Séance en hémicycle du 17 janvier 2023 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’ordre du jour appelle la désignation des dix-neuf membres de la commission d’enquête sur l’efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.

En application de l’article 8 ter, alinéa 5, de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur le thème : « Le développement d’une filière de biocarburants, carburants synthétiques durables et hydrogène vert ».

En application de l’article 8 du règlement, les listes des candidats remises par les groupes politiques ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées s’il n’y a pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (projet n° 100, texte de la commission n° 237, rapport n° 236, avis n° 233).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Mes chers collègues, avant d’ouvrir la discussion de ce texte, je vous informe que, en accord avec la commission et le Gouvernement, nous suspendrons nos travaux en fin d’après-midi, un peu avant dix-neuf heures, pour les reprendre à vingt et une heures en raison de la cérémonie des vœux du président Gérard Larcher.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, après l’examen du projet de loi d’urgence relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, je poursuis la feuille de route que je vous ai exposée avec l’examen de ce projet de loi d’urgence relatif à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Ce texte est important, car il permettra d’accélérer les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires dans notre pays, avec deux objectifs : raccourcir de plusieurs années les délais de réalisation de ces projets et contribuer à en réduire le coût pour les consommateurs.

Avant d’entrer plus concrètement dans le contenu de ce texte, je souhaite évoquer le contexte dans lequel il s’inscrit.

Ce contexte, c’est d’abord celui de l’urgence d’une crise climatique qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et l’avenir de nos enfants ; une crise qui doit nous conduire à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Ce contexte, c’est ensuite celui de la crise énergétique que connaissent l’Europe et une grande partie du monde depuis l’année dernière. La guerre qui se déroule en ce moment aux portes de notre continent, en Ukraine, remet profondément en cause notre approvisionnement et fragilise notre économie du fait de l’envolée des prix de l’énergie en 2022.

Ces deux crises ont une même origine : notre dépendance aux énergies fossiles pour environ deux tiers de notre consommation finale d’énergie, qu’il s’agisse du gaz, du pétrole et, de manière minoritaire, du charbon.

C’est la raison pour laquelle l’ambition du Président de la République et du Gouvernement, conduit par la Première ministre, est que la France devienne le premier grand pays industriel à sortir de sa dépendance aux énergies fossiles.

C’est un impératif pour le climat, bien sûr, mais aussi pour le pouvoir d’achat des Français, pour la capacité d’investissement de nos collectivités et la compétitivité de nos entreprises à long terme, ainsi que, plus profondément, pour notre indépendance politique.

Notre stratégie pour sortir des énergies fossiles repose, vous le savez bien, sur quatre grands et indissociables piliers.

Il s’agit, d’une part, de la réduction de la consommation d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétiques. En effet, si nous voulons atteindre la neutralité carbone, l’objectif que nous assignent les experts, notamment ceux de RTE (Réseau de transport d’électricité), est de réduire de 40 % notre consommation d’énergie à l’horizon 2050.

Le plan de sobriété que, avec la Première ministre, j’ai présenté au début du mois d’octobre dernier est la première brique de cette trajectoire de long terme. Il produit déjà des effets importants dans tous les secteurs de l’économie, grâce à la mobilisation des entreprises, des collectivités locales et des administrations, ainsi que, plus largement, grâce à la mobilisation des Français, que je veux remercier ici.

De ce fait, nous sommes dans les meilleures conditions pour passer cet hiver, mais, surtout, nous continuons à diminuer nos émissions de gaz à effet de serre alors même que la crise fait rage.

Notre stratégie énergétique repose, d’autre part, sur l’augmentation drastique et durable de notre production d’énergie décarbonée.

Sur ce point, nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de faire des choix idéologiques. L’enjeu, ce n’est pas le nucléaire contre les énergies renouvelables – le projet de loi relatif à l’accélération de leur développement, que vous avez voté à la quasi-unanimité, fera l’objet d’une commission mixte paritaire la semaine prochaine –, car il s’agit dans les deux cas d’énergies bas-carbone. L’enjeu, ce sont les énergies décarbonées renouvelables contre les énergies fossiles.

Notre stratégie implique, ensuite, la relance d’un programme nucléaire dans le contexte d’un parc vieillissant. Ce sont vingt-huit réacteurs qui atteindront plus de cinquante années d’exploitation d’ici à 2035. Vous le savez, le Gouvernement fait le choix de la relance de la construction de réacteurs et de la poursuite de l’exploitation des réacteurs en exercice, aussi longtemps que les enjeux de sûreté nous le permettront.

Dans le prolongement des orientations que le Président de la République a fixées pour EDF au mois de novembre 2018 – cette entreprise doit travailler à l’élaboration du programme du nouveau nucléaire – et de ses déclarations du 10 février 2022 à Belfort, le projet de loi qui nous rassemble aujourd’hui marque une nouvelle phase de notre politique nucléaire, en introduisant un cadre visant à l’accélération du processus des autorisations administratives pour les projets nucléaires.

Je veux véritablement y insister : ce texte ne vise pas à décider de la place de l’énergie nucléaire dans le mix énergétique français, pas plus que des détails du programme de nouveau nucléaire, de la politique en matière de traitement et de recyclage des déchets nucléaires ou de la recherche et du développement (R&D) relative à cette énergie.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

D’autres textes le feront ; d’autres textes l’ont déjà fait.

Certaines dispositions isolées, introduites en commission la semaine dernière, concernent ces aspects de la programmation énergétique. Nous aurons l’occasion d’y revenir pendant l’examen des amendements, mais, vous le savez parfaitement, il ne s’agit pas d’un texte de programmation énergétique.

En effet, la loi de programmation énergétique doit être précédée d’une grande concertation sur l’avenir de notre mix énergétique, afin de recueillir l’avis des Français sur ce nouveau texte, qui sera soumis au Parlement en 2023.

Cette concertation, utile et nécessaire, a commencé en octobre dernier et compte à ce jour plus 25 000 contributions. Elle sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, donc d’ici à la fin de cette semaine, par un forum des jeunesses – nous y avons d’ailleurs invité les membres de la commission des affaires économiques, ainsi que ceux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable –, qui réunira deux cents jeunes âgés de 18 à 35 ans.

Son résultat vous sera intégralement communiqué dans la perspective du débat parlementaire sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui conduira à mettre à jour la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Le présent texte n’en est pas moins très important. En effet, les dispositions prévues préparent l’avenir et sécurisent les délais des décisions que vous pouvez prendre dans les mois qui viennent. Elles auront des effets sur le délai de mise en service et, en conséquence, sur le coût des éventuels futurs nouveaux réacteurs nucléaires en France.

Je veux également être très claire : en votant ce texte, vous n’allez pas acter un quelconque affaiblissement des exigences en matière de sûreté nucléaire, de protection de la biodiversité ou encore de participation du public.

Le texte ne modifie ni le processus d’autorisation environnementale ni le processus d’autorisation de création, qui traite des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations demeurent, tout aussi rigoureuses que par le passé, tout comme les deux enquêtes publiques préalables ou encore le processus de débat public conduit en ce moment même, sous l’égide de la Commission nationale du débat public, en vue de la construction d’une première paire de réacteurs à Penly, et qui s’achèvera le 27 février prochain.

Enfin, il est important de le préciser, ce cadre d’accélération est borné dans le temps et dans l’espace, de manière à être proportionné et compatible avec l’ambition fixée par le Président de la République, à savoir, dans un premier temps, construire six réacteurs et lancer les études pour huit autres.

Il s’applique uniquement aux projets de construction de réacteurs nucléaires localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants et dont la demande d’autorisation de création est déposée dans les vingt ans suivant la promulgation de la future loi. En effet, vingt ans, c’est le délai qui a été défini par la commission lors de l’examen du texte.

Enfin, ce texte ne préempte pas la technologie des réacteurs et peut donc s’appliquer à des EPR (European Pressurized Reactors, ou réacteurs pressurisés européens) tout aussi bien qu’à des SMR (Small Modular Reactors, ou petits réacteurs modulaires). Je sais que beaucoup ici sont attachés à cette ouverture et à ce principe de neutralité technologique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces précisions étant apportées, je tiens maintenant à vous exposer brièvement ce que prévoit ce projet de loi.

Afin d’accélérer les projets de construction de nouveaux réacteurs nucléaires, il rend tout d’abord possible la mise en compatibilité des documents locaux d’urbanisme. En effet, les procédures existantes en matière d’urbanisme sont incompatibles avec la complexité d’un projet de réacteur électronucléaire, et la nécessité de les mettre à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction.

Il permet ensuite de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d’urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et les travaux portant sur la création d’un réacteur électronucléaire, ainsi que sur des équipements et installations nécessaires à son exploitation.

À compter de l’obtention de la première autorisation environnementale, le texte permet de mener en parallèle l’instruction de l’autorisation de création et les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables. En bref, on ne perd pas de temps !

Ce texte rend également possible la construction de réacteurs nucléaires à proximité des réacteurs existants localisés en bord de mer. C’est une mesure d’importance, puisque, vous le savez, les deux premiers sites envisagés pour l’implantation des deux premières paires de réacteurs sont ceux de Penly et de Gravelines.

Au regard de l’intérêt particulier pour la Nation de ces projets nucléaires, ce texte prévoit des mesures de sécurisation de l’accès au foncier, mobilisables en dernier recours et en cas de blocage, en s’inspirant de ce qui existe déjà pour d’autres projets d’ampleurs, comme le projet Iter (International Thermonuclear Experimental Reactor).

Au total, ce texte permettra de ne pas allonger de deux à trois années le délai de construction de nouveaux réacteurs. La durée de construction du réacteur doit être un temps industriel ; les procédures administratives doivent donc être réalisées en temps masqué par rapport à ce temps industriel. Dans le contexte dans lequel nous nous trouvons, cela compte.

Proposer un cadre conciliant les impératifs d’accélération et de sécurisation des projets de nouveau nucléaire, ainsi que les plus hautes exigences en matière d’association des parties prenantes, de protection de la biodiversité et de sécurité, voilà l’ambition de ce texte.

Ce projet de loi s’insère dans un ensemble de mesures mises en œuvre visant à poser les rails juridiques, organisationnels, industriels, financiers et procéduraux de la relance d’une politique ambitieuse en matière de nucléaire civil.

Il est un maillon d’une stratégie d’ensemble, engagée depuis plusieurs années, pour construire notre indépendance énergétique et mener la bataille du climat en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles.

Je souhaite conclure en vous indiquant que ce texte est aussi important qu’il est technique. L’enjeu sera d’éviter que de petits grains de sable ne viennent compliquer, ralentir ou fragiliser juridiquement des projets déjà très complexes par nature.

C’est pourquoi je défendrai aujourd’hui des amendements qui viseront à compléter le travail, très significatif et très complet, mené la semaine dernière par la commission des affaires économiques, ainsi que par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je tiens à les en remercier.

Je salue tout particulièrement le rapporteur Daniel Gremillet et le rapporteur pour avis, Pascal Martin, ainsi que les présidents de commission Sophie Primas et Jean-François Longeot.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en 1971, le Président de la République Georges Pompidou s’exprimait en ces termes au sujet du premier plan nucléaire civil : « Il nous appartient de concevoir une politique de l’énergie, politique d’autant plus importante pour la France que nos ressources propres sont modestes. […] Nous avons décidé d’accélérer notre programme d’utilisation de l’énergie nucléaire, considéré comme un facteur important d’indépendance énergétique. »

Cinquante ans plus tard, ce constat n’a rien perdu de son acuité. Oui, l’énergie nucléaire est centrale. Et oui, une politique énergétique est indispensable.

Or le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, s’il revalorise utilement l’énergie nucléaire, n’offre aucune réponse s’agissant de notre politique énergétique. Je veux le dire solennellement ici : la relance du nucléaire ne peut se résumer à un texte de simplification. Pour réussir, il faut une vision politique cohérente, au-delà de procédures techniques disparates.

De plus, le texte manque de perspective et de profondeur, alors qu’il nous est demandé de légiférer jusqu’en 2038, au moins.

Le nucléaire de demain ne sera pas celui d’hier. Au-delà de notre indépendance énergétique, il contribuera à notre transition énergétique, car l’enjeu sera d’électrifier pour décarboner, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Le nucléaire de demain sera confronté à de nouveaux risques, climatiques et numériques. Nos réacteurs devront donc être plus résilients.

Le nucléaire de demain sera plus divers. Outre les EPR 2, se développeront des réacteurs de taille ou de technologie différentes, pour réduire les risques et les déchets, ainsi qu’un couplage entre les productions d’électricité et d’hydrogène, utile à l’industrie et aux transports.

Enfin, le nucléaire de demain s’inscrira dans une nouvelle société : une société plus décentralisée, où la voix des collectivités et celle des citoyens porteront encore plus, aux côtés de celle de l’État ; une société plus exigeante aussi, où la sûreté des réacteurs et la gestion des déchets devront être assurées, au-delà de la phase de production.

C’est cette vision résolument moderne de l’énergie nucléaire, fondée sur la science et la raison, inscrite dans le monde actuel, ouverte aux technologies futures, que notre commission a souhaité porter, car seule cette vision est à la hauteur des grands défis économiques et énergétiques. Le nucléaire est notre héritage et notre horizon ; sachons le relancer, en tenant compte de ce changement d’époque.

Notre commission est très attachée à l’énergie nucléaire. Nous l’avons démontré dans nos travaux législatifs, avant et bien souvent contre le Gouvernement. Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs dans le cadre de la loi Énergie-climat de 2019. Ce ne fut pas simple, non plus, de conditionner toute autre fermeture à la prise en compte de ses conséquences sur notre sûreté, notre approvisionnement et nos émissions lors de la loi Climat et résilience de 2021.

Notre commission a aussi démontré cet attachement à l’occasion de ses travaux de contrôle. La mission d’information transpartisane, conduite avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a ainsi plaidé en faveur de la construction de quatorze EPR 2 et de quatre gigawatts de SMR, afin de maintenir un mix majoritairement nucléaire d’ici à 2050.

Lors de mes travaux préalables, j’ai entendu une centaine de personnalités au cours d’une cinquantaine d’auditions.

Je remercie vivement le rapporteur pour avis, Pascal Martin, des excellentes relations de travail que nous avons nouées ; elles nous ont permis d’organiser des auditions communes et de présenter des rédactions communes. Cela confère au Sénat une voix forte et unique sur ce sujet essentiel.

Je retiens de ces travaux préalables l’existence d’un large consensus autour de l’objectif du texte, mais aussi de lourdes critiques portant sur la méthode.

S’agissant de son objectif, le texte doit permettre d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs : d’une part, certaines procédures sont simplifiées, notamment en matière d’urbanisme, de construction ou d’expropriation ; d’autre part, certains actes voient leur nombre réduit et sont élevés au rang du décret, afin de concentrer le contentieux devant le Conseil d’État. Dans l’ensemble, le gain de temps pourrait être de cinquante-six mois pour EDF.

Concernant la méthode, elle est perfectible, et cela à plus d’un titre.

Tout d’abord, le Gouvernement légifère dans le désordre, car il aurait fallu – je vous prie de m’excuser, madame la ministre – soumettre à l’examen parlementaire le projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, puis celui sur le nucléaire et enfin celui sur les énergies renouvelables. Or nous faisons les choses complètement à l’envers.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Plus encore, le Gouvernement légifère dans la précipitation, le Sénat ayant été informé mi-décembre de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires et de la tenue de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ce mois-ci.

Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours, la Commission nationale du débat public ayant été chargée du débat portant sur l’évolution du mix énergétique et sur le programme du nouveau nucléaire, dont le site de Penly.

Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification, éludant les questions cruciales de la révision de la planification énergétique, de la décision de construction des réacteurs, ainsi que des moyens financiers et humains nécessaires, avec en filigrane le devenir de la régulation du nucléaire et du groupe EDF.

Surtout, ce texte ne doit pas faire oublier la responsabilité du Gouvernement dans le déclin de la filière du nucléaire. Jusqu’en 2022 et le tournant du discours de Belfort, il a appliqué une politique d’attrition du nucléaire existant et d’indécision s’agissant du nouveau nucléaire. Or, pour notre commission, il faut renverser la tendance ; il faut non pas se limiter aux annonces du discours de Belfort, mais construire davantage d’EPR 2.

