Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Lutte contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

La situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap dans notre pays est un scandale absolu. Je le répète : absolu.

Plus de 130 000 femmes, la profession étant féminine à 93 %, exercent une mission indispensable auprès des enfants en situation de handicap. Sans leur travail, ces élèves ne pourraient pas suivre une scolarité comme les autres. Nous parlons donc ici de ce qui relève de l’essentiel, du non négociable, de quelque chose de vital pour notre pacte républicain.

Bien qu’elles œuvrent au service d’une politique indispensable, pour une école ouverte à toutes et tous, ces assistantes sont méprisées par l’État employeur. Comme bon nombre de travailleuses et de travailleurs essentiels, les AESH exercent leur mission dans des conditions indignes. Leur salaire moyen se situe autour de 800 ou 850 euros par mois, bien en dessous de tous les seuils de pauvreté, relatifs ou absolus.

Cette faible rémunération est en grande partie due à une incapacité systémique de ces femmes à travailler à temps plein. L’organisation du travail, notamment parce que les Pial recouvrent des aires trop importantes, ce qui les contraint ces personnels à une mobilité importante, ne permet pas d’atteindre les 35 heures. En moyenne, les AESH passent 24 heures par semaine auprès de leurs élèves. Le reste du temps, elles le passent sur les routes. Seulement 2 % des AESH sont à temps complet – 2 % !

Leur statut, ou plutôt l’absence de statut, est devenu un enjeu de premier ordre. Quelque 80 % des AESH accumulent les CDD, ce qui les plonge dans une grande précarité subie.

Si nous ajoutons à cela une faible formation, souvent une exclusion de l’équipe pédagogique et des incertitudes bureaucratiques pour savoir qui de l’État ou des collectivités doit prendre en charge les temps périscolaires, voilà réunies toutes les conditions pour saper, pour décourager, à petit feu, une profession tout entière.

Ce n’est pas du catastrophisme, car le système actuel des AESH nous montre de premiers signes d’effondrement. On compte dans notre pays deux fois plus d’enfants en situation de handicap ayant besoin d’une aide humaine que d’AESH. Dès lors, ces enfants se retrouvent bien souvent sans solution, à tel point que les familles qui le peuvent ont désormais recours à des AESH privés pour pallier les manques. Cette rupture d’égalité est insupportable, symptomatique de l’urgence de la situation.

Vient ensuite la question des AED. Si leur situation est moins critique que celle des AESH, elle doit aussi nous alerter.

Cette profession était pensée au départ comme une première immersion dans la communauté éducative pour des jeunes qui auraient vocation à se présenter ensuite aux concours de conseiller principal d’éducation (CPE) ou de professeur. Or, à l’heure actuelle, seuls 15 % des AED s’engagent dans cette voie ; moins d’un tiers sont des étudiants. Par conséquent, il s’agit de personnes pour qui être AED devient peu à peu le métier alors que la profession est tout aussi précaire que celle des AESH.

Voilà comment l’on traite à présent le personnel de l’éducation nationale. Dès lors, que faire ?

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’attaque à un premier problème : le statut. Certes, elle s’y attaque à la marge, mais ce n’est pas la faute de ses auteurs.

Revenons en décembre 2021 : le groupe socialiste, à l’Assemblée nationale, dépose un texte prévoyant le recrutement des AESH en CDI, avec un coefficient de pondération de 1, 2 pour reconnaître le temps de préparation. Pour les AED, il est prévu une possibilité de recrutement en CDI, et une obligation de les recruter sous ce type de contrat au bout de six ans ; un taux d’encadrement minimal est également arrêté. Pour les AESH et AED, il est enfin prévu l’accès aux primes accordées aux agents travaillant dans les REP ainsi qu’aux primes REP+.

Le texte qui arrive aujourd’hui devant nous a été largement vidé de sa substance après son passage à l’Assemblée, la faute à une majorité présidentielle, très large à l’époque, qui trouvait que le texte allait trop loin.

Le texte actuel prévoit seulement que les AESH peuvent être recrutés en CDI dès la fin de leur premier contrat de trois ans, et que les AED peuvent être recrutés sous ce même type de contrat au bout de six ans. Toutes les dispositions relatives à l’encadrement et à la pondération sont supprimées. Comble de l’ironie au sujet des AED : l’article ne change strictement rien à la législation. Nous en venons simplement à espérer une confirmation du droit actuel par la ministre en séance… Drôle de façon de légiférer, ou plutôt de ne pas légiférer.

Oui, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte, car nous saluons chaque pas en avant, nous profitons de chaque avancée, si infime soit-elle, pour améliorer le sort des personnels de l’éducation. En revanche, nous regrettons très vivement les manœuvres politiques menées pour le vider de sa substance.

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