Mme Eustache-Brinio, les budgets sont nécessairement la traduction d'une politique. Ici, il s'agit d'une politique du fait accompli. Les moyens mobilisés sont trop faibles. Les tentatives de reconduite à la frontière se heurtent à des difficultés trop importantes, comme l'a démontré le rapport du président François-Noël Buffet sur les services de l'État et l'immigration. Face à ce constat d'échec de la politique de retour, il semblerait logique d'empêcher les immigrés clandestins d'entrer sur le territoire, mais cette politique se heurte à d'autres obstacles. En conséquence, les reconduites à la frontière se font au fil de l'eau et ne correspondent pas aux flux d'entrée.
Mme Harribey, je regrette, tout comme vous, l'absence de prise en compte dans le projet de loi de finances de l'accompagnement des réfugiés Ukrainiens qui bénéficient de la protection temporaire, notamment le montant de l'ADA, qui peut conduire à s'interroger sur la sincérité du budget. J'ai noté que, lors de son audition, le ministre de l'intérieur et des outre-mer a indiqué que les prévisions budgétaires dans domaine étaient, par définition, hasardeuses puisqu'il est impossible de prévoir l'évolution géopolitique du conflit en Ukraine. Ses services se sont toutefois risqués à faire des prévisions budgétaires qui ne figurent pas dans le projet de loi de finances : pour l'année 2023, 706 millions d'euros devraient être consacrés à l'accueil des réfugiés ukrainiens, principalement au titre de l'ADA et de l'hébergement. Je rappelle qu'en 2022, ce montant était de l'ordre de 579 millions d'euros. Cette politique est totalement passée sous silence dans le budget alors qu'elle n'est pas des moins onéreuses et qu'elle est en plein coeur de l'exercice du droit d'asile. Les crédits consacrés à cette politique seront sans doute examinés en cours d'année, mais il aurait été intéressant de voir figurer ces chiffres dans le projet de loi de finances pour 2023.
Concernant l'intégration par la pratique de la langue, les crédits sont en augmentation mais des inquiétudes demeurent et je partage les observations qui ont été faites sur ce point.
Madame Goulet, l'AGDREF a vocation à être remplacée par une autre application informatique. Cette opération a déjà été budgétisée. La numérisation est un poste de dépenses majeur de l'ordre de 28 millions d'euros, avec une augmentation de 400 % sur l'action correspondante par rapport à 2022. Des moyens budgétaires importants ont donc été alloués pour mettre en oeuvre cette évolution.
Monsieur Marc, j'ai bien noté votre interrogation sur les chiffres de l'immigration illégale en métropole et en outre-mer. Des éléments ont été transmis à ce sujet par le ministère de l'intérieur, qui pourraient éventuellement être mis à disposition de la commission.
Madame Assassi, vous déplorez la transformation progressive des CRA en lieux de détention pour mineurs. Je voudrais préciser que, sur l'année 2021, 82 mineurs ont été enfermés dans des CRA en métropole mais 3 109 en outre-mer, en grande partie à Mayotte.
Quant à l'asile, les délais de traitement des dossiers sont bien sûr trop importants. Je crains que l'amélioration que nous connaissons actuellement ne soit que temporaire. C'est bien le problème de ce budget qui tente constamment de rattraper des flux migratoires en augmentation.
Les crédits du programme 303 « Immigration et asile » s'élèvent à 1,9 milliards d'euros soit deux-tiers du budget de la mission. L'accueil des demandeurs d'asile en constitue la majeure partie et représente donc, budgétairement, le sujet le plus important, Madame Benbassa, même s'il est encore possible de trouver que les crédits qui lui sont alloués sont insuffisants.
Les étrangers sortent des CRA en situation irrégulière à l'expiration du délai de 90 jours, c'est un fait. Chacun estimera la façon dont il faut les prendre en charge.
Monsieur Benarroche, la politique migratoire est effectivement une politique kafkaïenne. Nous ne pouvons que constater que celle du Gouvernement ne donne pas de bons résultats aujourd'hui.
Monsieur Reichardt, je partage tout à fait votre position : il faut définir la stratégie avant de fixer les ressources qui lui sont allouées. Mais force est de constater que la politique des moyens est devenue monnaie courante aujourd'hui, comme nous l'avons vu avec les États généraux de la justice. Le Gouvernement tente d'accompagner un mouvement de société plutôt que d'essayer de lui imprimer une direction.
J'en terminerai en rappelant que la politique européenne demeure incontournable sur ce sujet, même si la présidence française de l'Union européenne n'a pas apporté de grandes avancées en matière d'immigration.