Intervention de Thomas Dossus

Réunion du 10 janvier 2023 à 21h30
Faire de la rse une ambition et un atout pour chaque entreprise — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale aux entreprises

Photo de Thomas DossusThomas Dossus :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la RSE, c’est la prise en compte des enjeux de développement durable, environnementaux, sociaux et de gouvernance par les entreprises. Parfois caricaturée en saupoudrage de bonne conscience entrepreneuriale, la RSE est le dépassement de la logique purement comptable ou financière et la prise en compte des logiques responsables des entreprises, une amélioration normative.

Cette notion a été rendue nécessaire ces dernières années, car la nature même des entreprises n’est pas fondamentalement sensible aux trois piliers du développement durable. La RSE, élan destiné principalement aux consommateurs, aux investisseurs et au monde associatif, est un mouvement complémentaire au mouvement social et écologique. L’amélioration des normes de RSE doit rendre les entreprises les plus vertueuses et compétitives.

La société a des attentes de plus en plus fortes à l’égard des entreprises. Elle attend de celles-ci que leur impact environnemental soit le plus réduit possible, voire – soyons ambitieux – qu’il soit positif : que l’entreprise non seulement traite bien ses employés, mais aussi qu’elle soit vigilante quant à son impact global. La rationalité économique ne doit plus être l’ennemie du vivant.

Si la RSE a été, à ses débuts, un mouvement volontaire de la part des entreprises, nous sommes désormais entrés dans une phase plus contraignante et – heureusement – plus exigeante.

Plus contraignante, cette phase l’est notamment par l’édification de normes et de référentiels communs. Comme le montre très bien le rapport dont nous examinons les conclusions aujourd’hui, l’Europe est un continent en pointe sur ces questions. C’est ainsi l’Union européenne qui fut à l’origine, en 2013, de la déclaration de performance extrafinancière pour les grandes entreprises. Complétée en 2018 par la directive sur le reporting extrafinancier (NFRD), partie intégrante de la taxonomie verte européenne, cette déclaration extrafinancière doit inclure des informations sur l’entreprise relatives aux questions environnementales, sociales et de personnels, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption.

C’est également l’Europe qui décide d’assujettir les grandes entreprises au devoir de vigilance et qui – c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui – a mis en avant le concept de double matérialité dans la directive CSRD. Ce concept est assez avancé, puisqu’il prévoit que les entreprises devront non seulement examiner les conséquences de la dégradation des conditions sociales et environnementales sur leurs activités, mais aussi mesurer la manière dont l’activité de l’entreprise influe sur ces mêmes conditions, dans une double relation de cause à effet.

Ces directives s’accompagnent principalement d’obligations nouvelles en matière de reporting. C’est ce qui inquiète particulièrement les entreprises. C’est ce à quoi, essentiellement, répond le rapport que nous examinons aujourd’hui.

Parmi les propositions avancées par nos rapporteurs, nous trouvons tout d’abord la nécessaire proportionnalité des exigences en matière de RSE, qui doivent être imposées selon la taille de l’entreprise. On ne demande pas la même chose à une PME ou à une multinationale. Cet objectif s’entend parfaitement.

Nos rapporteurs appellent ensuite de leurs vœux un renforcement du rôle de l’Autorité européenne des marchés financiers, un effort d’harmonisation des normes, une montée en puissance de la formation, ou encore l’introduction d’une notion d’« offre écologiquement la plus avantageuse » dans le code des marchés publics.

Le groupe écologiste salue naturellement ces propositions, qui vont dans le bon sens et sont autant d’ajustements bienvenus à la montée en puissance de la RSE.

Si le reporting et la transparence sont des outils nécessaires de régulation et d’information des consommateurs et parties prenantes, en tant qu’écologistes, nous sommes convaincus que la solution réside aussi et surtout dans le changement profond des modes de production, de consommation et de gouvernance. La nécessité d’intégrer des logiques non financières dans la marche de l’entreprise devient une évidence, ce que n’est pas encore l’impératif consistant à encastrer l’économie dans les limites planétaires.

Communiquer, comme le fait TotalEnergies par exemple, sur des efforts de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030 tout en continuant d’ouvrir de nouvelles exploitations et de rechercher de nouveaux gisements d’énergie fossile relève d’une hypocrisie rare qui nous conduit tous vers la catastrophe. Ce n’est pas la RSE, mais bien la contrainte publique, qui nous sortira de cette situation.

Le changement doit être plus profond, plus radical, plus contraignant aussi. Et la RSE ne parviendra pas, seule, à changer les règles. Elle ne saurait suffire comme outil de régulation de l’impact du monde économique sur nos vies et sur notre avenir.

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