Dans ce contexte, j’ai fait adopter une quarantaine d’amendements en commission, afin de compléter le texte selon quatre axes majeurs.

Le premier axe vise à en combler les angles morts. À cette fin, j’ai proposé d’allonger à vingt ans la durée des mesures de simplification et d’y intégrer, aux côtés des EPR 2, les projets de SMR et d’hydrogène.

J’ai également voulu clarifier la notion de « proximité immédiate », selon les préconisations de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF).

J’ai aussi prévu que l’État rende compte au Parlement de la mise en œuvre des mesures et des chantiers, afin que celui-ci soit informé sans omission des éventuels dépassements de délais et de coûts. L’État devra nous indiquer les sites retenus par EDF. Une clause de rendez-vous permettra d’inclure de nouveaux sites et de nouvelles technologies.

De plus, j’ai proposé de réviser la planification énergétique, en levant les verrous issus de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015. Il faut abroger l’objectif de réduction à 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035 et le plafonnement a priori à 63, 2 gigawatts des autorisations d’exploitation.

Il faut aussi procéder à une révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), afin d’en retirer la trajectoire de fermeture des douze réacteurs, qui existe toujours alors que nous légiférons sur un projet de loi d’urgence. Il faut enfin prévoir que la loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat, attendue d’ici à juillet prochain, acte la construction des nouveaux EPR 2 et SMR d’ici à 2050 et précise les moyens financiers et humains requis.

Le deuxième axe vise à garantir la sûreté et la sécurité. Dans cette perspective, j’ai proposé d’intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, au stade tant de leur autorisation que de leur réexamen, ainsi que la cyberrésilience à la protection des réacteurs contre les actes de malveillance.

J’ai aussi voulu conditionner l’octroi des concessions d’utilisation du domaine public maritime à la prise en compte des risques de submersion, d’inondation et de recul du trait de côte.

Par ailleurs, j’ai entendu maintenir le rapport quinquennal sur la sûreté, encadrer le recours à la simple déclaration préalable dans le cadre du réexamen des réacteurs et clarifier les délais de la procédure de mise à l’arrêt définitif.

Enfin, j’ai voulu moderniser le fonctionnement de l’Autorité de sûreté nucléaire, en renforçant les attributions de sa commission des sanctions et en actualisant les règles, les évaluations, les prescriptions ou les infractions applicables.

Le troisième axe vise à associer les collectivités territoriales et le public. Pour ce faire, j’ai souhaité garantir que les réacteurs ne puissent être qualifiés d’intérêt général qu’après la tenue du débat public. J’ai aussi voulu que les collectivités puissent amorcer un dialogue avec l’État s’agissant de la modification de leurs documents d’urbanisme.

J’ai également proposé d’exclure les réacteurs du décompte « zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s’agit d’un projet d’ampleur nationale. Un autre enjeu a été de garantir la perception par les collectivités de la taxe d’aménagement.

Le quatrième et dernier axe vise à renforcer la sécurité juridique des procédures.

Tout d’abord, j’ai proposé que les travaux pouvant être anticipés le soient, aux frais et aux risques de l’exploitant et après information du public. J’ai également voulu qu’un décret détermine ces travaux après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). J’ai aussi garanti le contenu de l’étude d’impact, les modalités de l’enquête publique ou encore les consultations de l’ASN.

De plus, j’ai suggéré que la dérogation à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite Littoral, soit attribuée au cas par cas s’agissant des ouvrages de raccordement, dans la continuité des travaux du Sénat menés à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Par ailleurs, j’ai proposé de réduire à six ans le délai de la procédure d’expropriation, d’en exclure les ouvrages de raccordement et les équipements de fonctionnement, ainsi que de prévoir des garanties, notamment de relogement des habitants ou d’indemnisation des professionnels.

Enfin, j’ai ajouté deux procédures manquantes : une procédure de régularisation de l’instance, pour les litiges liés aux nouveaux réacteurs, et une dispense de permis de construire, pour les travaux d’adaptation des réacteurs existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Finalement, le texte issu de la commission est équilibré, entre effort de simplification et exigences renforcées de sûreté et de sécurité.

Je forme le vœu que ce texte contribue à la relance du nucléaire. Dans la crise énergétique que nous traversons, l’énergie nucléaire est un atout pour offrir un coût de l’électricité attractif.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

M. Daniel Gremillet, rapporteur. Enfin, je voudrais remercier l’ensemble des membres de la commission, ainsi que nos collaborateurs.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, au nom de laquelle je m’exprime aujourd’hui, salue le signal sans équivoque que constitue le texte soumis à l’examen du Sénat.

Après de trop nombreuses années d’atermoiements, ayant conduit à un délaissement de la filière nucléaire, préjudiciable pour le climat, mais aussi pour la préservation de notre souveraineté, la nouvelle impulsion énergétique et industrielle est bienvenue. Elle est même indispensable au maintien de la France à sa place de numéro un de l’électricité décarbonée et au soutien de l’électrification des usages prévue par la stratégie nationale bas-carbone, grâce à une production pilotable, en parallèle du développement des énergies renouvelables et de la réduction massive de notre consommation énergétique.

Notre commission a toutefois regretté la méthode consistant à aborder le particulier avant le cadre général : il eût été préférable, pour la clarté des débats politiques, de définir au préalable les objectifs de la politique énergétique dans le cadre de la loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui doit être adoptée au Parlement dans le courant de l’année 2023.

En dépit des réserves et des remarques que je vous présenterai ici succinctement, notre commission a donné un avis favorable au présent projet de loi.

Compte tenu du champ très restreint du texte, de sa grande technicité et du calendrier des consultations actuellement à l’œuvre concernant les projets des six premiers EPR 2, ainsi que de l’élaboration de la stratégie française pour l’énergie et le climat, notre commission a souhaité apporter au texte des ajustements essentiellement juridiques, avec un double objectif : premièrement, améliorer la sécurité juridique et la lisibilité du texte, afin de limiter les risques contentieux qui affaibliraient la relance souhaitée du nucléaire français ; deuxièmement, encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire.

S’agissant du premier objectif, notre préoccupation principale a été de mieux définir la notion de proximité immédiate, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement à l’article 1er.

Nous pensons que cette notion pourrait correspondre à toute implantation ne nécessitant pas de modification de la zone d’application et du périmètre du plan particulier d’intervention, aussi appelé PPI, des centrales nucléaires existantes.

À l’article 4, nous avons également souhaité définir plus précisément par voie réglementaire les bâtiments sensibles dont la construction ne pourra être entreprise qu’après la délivrance de l’autorisation de création et ceux, à moindres enjeux de sûreté, qui pourront commencer dès l’octroi de l’autorisation environnementale.

En ce qui concerne le second objectif visant à encadrer les marges laissées au pouvoir réglementaire, notre commission a souhaité que ce dernier soit contraint d’ordonner la mise à l’arrêt définitif d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans, dès lors que l’absence de volonté ainsi que l’incapacité de l’exploitant de remettre son installation en service dans des délais raisonnables sont constatées par la puissance publique.

Cette option nous semblait équilibrée et offrait une opportune valeur ajoutée : elle évitait les instructions inutiles, comme le souhaitent les auteurs du projet de loi, sans pour autant affaiblir le principe d’un démantèlement des installations, le plus tôt possible, après leur arrêt. Elle n’a pas été retenue lors de nos débats en commission.

Avant de conclure, j’aimerais rappeler que ce projet de loi, aussi bienvenu soit-il, aura un impact limité sur la relance du nucléaire français : l’accélération des procédures et la réduction du risque contentieux ne constituent que des leviers mineurs pour s’assurer du développement dans les délais souhaités d’un nouveau parc et de la prolongation du parc existant dans les conditions de sûreté adaptées.

Les défis à relever dépassent en réalité largement le périmètre du texte et sont de deux ordres, ayant trait à la capacité des pouvoirs publics et du secteur, d’une part, à opérer une indispensable montée en compétences de la filière, et, d’autre part, à assurer une acceptabilité locale et nationale autour de la relance du nucléaire.

En résumé, il conviendra en 2023 de donner une visibilité suffisante aux acteurs du nucléaire : l’anticipation, indispensable à la fois à la montée en compétences de la filière et à l’acceptabilité du nouveau programme, constitue sans aucun doute la meilleure réponse aux défis qui s’annoncent pour le nucléaire français.

Applaudissements sur le s travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis saisie, par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, d’une motion n° 4.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, faut-il relancer la filière nucléaire en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

M. Daniel Salmon. Voilà, en substance, la question qui nous est posée avec ce projet de loi. La réponse, selon une approche rationnelle, est évidente : c’est non

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Tout d’abord, en mettant ce projet de loi à l’ordre du jour du Parlement, le Gouvernement ne respecte pas le débat démocratique qui a lieu en ce moment même – nous sommes là dans le droit fil de l’histoire du nucléaire.

En effet, sont en cours une concertation publique sur le mix énergétique, ainsi qu’un débat, organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) jusqu’au 27 février prochain, sur le projet de construction d’une paire d’EPR 2 sur le site de Penly, et, plus largement, sur le programme de construction de six nouveaux réacteurs.

Ce projet arrive également avant les débats qui doivent se tenir autour de la future loi quinquennale de programmation sur l’énergie et le climat, dont doivent découler la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone. C’est à l’issue de ces débats, et évidemment pas avant, que sera défini notre mix énergétique, et je note que, sur ce point, nous sommes en accord avec le rapporteur.

En plaçant le présent projet de loi dans ce calendrier, l’idée du Gouvernement est de gagner quelques mois – quelques mois à comparer aux trente-quatre années d’études et de construction pour un EPR qui n’a pas encore fourni 1 mégawattheure !

Demander aux parlementaires de voter un projet de loi actant une relance du nucléaire avant cette loi de programmation, alors qu’aucune obligation légale ou réglementaire ne l’impose, nous paraît largement prématuré et profondément anti-démocratique. Quel est l’objectif, sinon mettre les acteurs concernés, ainsi que nos concitoyens, devant le fait accompli ?

Toutes les garanties doivent être apportées pour que ces choix politiques soient pris dans le respect du Parlement et de nos concitoyens, et non décidés unilatéralement par le chef de l’État, à Belfort.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose au fondement même du projet : la relance du nucléaire.

Nous ne pouvons que nous y opposer, même si nous sommes lucides sur le fait de devoir encore, hélas ! composer avec le nucléaire existant un certain temps. Depuis des années, en effet, l’inaction est de mise sur l’efficacité et la sobriété, et le rythme de développement des énergies renouvelables n’a pas été respecté.

Il n’est pas acceptable de relancer des activités nucléaires polluantes et dangereuses qui nous engagent pour au moins un siècle, alors que les menaces de tous ordres, en particulier les bouleversements climatiques, vont accroître de façon considérable les risques encourus par cette filière.

Qui peut vraiment prédire le climat et l’état de la planète en 2050, alors qu’il y a déjà d’énormes incertitudes sur les cinq ans à venir ? Ce n’est pas acceptable, d’autant que des solutions alternatives totalement crédibles, non dangereuses, plus rapides à mettre en œuvre et bien moins chères sont à portée de main.

Nous tenons en premier lieu à souligner l’incohérence de l’objectif affiché dans l’exposé des motifs quant à la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Le temps de développement des nouveaux réacteurs est long, très long – soyons lucides, on ne peut pas envisager une échéance de moins de quinze ans, et probablement de vingt ans. Or le dérèglement climatique demande des solutions ayant un impact fort dans les dix années à venir. C’est maintenant qu’il faut agir, et radicalement !

D’ailleurs, le Giec, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, classe le nucléaire loin derrière les énergies renouvelables et les économies d’énergie, au regard des objectifs de développement durable qu’il a établis, en prenant en compte les coûts élevés, la nécessité d’un soutien public très important, l’enjeu de la gestion des déchets, les impacts sur les ressources en eau, la pollution liée aux mines d’uranium, le risque de prolifération, etc.

Nous ne pouvons exposer la question du nucléaire sans parler des enjeux de sûreté.

Les impacts des accidents nucléaires survenus dans le passé perdurent. Ainsi, trente-six ans après l’accident de Tchernobyl, des territoires entiers restent contaminés. Il ne suffit pas de minimiser les faits d’une manière mensongère dans une bande dessinée pour que cela devienne réalité ! Il faudra des siècles pour que la radioactivité disparaisse des sols. À Fukushima, il faut continuer à refroidir le combustible. Plus d’un million de tonnes d’eau contaminée restent présentes sur le site.

En France, un accident nucléaire n’est pas une vue de l’esprit : un tel scénario a été chiffré par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) – jusqu’à 430 milliards d’euros pour un accident majeur. Selon Gregory Jaczko, ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire américaine, les accidents nucléaires graves sont inéluctables.

Le nucléaire est un malade chronique, qu’il faut surveiller sans cesse en temps de paix. Mais il faut ajouter à cette maladie une vulnérabilité intrinsèque face aux agressions extérieures, ce qui en fait une énergie profondément dangereuse. Nous pouvons le constater encore aujourd’hui avec la situation gravissime autour de la centrale de Zaporijia, en Ukraine.

Autre sujet de vulnérabilité, dont les manifestations vont aller croissant : les bouleversements climatiques, entraînant une hausse du niveau de la mer, un accroissement de la température et une baisse du débit des fleuves, des tempêtes et tornades de plus en plus fréquentes et violentes, des inondations… Qui peut prévoir ce qui se produira avec des EPR conçus aujourd’hui, mais qui entreront en production en 2040, dans un monde dont la température aura augmenté de 2 degrés, et termineront leur carrière en 2100, avec, peut-être, une température ayant progressé de 4 degrés ?

Certains associent facilement nucléaire et souveraineté, mais depuis quand « nucléaire » rime-t-il avec « indépendance énergétique » ?

Nos 210 mines ont produit en totalité l’équivalent de dix ans de consommation. Elles sont toutes fermées depuis vingt ans. Aujourd’hui, 100 % du combustible est importé. Ces importations se font au prix de compromissions avec certains régimes autoritaires et au mépris de la santé des populations locales. Au Niger, par exemple, l’extraction d’uranium suscite des poussières radioactives, empoisonne l’eau et la nourriture et affecte la santé des habitants.

Quant au coût du démantèlement des centrales en fin de vie, sur ce sujet comme sur d’autres, EDF avance des chiffres totalement fantaisistes, déconnectés des réalités.

Les déchets sont l’autre bout de la chaîne d’un cycle qui n’est pas du tout fermé, malgré ce que l’on entend dire. Stockés dans des piscines, exportés, non comptabilisés, ces déchets attendent une issue. Ce sera peut-être Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) pour les plus radioactifs, un enfouissement sans retour aux risques et aux coûts sous-estimés. Pour les moins radioactifs, issus des démantèlements, la solution avancée semble être la dissémination, la dilution dans l’environnement.

Tout cela a et aura des coûts faramineux, et c’est bien le contribuable qui devra mettre la main au portefeuille – une habitude pour le nucléaire !

Par ailleurs, où va-t-on vraiment gagner du temps avec ce projet de loi ? Ce ne sont pas les procédures administratives en matière d’urbanisme ou de droit de l’environnement qui freinent le déploiement du nucléaire, comme le laisse croire ce texte. Cette analyse simpliste ne permet pas de poser les vraies questions sur les défaillances et les contraintes structurelles de l’énergie atomique.

Il faut plutôt chercher dans les domaines du travail de conception, des études détaillées, de l’instruction technique. À tout cela s’ajoute l’absence de compétences, qui suscite des malfaçons en cascade.

J’en viens au fleuron, l’EPR, la définition même de ce que l’on appelle un fiasco industriel et économique, mis en cause au mois de juillet 2020 par la Cour des comptes elle-même, au travers d’un rapport extrêmement sévère sur la filière.

Ce rapport revient sur la longue liste des problèmes responsables des retards interminables et du surcoût du chantier de Flamanville, ainsi que des autres réacteurs en construction de par le monde. Surtout, la Cour des comptes met en doute l’opportunité de relancer un nouveau parc nucléaire, appelant l’État à se demander si d’autres options de production d’électricité ne sont pas plus pertinentes et moins chères.

