Intervention de Laurent Duplomb

Réunion du 13 décembre 2022 à 14h30
Adaptation au droit de l'union européenne dans divers domaines — Discussion générale

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a délégué à la commission des affaires économiques deux articles agricoles, plus techniques que politiques, du présent projet de loi : l’article 30 corrige notamment une incohérence du code rural à propos des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ; l’article 31 ratifie huit ordonnances adaptant le code rural au droit de l’Union européenne dans des domaines très variés. Je suis chargé, en tant que rapporteur pour avis, de vous donner la position de notre commission sur ces deux articles.

L’article 30 rend sans équivoque la décentralisation des aides à l’installation possible.

En effet, aux termes d’une ordonnance du mois de janvier 2022, les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) seront transférées aux régions qui le demandent pour la programmation 2023-2027 de la PAC. Je pense que le Sénat tout entier salue le principe de cette réforme.

Pour l’accompagner, la commission a adopté mon amendement visant à demander un bilan annuel par région, consolidé par l’État à l’échelle nationale, de la politique de transmission et d’installation. Cela permettra de nous prémunir contre trois dérives potentielles : un manque de lisibilité des aides pour les agriculteurs ; l’accroissement des disparités entre régions, chacune ayant des priorités politiques différentes ; un manque d’efficacité si les comparaisons n’encouragent pas une saine émulation. L’installation est de première importance pour notre agriculture ; il n’est pas envisageable que l’État ne garde pas un œil dessus.

En outre, la commission a souhaité maintenir dans la loi la condition d’une capacité professionnelle préalable pour bénéficier des aides à l’installation, préférant les installations viables aux projets mal ficelés.

En effet, comment prétendre réussir une installation sans un bagage technique minimal en agronomie, en biologie ou en gestion des entreprises ? On ne peut pas demander aux agriculteurs de respecter un nombre sans cesse croissant de règles et d’injonctions tout en laissant passer des installations sans formation. Nous ne confondrons pas vitesse et précipitation.

J’en viens à l’article 31. Je m’attarderai surtout sur la méthode, car, sur le fond, je vois cinq bonnes raisons de ratifier les huit ordonnances.

Premièrement, celles-ci relèvent du droit en vigueur, puisqu’elles produisent dès leur publication des effets assimilables à la loi. Les modifier serait source d’insécurité juridique.

Deuxièmement, elles adaptent notre droit à des règlements européens d’application directe. Notre marge de manœuvre est plus limitée que dans le cas d’une transposition de directive. De ce fait, ces ordonnances relèvent du toilettage technique.

Troisièmement, la France a été à l’initiative de plusieurs dispositions européennes justifiant les ordonnances, dont elle bénéficie, par exemple pour la reconnaissance de la mention Produits de montagne.

Quatrièmement, les seules surtranspositions, qui maintiennent des standards plus élevés en matière de catégorisation des maladies végétales et animales et de sélection génétique des animaux, semblent justifiées par un motif d’intérêt général suffisant : la performance sanitaire et économique de notre agriculture.

Cinquièmement, la ratification n’empêche pas de faire preuve de vigilance dans le contrôle de leur application. Par exemple, le président de l’ordre national des vétérinaires m’a indiqué que la libre prestation de services donnait lieu à certaines pratiques d’optimisation fiscale et réglementaire, voire sanitaire.

Cependant, sur la forme, les conditions dans lesquelles ces ratifications sont proposées au Parlement ne sont pas satisfaisantes, à plusieurs titres.

D’abord, nous avons disposé d’un temps très limité pour examiner le texte.

Ensuite, on nous propose la ratification de huit ordonnances, alors qu’un texte de ratification n’en contient en moyenne pas plus de trois. Le caractère disparate du texte nuit à l’exigence de clarté et de sincérité du débat.

Enfin, la ratification de ces textes est proposée plus de cinq ans et trois mois en moyenne après leur publication. Au cours du précédent quinquennat, le délai était en moyenne d’un an, un mois et sept jours, soit cinq fois moins. Pour cinq ordonnances datant de 2015, la ratification interviendra carrément deux mandats après leur publication : un découplage d’une telle ampleur est quasiment inédit, d’autant plus que les textes européens ayant justifié ces ordonnances remontent à encore plus loin ; à 2005 pour le plus ancien. L’examen au Sénat intervient donc à contretemps, près de dix-sept ans après. Pour certains textes, le véritable débat a eu lieu au sein du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen voilà plus de dix ans. Ce délai est, à mon sens, beaucoup trop important.

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