposition, puisqu’il ne s’agit que d’un constat. Cette situation résulte non pas de l’existence de règles trop nombreuses, mais au contraire de l’absence de règle supérieure réellement contraignante.
Je trouve cela très grave, et même inquiétant pour l’avenir !
J’ajoute que vous ne pouvez pas vous retrancher derrière de prétendues imperfections techniques de ce projet de loi constitutionnelle, dans la mesure où vous proposez la suppression pure et simple de cette réforme.
Vous ne pouvez pas non plus prétendre que le texte ne va pas assez loin, car vous n’avez jamais fait de propositions qui auraient permis de le rendre plus ambitieux ou plus exigeant.
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ces amendements de suppression prouvent que vous n’avez pas pris la mesure des enjeux qui s’attachent au retour à l’équilibre, ni compris le caractère impératif de celui-ci. Quelle déception, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, de vous voir faire de la petite politique, là où il faut en faire de la grande !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vous avez pourtant su, madame Bricq, en d’autres circonstances, au cœur de la crise, dépasser les clivages partisans, au nom de l’intérêt général.
Aujourd’hui, nous discutons d’un texte qui engage l’avenir de notre pays ; l’union nationale devrait être de mise, comme cela a été le cas en Allemagne.
Je vous le dis avec une certaine gravité : vous vous apprêtez aujourd’hui à voter contre la jeunesse de notre pays.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Nous avons l’habitude, dans cet hémicycle, d’une certaine courtoisie, dont nul n’est dispensé, même pas les membres du Gouvernement.
Je n’admets pas que vous nous traitiez d’irresponsables, madame la ministre : ce sont vos propos qui sont irresponsables !
Vous substituez au raisonnement la caricature. J’ai été surpris qu’au terme de la lecture de vos feuillets vous n’entonniez pas La Marseillaise ni nerendiez hommage au guide suprême qui inspire vos pensées et auquel nous devons ce projet de loi…
Nos conceptions divergent : c’est simple à comprendre ! Vous ne détenez pas la vérité !
L’équilibre des finances publiques est un élément économique qui a son importance, mais qui, en certaines circonstances, doit être dépassé : c’est ce que vous nous disiez au moment de lancer le grand emprunt. Je ne vais pas délivrer ici un cours sur le keynésianisme, car nous avons mieux à faire, mais l’équilibre budgétaire n’est pas sacré en soi ; il existe des équilibres de sous-emploi. Au demeurant, pratiquer une politique de déficit systématique, comme vous l’avez fait en battant des records, n’est pas non plus une bonne chose. Or vous nous donnez doctement des leçons de morale, comme si vous déteniez la vérité.
Vous pensez à nos enfants, dites-vous. Que n’y avez-vous pensé plus tôt, en mettant en œuvre, au travers des budgets qui ont été votés par votre majorité, les merveilleux discours que vous nous infligez aujourd’hui ? Que je sache, la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration n’a pas suscité un enthousiasme général parmi vos partisans. Les niches fiscales que vous avez patiemment construites sont destinées à servir ceux qui en ont le moins besoin, et non à stimuler le dynamisme de notre économie. §
Nous sommes en désaccord ; ce n’est pas un drame ! Épargnez-nous vos leçons de morale, cessez de nous dire, la main sur le cœur, que l’heure est grave et qu’il faut déclarer l’union sacrée ! Bien sûr, la situation est grave, mais c’est vous qui l’avez créée ! Il est un fait que vous rappelez rarement, madame la ministre : depuis 2002, la dette a doublé. Je suppose que cela n’a pas échappé à votre vigilance !
Assumez votre responsabilité dans ce doublement de la dette, qui nous a conduits dans une situation d’une gravité telle que vous en appelez maintenant à l’union nationale ! Or pour nous, madame la ministre, l’union nationale ne saurait se faire autour d’une politique toujours plus dure envers les plus faibles, menant à la dégradation du service public, seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas, et ayant pour vocation essentielle, in fine, de servir ceux qui vous soutiennent !
Madame la ministre, je sais de quoi je parle en matière d’économie et de finances publiques.
Tout ce que nous vous demandons, c’est d’assumer le bilan de la politique suivie par les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans.
Nous sommes à égalité dans ce débat, et nous ne méritons pas le mépris dont vous faites preuve à notre endroit ! Pour notre part, nous respectons les fonctions qui sont les vôtres.