L’EPR, en effet, est aussi un gouffre financier. Ce qui pourrait seulement interroger devient proprement scandaleux lorsque le coût estimé pour Flamanville atteint désormais près de 20 milliards d’euros et que le chantier n’est toujours pas terminé.

Quel acteur du secteur privé pourrait se permettre un budget multiplié par six ? Comment se fier, pour la construction d’autres EPR, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

… à une filière incapable de gérer un budget et un calendrier ?

De plus, le retour d’expérience sur ce fiasco de l’EPR est incomplet. Refuser de tirer les leçons de ce chantier catastrophique avant d’engager la France dans des projets de nouveaux réacteurs, qui connaîtront très probablement à leur tour retards, surcoûts et malfaçons, n’est pas acceptable.

Décider le lancement de ces projets revient à mépriser la démocratie, la sûreté et les générations futures, qui devront porter le poids de ces nouveaux boulets à leurs pieds.

Alors que cet échec industriel et économique n’est plus à démontrer, est-il opportun de remettre une pièce dans la machine ? Le Gouvernement, comme l’administration, s’arc-boute sur des schémas du XXe siècle – on a précédemment évoqué le président Pompidou. Il reste habité par cette mystique qui veut que la grandeur de la France passe nécessairement par une industrie nucléaire triomphante, à l’énergie prétendument peu chère et abondante.

Se lancer sur cette trajectoire de construction de nouveaux réacteurs, c’est mettre quasiment tous nos œufs dans le même panier, avec toutes les incertitudes sur les délais, les coûts et les garanties de sécurité que cela comporte. De tels investissements asphyxient tous les autres besoins de financement pour la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables. C’est proprement irresponsable !

Pour conclure, les propositions des sénateurs et sénatrices écologistes sont claires. Les économies d’énergie couplées à une rapide montée en puissance des énergies renouvelables, une production tout à la fois décentralisée et en réseau : voilà la vraie transition énergétique que nous défendons !

Le scénario fondé à 100 % sur les énergies renouvelables est techniquement réalisable, comme l’a démontré l’étude conjointe de Réseau de transport d’électricité et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pourvoyeur d’emplois, plus résilient face à une crise et plus rapide à mettre en œuvre. Il sera mieux intégré dans les territoires et permettra la réappropriation du système énergétique par les citoyens.

Parce que nous ne voulons pas avoir raison à titre posthume, parce que la centralisation du pouvoir qui va de pair avec l’énergie nucléaire n’est pas démocratique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

… parce que nous refusons d’adhérer à l’ébriété énergétique qui est vendue par le nucléaire et qui pousse à retarder la transition, parce qu’il nous faut des solutions applicables immédiatement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

M. Daniel Salmon. … parce que nous refusons de léguer aux générations futures le poids incommensurable d’une relance du nucléaire, parce que nous voulons faire vivre la démocratie, le groupe GEST vous invite, mes chers collègues, à rejeter le présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Y a-t-il un orateur contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Cette motion n’est pas pertinente, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, aucune difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel n’a été soulevée à l’encontre de ce projet de loi dans l’avis du Conseil d’État.

Ensuite, notre commission s’est assurée que les consultations avaient bien été effectuées, notamment celles du Conseil national de la transition écologique, du Conseil national d’évaluation des normes et de la mission interministérielle de l’eau.

Enfin, comme je l’ai dit précédemment, notre commission a certes regretté le séquençage retenu, qui aurait dû commencer par le projet de loi de programmation pour se poursuivre par le présent projet de loi, puis par le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables – c’est effectivement le seul point sur lequel nous nous retrouvons, monsieur Salmon.

Exclamations sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Ainsi, les débats publics prévus sur le nouveau programme nucléaire, dont les deux EPR de Penly, et sur le mix énergétique se poursuivent sous l’égide de la Commission nationale du débat public.

J’ajoute que notre commission est très sensible à la question de la participation du public. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu lors de nos travaux, d’une part, que la qualification de projet d’intérêt général soit affectée uniquement après le débat public, et, d’autre part, que le Gouvernement précise à la représentation nationale les sites soumis à autorisation de création de nouveaux réacteurs ou, à l’article 9, à réexamens périodiques.

Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.

Nouvelles exclamations sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Sans surprise, mesdames, messieurs les sénateurs, mon avis sera également défavorable.

La première raison à cela, M. le rapporteur l’a très bien rappelé, est précisément qu’un débat public est en cours – il y en a même deux ! – pour associer le public et interroger les Français.

Le premier – nous avons suivi la Commission nationale du débat public – concerne le mix énergétique de l’ensemble de notre pays pour les années à venir. Le second, spécifique à la première paire de réacteurs à Penly, est élargi à l’acceptabilité du nucléaire. Ces débats sont en cours et, respectant la démocratie participative, nous en verserons les résultats dans la programmation pluriannuelle de l’énergie.

C’est pourquoi, et tout le monde l’a bien compris, je crois, le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui intégrera cette programmation, sera présenté à la fin de ces débats publics et après que les concertations nécessaires au bon fonctionnement de notre démocratie auront été menées. Cela se produira dans le courant de l’année 2023.

Dès lors, pourquoi ce projet de loi ? Ce texte porte sur des autorisations qui prendront plusieurs années à être obtenues, compte tenu de la complexification de notre droit, par exemple en matière d’urbanisme ou de zones littorales, depuis la construction des premiers réacteurs nucléaires, à la fin des années 1970 et au début des années 1980.

Il ne faudrait pas que ces procédures administratives et techniques soient ralenties de plusieurs années, et c’est de cela que nous parlons aujourd’hui ! Il est question des premiers dossiers qui doivent être préparés et déposés aujourd’hui, si vous voulez que nous ayons des réacteurs nucléaires en 2035 ou 2037, ce qui est l’objectif du Gouvernement.

En d’autres termes, nous ne confondons pas vitesse et précipitation. Nous sommes dans l’anticipation : c’est très exactement de cela qu’il s’agit.

Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à rejeter cette motion, qui met en danger notre mix énergétique à long terme et qui ne répond pas aux enjeux climatiques.

Je voudrais également répondre à quelques-uns des points mentionnés.

Pour le Giec, l’énergie nucléaire est bien l’une des réponses au réchauffement climatique – les auteurs du rapport l’écrivent noir sur blanc, même s’ils ne la présentent pas comme la solution première.

M. Ronan Dantec s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Par ailleurs, s’agissant des déchets, nous avons des propositions et nous mettons déjà des mesures en œuvre.

Quant aux mines et à la façon dont celles-ci sont exploitées, dois-je rappeler que, pour les énergies renouvelables, on consomme du lithium et du cobalt, tout en utilisant des aimants permanents ?

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Les mêmes questions se posent donc dans ce secteur. D’ailleurs, elles ont peut-être été mieux anticipées pour l’uranium que pour les matières utilisées dans celui-ci – c’est, à l’heure actuelle, un travail important qui est mené sur le sujet par mon ministère et au niveau européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Comme vous le savez, mes chers collègues, nous ne souscrivons pas aux arguments avancés par le groupe écologiste s’agissant du mix électrique. Mais nos collègues ont évidemment tout à fait le droit d’avoir leurs arguments, et nous aurons, après que chacun aura exposé ses positions, un débat.

Pour notre part, nous partageons l’idée d’un mix électrique comprenant une part non négligeable de production nucléaire et le développement des énergies renouvelables, dans un cadre entièrement public – vous le savez, nous ne lâcherons rien sur ce sujet.

Toutefois, s’agissant de la question de forme que soulève le groupe écologiste par la voix de Daniel Salmon dans la motion tendant à opposer la question préalable, pardonnez-moi de dire que nos collègues ont raison !

On nous indique que le contenu des débats publics sera versé aux discussions à venir. Peut-être est-ce parfaitement constitutionnel, monsieur le rapporteur, mais il y a aussi une question politique ! On n’ouvre pas un débat public en organisant, en même temps, le débat au Parlement. C’est exactement pareil lorsque l’on nous invite à débattre rapidement sur les retraites, tout en nous disant que l’on mènera simultanément une concertation avec les partenaires sociaux…

Par ailleurs, nous sommes amenés, ici, à prendre une décision sur le nucléaire sans être revenus auparavant sur l’actuelle loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui prévoit un objectif de 50 % de la production d’électricité d’origine nucléaire.

Je suis désolé de le dire, mes chers collègues, on prend le problème à l’envers ! Comme nous ne cessons pas de vous le répéter depuis le mois de juillet dernier, madame la ministre, ayons le débat politique et fixons les objectifs avant d’aborder les textes qui permettent de les atteindre. J’y insiste, le travail que nous sommes en train de mener ira à l’encontre de la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie toujours en place !

Enfin, imaginons – ce n’est pas mon souhait, je le précise – que, dans la prochaine loi de programmation, nous retenions le postulat de RTE, à savoir 100 % d’énergies renouvelables. Ce que nous faisons aujourd’hui serait caduc, et nous nous serions réunis pendant deux ou trois jours pour rien.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons sur la motion de nos collègues écologistes tendant à opposer la question préalable.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Sans reprendre l’argumentaire de Fabien Gay, auquel nous souscrivons pour ce qui concerne la procédure, je voudrais apporter une précision.

Nous n’examinons pas aujourd’hui le texte du Gouvernement, dont l’objectif était d’anticiper sur les plans administratif et juridique les décisions à venir, qui seront élaborées dans le cadre de la future stratégie française en matière de climat et d’énergie que nous appelons tous de nos vœux. Nous examinons le texte qui a été voté par la commission des affaires économiques du Sénat, laquelle a modifié, voire dévoyé, si j’ose dire, le texte initial, pour traduire dans la loi le discours du Président de la République à Belfort. Elle est même allée au-delà des intentions présidentielles !

Là où, comme l’a mentionné le rapporteur pour avis, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, saisie pour avis, a sécurisé de façon rigoureuse et responsable le texte, notamment en précisant la notion de proximité immédiate et le séquençage des travaux, en définissant les bâtiments sensibles, en veillant à ce que l’Autorité de sûreté nucléaire puisse toujours assumer ses fonctions, la commission des affaires économiques – sous l’ombre de Pierre Messmer, allais-je dire – a établi une nouvelle programmation énergétique. Celle-ci va s’imposer lors de la discussion de la future loi de programmation, en court-circuitant toutes les procédures de concertation et de débat public, ce qui s’apparente à une forme de déni de démocratie consultative.

Mes chers collègues, nous ne sommes plus dans les années 1970 : il faut, d’une certaine façon, remettre les choses dans l’ordre !

Bien que nous déplorions la présentation prématurée de ce texte, si celui-ci se cantonne à des aspects administratifs et juridiques, nous sommes favorables, au sein du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, à la poursuite de son examen. Nous essaierons en effet de revenir aux dispositions proposées par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

En conséquence, nous nous abstiendrons sur la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Il est toujours amusant de voir l’illustration de certains dogmatismes ! Je reconnais au groupe écologiste une certaine continuité dans l’erreur ; nos collègues ont toujours été contre le nucléaire et pour le tout-EnR. Mais dire que le processus démocratique n’a pas été respecté est discutable, d’autant que l’on discute du sujet depuis de nombreuses années ici.

Je reconnais que l’inversion du calendrier – présenter des textes sur le nucléaire ou les énergies renouvelables pour, en toute fin de processus, passer la programmation pluriannuelle – paraît assez illogique. Pour autant, ce n’est pas parce que le processus démocratique est accompli que la décision adoptée est bonne.

Murmures sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Je rappelle à cet égard les orientations prises en 2011, avec, à l’époque, un accord électoral entre les Verts et les socialistes – le candidat François Hollande n’était pas encore président, mais il a mis cette décision en œuvre. Il est incontestable que celle-ci a été prise dans le cadre d’un processus ratifié par les élections. Ce fut un choix tout à fait démocratique, qui se révèle aujourd’hui catastrophique !

Protestations sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Vous voyez donc, mes chers collègues, qu’un processus démocratique parfaitement réalisé ne garantit pas une bonne décision.

Par ailleurs, on dit que le calendrier serait prématuré ; pour ma part, je crois surtout qu’il est tardif. On a mis des années à changer d’orientation. Non, le Président de la République n’est pas allé à Belfort : il est allé à Canossa !

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Enfin, je n’ai pas une admiration totale pour le gourou médiatique qu’est Greta Thunberg. Mais, devenant adulte, celle-ci a reconnu voilà quelques mois qu’il valait mieux avoir des centrales nucléaires que des centrales à charbon. Tout arrive, mes chers collègues… En attendant, nous payons aujourd’hui très cher nos erreurs stratégiques et nous n’avons pas fini de les corriger !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Pierre Moga, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

M. Jean-Pierre Moga. Même si mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même regrettons le désordre inhérent à l’examen parlementaire de notre politique énergétique et l’absence de loi globale sur l’énergie, nous ne voterons pas cette motion, parce que le texte que nous allons examiner permettra de limiter les freins, de lever les blocages, de contourner les obstacles à la construction de nouvelles centrales et à la modernisation des réacteurs existants, parce que le nucléaire est aujourd’hui incontournable dans notre mix énergétique.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je mets aux voix la motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

La motion n ’ est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes ici une majorité à être d’accord pour simplifier et alléger le carcan normatif pesant sur la construction de nouvelles centrales nucléaires et l’entretien du parc existant.

Cependant, nous ne saurions réduire le débat sur ce projet de loi à de simples allègements administratifs, sans évoquer la vision et le cap de notre politique énergétique, si tant est qu’il en existe encore un.

La temporalité de l’examen de ce texte est tout d’abord doublement anachronique.

Nous sommes encore soumis à la mauvaise trajectoire de la précédente programmation pluriannuelle de l’énergie pour les années 2018 à 2023 et nous légiférons sans connaître les objectifs pour la période courant de 2023 à 2028, qui seront fixés dans quelques mois seulement.

En effet, dans la continuité de la politique menée depuis 2012, l’exécutif a prévu en 2018 la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires d’ici à 2035, pour passer la part du nucléaire de 80 % à 50 % dans notre mix énergétique national.

Les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont ainsi été fermés en 2020 après quarante-trois ans de fonctionnement, soit la moitié de la durée de vie de certaines centrales aux États-Unis, et alors que nous avons une ingénierie de pointe en la matière. Vous êtes, madame la ministre, pour le départ à la retraite à 64 ans pour tous, sauf pour les réacteurs nucléaires !

M. Fabien Gay rit .

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Puisque le présent texte prévoit désormais le départ à la retraite des réacteurs au-delà de 60 ans, il serait incompréhensible de ne pas revenir sur cette décision. Cette centrale, en effet, ne présentait aucun dysfonctionnement mettant en cause la sûreté de l’installation.

À cette problématique s’ajoute celle, d’ordre juridique, qui consiste à savoir si l’on peut définir une stratégie souveraine, indépendamment de celle que fixent les institutions européennes, sous le regard attentif et la main interventionniste de l’Allemagne.

Aujourd’hui, notre filière nucléaire est la première victime des choix de Bruxelles, que vous appliquez avec le zèle qui vous caractérise.

Dès lors, oui, je ferai tout pour actionner les faibles leviers qui sont les nôtres en faveur de la prolongation des centrales existantes et la construction d’EPR de nouvelle génération et de petits réacteurs modulaires. Mais, non, je ne participerai pas à l’enthousiasme communicationnel autour de ce tout petit texte rédigé à la hâte, car je suis chaque jour aux côtés des Français qui voient leur facture énergétique exploser en raison de vos choix désastreux.

Je suis aux côtés des artisans et des entreprises précarisés, non pas à cause de la guerre en Ukraine, mais à cause de vos renoncements sur la filière nucléaire, notamment l’abandon du projet Astrid (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), après celui de Superphénix.

Je suis aux côtés des maires qui voient leur budget rabougri, obérant le développement de leur commune.

Les événements du dernier week-end en Allemagne sont l’image parfaite de ce que nous ne voulons pas voir chez nous : une guerre sociale, des villages détruits pour des mines et d’ignobles éoliennes qui s’étendent avec un appétit sans fin.

