Intervention de François Bonhomme

Réunion du 2 décembre 2022 à 9h45
Loi de finances pour 2023 — Cohésion des territoires

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette mission touche à la question essentielle des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la politique d’aménagement et de cohésion du territoire.

Je veux dire en préalable que l’éclatement des crédits qui concourent à cet objectif ne facilite pas une analyse globale des moyens de cette politique, pas plus que celle d’une éventuelle stratégie.

Le fléchage des crédits – je pense notamment au plan de relance qui est géré par le ministère de l’économie – complique l’analyse en raison d’un manque de lisibilité.

Concernant le programme 112, « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », on pourrait saluer une hausse des crédits, mais celle-ci n’est que de façade. Car si l’on considère les crédits pour 2022 et ceux qui étaient inscrits dans la mission « Plan de relance » et dont la gestion a été transférée à ce programme, nous assistons à une baisse tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.

Le programme 112 doit permettre la mise en œuvre des CPER et des CPIER pour 2021-2027 sur leur volet territorial.

Je veux rappeler ici l’importance de ces contrats, qui doivent s’inscrire dans une logique ascendante de partenariat et de dialogue entre les collectivités locales et l’État, et dans une logique de décentralisation ; ils doivent traduire une stratégie globale d’aménagement et non une addition de projets.

Ainsi, 28 milliards d’euros de crédits de l’État ont été contractualisés dans les CPER et CPIER pour la septième génération de contrats, dont un peu moins d’un milliard pour le volet territorial.

Un mot sur les craintes que nous pouvons avoir quant à l’impact du contexte actuel sur les dépenses d’investissement des collectivités locales.

Les magistrats financiers ont récemment indiqué que la situation à la fin de l’année ne serait « certainement pas meilleure qu’en 2021 ». Or, depuis quelques semaines ou mois, les collectivités naviguent à vue.

Songez, mes chers collègues, qu’au début du mois d’octobre, Bercy estimait, dans une note confidentielle rendue publique depuis, que l’année 2022 s’achèverait « sans difficulté » pour les collectivités, et les services du ministère envisageaient même « des perspectives favorables pour 2023 » permettant de faire face à l’inflation.

Trois semaines plus tard, la Cour des comptes était loin d’être aussi affirmative et restait plutôt prudente devant les incertitudes liées à la conjoncture économique. Dans son dernier rapport, la juridiction de la rue Cambon fait même état d’une dégradation rapide de la situation en raison de l’inflation, du coût des biens et des services, de la difficulté de mettre en œuvre des projets d’investissement et de la multiplication des appels d’offres infructueux.

Ces contraintes s’ajoutent aux inéluctables nouvelles dépenses, auxquelles sont confrontées les collectivités locales, comme la hausse du point d’indice, la revalorisation de la catégorie C de la fonction publique et l’exigence de rénovation énergétique.

On le mesure clairement sur le terrain, ce contexte complique fortement le lancement d’opérations d’investissement par les collectivités locales.

J’en viens à l’ANCT et aux ZRR.

Les crédits inscrits dans le présent projet de budget pour l’ANCT sont stables. Mais, comme l’a indiqué le rapporteur spécial Bernard Delcros, l’Agence a des difficultés à financer ses dépenses de fonctionnement comme les missions qui lui sont confiées au fil de l’eau par l’État, et à intervenir à la demande de ses partenaires.

Notre rapporteur spécial note au passage le manque de coopération des différents opérateurs partenaires que sont le Cerema, l’Anru, l’Anah, l’Ademe et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), avec lesquels sont conclues des conventions.

La révision programmée de ces conventions, qui arrivent à terme, devrait être l’occasion de rechercher une meilleure cohérence.

Comme nous l’avions craint lors de la discussion sur la création de l’ANCT, cet établissement public manque d’une stratégie globale, construite avec les opérateurs, et il souffre d’une absence de visibilité. Nombreux sont les élus qui ignorent encore son existence et le contenu de ses missions.

Autre sujet, le réseau des maisons France Services est aujourd’hui en phase de stabilisation. Les objectifs initiaux ont été relativement atteints, notamment en termes de maillage territorial. Je note que, lorsque la logique ascendante est respectée, le résultat est plutôt satisfaisant.

Globalement, les 2 600 structures labellisées, dont les deux tiers sur l’initiative des collectivités locales, constituent une réelle offre de services de proximité. Il faut y ajouter les 127 bus France Services déployés à ce jour, qui doivent traduire la volonté de l’État d’aller au-devant des administrés dans les endroits les plus éloignés des services et vers ceux qui n’ont pas basculé vers le digital, trop souvent présenté comme la panacée et une avancée allant de soi.

Nous pourrions nous inspirer du rapport de notre collègue Bernard Delcros sur le financement du réseau France Services, que nous aurons certainement l’occasion d’évoquer.

Je terminerai en évoquant la nécessité d’une remise à plat des zonages de soutien à l’attractivité et au développement rural. Il faut dynamiser le dispositif des ZRR.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons lors du vote sur les crédits de cette mission.

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