Le bilan de ces dix dernières années est le suivant : six millions de pauvres, un chômage de masse persistant, une dette publique doublée, de multiples dépenses fiscales non compensées par des recettes, ces dernières ayant même été réduites plus qu’aucun gouvernement ne l’avait fait auparavant. Cette réalité, vous semblez l’ignorer quand vous soumettez à Bruxelles une trajectoire budgétaire irréaliste, qualifiée d’« optimiste » par la Commission européenne.
Dans les années quatre-vingt-dix, vous le savez très bien, c’est le gouvernement Balladur qui a alourdi la dette, et c’est le gouvernement Jospin qui a remis les finances publiques en ordre.
Vives exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Les faits sont là, mes chers collègues ! Au moins, vous voilà réveillés !
Comme l’a dit le ministre des transports à propos des 35 heures, il faut mettre fin à la guerre de Cent Ans ! Les Français jugeront notre projet en avril et en mai 2012.
S’ils décident alors, comme nous l’espérons, de nous confier la responsabilité de conduire le pays, il nous reviendra, dans les cinq années de la nouvelle législature, de doser notre action, en matière de finances publiques, entre réduction des déficits et soutien à la croissance.
Le contexte économique nous obligera à agir de manière responsable et réaliste, mais aucune règle, fût-elle constitutionnelle, ne saurait constituer une garantie à cet égard. Cela incombe à l’action politique. Sinon, à quoi sert la démocratie ? Il suffit de s’en remettre à l’appareil administratif et à la technocratie, voire aux agences de notation, dont on connaît les méfaits. Ce n’est pas ce que nous proposons ; nous voulons que la politique reste au cœur de la définition des solutions pour notre pays. Voilà ce qui nous sépare, chers collègues de la majorité : nous n’avons pas la même conception de la responsabilité politique.
Les effets de tribune ne suffisent pas, madame la ministre. Nous ne sommes pas dans un meeting électoral, nous sommes au Sénat ! Pour notre part, nous prenons nos responsabilités en demandant la suppression de l’article 1er de ce projet de loi constitutionnelle. Que vous le vouliez ou non, il y a une gauche et une droite, et les Français trancheront !
Nous ne saurions accepter que l’on nous traite avec mépris, ni que l’on nous donne des leçons !
Comment peut-on décider de fixer dans la Constitution les principes de la politique économique et budgétaire du pays ? Ce n’est pas possible ! Les atermoiements auxquels nous assistons à propos du monopole fiscal des lois financières et des lois-cadres me confortent d’ailleurs dans cette conviction.
Au lieu de justifier votre position, vous attaquez l’opposition. C’est de bonne guerre, me direz-vous, mais ce n’est pas ainsi que l’on parviendra à un accord sur un projet en vue de revenir à l’équilibre budgétaire, objectif unanimement partagé. Or nous ne saurions souscrire à une politique budgétaire qui fait tout pour les riches et rien pour les plus modestes. Nous ne pouvons approuver les moyens auxquels vous recourez pour réduire un déficit budgétaire que vous et vos amis avez vous-mêmes creusé.
S’il vous plaît, respectez les parlementaires de l’opposition !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéas 4 et 5
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
3° Après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
L’instauration de la règle d’or n’exige pas celle d’un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Je rappelle que tel était le point de vue de la commission des lois de l’Assemblée nationale et qu’un monopole différé existe déjà dans les faits, au travers du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel.
L’institution du monopole fiscal des lois financières présenterait l’inconvénient de limiter l’initiative parlementaire et, s’agissant plus particulièrement du Sénat, la mise en œuvre des dispositions des articles 72-2 et 39 de la Constitution.
Dans cette perspective, il me paraît possible de trouver un accord avec l’Assemblée nationale, d’autant que le Gouvernement a su être à l’écoute du Parlement. Il ne me paraît pas justifié d’ajouter à la règle d’or, telle qu’elle a été aménagée et renforcée par les deux assemblées, le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires.
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Au début, insérer les mots :
Nonobstant le droit d'initiative conféré aux membres du Parlement sur tous les projets de loi et les propositions de loi en vertu des articles 39 alinéa 1er et 44 alinéa 1er,
La parole est à M. Daniel Marsin.