Murmures sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

C’est pourtant ce qui se profile avec la réouverture du site de Saint-Avold et le développement des énergies intermittentes. Votre entêtement idéologique et vos petits accords électoraux avec les talibans verdoyants

Exclama tions sur les travées du groupe GEST. – M. Thomas Dossus salue ironiquement.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le Gouvernement est frappé par une inflation de son incompétence, et ce sont les Français, une fois de plus, qui en paieront le prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les inquiétudes exprimées à la fin de l’année 2022 et les plans de délestage annoncés dans la presse constituent une piqûre de rappel – s’il en fallait une ! – quant à la vulnérabilité de notre approvisionnement en énergie.

Nous échapperons probablement aux coupures cet hiver, grâce aux efforts des Français, qui réduisent leur consommation d’énergie, au redémarrage de nombreux réacteurs durant le mois en cours et aux températures clémentes des trois dernières semaines. Mais pour combien de temps ?

La période qui commencera en 2050 correspond au moment où nous espérons atteindre la neutralité carbone et où nous devrons fermer les réacteurs nucléaires en fonction. Elle sera déterminante pour préserver nos conditions d’existence et participer à la lutte contre le changement climatique.

Nous sommes donc au tournant de la sortie progressive de l’ère des énergies fossiles, sortie qui, au regard du retard pris, s’annonce abrupte.

Elle implique notamment de décarboner tous les secteurs, à commencer par celui de l’énergie, et ainsi de doubler notre production d’électricité. Les différents exercices de prospective récents, le rapport Transition(s) 2050 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou Futurs énergétiques 2050 de Réseau de transport d’électricité, entre autres, permettent d’éclairer le débat public et la représentation nationale.

Tous les scénarios présentent de fortes incertitudes quant à la disponibilité des technologies, au contexte social, géopolitique et macroéconomique, aux besoins en formation ou au financement.

Dans tous les cas, le groupe RDSE soutient de longue date un mix énergétique diversifié, combinant nucléaire, énergies renouvelables (EnR) et hydrogène, afin de garantir la stabilité du système électrique, lequel doit demeurer pilotable.

En outre, la prolongation, dans le cadre du scénario « N03 » favorisé par la commission des affaires économiques, du fonctionnement des centrales actuelles jusqu’à l’âge de 60 ans, alors que celles-ci ont été conçues pour une durée de quarante ans, bien qu’elle soit souhaitable, ne saurait être considérée comme acquise.

Aussi, il faut aller vite et relancer un nouveau programme nucléaire. Après l’examen d’un projet de loi consacré à l’accélération des énergies renouvelables, on ne peut que se réjouir du retour en grâce de l’atome, à la fois en France et sur la scène internationale.

En pariant sur le nucléaire, en confirmant ses choix historiques, qui lui ont permis de produire une électricité largement décarbonée, la France ne fait pas cavalier seul.

Cependant, le temps long de la construction des réacteurs implique de prendre dès à présent des décisions, pour compter sur une première mise en service en 2035 et un parc de quatorze EPR en 2050.

Cette accélération ne doit pourtant pas être synonyme d’escamotage de la démocratie participative ou représentative ou encore des règles de sécurité et de sûreté.

C’est bien cela que garantit ce projet de loi, en facilitant la construction de nouveaux réacteurs sur les sites existants ou dans leur proximité immédiate, afin de s’assurer de l’acceptabilité des projets. C’est ainsi le cas de la centrale du Blayais, dont je défends la candidature à l’accueil d’une paire d’EPR, avec nombre de maires, d’entreprises et d’habitants de ce territoire girondin.

J’ai déposé un amendement visant à ce que les études de faisabilité concernant la construction de ces réacteurs soient rendues dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, afin de donner de la visibilité à ce territoire qui dispose de tous les atouts pour les recevoir. Examiné en commission, celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en prends acte.

Nous le savons, les défis de la filière nucléaire ne reposent pas seulement sur les démarches administratives. Le projet de loi ne produira qu’un gain de temps mineur, certes non négligeable : un raccourcissement des délais de cinquante-six mois, selon le rapporteur au fond.

Des obstacles plus importants nous attendent, qui sont de plusieurs ordres : délais industriels ; solutions à trouver aux problèmes de construction apparus sur le chantier de Flamanville ; formation et maintien des compétences ; sécurité d’approvisionnement en uranium dans un contexte géopolitique peu prévisible ; réchauffement climatique, qui soulève la question du refroidissement des centrales ; gestion des déchets ; revalorisation du combustible ; financement ; ou encore effets de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) sur la situation d’EDF.

Il s’agit d’un défi industriel considérable pour une filière qui se tient prête à le relever. Aussi est-il dommage, alors que le débat public est en cours s’agissant de la construction de deux EPR à Penly et du programme du nouveau nucléaire, que nous ne disposions pas de plus d’informations concernant le financement de ce dernier. De même, il est regrettable que nous ne disposions pas, à ce jour, de la liste des sites d’implantation des huit EPR supplémentaires prévus.

Enfin, si l’on ne peut, quel que soit le scénario choisi, lever les incertitudes technologiques et financières, levons au moins les incertitudes politiques et juridiques. Le groupe du RDSE votera donc en faveur de ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à Mme Sophie Primas.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui ne peut masquer la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité dans le déclin de notre filière nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Fin 2022, au moment même où, plus que jamais, nous avions besoin de cette source d’énergie pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine, la moitié de nos réacteurs était encore à l’arrêt, symptôme apparent d’une situation moins visible, mais structurellement grave.

En réalité, jusqu’au discours de Belfort, tenu fort opportunément à la toute fin du précédent quinquennat, à revers de la politique menée jusque-là, le Gouvernement a totalement délaissé la filière du nucléaire. Il est même allé, ne l’oublions pas, jusqu’à céder les capacités de production de turbines nucléaires d’Alstom, dans une bataille géoéconomique et géopolitique épique.

Madame la ministre, vous indiquez ce matin, dans Le Figaro, que, au cours du premier quinquennat, vous aviez consolidé la filière, …

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

C’était tout de même bien le minimum ! Fallait-il aussi fragiliser ces deux acteurs industriels majeurs ?

Vous affirmez avoir alloué, depuis trois ans, avec France Relance et France 2030, de fortes sommes au nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Rappelons pourtant les chiffres : 470 millions d’euros pour France Relance et 1, 2 milliard d’euros pour France 2030.

Aurai-je la cruauté de rappeler que nous avons voté, dans le projet de loi de finances pour 2023, plus de 50 milliards d’euros de boucliers énergétiques de tous ordres pour soutenir notre économie, sans aucun investissement à la clé ? 50 milliards d’euros d’eau sur le sable en un an, contre 1, 5 milliard d’euros pour semer l’énergie de demain… Le compte n’y est pas !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Le Gouvernement a poursuivi la politique de fermeture des réacteurs existants décidée lors du quinquennat précédent, sans rien remettre en cause de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ; il a acté quatorze arrêts de réacteurs en vingt ans et exécuté Fessenheim dès 2020 !

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Ce gouvernement, qui fait aujourd’hui du nucléaire un élément central de la transition énergétique avec la sobriété et les EnR, a fait preuve d’un attentisme regrettable et coupable. Les occasions étaient nombreuses, mais il n’a pas pris la décision de construire de nouveaux réacteurs…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

… lors de la révision de notre planification énergétique nationale, dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat, non plus que dans la programmation pluriannuelle de l’énergie de 2020.

La loi de 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets n’a été qu’une nouvelle occasion manquée.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je me souviens des lourdes difficultés, voire des sarcasmes, auxquelles nous nous sommes heurtés dans cet hémicycle pour faire adopter un principe pourtant de bon sens : l’interdiction de toute nouvelle fermeture de réacteur, sauf motif de sûreté, en l’absence d’étude d’impact sur la sécurité de notre approvisionnement énergétique et sur les émissions de gaz à effet de serre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Je me souviens que la ministre de l’énergie d’alors…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

… avait même qualifié, au banc du Gouvernement, le travail de notre commission de « ni fait ni à faire » !

Certes, le discours a changé, mais les annonces de Belfort, concernant, notamment, les six EPR 2, restent en deçà des besoins.

Le scénario « N03 » de RTE exige la construction de quatorze EPR 2, ainsi qu’une production de 4 gigawatts issue de SMR. De plus, ce scénario ne prend pas en compte le risque de non-prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans – cela peut arriver –, non plus que les besoins en électricité qui pourraient naître de la réindustrialisation des territoires ou du développement de l’hydrogène.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Certes, le discours a changé, mais la situation de notre parc nucléaire demeure préoccupante. La fermeture de la centrale de Fessenheim nous a privés d’une puissance de 1, 8 gigawatt, soit l’équivalent de 1 800 éoliennes, représentant une économie de CO2 de 10 millions de tonnes.

Surtout, ce manque d’ambition vis-à-vis du nucléaire a asphyxié une filière qui, se croyant en déclin, n’a plus attiré ni les talents en nombre suffisant ni le volume d’investissements nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

En témoigne, par exemple, la baisse de 70 millions d’euros du budget du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) entre 2017 et 2021, ainsi que l’arrêt coupable du projet Astrid en 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Les Français ne doivent pas être éblouis par l’avalanche soudaine de projets de loi relatifs à l’énergie, au risque d’oublier les conséquences délétères de cette politique de l’abandon.

RTE n’a-t-il pas placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu’en 2024 en matière de sécurité d’approvisionnement ? L’Ademe évoque, quant à elle, une « érosion tendancielle » de la production nucléaire depuis dix ans, et l’Autorité de sûreté nucléaire, un système électrique « sans marge ».

Il est donc urgent d’agir, au-delà du texte de simplification proposé. Le Gouvernement doit lancer la construction effective des réacteurs, les six annoncés comme les huit qui sont à l’étude ; il doit aussi proposer un modèle de financement, car le groupe EDF ne peut assumer seul le coût des EPR 2, qui atteindra au bas mot 46 milliards d’euros pour les six premiers d’entre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Il doit, de surcroît, préparer un plan d’attractivité des métiers et des compétences pour garantir la main-d’œuvre nécessaire aux EPR 2, soit 30 000 emplois pour les six premiers. Je sais que vous êtes engagée sur ce dossier, madame la ministre.

Enfin, et surtout, la recherche et le développement doivent être soutenus pour renforcer nos capacités d’innovation et d’attractivité, notamment en ce qui concerne les réacteurs de quatrième génération ou la poursuite du projet Iter. En effet, mes chers collègues, l’énergie du XXIIe siècle s’invente aujourd’hui et, comme l’a dit notre excellent rapporteur, « le nucléaire de demain ne sera pas celui d’hier ».

C’est donc à ces conditions que la relance du nucléaire pourra être réalisée et notre souveraineté retrouvée, car le nucléaire est un levier de souveraineté énergétique.

Certes, j’entends l’argument avancé par nos collègues s’agissant de la dépendance à l’uranium. Il est juste. Pour autant, il est aussi valable pour les EnR, qui nécessitent des terres rares pour les aimants d’éoliennes, par exemple.

La réponse à ces dépendances envers des ressources non disponibles sur notre territoire se trouve dans la recherche, dans le bouillonnement de l’innovation, dans l’optimisation et dans le recyclage de ces matériaux.

Le nucléaire est une énergie qui offre aux Français et à nos entreprises un coût d’électricité inférieur à celui que pratiquent d’autres pays européens, au point que nos amis allemands en font un sujet. Il est un levier indispensable de transition énergétique, avec des émissions n’excédant pas 6 grammes par kilowattheure.

Son développement ne s’oppose pas à celui des énergies renouvelables, nous devons mettre un terme à ces batailles qui relèvent du passé. Au contraire, toute production décarbonée est bonne à prendre pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, adopté sur l’initiative de notre commission dans la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat !

Le développement de l’énergie nucléaire est sans doute, par ailleurs, l’une des conditions du développement de l’hydrogène, qui pourrait être produit à grande échelle à partir de l’électricité de nos réacteurs.

Oui, madame la ministre, notre commission a transformé ce texte technique en affirmation d’une volonté politique pour réussir enfin la relance de l’énergie nucléaire, pour donner ce signal tant attendu depuis plus de dix ans.

Au-delà de la simplification normative, nous avons souhaité dessiner une véritable trajectoire de relance, pour un nucléaire plus abondant, plus sûr, plus rapide et plus innovant.

Nous ne pouvions nous résoudre à indiquer, comme vous le faisiez dans le texte d’origine, qu’il faut « accélérer l’installation de nouveaux réacteurs, accélérer la prolongation des centrales actuelles », tout en actant les prochaines fermetures de douze anciens réacteurs actifs. Il s’agit bien d’une contradiction flagrante !

Cette coordination juridique d’une cohérence politique et de l’affirmation d’une ambition énergétique devait être opérée ; à défaut, rien, dans ce projet de loi, ne ferait sens.

Le groupe Les Républicains prendra donc ses responsabilités et votera ce texte, parce qu’il aura été enrichi par la commission des affaires économiques.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville.

M. Jean-Louis Lagourgue applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un grand Lorrain, Pierre Messmer, alors Premier ministre, déclarait en 1974 : « Notre grande chance, c’est l’énergie électrique d’origine nucléaire. » Malheureusement, trop d’années d’inaction, d’hésitation, d’atermoiements et de renoncements, trop de choix stratégiques souvent guidés par des opportunités politiques court-termistes, puis sacrifiés au profit de coalitions de circonstances, ont fragilisé ce fleuron industriel.

Tout cela a conduit au désinvestissement dans la filière et à un affaiblissement continu d’EDF, qu’il vous revient aujourd’hui de relancer, madame la ministre.

Ce texte est nécessaire, car il est urgent d’agir pour remettre en marche notre filière nucléaire. Il comporte deux grands volets.

Le premier volet porte sur la simplification des procédures réglementaires et administratives liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites existants ; le second a trait au fonctionnement des installations. Ce projet de loi pose en définitive le cadre d’une accélération procédurale.

Je veux saluer le travail de précision effectué par la commission des affaires économiques sur ce texte très technique, tout particulièrement celui de son rapporteur, Daniel Gremillet, dont nous connaissons à la fois la compétence et l’engagement majeur et constant. Ce texte n’est qu’une étape avant l’important projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC), que nous examinerons dans le courant de l’année 2023.

Je me félicite tout particulièrement de la suppression de l’objectif de réduction à 50 % du nucléaire dans le mix énergétique que notre commission a imposé et que le groupe Les Indépendants – République et Territoires avait porté au travers de plusieurs amendements. En 2016, Ségolène Royal défendait l’objectif de baisser de 75 % à 50 % la part du nucléaire à l’horizon 2025… Nous sommes en 2023. Elle a été une orfèvre en matière de déplanification énergétique ! Quelle absence de réalisme, quel manque de vision !

Ce texte renforce utilement la place des collectivités territoriales. À ce titre, je salue particulièrement l’amendement qui tend à exclure les nouveaux réacteurs du décompte du « zéro artificialisation nette » au regard de l’ampleur des projets. Il s’agit d’une mesure protectrice pour nos collectivités.

Malgré toutes ces avancées notables, le chemin est encore long. Le vrai défi de demain sera technologique, industriel, financier et, bien sûr, humain.

La filière d’excellence doit ainsi absolument retrouver son attractivité ; la montée en compétences et en main-d’œuvre est l’un des principaux défis de la relance du nucléaire. Il nous faut absolument défendre une vision de long terme à ce sujet. Dans les dix ans à venir, entre 10 000 et 15 000 recrutements sont prévus dans la filière nucléaire, EDF prévoyant d’embaucher de 8 000 à 9 000 personnes dès la période 2022-2024 pour assurer ce processus.

Le nucléaire porte le triple objectif de souveraineté énergétique, d’indépendance de la Nation et de décarbonation de nos modes de vie. Nous devons néanmoins apprendre de nos échecs passés, comme l’EPR de Flamanville, l’abandon des projets Superphénix et Astrid ou encore l’arrêt de Fessenheim, et en tirer les enseignements.

