Intervention de Daniel Chasseing

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Équité territoriale face aux déserts médicaux et accès à la santé pour tous — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Daniel ChasseingDaniel Chasseing :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examine ce soir un nouveau texte visant à lutter contre les déserts médicaux.

Le texte a le même objectif que la proposition de loi de Bruno Retailleau, objectif que l’on retrouve dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Cette proposition de loi arrive donc, si l’on peut dire, à contretemps. Pourtant, le problème qu’elle soulève reste entier. Une autre initiative transpartisane vient d’être présentée à l’Assemblée nationale. Le Parlement reste mobilisé, et notre groupe considère qu’il est important que le Sénat puisse débattre de ces enjeux, qui affectent tout particulièrement nos territoires ruraux. Je veux donc remercier notre collègue Émilienne Poumirol.

Le déficit chronique de médecins en France est le résultat de plusieurs décennies d’inaction. Le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus va dans le bon sens, mais ce n’est pas assez rapide.

L’article 1er du texte ajoute une année de professionnalisation au cursus de formation des étudiants en médecine générale. Cette année devrait être effectuée dans un désert médical, en pratique ambulatoire, auprès d’un maître de stage universitaire.

Cela va dans le bon sens. Je crains pour ma part que le fait d’imposer l’encadrement du stagiaire par un maître de stage universitaire ne soit parfois contre-productif. En effet, il pourrait être difficile de trouver partout de tels maîtres de stage, surtout dans certains départements éloignés des CHU. C’est pourquoi je défendrai deux amendements tendant à assouplir ces conditions, en prévoyant la possibilité de réaliser cette année ou, à tout le moins, un semestre, auprès d’un médecin traitant référent.

L’exposé des motifs de la proposition de loi indique que les étudiants pourront toucher 3 500 euros nets par mois. J’avais proposé pour ma part une rémunération équivalente à dix consultations par jour, soit 5 000 euros par mois. Cela revient peu ou prou à la même chose, une fois les frais de transport pris en compte. Enfin, je tiens à dire que l’organisation prévue, en lien avec le conseil départemental, me paraît pertinente. Le département est la collectivité de proximité la plus adaptée, les conseillers départementaux sont proches des maires et connaissent la réalité du territoire.

L’article 2 encourage la coordination entre les professionnels. Nous ne pouvons qu’y être favorables. Les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) la favorisent déjà.

L’article 3 rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux. Notre groupe sait que cette mesure est contraignante et peut nuire à l’attractivité du statut. Cependant, elle nous paraît nécessaire pour garantir l’accès aux soins partout en France. Le recours aux CPTS nous semble à cet égard pertinent.

L’article 4 instaure un conventionnement sélectif, en prévoyant qu’un médecin libéral ne peut pas être conventionné en zone dense, sauf si l’un de ses confrères déjà installés cède sa place. Nous sommes favorables à cette mesure, qui répond à un besoin exprimé par de nombreux élus des territoires ruraux.

En revanche, l’article 5 du texte pose problème. Il prévoit une égalité de traitement, en matière d’aides publiques, entre médecins libéraux et médecins salariés. Or les conditions d’exercice des médecins salariés et libéraux ne sont pas les mêmes.

Il faut être clair : les médecins salariés ne peuvent pas garantir une offre de soins complète sur l’ensemble du territoire. Il existe trop de contraintes d’organisation liées au droit du travail. Le salariat répond peut-être aux aspirations de certains jeunes médecins – c’est possible à l’hôpital, où il y a plus de médecins –, mais les médecins libéraux prodiguent plus de présence et de soins que les médecins salariés. Ils sont donc les plus à même de lutter contre les déserts médicaux. Je rappelle que ce sont eux qui gèrent, avec les paramédicaux, les maisons de santé dans un cadre associatif. C’est pourquoi je présenterai un amendement de suppression de l’article 5.

Cette proposition de loi a le mérite de remettre dans le débat un sujet d’extrême importance pour la cohésion territoriale et sociale de notre pays. Notre groupe déterminera son vote sur le texte en fonction des ajustements qui auront été retenus.

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