Cet amendement de repli tend à protéger le droit d'initiative parlementaire, en prévoyant que, en dehors du monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale prévu à l’article 1er, les parlementaires garderont toutes leurs prérogatives en matière de dépôt d’amendements et de propositions de loi.
Il s’agit de sauvegarder les acquis de la réforme constitutionnelle de 2008, s’agissant notamment des niches parlementaires, occasions d’initiatives et de débats indispensables au bon fonctionnement démocratique de nos institutions.
Cet amendement est largement satisfait par celui de la commission, qui va bien au-delà.
Sur ce sujet, qui a déjà été amplement débattu, le Gouvernement considère que réserver la matière fiscale aux lois financières est la meilleure manière d’assurer le respect de nos engagements en termes de finances publiques.
Tout d’abord, cela évitera la dispersion, entre de trop nombreux textes de loi, de mesures touchant aux prélèvements obligatoires, dispersion qui favorise la multiplication des niches fiscales et sociales.
Ensuite, cela permettra de mettre en évidence l’incidence globale de ces dispositions sur le déficit public.
Pour autant, le Gouvernement a entendu les préoccupations exprimées par la Haute Assemblée, ainsi que par l’Assemblée nationale.
Ainsi, nous avons pris toute la mesure de vos inquiétudes quant aux conséquences de l’application de cette règle sur l’exercice du droit d’initiative parlementaire, lequel est garanti par la Constitution.
Nous avons également vu – M. Hyest, tout particulièrement, avait attiré notre attention sur ce point – les possibles incohérences entre l’application d’une telle règle et les dispositions de l’article 72-2 de la Constitution, qui dispose en effet qu’un texte de loi créant de nouvelles compétences pour les collectivités territoriales doit prévoir une compensation financière intégrale. Je sais l’attachement du Sénat à ce dispositif.
Enfin, nous avons compris l’importance que revêtait, pour chacune des commissions du Sénat, l’exercice plein et entier de ses prérogatives, y compris en matière financière.
Monsieur le président Hyest, madame la présidente Dini, monsieur le président Emorine, je vous le redis : nous vous avons entendus.
La force et la pertinence de tous ces arguments qui, je tiens à le souligner, s’enracinent profondément dans nos équilibres constitutionnels conduisent le Gouvernement à s’en remettre sur ce sujet à la sagesse du Sénat.
En conclusion, j’évoquerai deux points qui me paraissent essentiels.
En premier lieu, je suis très heureuse de constater que le cœur de la réforme fait désormais l’objet d’un large consensus entre les deux assemblées. Inscrire le principe de l’équilibre des finances publiques dans la Constitution et se donner les moyens d’atteindre cet objectif, voilà ce qui nous réunit aujourd'hui, au moins au sein de la majorité.
Ce même souci de vertu budgétaire interdit au Gouvernement, de son côté, de se désintéresser des modalités d’examen des dispositions financières et sociales par le Parlement. Le Gouvernement continuera donc de s’appliquer à lui-même la règle qui a été fixée par le Premier ministre en juin 2010 : les ministres ne pourront présenter de dispositions fiscales en dehors des textes financiers. La ministre du budget que je suis veillera bien entendu scrupuleusement au respect de cette règle ; je suis sûre que les parlementaires m’y aideront !
En résumé, le monopole s’appliquera aux projets de loi.
En second lieu, s’agissant des textes et des amendements d’initiative parlementaire, il revient évidemment aux chambres de s’autoréguler. Nous partageons la même volonté d’inscrire la vertu budgétaire dans la Constitution, ainsi que, j’en suis certaine, celle de donner toute sa portée à ce principe. C’est dans cet esprit que l’Assemblée nationale et le Sénat pourraient réfléchir ensemble, dans le respect de leurs prérogatives constitutionnelles, aux modalités d’application de l’article 40 de la Constitution en matière de recettes. Je sais que M. le président Arthuis a beaucoup travaillé sur ce sujet, en associant à sa réflexion l’ensemble des commissions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez ouvert ce chantier ; il me semble crucial de le poursuivre, afin que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif contribuent ensemble à donner leur pleine mesure aux règles que nous allons inscrire dans notre Constitution. En effet, la France ne peut pas attendre pour se doter des règles nouvelles et s’engager résolument vers le retour à l’équilibre des finances publiques.