Enfin, permettez-moi de m’exprimer en tant que conseiller régional du Grand Est et sénateur de la Meuse. Avec la Haute-Marne, notre département, cher Gérard Longuet, accueille le projet Cigéo de stockage des déchets nucléaires français. Madame la ministre, je sais que vous êtes particulièrement engagée sur ce dossier.

Ce projet, assis sur le travail d’un laboratoire expérimental, vise à sécuriser durablement les déchets. Il concourt pleinement à la crédibilité et à l’acceptation du nucléaire, au travers d’une maîtrise totale de la filière. Il s’inscrit dans un temps très long et laisse la porte ouverte aux innovations futures. Cela doit nous inspirer.

Madame la ministre, le chemin est encore long et les défis très nombreux. Cependant, les derniers résultats concernant la fusion sont très encourageants. Ce texte constitue une première étape pour la relance du nucléaire, laquelle est absolument nécessaire, car elle conditionne notre avenir industriel, économique et social.

Fort de ces constats, et prêt à prendre toute sa part dans ce nouveau défi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, il était une fois le nucléaire français !

J’ai un peu hésité sur la qualification de cette aventure industrielle unique au monde : « épopée », « odyssée » ?… Finalement, « conte de fées » me semble convenir le mieux, tant cette histoire fait appel au merveilleux : une merveille technologique, une merveille économique et, chapitre plus récent, sous les augures du mage Jancovici, une merveille écologique.

Tout est dit, mais il reste de petits « mais ». Les vrais amateurs le savent bien, de Charles Perrault aux frères Grimm, la fin d’un conte est souvent tragique et ne ressemble pas toujours à un dessin animé de Walt Disney. La faillite retentissante d’Areva en est une malheureuse illustration dans le conte de fées nucléaire français.

Parlons, certes, de merveille technologique, mais, concernant notre nucléaire, quelques pannes sans gravité – de simples corrosions de tuyaux de circuits de refroidissement – ont tout de même abouti à une situation remarquable : l’intermittence de notre parc nucléaire a été supérieure, l’année dernière, à celle du grand parc éolien danois.

M. Bruno Sido rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Peu importe, tout cela est du passé, car, de la brume normande, surgit l’EPR flambant neuf de Flamanville, dont les électrons se déversent déjà en masse sur l’Ouest breton !

Ah, on m’informe qu’une vilaine sorcière mal intentionnée – peut-être Dominique Voynet ? – l’a transformé en Belle au bois dormant. Je sais toutefois que, dans cet hémicycle, se trouvent de valeureux guerriers, prêts à traverser les landes du Cotentin pour réveiller la belle endormie…

En outre, pas d’inquiétude, je suis en mesure de vous informer que nos ingénieurs français avaient découvert avant tout le monde la formule du béton du forum romain, l’un des secrets les mieux gardés de l’Antiquité, ce qui nous rend optimistes : même si le combustible n’est chargé que dans un siècle, notre enceinte en béton sera toujours vaillante !

Évoquons ensuite une merveille économique. À ce niveau, nous n’avons pas de concurrence. Empêtrée dans un dogme libéral suranné, nourrie de calculs à courte vue sur les prix de revient du mégawattheure, la totalité de nos voisins n’est pas capable de financer pendant autant d’années une machine qui ne fonctionne jamais. Pour reprendre les mots de l’ancien président-directeur général d’EDF, Henri Proglio, on a retrouvé les plans de cette machine dans le placard. Au vu des difficultés que nous rencontrons pour les déchiffrer, peut-être ont-ils été écrits en latin, comme le béton du forum ?

Nous allons battre – nous pouvons en être fiers, c’est le génie français ! – le record du monde du prix le plus élevé du mégawattheure issu d’une machinerie industrielle de production électrique. Et comme nous sommes têtus, nous nous projetons dans un monde en circuit fermé dans lequel, vers 2040, un EPR 2 générera des kilowattheures à deux, trois ou quatre fois le prix pratiqué par nos voisins européens, enfermés dans leurs sortilèges d’EnR.

Sommes-nous encore dans un conte de fées ou dans une fable ? J’hésite. Sans perdre le fil littéraire de mon propos, et au risque de verser dans une sécheresse technocratique qui ne me sied guère, je note tout de même que, un peu partout, on trouve du photovoltaïque produit à moins de 40 euros le mégawattheure, alors que nous avons vendu sur plan à nos amis anglais un EPR qui produira le mégawattheure à plus de 120 euros !

Reste la merveille écologique, que nul ne peut contester : une production décarbonée et infinie. Enfin, ce qui est infini, c’est surtout la durée de vie des déchets, pour lesquels nous ne disposons toujours pas de solution, sinon creuser des trous.

Pourtant, revisitons les temps anciens et rêvés du pompidolisme, du plan Messmer et du consensus gaullo-communiste. Les bonnes fées de l’époque nous avaient certifié que nous trouverions en cours de route la solution au problème des déchets, grâce au génie de nos ingénieurs. Cependant, sœur Anne – de Bretagne – ne voit toujours rien venir à Brennilis, où l’enveloppe du cœur n’a toujours pas été percée, à l’inverse du reliquaire.

Heureusement, Catherine Deneuve n’a pas encore eu la peau de l’âne qui paye le budget de l’État, car le démantèlement de nos vieilles centrales n’est, je le rappelle, toujours pas financé !

Il se fait tard. Avant que la présidente ne me transforme en citrouille, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

… je rechausse donc mes pantoufles de vair – ou plutôt de vert ! – et vous donne rendez-vous pour deux jours de débats passionnants, afin de comprendre enfin les raisons de cette précipitation.

Mal utilisées, mes chers collègues, les bottes de sept lieues peuvent faire trébucher !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ce début d’année 2023, notre parc nucléaire reprend des forces. Après une production historiquement faible en 2022 – autour de 280 térawattheures –, nous devrions atteindre cette année 330 térawattheures.

Deux facteurs principalement expliquent cette faible disponibilité du nucléaire : les opérations de maintenance classique et, surtout, un problème de fissuration, dit de corrosion sous contrainte, un mal mystérieux qui menace des tuyauteries de secours destinées au refroidissement et qui touche les tranches les plus récentes et les plus puissantes : Civaux, Penly et la centrale de Chooz.

Cette crise ponctuelle nous a permis de constater l’efficacité des autorités de contrôle et la diligence d’EDF pour garantir un niveau de sécurité optimal. Le problème générique sur les réacteurs a été pris très au sérieux et, sur les dix chantiers ouverts, six sont désormais terminés.

Ainsi, en ce milieu d’hiver, seuls douze réacteurs sont à l’arrêt, contre plus de trente au sortir de l’été. Le pire est donc passé, lorsque l’on sait que le pays a dû se résoudre, en 2022, à importer plus d’électricité qu’il n’en a exportée – une première en quarante ans. Cette année difficile pour le parc nucléaire doit nous conduire à nous interroger sur ce que nous souhaitons pour assurer notre indépendance énergétique.

Face au dérèglement climatique – l’année 2022 est la plus chaude jamais mesurée en France, je le rappelle –, et afin d’assurer une sécurité d’approvisionnement, ce gouvernement a choisi de construire sa stratégie énergétique autour de deux axes : les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire.

Notre groupe se réjouit que le Gouvernement ait choisi de reprendre le fil de la grande aventure du nucléaire civil en France, avec la construction de six EPR 2 et le lancement d’études sur la construction de huit EPR 2 additionnels.

Pour autant, une fois ce cadre politique posé, vient le temps essentiel de la concertation, un moment démocratique indispensable pour recueillir l’avis des citoyens sur les orientations de la politique énergétique française et permettre à chacun de s’exprimer sur les mesures à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de transition énergétique.

Cette concertation nationale a commencé le 20 octobre et prendra fin demain, le 18 janvier. À partir de ces contributions, le Parlement pourra débattre à son tour de la loi de programmation sur l’énergie et le climat. À cette occasion, notre groupe défendra une politique conforme à l’accord de Paris, c’est-à-dire fondée sur une réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 % en 2030 par rapport au niveau de 1990.

En attendant, plutôt que d’être dans la passivité, notre gouvernement a choisi d’agir et d’accélérer, et nous nous en félicitons.

Tel est l’objet de ce projet de loi, appuyé sur des mesures de simplification administrative, en matière tant d’urbanisme que de procédure et de planification, avec le seul but de gagner du temps, ou au moins de ne plus en perdre.

Ainsi, dès la promulgation de la loi de programmation, les dispositions dont nous allons débattre permettront d’être opérationnels en vue de la construction d’une première paire de réacteurs EPR 2 à Penly et de deux autres à Gravelines, dans le Nord.

En tant qu’élu drômois, rejoint en ce sens par mon ami le maire de Pierrelatte, Alain Gallu, je souhaite ardemment que le site du Tricastin puisse accueillir deux nouveaux réacteurs ; quelque 135 hectares y sont d’ores et déjà disponibles pour donner une nouvelle impulsion économique et industrielle à notre région.

Ce projet de loi, certes très technique, contient des mesures de simplification essentielles si nous entendons mettre en œuvre rapidement notre stratégie nucléaire.

Il propose ainsi de dispenser de permis de construire les installations et les travaux de création d’un réacteur nucléaire. La construction de réacteurs électronucléaires induit en effet des contraintes que le permis de construire ne permet pas d’appréhender dans leur intégralité.

Il permet aussi de démarrer certains travaux dès l’obtention d’une autorisation environnementale. Cela concerne des activités qui ne revêtent aucun caractère sensible, comme les travaux de terrassement ou de construction des bureaux, voire la construction de clôtures et de parkings nécessaires au chantier.

S’agissant de la centrale de Penly, il est proposé de construire de nouveaux réacteurs nucléaires en bord de mer. La particularité de cette centrale provenant de son site, au pied des hautes falaises de craie de la côte d’Albâtre, l’application de la loi Littoral doit être écartée pour ces travaux.

Enfin, le texte supprime, à juste titre, la mise à l’arrêt définitif de plein droit d’une installation nucléaire de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans. L’actualité récente nous a montré que certaines centrales frappées par une longue mise à l’arrêt ont dû recourir à des dossiers de demande de dérogation chronophages et peu utiles.

Ces mesures de simplification ont globalement été approuvées par la commission des affaires économiques, dont je salue l’esprit de responsabilité.

Notre groupe proposera cependant quelques amendements de correction, visant à revenir sur des précisions qui ont été adoptées en commission et qui sont satisfaites par le code de l’environnement. Nous comptons modifier également l’article 3, qui apporte des précisions aux demandes d’autorisation environnementale et dont la rédaction actuelle risque d’alourdir le dispositif sans apporter de réelle plus-value.

Hormis ces quelques points, nous nous félicitons qu’une grande partie des groupes politiques soutienne ce texte fondateur, première pierre d’un immense chantier pour la relance du nucléaire en France. Bien évidemment, notre groupe le votera.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Franck Montaugé.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce que le Président de la République et les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 l’ont voulu ainsi, la question énergétique a été totalement absente du débat public pendant les cinq dernières années.

Vous n’avez pas voulu aborder au fond cette question déterminante pour l’avenir de notre pays, madame la ministre. Et ce n’est pas faute de vous avoir souvent interpellée à ce sujet.

Pourtant, les raisons ne manquaient pas : elles sont toutes liées à la question du changement climatique et à l’action immédiate qui en découle, c’est-à-dire aux politiques publiques qu’il convient de construire dans la concertation et de fonder sur la compréhension de nos concitoyens, qu’elles portent sur la souveraineté économique et la compétitivité, le coût de l’énergie pour de très nombreux Français en difficulté, l’électrification pour la décarbonation des processus industriels, l’adaptation des modes de transport et de l’habitat, ou encore l’inflation, puisque l’énergie est au cœur de son mécanisme.

Avant l’envolée des prix de l’énergie liée à la crise géopolitique en Europe, une crise de l’offre était déjà là. Vous n’avez pas voulu la prendre en compte, madame la ministre.

Depuis trop longtemps, l’entreprise nationale EDF est ponctionnée par l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, et ce mécanisme la place aujourd’hui dans une position presque inextricable. Votre gouvernement est resté sourd aux appels de son PDG, que vous aviez pourtant nommé.

Le quinquennat aurait dû être mis à profit pour engager la concertation avec les Français et le Parlement sur la stratégie sur l’énergie et le climat, préalable à la loi de programmation quinquennale et à la PPE qui en est la traduction opérationnelle.

Après ces cinq ans de perdus, en février 2022, de manière quasi concomitante au début de la guerre en Ukraine, la construction de trois paires d’EPR 2, ainsi que celle, ultérieure, de huit EPR supplémentaires ont été annoncées, de même que la production de quelques gigawatts au moyen de SMR dont on ne sait pas, au-delà des incertitudes pesant sur cette technologie, quelle sera la doctrine d’utilisation.

Voulez-vous laisser ce type de technologie filer aux mains du privé, madame la ministre ? La question n’est pas légère, et j’estime que le Parlement et les Français ont leur mot à dire.

Aujourd’hui, en position de faiblesse et dans le cadre d’une logique qui défie le bon sens, vous nous demandez d’accélérer le développement des énergies renouvelables et vous nous proposez de simplifier, pour les quinze ans à venir, les procédures d’autorisation pour la construction de nouvelles installations nucléaires sur des sites existants ou à proximité immédiate.

Ce que vous proposez permettra de gagner une année, voire deux, après en avoir perdu cinq, et ce pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus. Ainsi exprimé, on saisit mieux l’enjeu, qui, pour n’être pas du tout à la hauteur du sujet et de son urgence nationale, n’en est pas moins à considérer.

Nous sommes globalement favorables à ces dispositions de simplification qui faciliteront le travail des opérateurs – EDF Production, RTE – et des filières industrielles concernées. Mais où le Président de la République et le Gouvernement veulent-ils amener le pays en matière de mix énergétique, madame la ministre ?

Tous les réacteurs nucléaires anciens ne pourront être reconduits. Certains devront être mis à l’arrêt à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire – RTE l’a anticipé dans ses hypothèses d’études.

Dès lors se pose la question – et je vous la pose, madame la ministre – du cadre dans lequel le Président de la République envisage la construction de quatorze EPR 2. Le scénario « N03 » de l’étude de RTE intitulée Futurs énergétiques à l ’ horizon 2050 est celui dont la proportion d’électricité d’origine nucléaire – 50 % – est la plus élevée. Est-ce celui que vous retenez, madame la ministre ? Dans l’objet de votre amendement n° 118, que nous examinerons dans quelques instants, vous évoquez un « équilibre » dans le mix énergétique.

En revanche, en cohérence avec l’exigence de débat public et parlementaire préalable à la loi de programmation quinquennale et à la PPE, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas favorable aux dispositions relatives à la PPE introduites sur proposition du rapporteur en commission.

Nous proposerons des amendements de suppression de ces dispositions, car la PPE ne peut être traitée sur un coin de table, au détour d’un texte centré sur les procédures.

Par ailleurs, si vous pensez que ces objectifs de PPE sont en rapport avec le texte proposé par le Gouvernement, monsieur le rapporteur, pourquoi avoir déclaré irrecevable notre amendement visant à réaffirmer la nécessité de renationaliser EDF, dont le rapport avec le sujet est évident ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

M. Franck Montaugé. Tout en considérant le texte initial comme utile, le groupe SER conditionne son vote final au sort qui sera réservé à nos amendements de suppression des seuils légaux actuels. Et parce qu’il ne doit pas y avoir d’article 45 de la Constitution à géométrie politique variable, nous rappellerons que la loi doit garantir à EDF un caractère public d’entreprise intégrée, au cœur du futur énergétique de la Nation.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Fabien Gay. ( M. Fabien Gay dépose L’Humanité du jour au banc des commissions.)

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, août 2022 : par un projet de loi sur le pouvoir d’achat, le Gouvernement sécurise le relèvement du plafond de l’Arenh à 120 térawattheures.

Novembre 2022 : dans le projet de loi de finances, le Gouvernement prolonge le bouclier tarifaire pour 2023.

Décembre 2022 : le Gouvernement nous soumet l’examen d’un projet de loi sur les énergies renouvelables.

Janvier 2023 : encore un texte sur l’énergie, cette fois-ci pour construire de nouvelles centrales nucléaires.

