Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui me permet d’aborder la question de l’immigration sous un angle budgétaire, avant le débat relatif à la politique de l’immigration qui sera prochainement organisé dans notre assemblée, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
De prime abord, je relève que les crédits de la mission connaissent une hausse bienvenue, que nous saluons, en crédits de paiement comme en autorisations d’engagement. Cette augmentation s’inscrit dans un contexte de forte inflation et, plus encore, de sortie désormais marquée de la parenthèse du covid-19, durant laquelle les flux migratoires demeurèrent fortement perturbés et, à certains égards, en deçà des chiffres de 2019.
Il convient d’ailleurs de le relever, les crédits de cette mission, tout comme ceux de la mission « outre-mer », ne recoupent qu’une fraction – un peu moins d’un tiers – des dépenses des politiques françaises de l’immigration et de l’intégration. La majorité des crédits de la mission – un peu moins des deux tiers – sont consacrées à l’asile, des portions limitées étant réservées à l’intégration et à la lutte contre l’immigration illégale.
Dans ce contexte, la hausse des crédits de la mission n’est pas suffisante et ne saurait occulter les insuffisances des politiques traitant des questions migratoires et de l’asile.
En effet, les indicateurs dont nous disposons, qui sont malheureusement souvent imparfaits, révèlent les difficultés croissantes que nous connaissons pour gérer certaines problématiques majeures, en particulier la maîtrise de l’immigration illégale.
C’est ainsi que le taux d’exécution des obligations de quitter le territoire est structurellement bas. Il s’est encore dégradé durant la crise sanitaire, passant sous la barre des 10 %.
En 2021, ce taux était de 6 % : sur les 124 111 décisions qui ont été prononcées, seules 7 488 ont été exécutées. Même en considérant que cet indicateur présente des faiblesses, comme le ministre Darmanin s’est longuement efforcé de l’expliquer devant la commission, le taux demeure particulièrement bas.
Ce constat sur ces graves insuffisances n’est pas nouveau : nous l’avions déjà dressé lors des précédents budgets, et, encore récemment, la commission des lois a formulé des recommandations dans le rapport présenté par son président François-Noël Buffet, intitulé Services de l ’ État et immigration : retrouver sens et efficacité.
En parallèle, le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) et des admissions exceptionnelles au séjour achève de dresser un tableau préoccupant du dynamisme des flux de personnes en situation irrégulière.
D’importantes marges de progression existent donc.
L’annonce d’un texte sur l’immigration l’année prochaine, d’ailleurs déjà repoussée, démontre, si besoin en est, que de nombreux chantiers demeurent à lancer et que l’exécutif en a conscience.
Or les moyens de cette mission demeurent insuffisants pour faire face aux enjeux de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Trop souvent, nous avons l’impression qu’il s’agit ici d’un budget d’accompagnement, et non de maîtrise de l’immigration.
En parallèle, des interrogations, par ailleurs récurrentes d’un projet de loi de finances à l’autre, subsistent sur la sincérité des crédits. Ainsi, est-il réaliste, monsieur le ministre, dans le contexte de rebond post-covid que nous connaissons, d’envisager une baisse de 36 % des dépenses de l’ADA en 2023 ?
En outre, comme l’ont souligné les rapporteurs, le traitement de la question des réfugiés ukrainiens s’est révélé insatisfaisant. Ceux-ci sont actuellement bénéficiaires d’un dispositif de protection temporaire. Or, malgré ce statut temporaire et les incertitudes entourant inévitablement la situation de guerre régnant en Ukraine, l’accueil administratif et physique, l’hébergement et d’autres éléments, tels que la scolarisation des enfants, nécessitent une préparation et une visibilité en amont. Il paraît incompréhensible que les évaluations fournies au législateur dans le cadre de l’examen de ce projet de budget soient aussi limitées.
Par conséquent, même si la hausse des crédits et un certain nombre d’éléments tels que la consolidation du réseau des centres de rétention administrative ou des locaux de rétention administrative ou encore l’amélioration des délais de traitement des demandes de l’Ofpra vont effectivement dans le bon sens, il n’en demeure pas moins que les faiblesses et les lacunes de la mission demeurent considérables.
En tout cas, monsieur le ministre, ils ne sont pas de nature, nous semble-t-il, à juguler et à corriger les différents manquements que nous venons de relever. Aussi, nous suivrons les avis défavorables des rapporteurs.