C’est donc dans un esprit tout à fait constructif que je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement de la commission, dont l’adoption rendra sans objet celui qu’a présenté M. Marsin.
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission de la culture, sur l’amendement n° 21.
Je souhaite apporter mon soutien, au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à l’amendement n° 21.
Lors de la première lecture de ce projet de loi constitutionnelle, le président Jacques Legendre s’était opposé, à l’instar de M. Emorine, à la rédaction de l’article 1er issue des travaux de l’Assemblée nationale. Plusieurs membres du bureau de la commission de la culture avaient d’ailleurs déposé un amendement similaire à celui que nous examinons, qui avait été cosigné par notre collègue Jean-Léonce Dupont. En effet, l’institution d’un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires nous semblait à nous aussi inacceptable.
Le débat a été fructueux, puisqu’il nous a permis de progresser sur ce point. La suppression du monopole en question nous donne toute satisfaction.
Les commissions doivent pouvoir exercer pleinement leurs responsabilités. Cela les amène d’ailleurs parfois à trouver des recettes nouvelles pour l’État, comme ce fut le cas lors de l’élaboration de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ou de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME.
En qualité maintenant de membre du groupe de l’Union centriste, je souligne la satisfaction d’une majorité de mes collègues, qui, par la voix d’Hervé Maurey, s’étaient eux aussi inquiétés, lors de la discussion générale en première lecture, de l’instauration éventuelle d’un monopole fiscal des lois financières.
La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote sur l’amendement n° 21.
Je tiens à remercier M. Hyest d’avoir de nouveau déposé cet amendement, alors que nos collègues de l’Assemblée nationale s’en sont tenus à leur première version.
Madame la ministre, c’est en ma qualité de très ancien membre de la commission des finances que je soutiens l’amendement de M. Hyest.
Nous allons être obligés, dans les années qui viennent, de revoir les bases de la fiscalité locale, ainsi que les recettes de la sécurité sociale.
Si l’on adopte la thèse de l’Assemblée nationale, les dispositions correspondantes devront figurer dans un projet de loi de finances, qui sera déposé en premier sur le bureau de l’Assemblée nationale et ne fera l’objet que d’un seul examen dans chaque chambre.
En revanche, si nous retenons la proposition de M. Hyest, les textes relatifs à la fiscalité des collectivités locales seront d’abord examinés par le Sénat, comme le prévoit la Constitution, et donneront lieu à deux lectures dans chacune des assemblées. Ensuite, les dispositions fiscales que nous aurons adoptées n’entreront en vigueur que si elles sont approuvées par une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale.
J’aurais préféré, pour ma part, que l’on parle de « validation » plutôt que d’« approbation », cette dernière notion semblant marquer une supériorité de la loi de finances sur la loi ordinaire. Cela étant, ce n’est pas un point essentiel.
À mes yeux, l’amendement de la commission des lois permettra d’assurer le respect de l’initiative parlementaire et de sauvegarder les prérogatives du Sénat. Le temps que nous avons consacré à la réforme de la taxe professionnelle, par exemple, témoigne du sérieux et de la profondeur de notre travail.
Si nous adoptons le texte qui nous est soumis, cela ne sera plus possible à l’avenir : le Gouvernement sera obligé d’inscrire toute disposition tendant à modifier la fiscalité dans une loi financière et chacun pourra ainsi mesurer son incidence sur l’équilibre des comptes publics ; je m’en félicite.
En conclusion, je pense que tous les sénateurs ici présents voteront cet amendement. Madame le ministre, je vous remercie de ne pas vous y être opposée et d’avoir indiqué que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat : cette sagesse va maintenant s’exprimer !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
J’avoue ne plus très bien comprendre…
En effet, l’argumentaire de M. Fourcade, brillant au demeurant, était parfaitement adapté à l’amendement n° 5, que M. Hyest avait présenté en commission voilà huit jours, mais qui a été retiré avant la séance publique. La commission des lois ne prévoit désormais plus de ratification des mesures fiscales par une loi de finances ultérieure.
En fait, l’immense progrès que vous saluez consiste en un retour au statu quo ante, à l’issue d’un pas de deux entre l’Assemblée nationale et le Sénat – soit dit sans vouloir me mêler des problèmes de famille de la majorité…
L’adoption du présent amendement de M. Hyest empêchera simplement l’introduction d’un monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière fiscale. En revanche, le dispositif relatif aux lois-cadres d’équilibre des finances publiques sera maintenu, et c’est pourquoi nous ne voterons pas cet amendement.