Texte après texte, la question de l’énergie est traitée segment par segment, petit morceau par petit morceau. Il est donc difficile d’entrevoir une cohérence ou une réflexion d’ensemble.

Le sentiment qui prévaut est celui d’un traitement sur la forme, qui évite toujours les questions de fond. Qu’il s’agisse des énergies renouvelables ou du nucléaire, l’explication serait toujours la même : des procédures administratives trop longues, qu’il faudrait simplifier.

La même recette se glisse dans tous les textes, saupoudrée d’un peu d’acceptabilité et de quelques mots magiques : concertation, démocratie locale, discussion. Des points évidemment très importants, qui doivent être partie intégrante de la mise en pratique d’un texte. Mais pour qu’il y ait une mise en pratique, encore faut-il savoir vers quels objectifs on avance !

Or, dans votre texte, il n’y a pas d’objectif clair et défini, madame la ministre. Vous visez la construction de nouveaux EPR. Mais comment ? Rien n’est dit sur le financement de ces nouveaux équipements. Votre texte n’en parle tout simplement pas. Qui va payer pour ces investissements ? EDF avec ses 60 milliards de dettes, dont une bonne partie vient de l’Arenh, ce système absurde qui l’a ruinée année après année au profit des fournisseurs alternatifs, qui, eux, n’ont rien investi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Et qui va bénéficier de ces nouvelles capacités de production ? Les fournisseurs alternatifs, encore ? Le mécanisme de l’Arenh arrivera à son terme dans deux ans, mais qu’est-ce qui prendra la suite ? Chaque fois que l’on pose la question, vous nous faites la même réponse, madame la ministre : « Les discussions sont en cours. »

Cela veut bien dire que l’on réfléchit à créer des équipements, à investir, avant même de savoir comment on va exploiter la production. Rien ne justifie que l’État s’abstienne de mener une telle réflexion et, pourtant, c’est silence radio dans votre texte – pas un mot.

Autre point central : pourquoi la France construirait-elle de nouveaux réacteurs ? Pour sa souveraineté énergétique ? Pour son indépendance ? Pardonnez-moi, mais il n’y a aucune souveraineté possible avec le marché européen de l’énergie ! Vous payez pour la politique énergétique de vos voisins, que ces derniers cherchent ou non à sortir des énergies fossiles.

Vous pouvez construire tous les réacteurs du monde, vous n’aurez aucune souveraineté tant que vous ne réformerez pas le marché européen de l’énergie. Mais sur ce sujet aussi, madame la ministre, vous allez me dire – rebelote ! – que les discussions sont en cours…

Nous examinons un texte prévoyant des investissements dont le montant s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’aveugle, sans savoir ce qu’il y aura après. C’est la politique du « Allons-y, on verra plus tard pour la suite ! ».

Il en va de même pour EDF : l’État veut détenir 100 % du capital. Très bien, mais pour quoi faire ? Pour bâtir un grand service public de l’énergie comme nous le souhaitons, ou pour scinder l’entreprise historique en plusieurs morceaux et l’ouvrir aux acteurs et aux capitaux privés ? Mystère ! On ne sait toujours pas, mais il faudrait voter un texte pour construire de nouveaux réacteurs, le tout alors que même le nouveau PDG d’EDF n’a pas encore défini sa feuille de route.

En d’autres termes, nous n’avons même pas de visibilité sur l’existant, sur sa gestion, sur les ambitions, et même pas encore de PPE. Vous nous demandez de nous projeter sur de nouvelles infrastructures. Quid de l’arrêt des douze tranches prévu dans la PPE ?

Madame la ministre, la question n’est pas la longueur des procédures administratives, mais de savoir vers quoi nous avançons pour le prochain siècle. Nous parlons en effet d’équipements dont la construction durera vingt-cinq ans et dont la durée de vie sera de soixante ans.

L’urgence est donc non pas de réduire de quelques mois les procédures administratives sur des chantiers qui commenceront au mieux en 2027, mais bien d’avoir un débat politique et une vision de long terme.

D’ailleurs – ce sera ma dernière question –, qui travaillera sur les chantiers des nouveaux réacteurs ? Qui entretiendra ces derniers ? Sur quelle filière industrielle comptez-vous vous appuyer ?

Chaque fois que vous en avez l’occasion, vous sonnez la charge contre le statut des industries électriques et gazières (IEG) – cette fois-ci au travers d’une réforme des retraites à laquelle 80 % des Français sont opposés.

Or vous attaquer au régime spécial des IEG, c’est vous attaquer à toute la filière et lui faire perdre en attractivité. Comment allez-vous construire des réacteurs sans travailleurs et travailleuses qualifiés ? Si vous comptez sur de la sous-traitance en cascade, alors il faudra assumer que vous voulez du nucléaire low cost et bas de gamme, avec des travailleurs précaires qui subiront votre réforme des retraites. C’est incompatible avec les enjeux de sûreté nucléaire.

Votre texte vise à parler du nucléaire, mais sans parler du nucléaire. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendra.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Franck Montaugé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Moga

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, attendu depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, l’inscription à l’agenda parlementaire de l’accélération de notre stratégie nucléaire, bien qu’elle soit tardive, est à saluer.

L’atome doit être au cœur de notre politique énergétique. Plus qu’une conviction, c’est une certitude.

Bienvenu et salutaire, ce projet de loi ne résout toutefois qu’une partie de l’équation posée par nos politiques énergétiques. Avec mes collègues du groupe Union Centriste, je regrette ainsi le désordre inhérent à l’examen parlementaire de notre politique énergétique.

En décembre dernier, nous examinions le projet de loi d’accélération des EnR. Aujourd’hui, c’est le nucléaire. Et en juin prochain, dans le meilleur des cas, nous examinerons la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Mes chers collègues, tout cela manque de lisibilité et de clarté. Nous devons pourtant poser les jalons d’une politique cohérente, afin de bâtir notre souveraineté énergétique à l’horizon 2050.

Conçu comme un accélérateur, ce texte simplifie tant les procédures juridiques préalables à la construction des quatorze EPR, annoncée par le Président de la République lors de son discours de Belfort, que les contraintes pesant sur les sites existants.

Il vise à réduire les freins, à lever les blocages et à contourner les obstacles qui condamnent aujourd’hui la construction des réacteurs et la modernisation des installations à une lenteur aussi désolante que problématique.

Si le texte initial du Gouvernement allait dans le bon sens, je souhaite saluer le travail précieux des rapporteurs, Daniel Gremillet et Pascal Martin, ainsi que celui de la commission des affaires économiques et de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Ils rappellent tout l’intérêt de l’intervention parlementaire.

Mes chers collègues, je souhaite que l’examen en séance publique nous permette de continuer d’enrichir le texte.

À l’heure de la crise de l’énergie, il est de notre responsabilité de bâtir notre souveraineté en nous appuyant sur un mix énergétique décarboné, associant à la fois l’énergie nucléaire, qui est pilotable, et les énergies renouvelables, qui sont désormais compétitives. L’un n’ira pas sans l’autre si nous voulons bâtir une politique énergétique à la hauteur des défis qui nous attendent.

Afin de relever ces défis, mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même présenterons un certain nombre d’amendements et voterons ce texte avec exigence et responsabilité.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, intervenant en treizième position dans cette discussion générale, après notamment les excellents rapporteurs Daniel Gremillet et Pascal Martin, j’ai bien conscience que tout ou presque a été dit sur ce texte. Je tenterai toutefois d’apporter un regard peut-être un peu moins technique, et, oserai-je dire, plus « pratico-pratique ».

Mes premiers mots seront pour le titre de ce projet de loi, censé traduire les intentions du Gouvernement. Permettez-moi, en tant que membre de la commission de la culture, d’en faire une présentation quelque peu iconoclaste, fondée sur plusieurs références culturelles bien connues du grand public, de manière à refléter le sentiment assez largement partagé.

S’il fallait trouver un titre qui corresponde précisément aux objectifs affichés, j’opterais volontiers pour l’œuvre de Marcel Proust, À la Recherche du temps perdu. C’est en effet parce que l’exécutif procrastine depuis dix ans sur la question du nucléaire que nous devons, en catastrophe, envisager les voies et moyens d’accélérer, afin de renouveler notre parc de réacteurs nucléaires.

Dans cette assemblée, chacun sait que le temps perdu ne se rattrape pas. Je rappelle d’ailleurs que Proust a mis seize ans pour achever son œuvre.

Ma deuxième référence, empruntée cette fois au registre pictural, est Le Radeau de La Méduse, tant la gestion de la politique énergétique dans notre pays est un naufrage, dont les récentes tentatives de sauvetage relèvent davantage de la panique générale que d’un plan bien établi.

Ma troisième référence est la chanson de Dalida, Paroles, paroles, particulièrement appropriée pour décrire les déclarations successives du président Macron depuis deux ans, à grand renfort de communication, sans qu’aucune décision concrète soit venue les traduire de manière formelle à ce jour.

Enfin, le populaire film La Vérité si je mens ! synthétise bien les atermoiements que nous observons depuis 2017, notamment la valse des ministres qui se sont succédé à la transition écologique et énergétique, capables de dire tout et son contraire dans un laps de temps assez réduit.

Le bilan du président Macron est lourd : deux pas en arrière avec la fermeture effective des deux réacteurs de Fessenheim, un bond dans le passé avec l’arrêt du programme de recherche Astrid sur les réacteurs de quatrième génération et, aujourd’hui, un tout petit pas en avant avec ce texte aux promesses bien ténues, portant essentiellement sur l’allègement des formalités administratives.

Madame la ministre, le propos peut paraître quelque peu acide, mais il est temps de prendre des positions qui engagent de nouveau notre pays sur la voie d’une souveraineté que d’autres – le général de Gaulle et le président Pompidou en tête – ont su patiemment bâtir en assurant la construction de notre parc électronucléaire en moins de vingt ans.

Une doxa idéologique s’est progressivement imposée dans le débat public national, appuyée par une communication – il faut le dire – assez efficace.

Je prendrai l’exemple assez significatif de la prétendue durée de vie de nos réacteurs. Celle-ci aurait été fixée à quarante ans dès l’origine, en vertu d’une forme d’obsolescence programmée. Il s’agit d’une légende urbaine couramment reprise jusqu’au plus haut niveau de l’État et dont le seul objectif est de discréditer la filière.

Pis, nous sommes aujourd’hui en infraction par rapport à notre propre législation, qui prévoit depuis 2006 la fermeture du cycle du combustible, que seuls les réacteurs à neutrons rapides permettent.

Diviser par dix la quantité de déchets produits, limiter la prolifération de plutonium, pouvoir utiliser les 300 000 tonnes d’uranium appauvri disponibles sur notre sol, assurer la production d’électricité pour plus de 1 000 ans : la promesse d’un nucléaire durable était trop belle et trop tangible pour que quelques idéologues ne nous empêchent pas habilement d’y accéder.

On ne dira jamais assez à quel point l’arrêt du programme Astrid, en 2019, emporte des conséquences désastreuses – j’ai eu l’occasion de les recenser dans un rapport intitulé L ’ Énergie nucléaire du futur et les conséquences de l ’ abandon du projet de réacteur nucléaire de quatrième génération Astrid, que j’ai remis avec un collègue député au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en juillet 2021.

De plus, au moment même où la demande était sur une tendance haussière incontestable et certainement durable, notre pays a choisi de réduire ses moyens d’y répondre de manière opérationnelle.

Pour être encore plus clair, nous avons accepté quantité de mesures, louables au demeurant, visant à mettre fin au recours aux énergies fossiles, mais sans aucune mesure anticipant la tension que cela induirait sur la demande en électricité.

Pis, les décisions visant depuis vingt-cinq ans à condamner la production d’origine nucléaire sur l’autel de petits arrangements politiciens nous ont conduits dans une impasse. Au bout de cette impasse, nos gouvernements découvrent qu’il y a un mur, celui de l’approvisionnement, qui nous conduit à des risques de « délestages », ce terme élégant et diplomatique désignant des coupures de courant.

Au pays des Lumières, notre destin énergétique est désormais entre les mains du gouvernement de l’ombre, qui tente de gérer la pénurie qu’il a lui-même organisée. Pour citer Bossuet, « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

Je salue pour terminer l’excellent travail, très approfondi, de nos rapporteurs pour pousser le curseur aussi loin que possible de manière à affirmer clairement de nouvelles ambitions pour notre pays.

Madame la ministre, vos déclarations récentes laissent toutefois assez peu d’espoir quant à une position favorable du Gouvernement sur les grands principes plusieurs fois évoqués dans ce débat : revenir sur le plafond des 50 % de nucléaire dans notre mix électrique, prolonger, avec l’avis de l’ASN, les réacteurs placés sur la liste funeste des fermetures programmées, supprimer le plafond des 63 gigawatts de potentiel nucléaire.

Dans ce contexte, madame la ministre, au-delà de ce texte, croyez bien que nous serons très attentifs aux engagements que vous prendrez.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre vigilance est aujourd’hui appelée sur ce texte technique relatif à l’accélération du nucléaire français. Il constitue, après le volet relatif aux énergies renouvelables, le second volet d’accélération.

Le même questionnement quant à la méthode se pose que sur le premier volet. Alors qu’une grande loi structurante de stratégie énergétique devrait être examinée par le Parlement au second semestre 2023, accélérer des choix que nous ajusterons plus tard ne revient-il pas à mettre la charrue avant les bœufs, madame la ministre ? C’est comme si un médecin prescrivait l’ordonnance avant d’avoir examiné son patient…

Du point de vue de l’aménagement du territoire, compléter des installations nucléaires ou créer de nouveaux EPR n’est pas neutre. Ces constructions peuvent-elles être pensées sans concertation dans un débat de techniciens, comme dans les années 1970 ? Ne doivent-elles pas plutôt, comme les politiques publiques d’aménagement, être fondées sur la consultation et conçues dans la transparence vis-à-vis des citoyens pour favoriser l’acceptabilité des projets ?

Ces équipements, prévus pour fonctionner à partir de 2035-2040, seront en outre examinés sur les plans environnemental, climatique, hydrométrique, sur celui des risques ou encore du trait de côte, etc., avec des données de 2023.

Or effectuer des projections sur le fondement de phénomènes passés est désormais impossible. Il faut s’inscrire dans l’incertitude des aléas climatiques.

L’acceptabilité sociétale du nucléaire suppose de la transparence et de la concertation avec toutes les parties prenantes. Elle implique aussi une évaluation démocratique et pluraliste des besoins de notre société en matière énergétique, dans un contexte de transition et de décarbonation de notre économie.

Ce texte qui vise à accélérer les procédures pour amorcer la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ne devrait en aucun cas servir de support pour anticiper la future grande loi qui définira la stratégie française au long cours relative à l’énergie, au climat et à la composition de notre mix énergétique, et ce d’autant moins que des concertations sont en cours.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a donc été vigilant sur plusieurs points essentiels de ce texte.

Le premier point porte sur le maintien du caractère exceptionnel des mesures d’accélération et de simplification, notamment par leur limitation raisonnable dans le temps.

Le deuxième point est l’amélioration de la qualification des prescriptions de l’Agence de sûreté nucléaire et l’implication accrue du Parlement.

Le troisième point, enfin, tient à la prise en compte de l’incertitude climatique à laquelle seront soumises ces nouvelles installations.

La construction des six EPR qui seront encore en fonctions à l’horizon 2081-2090 suppose en effet l’évaluation des conditions climatiques locales dans lesquelles ces centrales vont fonctionner. Il s’agit notamment de mettre en œuvre des études de descente d’échelle dynamique, absolument nécessaires en sus des éléments de projection globale issus du Giec.

Enfin, le nucléaire n’est pas seulement une question de normes. Il s’agit de donner du sens à ceux qui auront un réacteur près de chez eux, aux futurs personnels qui vont construire ces équipements, aux ingénieurs chargés de la sûreté de ces derniers, aux élus et à tous les acteurs, afin de mettre en évidence le sens profond des actions menées, qui manque aujourd’hui à beaucoup de citoyens.

L’énergie nucléaire est un défi organisationnel et humain autant que technique, procédural et financier.

M. Daniel Breuiller applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Demilly.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de faciliter le développement de l’énergie nucléaire au travers de la construction de nouvelles installations.

