Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du 17 janvier 2023 à 14h30
Construction de nouvelles installations nucléaires — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Agnès Pannier-Runacher :

D’autres textes le feront ; d’autres textes l’ont déjà fait.

Certaines dispositions isolées, introduites en commission la semaine dernière, concernent ces aspects de la programmation énergétique. Nous aurons l’occasion d’y revenir pendant l’examen des amendements, mais, vous le savez parfaitement, il ne s’agit pas d’un texte de programmation énergétique.

En effet, la loi de programmation énergétique doit être précédée d’une grande concertation sur l’avenir de notre mix énergétique, afin de recueillir l’avis des Français sur ce nouveau texte, qui sera soumis au Parlement en 2023.

Cette concertation, utile et nécessaire, a commencé en octobre dernier et compte à ce jour plus 25 000 contributions. Elle sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, donc d’ici à la fin de cette semaine, par un forum des jeunesses – nous y avons d’ailleurs invité les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable –, qui réunira deux cents jeunes âgés de 18 à 35 ans.

Son résultat vous sera intégralement communiqué dans la perspective du débat parlementaire sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui conduira à mettre à jour la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le présent texte n’en est pas moins très important. En effet, les dispositions prévues préparent l’avenir et sécurisent les délais des décisions que vous pouvez prendre dans les mois qui viennent. Elles auront des effets sur le délai de mise en service et, en conséquence, sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France.

Je veux également être très claire : en votant ce texte, vous n’allez pas acter un quelconque affaiblissement des exigences en matière de sûreté nucléaire, de protection de la biodiversité ou encore de participation du public.

Le texte ne modifie ni le processus d’autorisation environnementale ni le processus d’autorisation de création, qui traite des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations demeurent, tout aussi rigoureuses que par le passé, tout comme les deux enquêtes publiques préalables ou encore le processus de débat public conduit en ce moment même, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, en vue de la construction d’une première paire de réacteurs à Penly, et qui s’achèvera le 27 février prochain.

Enfin, il est important de le préciser, ce cadre d’accélération est borné dans le temps et dans l’espace, de manière à être proportionné et compatible avec l’ambition fixée par le Président de la République, à savoir, dans un premier temps, construire six réacteurs et lancer les études pour huit autres.

Il s’applique uniquement aux projets de construction de réacteurs nucléaires localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants et dont la demande d’autorisation de création est déposée dans les vingt ans suivant la promulgation de la future loi. En effet, vingt ans, c’est le délai qui a été défini par la commission lors de l’examen du texte.

Enfin, ce texte ne préempte pas la technologie des réacteurs et peut donc s’appliquer à des EPR (European Pressurized Reactors, ou réacteurs pressurisés européens) tout aussi bien qu’à des SMR (Small Modular Reactors, ou petits réacteurs modulaires). Je sais que beaucoup ici sont attachés à cette ouverture et à ce principe de neutralité technologique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces précisions étant apportées, je tiens maintenant à vous exposer brièvement ce que prévoit ce projet de loi.

Afin d’accélérer les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il rend tout d’abord possible la mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme. En effet, les procédures existantes en matière d’urbanisme sont incompatibles avec la complexité d’un projet de réacteur électronucléaire, et la nécessité de les mettre à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction.

Il permet ensuite de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d’urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et les travaux portant sur la création d’un réacteur électronucléaire, ainsi que sur des équipements et installations nécessaires à son exploitation.

À compter de l’obtention de la première autorisation environnementale, le texte permet de mener en parallèle l’instruction de l’autorisation de création et les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables. En bref, on ne perd pas de temps !

Ce texte rend également possible la construction de réacteurs nucléaires à proximité des réacteurs existants localisés en bord de mer. C’est une mesure d’importance, puisque, vous le savez, les deux premiers sites envisagés pour l’implantation des deux premières paires de réacteurs sont ceux de Penly et de Gravelines.

Au regard de l’intérêt particulier pour la Nation de ces projets nucléaires, ce texte prévoit des mesures de sécurisation de l’accès au foncier, mobilisables en dernier recours et en cas de blocage, en s’inspirant de ce qui existe déjà pour d’autres projets d’ampleurs, comme le projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor).

Au total, ce texte permettra de ne pas allonger de deux à trois années le délai de construction de nouveaux réacteurs. La durée de construction du réacteur doit être un temps industriel ; les procédures administratives doivent donc être réalisées en temps masqué par rapport à ce temps industriel. Dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, cela compte.

Proposer un cadre conciliant les impératifs d’accélération et de sécurisation des projets de nouveau nucléaire, ainsi que les plus hautes exigences en matière d’association des parties prenantes, de protection de la biodiversité et de sécurité, voilà l’ambition de ce texte.

Ce projet de loi s’insère dans un ensemble de mesures mises en œuvre visant à poser les rails juridiques, organisationnels, industriels, financiers et procéduraux de la relance d’une politique ambitieuse en matière de nucléaire civil.

Il est un maillon d’une stratégie d’ensemble, engagée depuis plusieurs années, pour construire notre indépendance énergétique et mener la bataille du climat en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles.

Je souhaite conclure en vous indiquant que ce texte est aussi important qu’il est technique. L’enjeu sera d’éviter que de petits grains de sable ne viennent compliquer, ralentir ou fragiliser juridiquement des projets déjà très complexes par nature.

C’est pourquoi je défendrai aujourd’hui des amendements qui viseront à compléter le travail, très significatif et très complet, mené la semaine dernière par la commission des affaires économiques, ainsi que par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à les en remercier.

Je salue tout particulièrement le rapporteur Daniel Gremillet et le rapporteur pour avis, Pascal Martin, ainsi que les présidents de commission Sophie Primas et Jean-François Longeot.

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