En conséquence, s’agissant du monopole, rien n’aura changé par rapport à ce qui existe aujourd’hui. D’ailleurs, Mme la ministre l’a confirmé en expliquant que si le Gouvernement s’obligerait, de son propre chef, à ne présenter de mesures fiscales que dans des projets de loi de finances ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale, tout resterait ouvert pour les propositions de loi.
Je veux bien saluer les progrès quand il en existe, mais, en l’occurrence, chers collègues de la majorité, vous nous chantez, comme dans une opérette, « marchons, marchons ! » tout en restant sur place… Cela étant, nous sommes nous aussi opposés à l’instauration d’un monopole fiscal des lois financières et souhaitons que les parlementaires conservent la plénitude de leurs prérogatives.
Sur un autre plan, qui n’est pas totalement anodin, notamment aux yeux du rapporteur général de la commission des finances, je relève, monsieur le président de la commission des lois, que vous avez failli à votre haine des adverbes dans les textes de loi en acceptant le terme « globalement », apport sémantique de M. Warsmann. C’est la clé de l’accord !
Je conclurai sur une boutade, qui me donnera l’occasion d’évoquer la mémoire de M. Dreyfus-Schmidt. Notre ancien collègue, qui a souvent animé les débats sur les révisions constitutionnelles, aimait citer cette formule de Clemenceau : « Si je vois un adjectif dans le texte, je le barre ; si j’y vois un adverbe, je le mets au panier. » Que ne l’avez-vous fait, monsieur Hyest !
Sourires.
Tout ça pour ça : un retour au statu quo ante ! Souffrez que nous ne nous associions pas à ce qui n’est qu’une marche sur place, une confirmation de ce qui existe, assortie d’élans lyriques voulant faire croire à un progrès.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 20 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
L'article 1er est adopté.
Au premier alinéa de l’article 41 de la Constitution, les mots : « ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 » sont remplacés par les mots : «, est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38 ou est contraire au vingtième alinéa de l’article 34 ou au deuxième ou au quatrième alinéa de l’article 72-2 ».
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 15 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 2.
C’est un amendement de conséquence, la suppression du monopole entraînant celle des articles 2 bis et 9 bis, dont le dispositif d’irrecevabilité-inconstitutionnalité me semblait d’ailleurs assez bizarre, sinon baroque…
La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 6.
Dès la première lecture, nous étions d’accord sur le fait qu’il convenait de supprimer ce qui n’était qu’une scorie, un bricolage tendant à permettre au Parlement de discuter, avant de soulever l’irrecevabilité ou de saisir le Conseil constitutionnel.
Cela prouve à Mme la ministre que nous savons nous retrouver sur des questions de bon sens et que, quand nous divergeons, c’est parce que, fondamentalement et politiquement, nous ne sommes pas d’accord.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 15.
Le débat sur cet article en première lecture a été très intéressant. Vous êtes bien obligés, aujourd’hui, de reconnaître qu’il ne faut pas trop jouer avec les questions de constitutionnalité. Dont acte !
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Les amendements sont adoptés.
(Supprimé)
L’article 61 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « organiques », sont insérés les mots : « et les lois-cadres d’équilibre des finances publiques » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la loi-cadre d’équilibre des finances publiques.
« Le Conseil constitutionnel examine conjointement, avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle elles ont été adoptées, la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale fixant les ressources et les charges d’un exercice. » ;
3° Au début de la première phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « Dans les cas prévus aux deux alinéas précédents, » sont remplacés par les mots : « Sauf dans le cas prévu à l’alinéa précédent, » ;
4° Au début du dernier alinéa, les mots : « Dans ces mêmes cas, » sont supprimés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 16 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 11.
Il s’agit d’un amendement de cohérence avec notre refus des lois-cadres. Dès lors que l’article 1er a été adopté, il n’a plus d’objet.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 16.
Cet amendement n’a plus d’objet, mais je voudrais exposer les motifs qui nous ont amenés à le déposer.