La stratégie énergétique de la France n’a pas toujours été celle du nucléaire. En témoignent la fermeture de la centrale de Fessenheim en 2020 et celle, annoncée en 2018, de quatorze réacteurs d’ici à 2035. En témoignent également les propos d’une ancienne ministre de la transition écologique et numéro deux du Gouvernement qui jugeait en 2018 « absurde » la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et qui affirmait promptement « ne pas voir le nucléaire comme une énergie d’avenir ».

Les temps ont donc changé, mais, comme le disait Edgar Faure, sans référence d’ailleurs à l’énergie éolienne : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent»

Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

De fait, la météo géopolitique, dorénavant plus imprévisible que la météo climatique, nous contraint à faire évoluer nos logiciels politiques. Nous avions un logiciel binaire, qui opposait, au fond, le nucléaire au renouvelable, considérant que l’un devait progresser au détriment de l’autre.

Nécessité faisant loi, nous changeons de paradigme, forts de la conviction nouvelle que ce n’est pas l’un ou l’autre, mais bel et bien l’un et l’autre – Sophie Primas l’a fort bien indiqué dans son intervention.

Piégés par ce pseudo-dogme qui s’est traduit par des volte-face, nous avons perdu beaucoup de temps, car, après avoir facilité la destruction, nous facilitons dorénavant la construction.

Le nucléaire, qui n’est pas exempt de défauts, fournit d’indéniables réponses aux problèmes climato-géopolitiques du moment : il est décarboné, sa capacité de production est modulable et adaptable aux besoins de la population et, surtout, il est synonyme d’indépendance énergétique et, partant, diplomatique et politique.

La recherche gomme d’ailleurs au fur et à mesure les défauts de cette technologie. Les récentes découvertes scientifiques californiennes dans le domaine de la fusion nucléaire, singulièrement la capacité à franchir le seuil d’ignition, c’est-à-dire le stade où les réacteurs produisent davantage d’énergie qu’ils n’en consomment, sont particulièrement prometteuses.

Il faudra certes beaucoup de temps, mais à l’évidence, les innovations attendues nous amèneront probablement à porter un autre regard sur ce mode de production d’énergie.

Ce projet de loi permet donc d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs en France, d’une part, en simplifiant les différentes procédures urbanistiques ou environnementales, et, d’autre part, en clarifiant les modalités de réexamen périodique des réacteurs de plus de trente-cinq ans. C’est un premier pas.

L’article 1er délimite le champ d’application de ce texte aux constructions jouxtant les parcs nucléaires existants, comme celui de Penly, près de Dieppe, que j’ai d’ailleurs visité avec notre collègue et rapporteur pour avis Pascal Martin.

L’avenir, « plus difficile à prévoir que le passé », comme dirait Woody Allen, nous imposera probablement d’élargir le champ des possibles par la construction de petits réacteurs – les fameux SMR – capables de fournir des solutions dans les sites isolés.

Cette stratégie d’ensemble doit être pensée sur le temps long, comme cela a d’ailleurs été rappelé en commission, et elle devra englober à la fois l’amont, avec l’approvisionnement en combustible et les ressources en uranium, et l’aval, au travers de la nécessaire question de la gestion des déchets.

Nous devons également soutenir la formation, le recrutement et la recherche dans le domaine du nucléaire. Autrefois perçu comme une filière d’excellence, le nucléaire est aujourd’hui confronté à une réelle pénurie de talents.

Face aux tergiversations politiques, nos jeunes ingénieurs et techniciens se sont détournés depuis longtemps du nucléaire, lui préférant d’autres industries plus pérennes, quand ce ne sont pas les cabinets de conseil.

Sourires sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Il est crucial de renforcer l’attractivité de la filière, la formation de personnels qualifiés étant la clé d’une filière industrielle solide. C’est donc un grand chantier national, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

… dont la conduite nécessite un travail collectif, discipliné et transparent.

Le pragmatisme et la responsabilité devant guider nos choix politiques, le groupe Union Centriste votera pour ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais revenir un instant sur la question du calendrier.

Ah ! sur plusieurs travées.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Certaines interventions ont un caractère paradoxal.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

On demande la présentation immédiate d’une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie – arguant du respect du débat public, lequel se déroule maintenant. Et il faudrait également, comme vous l’affirmiez, monsieur le sénateur Gay, que la réforme du marché de l’électricité soit terminée ! Elle se déroule maintenant. De surcroît, nous devrions enfin déjà disposer des propositions du nouveau patron d’EDF sur le financement et sur la régulation du programme – travail qu’il est en train d’accomplir maintenant.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Vous m’accorderez peut-être que c’est là confondre vitesse et précipitation. Nous sommes respectueux du débat public. Il est très clair que je ne foulerai pas aux pieds cette demande des Français d’y participer, participation dont vous avez d’ailleurs voté le principe, pour me précipiter et vous faire décider du mix énergétique des prochaines années. C’est d’autant plus légitime que nous parlons de la programmation pluriannuelle de l’énergie 2024-2028, avec une perspective de long terme : sauf erreur, 2024, c’est l’année prochaine. Nous faisons donc l’exercice dans le bon sens.

Parce que nous prenons nos responsabilités

M. Fabien Gay s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

L’exécutif procrastine depuis cinq ans, ou depuis dix ans, …

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

… les versions différant selon l’endroit où l’on se trouve dans l’hémicycle…

Vous m’accorderez que c’est en 2007 qu’il eût fallu prendre une décision si l’on avait voulu disposer aujourd’hui de réacteurs nucléaires !

Pour autant, je ne me permettrai pas de mettre qui que ce soit en cause dans cette enceinte, pour une raison qui n’est pas complètement neutre.

En effet, en 2007, notre production d’électricité était excédentaire, sans le sentiment d’urgence dû au réchauffement climatique.

Par ailleurs, en 2011, un accident a marqué tous les esprits : celui de Fukushima, occasion pour chacun de se distancier plus ou moins du nucléaire. De fait, ne récrivons pas a posteriori l’histoire : oui, cela a jeté un coup de froid sur la filière. Actuellement, certains groupes, davantage représentés à l’Assemblée nationale qu’ici d’ailleurs, affichent leur soutien au nucléaire alors qu’ils étaient contre à l’époque. Je n’entrerai pas dans le détail des choses…

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

J’en arrive à l’acceptabilité.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez rappelé à cet égard des éléments importants : cette acceptabilité, locale et nationale, suppose d’aller jusqu’au bout du débat engagé sous l’égide de la Commission nationale du débat public. C’est ce que nous faisons, suivant en cela vos précieux conseils.

Vous indiquez également que la réussite du programme dépend de facteurs qui ne sont pas d’ordre législatif : je partage totalement ce point de vue. Ainsi, dès 2018, dans le discours que j’ai mentionné dans mon introduction, le Président de la République demandait à EDF de travailler au lancement d’un programme de nouveau nucléaire.

Vous le voyez, cet engagement date donc non pas de la semaine dernière, mais de plus de quatre ans.

En 2019, nous signions un contrat stratégique de filière nucléaire, qui programmait notamment le renforcement des compétences et le renforcement de la sous-traitance.

En 2020, c’était l’un des six secteurs prioritaires mis en avant dans le cadre du plan de relance, avec un plan de montée en investissement de 472 millions d’euros pour les sous-traitants de la filière nucléaire.

En 2021, nous lancions France 2030, avec 1, 2 milliard d’euros pour la recherche et développement, ainsi que l’innovation, qui s’ajoutent aux montants déjà existants. Nous pourrions certes encore renforcer ce programme, mais il a au moins le mérite d’exister et d’avoir été doté. Actuellement, il n’est pas consommé intégralement, même si tous les appels à projets ont d’ores et déjà été lancés, notamment pour accompagner la création de nouveaux SMR, mais aussi les fermetures de sites.

Je rappelle également que 200 millions d’euros sont consacrés au renforcement des compétences, ce qui conduit à prendre des décisions sur le territoire – je pense notamment à la région Normandie.

En 2022, nous avons engagé les débats sur le mix énergétique et sur le nucléaire. Justement, dans ce souci d’accessibilité et de démocratie, nous avons nommé un délégué interministériel au nouveau nucléaire et un nouveau président-directeur général d’EDF, avec une mission, très claire, d’excellence opérationnelle et, sur le nucléaire existant, la prolongation des centrales, sans oublier le programme nouveau nucléaire, entre autres.

Vous nous interpellez sur la présentation que vous jugez précipitée du projet de loi. Je rappelle qu’il a été déposé le 2 novembre dernier sur le bureau du Sénat, c’est-à-dire il y a deux mois et demi.

Une précision face au doute exprimé sur le mix énergétique. Nous n’examinons pas la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Néanmoins, de façon à mettre en accord nos paroles et nos actes, nous ne reviendrons pas sur la modification apportée en commission au plafond du nucléaire. Très clairement, nous défendons un projet de relance du nucléaire, il n’est donc pas illégitime d’envoyer à la filière le signal selon lequel il n’y a pas de plafonnement à 61 gigawatts de puissance.

Néanmoins, nous présenterons un amendement rappelant qu’il faudra diversifier la production électrique. La raison, mathématique, est toute simple : d’ici à 2035, les seules augmentations de production nucléaire d’électricité seront marginales – le raccordement de Flamanville, qui apportera entre 1 gigawatt et 1, 5 gigawatt, et l’amélioration des délais de maintenance, qui fait l’objet d’un audit que nous avons commandé et dont les préconisations, en cours d’application, devraient faire gagner de trois à quatre semaines sur les arrêts pour maintenance.

Les scénarios sont donc les suivants : soit nous n’augmentons pas notre production électrique et nous resterons au niveau nucléaire actuel, en étant totalement dépendants pour notre approvisionnement énergétique de pays dont certains, vous l’avez rappelé, ne sont pas nos amis, soit nous prenons nos responsabilités en main – ce que vous avez fait en votant, très largement, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – et, mécaniquement, le pourcentage des énergies renouvelables sera plus élevé qu’aujourd’hui. Les calculs sont clairs. Nous ne proposerons donc pas de pourcentage cible, parce que c’est l’objet de la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais aussi parce que c’est une réalité physique que, dans les quinze ans qui viennent, la part du renouvelable augmentera dans notre mix énergétique. Je nous le souhaite, en tout cas, si nous voulons bâtir une véritable indépendance énergétique.

J’en arrive à la question de Mme Primas sur les quatorze réacteurs : il s’agit de ce que la filière affirme être en mesure de construire d’ici à 2050. Je suis prête à remettre ce chiffre en cause et souhaiterais, bien sûr, que nous puissions en construire davantage, mais je préfère tenir une ligne crédible, compte tenu de ce qu’avance la filière. Je rappelle également que ces quatorze réacteurs sont bien compatibles avec le scénario dit de réindustrialisation.

Quant au projet Astrid – le directeur du CEA vous l’a dit au cours de son audition –, son arrêt a été proposé par les acteurs de la filière. C’est non pas, comme j’ai pu l’entendre, une décision avant tout politique, mais une décision correspondant à une analyse de la réalité de ce projet.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

La recherche et développement est soutenue.

Monsieur le sénateur Dantec, j’entends et j’apprécie votre propos, mais je rappelle un élément basique, sans doute technocratique : l’énergie nucléaire est une énergie bas-carbone, abondante, à un prix actuellement compétitif

Exclamations sur les travées du groupe GEST. – M. François Bonhomme s ’ exclame également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 12, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Avant le titre Ier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 542-2 du code de l’environnement est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

«… – Sont interdits l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre préliminaire

Mesures visant à garantir la souveraineté et l’indépendance énergétiques de la France

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cet amendement tend à interdire l’exportation et le stockage de l’uranium de retraitement à l’étranger. En effet, l’exposé des motifs du projet de loi que nous examinons insiste sur « notre besoin impératif et souverain d’indépendance énergétique ».

Cette ambition de l’indépendance énergétique de la France affichée par le Gouvernement justifie une mise en cohérence avec l’arrêt des exportations d’uranium de retraitement à l’étranger. Les conditions environnementales et de stockage en Sibérie, à Tomsk, n’ont jamais été rendues publiques, et les autorités françaises n’ont aucun moyen de s’en assurer.

Le Gouvernement a par ailleurs demandé aux industriels du secteur nucléaire de mettre un terme à leurs exportations d’uranium de retraitement vers la Russie. Cela a notamment été confirmé par l’Association nationale des comités et commissions locales d’information, lors d’une réunion du 18 novembre 2022 au cours de laquelle la société EDF a fait état de cette demande.

C’est pourquoi nous entendons introduire des dispositions qui prennent acte de cet arrêt des exportations. Il faut aller au bout de ce que l’on avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Cet amendement, qui vise à interdire l’exportation et le stockage à l’étranger de l’uranium de retraitement, n’est pas souhaitable. L’importation et l’exportation d’uranium font déjà l’objet d’autorisations et d’interdictions.

Avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 13, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller et Dossus, Mme de Marco, MM. Gontard et Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

I. – Avant le titre Ier

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 125-15 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 125-15-… ainsi rédigé :

« Art. L. 125 -15 -…. – Tout exploitant et toute personne publique ou privée qui importe ou exporte de l’uranium établit chaque année un rapport qui contient des informations concernant :

« 1° La catégorie d’uranium concerné (appauvri, naturel, enrichi) ;

« 2° L’origine géographique de cette matière nucléaire et les destinations exactes ;

« 3° Le trajet réalisé par cette matière nucléaire ;

« 4° Les noms des entreprises impliquées dans ces chaînes d’approvisionnement dont notamment celles auxquelles l’uranium est acheté et celles en charge du transport.

« Le rapport est rendu public. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre préliminaire

Mesures visant à garantir la souveraineté et l’indépendance énergétiques de la France

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cet amendement vise à mettre en cohérence le texte avec son objectif de souveraineté énergétique, tel qu’il est affiché dans son exposé des motifs, souveraineté dont on parle beaucoup avec le nucléaire, mais qui n’est guère présente. Il renforce la transparence sur les importations et les exportations d’uranium.

En effet, la France est tributaire de nombreux pays, dans l’ordre le Kazakhstan, l’Australie, le Niger et l’Ouzbékistan, ainsi que la Russie, pour enrichir l’uranium naturel. Entre 2000 et 2012, elle a importé de Russie près de 1 000 tonnes d’uranium enrichi par an, soit presque la totalité de sa consommation. On n’en parle pas beaucoup…

Sur les neuf premiers mois de 2022, malgré la guerre en Ukraine, la France a importé 290 tonnes d’uranium enrichi de Russie, près du tiers de sa consommation…

Orano précise que près de 44 % des ressources en uranium se situent dans les pays de l’OCDE, ce qui mettrait les importations à l’abri de chantages géopolitiques. C’est moins évident pour les filières d’enrichissement.

Les importations se font au prix de compromissions avec certains régimes autoritaires, et au mépris de la santé des populations locales.

L’ambition de sécurité de l’approvisionnement et la question de la fiabilité des partenaires commerciaux – un risque géopolitique élevé dans le secteur du nucléaire – commandent une nécessaire transparence de l’État et des acteurs industriels français. C’est pourquoi nous proposons la publication, par les exploitants publics et privés, d’un rapport annuel sur les importations et les exportations d’uranium. Un peu de transparence ne nuit pas…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

L’obligation faite aux exploitants de rédiger un rapport annuel public sur les importations et les exportations d’uranium, telle qu’elle est proposée, ne serait pas opportune.

D’une part, l’article L. 125-15 du code de l’environnement dispose que tout exploitant publie un rapport de transparence et de sûreté nucléaire.

D’autre part, dans le cadre des procédures de participation du public, le code de l’environnement exclut la divulgation d’éléments de nature à porter atteinte à la défense nationale, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique et des personnes et à la conduite de la politique extérieure de la France, ainsi qu’au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d’infractions pénales et aux droits de propriété intellectuelle.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Ce sera un avis défavorable, pour les raisons exprimées par M. le rapporteur.

Je rappelle, tout d’abord, que la transparence est assurée par le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), qui donne beaucoup d’informations sur les éléments que vous avez mentionnés – ce n’est pas forcément le cas de toutes les filières.

