Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission de l’économie, mes chers collègues, je constate qu’il ne m’est pas possible de saluer le président de la commission des finances, ni son rapporteur général : sans doute l’absence de ces collègues, si assidus par ailleurs, dit-elle l’importance qu’ils attachent au projet de loi constitutionnelle qui nous est soumis…
Ainsi donc vous allez parvenir à un compromis, mais il n’a été trouvé que récemment, comme je l’ai fait remarquer tout à l’heure à M. le président de la commission des lois. Et, de fait, les sénateurs de l’opposition non informés ne l’ont appris qu’à quatorze heures quinze, et ceux qui avaient regagné la séance, à quinze heures, les six sénateurs qui constituaient la commission des lois à quatorze heures trente ayant eu le privilège de connaître le compromis en premier.
Madame la ministre, je salue votre effort : en inscrivant ce projet de loi constitutionnelle à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale mercredi après-midi, vous parviendrez à obtenir un vote dans les mêmes termes par les deux assemblées avant la fin de la session extraordinaire. Très bien ! Vous aurez une raison d’être satisfaite…
Cependant, nous savons tous que nous n’irons pas à Versailles. N’y voyez, madame la ministre, aucune marque d’antipathie personnelle, ni contre Versailles ni contre ses représentants… Le fait est qu’aujourd’hui la majorité des trois cinquièmes n’est pas réunie, et que ce n’est pas de manière individuelle, comme la fois précédente, mais à grande échelle qu’il faudrait pratiquer le débauchage si on voulait qu’elle le fût…
Personne ne peut nier que, compte tenu de l’état des finances publiques comme du niveau de la dette, nous nous trouvons dans une situation difficile. Mais, de temps en temps, l’envie me prend de vous inviter à renoncer aux comportements de cour d’école pour considérer simplement les faits, les uns après les autres, et juger sur pièces : quel progrès !
Quand vous dites que le budget de l’État n’a pas été voté en équilibre depuis trente-cinq ans, vous avez raison. Mais quand vous ne dites pas que le niveau de la dette a doublé depuis 2002, vous manquez une autre occasion d’avoir raison ! De même, quand vous ne dites pas qu’une exonération de TVA d’un montant annuel de 3, 6 milliards d’euros équivaut à huit années d’économies tirées de la révision générale des politiques publiques, vous ratez une occasion supplémentaire d’avoir raison !
Commençons donc par considérer les faits ; chacun sera ensuite capable de juger.
Face à la situation de nos finances publiques, que nous proposez-vous ? Une révision constitutionnelle, présentée comme un remède miracle…
Vous connaissez, madame la ministre, le propos de Montesquieu régulièrement cité ici, singulièrement au sujet des révisions constitutionnelles : « Il ne faut toucher aux lois que d’une main tremblante. » J’ai longuement réfléchi à cette maxime. J’ai conclu qu’elle n’avait pas été observée dans le cas présent, à moins peut-être que le Gouvernement ne soit atteint depuis peu de la maladie de Parkinson, ce qui serait la seule explication possible !
Nous sommes en désaccord sur la démarche.
Il y a d’abord les lapalissades constitutionnelles. Les articles 2 bis et 9 bis du projet de loi constitutionnelle prévoient que le Conseil constitutionnel doit déclarer contraire à la Constitution ce qui est contraire à la Constitution : peut-être ces dispositions font-elles le bonheur de M. Warsmann ; pour notre part, nous ne les jugeons pas indispensables. Dans l’unanimité d’un œcuménisme retrouvé, le Sénat les rejettera une fois de plus : ce sera un point d’accord entre nous cet après-midi !
Le rôle du Conseil constitutionnel est important, et même très important. Nous l’avons encore constaté récemment, lorsque, pour la deuxième fois, il a censuré le projet de loi, frappé de malédiction, fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région. Et il l’a fait parce que le « monopole » reconnu au Sénat pour l’examen en première lecture des textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales n’avait pas été respecté.
Avec le présent texte, vous avez tenté d’établir un monopole, mais vous avez décidé d’y renoncer. Comme nous réclamions la suppression de ce dispositif, nous n’en sommes pas mécontents. Faites encore un petit effort : supprimez les lois-cadres d’équilibre des finances publiques et nous finirons par être d’accord !