Le Conseil constitutionnel a beaucoup de pouvoir, mais sa légitimité démocratique est faible. Dans un régime qui se veut démocratique, où la souveraineté du peuple prévaut, il est extraordinaire que neuf juges et les anciens présidents de la République, membres à vie – anomalie que vous avez voulu perpétuer ! –, puissent remettre en cause les choix du Parlement.
L'article 9 est adopté.
Après l’article 61-1 de la Constitution, il est inséré un article 61-2 ainsi rédigé :
« Art. 61 -2. – Lorsqu’il est saisi d’une loi autre que celles mentionnées au vingtième alinéa de l’article 34, dans les conditions prévues à l’article 61, le Conseil constitutionnel vérifie qu’il n'est pas porté atteinte au domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale tel qu’il est défini en application des articles 34, 47 et 47-1. »
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 17 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 3.
La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 7.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 17.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Les amendements sont adoptés.
L’article 72-2 de la Constitution est ainsi modifié :
1° À la fin de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « toutes natures » sont remplacés par les mots : « toute nature » ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « loi », sont insérés les mots : « de finances » ;
3°
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par Mme Bricq, MM. Frimat, Collombat, Yung, Marc, Frécon, Daudigny, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 18 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 23 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 13.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 18.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
Les amendements sont adoptés.
(Conforme)
(pour coordination)
Le vingt et unième alinéa de l’article 34, les articles 39 et 42, les premier, troisième et cinquième alinéas de l’article 47, les premier et troisième alinéas de l’article 47-1 et les articles 48, 49, 61 et 70 de la Constitution, dans leur rédaction résultant de la présente loi constitutionnelle, et l’article 46-1 de la Constitution entrent en vigueur dans les conditions fixées par les lois organiques nécessaires à leur application.
Le 4° de l’article 1er de la présente loi constitutionnelle entre en vigueur dans les mêmes conditions.
L’article 13 ne fait pas l’objet de la deuxième lecture, mais, pour coordination, M. Hyest, au nom de la commission des lois, a déposé l’amendement n° 22, ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
vingt et unième
par le mot :
vingtième
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec la suppression du monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'article 13 est adopté.
Les autres dispositions du projet de loi constitutionnelle ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, je donne la parole à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’inscription dans la Constitution d’une règle d’or d’équilibre des finances publiques est une satisfaction pour la grande majorité des sénateurs du groupe de l’Union centriste. Il aura fallu attendre presque le terme de la législature pour que cette proposition centriste – rendons à César ce qui est à César ! –, formulée dès 2007, aboutisse enfin ; nous regrettons bien sûr que les choses ne soient pas allées plus vite.
Nous sortons d’un cycle législatif principalement marqué par les questions fiscales et budgétaires. Il en ressort que la situation de nos finances publiques est des plus critiques. Notre dette, alimentée par des déficits bien supérieurs à la limite des 3 % du PIB fixée par le pacte de stabilité et de croissance, dépassera manifestement 90 % du PIB dans les années à venir.
L’importance de la dette rogne nos marges de manœuvre budgétaires, son service s’alourdissant d’année en année. Les intérêts de la dette représentent à peu près l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Cette situation est structurellement grave, à l’heure où les dettes souveraines des pays de la zone euro suscitent de lourds mouvements spéculatifs sur les marchés financiers.
La règle d’or suffira-t-elle à rassurer les agences de notation et à éviter la mise en cause de la crédibilité de notre signature ? Au-delà de tout dispositif juridique, notre engagement pour l’assainissement des finances publiques doit nous amener à faire preuve de davantage de responsabilité, en matière tant de dépenses que de recettes.
À ce titre, une large majorité des sénateurs du groupe de l’Union centriste se félicitent de la suppression du monopole fiscal des lois financières. Ce sujet a donné lieu à un débat des plus vifs au sein des commissions permanentes, ainsi qu’entre assemblées, mettant en péril, regrettablement, le consensus obtenu sur la proposition de loi-cadre d’équilibre formulée par le groupe de travail animé par MM. Champsaur et Camdessus.
Le Sénat semble avoir trouvé, à l’occasion de cette deuxième lecture, un équilibre raisonnable entre un effort de responsabilité accru en vue de l’assainissement de nos finances publiques et la préservation des acquis institutionnels de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, notamment au regard de l’initiative parlementaire.
Le Gouvernement et le Parlement doivent maintenant s’atteler à un important travail de hiérarchisation des priorités budgétaires et fiscales, car des lois-cadres ne remplaceront jamais la volonté politique.
