Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen du projet de loi constitutionnelle dont nous sommes saisis en deuxième lecture me réjouit à double titre.
Tout d’abord, le Sénat et l’Assemblée nationale sont parvenus à un accord sur les lois-cadres d’équilibre des finances publiques, qui devraient constituer un instrument majeur de lutte contre la dérive de nos comptes publics.
Ensuite, s’agissant du monopole des lois financières en matière de prélèvements obligatoires, qui fait encore débat entre nos assemblées, nous devrions adopter tout à l’heure un amendement présenté, au nom de la commission des lois, par M. Jean-Jacques Hyest et visant à la suppression totale de cette disposition.
La commission de l’économie ne peut que se féliciter de cette évolution. Elle s’était en effet saisie pour avis du texte, en première lecture, sur cette seule question du monopole, estimant que celui-ci portait gravement atteinte aux droits du Parlement et, en particulier, aux droits du Sénat. C’est pourquoi de nombreux sénateurs s’étaient mobilisés et exprimés en séance contre une telle disposition.
L’amendement que nous propose aujourd’hui la commission des lois montre que nous avons été entendus, ce dont je ne peux que me réjouir, madame la ministre.
Je rappelle que la commission de l’économie avait adopté un amendement, identique à un amendement présenté par le président de la commission de la culture, M. Jacques Legendre, tendant à supprimer le monopole et à différer au 1er janvier de chaque année l’entrée en vigueur des mesures de dépenses fiscales, afin de permettre au législateur financier de s’en saisir. Cet amendement visait à renverser la charge de la preuve, par rapport au dispositif de validation systématique proposé par les commissions des lois et des affaires sociales.
Peu avant la séance, la commission des lois avait rectifié son amendement, afin d’enserrer la validation dans un délai de quatre mois. À nos yeux, cela aboutissait en pratique à rétablir le monopole. C’est pourquoi j’avais alors présenté en séance, avec nos collègues Jacques Legendre et Jean Bizet, respectivement président de la commission de la culture et président de la commission des affaires européennes, ainsi que de nombreux autres collègues, un sous-amendement à l’amendement présenté par la commission des lois. Aux termes de ce sous-amendement, les dispositifs fiscaux devaient être validés par la prochaine loi de finances, ce qui préservait davantage les droits des parlementaires.
Même si nous avions adopté ce dispositif en considérant qu’il s’agissait d’un moindre mal par rapport à celui qui était proposé par l’Assemblée nationale, la validation systématique présentait un certain nombre d’inconvénients, qui ont d’ailleurs été soulignés lors de nos débats et par la commission des lois de l’Assemblée nationale dans son rapport. Ces réflexions ont d’ailleurs conduit les députés à rétablir le texte qu’ils avaient initialement adopté.
Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de blocage entre les deux assemblées, blocage dont il faut sortir pour faire aboutir un texte qui conditionne la crédibilité de notre pays au niveau européen.
L’amendement de suppression du monopole proposé aujourd’hui par la commission des lois constitue la solution la plus adaptée. Je voudrais à cet égard saluer la constance et la ténacité de son président.
Madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner la portée du vote du Sénat sur cette disposition, en première lecture et, plus encore, en deuxième lecture. Ce vote devra être pris en considération, car il est très important à double titre : pour les parlementaires que nous sommes, car la maîtrise des finances publiques ne doit pas passer par un affaiblissement du Parlement ; pour le Sénat, qui a su faire preuve d’indépendance afin de préserver ses prérogatives constitutionnelles et la place qu’il occupe dans l’équilibre de nos institutions.
Enfin, ce vote consolide les acquis de la réforme constitutionnelle de 2008, qui a renforcé sensiblement les pouvoirs du Parlement. Plus que jamais, comme le disait M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, il faut faire « le pari qu’en rendant leur liberté aux parlementaires ils mesureront et assumeront la plénitude de leurs responsabilités ».