Une forte majorité des membres du groupe de l’Union centriste voteront ce projet de loi constitutionnelle, en espérant qu’une majorité suffisamment large se dégagera au Congrès pour l’adopter.
Je conclurai en saluant le travail et l’engagement sur ce texte de la quasi-totalité des commissions permanentes, plus particulièrement ceux de la commission des lois et de son président-rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Il est toujours facile de s’affranchir d’une règle, fût-elle d’or !
Vous avez volontiers fait référence à l’Allemagne, madame la ministre. Or les Allemands se sont affranchis de leur règle constitutionnelle dans la période difficile qu’ils ont connue au début des années 2000. Ils ont également été les premiers à ne pas respecter les règles posées par le pacte de stabilité et de croissance, qui prévoyaient de limiter le déficit à 3 % du PIB et la dette publique à 60 % de celui-ci. Aucune norme ne constitue donc une digue infranchissable !
En outre, il existe une autre manière, plus insidieuse, de s’affranchir de la règle : celle que ce gouvernement a utilisée en débudgétisant le remboursement du grand emprunt, rebaptisé depuis « dépenses d’avenir ». Pourtant, nul ne peut ignorer que cette charge pèsera sur la dette, au sens « maastrichtien » du terme. Il faudra bien en tenir compte. Nos collègues de la majorité se satisfont aujourd’hui de l’abandon d’un monopole des lois de finances et de financement de la sécurité sociale qui aurait contraint l’initiative parlementaire. J’aimerais qu’ils se montrent attentifs à ces débudgétisations d’importance qui vont à l’encontre de l’exercice de leur droit de regard sur les finances publiques.
Vous nous avez appelés à la responsabilité, madame la ministre : nous avons toujours su faire preuve d’esprit de responsabilité dans les temps difficiles. De votre côté, vous ne pouvez vous exonérer de votre responsabilité quant aux résultats de la politique que vous menez depuis dix ans.
Le piège que vous nous tendez est vraiment grossier, quand vous clamez que nous socialistes sommes pour les déficits et contre les efforts demandés dans l’intérêt de la nation !
Il faudra que vous expliquiez, madame la ministre, pourquoi vous et vos amis n’êtes pas parvenus, en dépit d’un accroissement colossal de la dette en dix années, à rendre la France plus compétitive dans la concurrence mondiale, ni à réorienter son appareil productif. Aujourd’hui, tous les indicateurs sont au rouge, y compris celui de la consommation, laquelle est très fragile. Dans ces conditions, nous ne pouvons vous accorder notre confiance.
Il reviendra aux Français de trancher, en 2012, entre les différentes options qui leur seront présentées en termes de stratégie budgétaire et fiscale : la seule règle qui vaille, c’est celle de la démocratie et du suffrage universel !
Lors d’un déplacement, le 30 juin dernier, dans le Lot-et-Garonne, le Président de la République a déclaré que la France ne pouvait pas continuer à vivre au-dessus de ses moyens, et rappelé que nous acquittons chaque année 45 milliards d’euros d’intérêts sur une dette qui s’élève à 1 600 milliards d’euros.
Il s’est interrogé en ces termes : « La carte judiciaire datait de 1958, une maternité qui réalise moins de 350 accouchements par an est sanitairement dangereuse. Devez-vous tous garder votre sous-préfecture, votre trésorerie, votre tribunal, votre poste ? À l’époque où l’on réserve son billet de train par internet, faut-il mettre la France dans un immense congélateur et faut-il, pour sauver les services publics, que rien ne bouge ? »
En revanche, le Président de la République ne s’est pas interrogé, semble-t-il, sur la possibilité de poursuivre les exonérations fiscales et sociales ou de maintenir à un taux aussi faible l’imposition supportée par les grands groupes….
Son analyse des sources de la dette est donc pour le moins partielle et partiale. Nos concitoyens attendent plus de considération et veulent davantage de services publics : ils demandent, en un mot, d’autres choix politiques !
L’examen de ce texte va donc déboucher sur un grand progrès, puisque l’immobilisme sur la question du monopole des lois financières sera sanctifié mercredi après-midi à l'Assemblée nationale ! Vous pourrez alors dire, madame la ministre, que vous avez réussi à mettre d’accord les majorités des deux assemblées : ce ne fut pas une mince affaire…
Le Président de la République aura la possibilité de convoquer le Congrès. Je pense toutefois que nous n’irons pas à Versailles dans l’immédiat, ce que personne ne regrettera d’ailleurs, ni dans la majorité ni dans l’opposition. En effet, les conditions de majorité requises pour l’adoption du texte par le Congrès ne sont pas réunies aujourd’hui, et je doute qu’elles puissent l’être dans un futur proche. Dès lors, ce sont les Français qui trancheront en 2012.
Pour nous, l’inscription d’une règle d’or dans la Constitution n’est pas la solution ; celle-ci réside dans la mise en œuvre d’une volonté politique et d’une stratégie. Nous sommes en désaccord à cet égard.
Si d’aventure le Président de la République convoquait le Congrès, nous n’aurions aucune difficulté à expliquer qu’il s’agit d’une simple opération de communication, menée à des fins électorales, ni à démontrer, en nous appuyant sur votre action passée, que vous êtes les plus mal placés pour donner des leçons de vertu en matière budgétaire !
Vous vouliez à toute force que la session extraordinaire se termine, mercredi soir, sur la démonstration qu’il peut arriver que la majorité se retrouve autour d’un texte. Pour obtenir ce résultat extraordinaire, il aura fallu tout le talent du président Hyest. La majorité pourra se reconnaître dans la glace : grand bien lui fasse !
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 270 :
Nombre de votants338Nombre de suffrages exprimés331Majorité absolue des suffrages exprimés166Pour l’adoption180Contre 151Le Sénat a adopté.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte très important que vous venez d’adopter prouve une nouvelle fois la détermination du Gouvernement à faire du redressement de nos finances publiques l’un des piliers de la sortie de la crise économique. Je me devais de le souligner.
Nous vivons un moment solennel. La règle d’or que le Sénat vient d’adopter est une mesure de protection de tous les Français, de protection des générations futures. C’est un dispositif qui, au rebours de la facilité, vise à lutter contre le déficit et à enrayer la spirale de l’endettement
L’opposition a combattu ce texte. J’espère qu’elle y réfléchira encore, avant que le Congrès ne se réunisse à Versailles. En tout cas, je suis certaine que, si elle devait parvenir au pouvoir, elle ne remettrait pas en cause un tel dispositif.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 12 juillet 2011 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
Le texte des questions figure en annexe.
À quatorze heures trente :
2. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Anguilla relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 516, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 629, 2010-2011).
3. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas, au titre des Antilles néerlandaises, relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 359, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 630, 2010-2011) ;
4. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Belize relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 514, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 631, 2010-2011).
5. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sa Majesté le Sultan et Yang Di-Pertuan de Brunei Darussalam relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 513, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 632, 2010-2011).
6. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 511, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 634, 2010-2011).
7. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Commonwealth de la Dominique relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 515, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 635, 2010-2011).
8. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des îles Cook relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 360, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 633, 2010-2011).
9. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong de la République populaire de Chine en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales (n° 450, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 626, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 627, 2010-2011).
10. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Libéria relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (n° 512, 2010-2011).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 628, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 636, 2010-2011).
11. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Ile de Man en vue d’éviter la double imposition des entreprises exploitant, en trafic international, des navires ou des aéronefs (n° 375, 2009-2010).
Rapport de M. Adrien Gouteyron, fait au nom de la commission des finances (n° 624, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 625, 2010-2011).
12. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil dans le domaine de la lutte contre l’exploitation aurifère illégale dans les zones protégées ou d’intérêt patrimonial (n° 414, 2010-2011).
Rapport de M. Jean-Etienne Antoinette, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 726, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 727, 2010-2011).
13. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord de stabilisation et d’association entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la Serbie, d’autre part (n° 396, 2010-2011).
Rapport de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 608, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 609, 2010-2011).
14. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière administrative (n° 137, 2010-2011).
Rapport de M. André Vantomme, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 722, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 723, 2010-2011).
15. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense ainsi qu’un échange de lettres (n° 613, 2010-2011).
Rapport de Mme Nathalie Goulet, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 724, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 725, 2010-2011).
À dix-huit heures :
16. Débat et vote sur la demande du Gouvernement d’autorisation de prolongation de l’intervention des forces armées en Libye, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures trente-cinq.