De plus, j’aimerais qu’on applique la même rigueur à l’approvisionnement en terres rares pour les filières d’énergies renouvelables, car nous rencontrons exactement les mêmes difficultés – je pense d’ailleurs que celles-ci sont nettement mieux maîtrisées s’agissant de la filière uranium. Le Gouvernement est d’ailleurs impliqué sur ces sujets, et a mobilisé la Commission européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je remercie le Gouvernement de nous proposer régulièrement des projets de loi sur l’énergie, qui sont l’occasion de poser de nombreuses questions auxquelles nous ne recevons jamais de réponse…

C’est tout de même étonnant, après des interventions en discussion générale où nous avons parlé de décentralisation, de transparence et de démocratie, que, dès avant le premier article, on nous réponde qu’on ne nous dira rien ! C’est problématique.

Je veux bien entendre que, certes, tout n’est pas clair sur les terres rares. Je vous rappelle toutefois qu’on nous a raconté que les terres rares étaient toutes hors d’Europe, alors que les Suédois nous annoncent disposer de millions de tonnes de réserves. Ainsi, l’Europe aura à gérer ses propres activités extractives, mais nous ne dépendons pas du tout du reste du monde, contrairement à ce que l’on dit régulièrement.

Madame la ministre, ma question est extrêmement précise, et je pense que vous pouvez y répondre sans lever le secret-défense : pourquoi mettons-nous la pression sur la Russie avec le gaz et, plus encore, avec le pétrole, mais pas avec le nucléaire ? C’est très problématique, alors qu’il y a une guerre en Europe et que nous savons très bien qu’il faut assécher les finances russes si nous voulons sortir de ce conflit – je pense que nous partageons tous la même préoccupation quant à la démocratie et à l’avenir de l’Europe. Que se passe-t-il sur le nucléaire pour que nous n’ayons pas la même stratégie ?

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

En aucun cas nous n’avons pris de sanctions sur le gaz russe. Il n’y en a pas aujourd’hui ! Je le rappelle, il existe des sanctions sur le pétrole – 5 décembre, 5 février – mais, contrairement à ce que vous indiquez, pas sur le gaz russe. Pourtant, de telles sanctions pourraient, si nous suivons votre raisonnement, avoir des répercussions sur l’économie russe bien plus importantes que les quelques millions d’euros échangés pour le nucléaire : en effet, nous parlons là de milliards d’euros. Votre présentation n’est donc pas conforme à la réalité.

Pourquoi n’y a-t-il pas de sanctions sur le gaz russe aujourd’hui ? La raison en est que l’objectif est de ramener les Russes à la table des négociations, et que nous prenons les sanctions les plus « mordantes » pour eux. Dans l’ordre, nous avons donc pris des sanctions visant les personnalités russes les plus proches du pouvoir, puis sur les éléments les plus susceptibles de freiner l’effort de guerre ou de pénaliser l’économie du pays, pour ramener les Russes à la table des négociations, dans un objectif de paix.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Je souscris plutôt à l’avis de Mme la ministre et de M. le rapporteur. Nous devrions avoir ce débat dans le cadre de la PPE. Si l’on pratique la transparence sur la filière nucléaire, il faut le faire sur toutes les filières énergétiques.

Non, je ne confonds pas souveraineté, indépendance et sécurité. Il est faux de dire que, sur le nucléaire, nous sommes souverains, parce que nous dépendons de l’uranium kazakh, russe ou nigérien, extrait dans de mauvaises conditions sociales et environnementales. Oui, il faut le dire.

Cependant – nous avons eu ce débat cet été, avec Mme la ministre, et elle nous avait alors répondu de façon transparente –, il ne faut pas oublier que le gaz qatarien, le gaz américain, est, très majoritairement, environ à hauteur de 80 %, issu des gaz de schiste.

La question des terres rares est, elle aussi, posée.

D’ailleurs, nous ne sommes pas non plus souverains pour les énergies renouvelables, puisque nous n’avons pas de filière industrielle : nous dépendons de la Chine.

Donc, si nous posons la question de la transparence pour toutes les filières industrielles, je suis entièrement d’accord : ayons ce débat dans le cadre de la PPE et rendons l’information publique, pour le nucléaire, pour les énergies renouvelables et pour le reste – pour tout le monde ! Nous ne pouvons pas avoir ce débat sur la seule filière nucléaire.

Pour notre part, nous ne voterons pas cet amendement, mais, s’il revient sous la forme que nous souhaitons, nous abonderons dans votre sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cela nous semble en adéquation.

Quand on parle de nucléaire, on nous parle de souveraineté, encore de souveraineté, toujours de souveraineté. Et l’on ajoute : c’est propre, c’est propre, c’est propre ! Mais que se passe-t-il ? Nous importons une grande partie de notre uranium de Russie, mais pas seulement, et nous exportons une portion de nos déchets en Russie également : il n’y a là pas de souveraineté !

Ce que nous demandons, tout simplement, c’est de la transparence dans le domaine du nucléaire. Bien entendu, cela n’exclut pas la transparence dans tous les autres domaines. Je précise que, si l’on associe souvent terres rares et éoliennes, en réalité, seulement 10 % de ces dernières en contiennent. La problématique des terres rares sera beaucoup plus importante pour les véhicules électriques.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

TITRE Ier

MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS

Le code de l’énergie est ainsi modifié :

1° L’article L. 100-4 est ainsi modifié :

a) Le 5° est abrogé ;

b) Au I bis, les mots : «, du 5° du I du présent article » sont supprimés ;

2° Le troisième alinéa du III de l’article L. 141-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi n° … du … relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations, poursuivies notamment par cette loi. » ;

3° L’article L. 311-5-5 est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Muller-Bronn

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en tant que sénatrice alsacienne, je ne peux que regretter les décisions prises depuis une dizaine d’années sur les centrales nucléaires, et particulièrement celle de Fessenheim, qui aurait pu être maintenue en activité si nous n’avions pas fait le choix de sacrifier la souveraineté énergétique française aux intérêts économiques et politiques de nos voisins allemands. Les deux réacteurs étaient en effet considérés par l’autorité de sûreté nucléaire comme étant parmi les meilleurs, sur le plan environnemental comme sur le plan de la sûreté.

Je rappelle que 700 millions d’euros ont été investis dans la centrale, peu de temps avant sa fermeture, pour la maintenir au plus haut niveau, et qu’en dépendaient 3 000 emplois directs et indirects.

Pour compenser les pertes d’activité et d’emplois, et pour rendre cette décision acceptable auprès des habitants et des élus locaux, un projet franco-allemand a été sorti du chapeau, dans l’urgence. Une société d’économie mixte a été créée, sans anticipation ni réflexion, ce qui s’est soldé par un échec : elle a été dissoute sans avoir mené un seul projet et après avoir coûté 1 million d’euros.

Enfin, les projets annoncés de reconversion du site, dont le fameux technocentre d’EDF, et pour lesquels le Président de la République a promis 20 millions d’euros dans son discours de Belfort du 10 février 2022, sont restés bloqués au stade de l’affichage. Qu’en est-il, madame la ministre ?

Au moment où vous envisagez la fermeture d’autres sites nucléaires, le cas de Fessenheim a de quoi nous inquiéter. Des élus locaux n’ont pas été écoutés, les habitants ont été méprisés et les promesses n’ont pas été honorées. Je me félicite donc que le texte du Sénat s’inscrive enfin dans une stratégie globale, avec des perspectives de planification, afin de ne pas reproduire de telles décisions brutales, incohérentes et contraires aux intérêts des territoires.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, on peut toujours dire qu’il ne s’agit, avec ce texte, que de débroussailler le terrain administratif et juridique en attendant une feuille de route et la relance formelle du nucléaire, avec des centrales de nouvelle génération et la reconstitution d’un parc performant.

Toutefois, madame la ministre, à ce stade, nous pouvons dire que vous avez déjà contribué à saborder notre industrie nucléaire. Certes, le sabordage a été lancé par François Hollande – de ce point de vue, le Président de la République n’en est que le continuateur –, mais la situation actuelle nous oblige à reconstituer notre filière nucléaire, avec un programme de reconstruction, dans la précipitation. En effet, tout cela sera long et coûteux, mais nous n’avons pas d’autre choix. La crise que nous traversons est bien l’effet de la mise en œuvre des choix que nous avons faits il y a plus de dix ans.

Voilà ce qui se passe lorsque les orientations stratégiques, qui ont prévalu lors de la PPE 2015-2019, ont été mauvaises ; voilà ce qui se passe quand on se laisse intimider par un dogmatisme qui se heurte, aujourd’hui, à la douloureuse réalité de la crise énergétique ; voilà, enfin, ce qui se passe quand on se laisse intoxiquer, dans tous les sens du terme, par une Allemagne qui nous fait la leçon tout en laissant tourner à plein ses centrales à charbon.

Ce texte est la première étape d’un revirement que vous vous obstinez encore à qualifier d’anticipation et d’accélération, comme si ce n’était qu’un changement de rythme, alors que nous devons prendre une nouvelle orientation.

Vous faites mine de découvrir que la production d’électricité nucléaire doit être la colonne vertébrale de notre modèle énergétique. Pourtant, les conséquences d’aujourd’hui découlent en grande partie de vos choix passés : perte de notre capacité de production énergétique, faisant de notre pays, pour la première fois, un importateur net d’électricité de nos voisins européens, produite avec du gaz et du charbon ; vulnérabilité structurelle de notre approvisionnement ; explosion des coûts subis par les collectivités, les ménages et les entreprises ; dépenses budgétaires considérables et, malgré tout, insuffisantes pour amortir le choc inflationniste ; enfin, dégradation de notre solde commercial.

Et vous avez l’impudence, madame la ministre, de vous féliciter du succès de votre plan de sobriété… Il faut beaucoup d’estomac pour l’affirmer.

Par votre action, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. Votre temps de parole est épuisé !

Exclamations amusée s sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à prendre la parole pour évoquer de nouveau ce dont ont parlé mes collègues. Face au choix, crucial pour l’avenir, que constitue la construction de nouveaux réacteurs nucléaires – cette question relève aussi d’un choix de société –, un débat public réel s’impose, autour du recours même au nucléaire, et pas seulement de futures installations sur certains sites prédéfinis.

Ce grand débat, à la mesure de ce que représente ce choix, stratégique et politique, reste selon moi le premier impératif. Je rappelle que les difficultés posées par les réacteurs actuels ne sont toujours pas résolues, après plusieurs dizaines d’années de fonctionnement.

Premièrement, les déchets radioactifs sont toujours stockés à la surface. On approche de la saturation en attendant un stockage de longue durée à Bure.

Deuxièmement, s’ajoute à cela le réchauffement climatique, ainsi que le besoin d’eau qu’il entraîne. Nous le subissons actuellement – sécheresse, diminution des quantités d’eau, fermeture de centrales, comme celle de Golfech, sur la Garonne – ; or il faut de l’eau pour refroidir une centrale, c’est un impératif absolu.

Troisièmement, enfin, reste le risque ultime de l’accident, toujours réel, toujours possible. Si l’on peut être reconnaissant à EDF, à l’ASN, à l’IRSN de leur bonne gestion de la sûreté nucléaire, nous ne sommes à l’abri de rien. On le mesure au vu de l’actualité, à bien des égards préoccupante, tant géopolitique qu’au regard d’événements extrêmes amenés à se multiplier. Je rappelle donc que, dans ce choix, nous devons associer les Français. Cela me paraît absolument nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jacques Fernique, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

M. Jacques Fernique. Fessenheim aurait été « exécutée »… C’est l’expression que j’ai entendue tout à l’heure.

Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Ses deux réacteurs n’étaient manifestement pas en mesure de passer leur quatrième visite décennale (VD4), qui aurait dû intervenir en 2020 pour l’un et en 2022 pour l’autre. L’ASN – ce n’est pas moi qui le dis – avait imposé, en 2012, la mise en place de diesels d’ultime secours pour 2018. EDF avait commencé à le faire, mais en prenant beaucoup de retard. L’ASN a donc accordé un délai supplémentaire, mais, sous prétexte de fermeture de la centrale, EDF a refusé cette prescription.

Le renforcement du radier séparant les réacteurs de la nappe phréatique avait été très insuffisant : cette amélioration ne faisait que ralentir l’avancée du corium, sans l’arrêter. Rappelons qu’avant Fukushima, son épaisseur était de 1, 20 mètre, contre 4 mètres en moyenne pour les autres centrales, et 8 mètres pour Fukushima. L’ASN, compte tenu d’une amélioration, même limitée, a autorisé la poursuite de l’exploitation jusqu’à la fin du cycle de la troisième visite décennale (VD3), mais cela n’aurait pas été possible après la VD4.

Enfin, la falsification commise aux ateliers du Creusot pour faire passer des aciers non conformes – on se souvient des fameux dossiers barrés – a touché de nombreuses centrales : à Fessenheim, la virole, qu’il avait fallu remplacer sur le générateur de vapeur n° 335, et qui avait provoqué 666 jours d’arrêt, était elle-même encore incorrecte. Cela avait amené l’ASN à n’autoriser qu’à titre transitoire le fonctionnement du réacteur 2, en mode dégradé et pour la seule VD3 : encore une fois, cela ne serait pas passé pour la VD4. Ce réacteur détenait le triste record du nombre d’incidents sur l’ensemble des centrales françaises, avec une production particulièrement intermittente.

En clair, les réacteurs étaient en fin de vie et, par pragmatisme, les investissements pour se hisser au niveau requis pour la VD4 n’avaient pas été jugés possibles.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avions déposé quelques amendements à ce titre Ier, déclarés irrecevables, au sujet du statut des salariés. En effet, notre collègue centriste avait raison : si l’on donne un signal clair selon lequel on veut refaire du nucléaire, il faudra de l’attractivité pour faire venir les talents. Eh oui ! Il faudra aussi construire les filières de formation. Or, pour l’instant, le signal envoyé depuis dix ans à nos meilleurs ingénieurs, à nos meilleurs techniciens et à nos meilleurs soudeurs, c’est de ne plus venir dans le nucléaire, car on ne le développera plus !

Un des éléments d’attractivité – je sais que nous pouvons avoir ce débat ici –, c’est le statut, et en particulier le statut de la sous-traitance. En effet, une des raisons du retard de l’EPR de Flamanville, ce ne sont pas les procédures administratives, c’est la construction.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Or, quand on discute avec les ingénieurs, les syndicats, mais également les responsables d’EDF, tous nous disent que la question de la sous-traitance est posée en grand.

Je sais que vous vous évertuez à casser les statuts. On vous l’avait dit, par exemple, sur les cheminots en 2018 : nous vous avions prévenus que vous auriez un problème, que cela coûterait plus cher et que personne ne voudrait venir. Discutez-en avec M. Farandou aujourd’hui : il vous dira que les concours de recrutement sont ouverts, mais qu’il y a peu de candidats.

Pareil à la RATP ! Discutez-en avec M. Castex, qui vient justement de tenir une intéressante conférence de presse sur le sujet : il vous parlera des 1 000 démissions que la régie a recensées l’an dernier. Voilà le résultat !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

L’un des critères de l’attractivité, c’est le statut. Certes, on paie moins cher les gens quand on ne le leur accorde pas, mais le faire est un gage de sécurité sur le long terme.

Ne pas vouloir parler des enjeux de formation et du statut des salariés de plein droit, comme de celui des sous-traitants, madame la ministre, posera problème. Et vous ne relancerez pas le nucléaire « lourd » sans salariés très bien formés et sous statut.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

M. Daniel Salmon. Je sais que la mode est aujourd’hui à la réécriture de l’Histoire.

Marques d ’ irritation sur des travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

On a tout simplement décidé, dans les années 1970, d’investir massivement dans le parc nucléaire français. On partait alors de l’hypothèse que l’on consommerait 1 000 térawattheures d’électricité en l’an 2000. On a donc décidé d’agir fortement.

En fait, il s’est avéré que l’on était loin de consommer ces 1 000 térawattheures. Mais, comme il faut bien entretenir la filière nucléaire française, on a continué de construire des centrales. Le dernier réacteur à avoir été fabriqué et livré, celui de Civaux, l’a été en 2002.

Que faire de ce surplus d’énergie ? Eh bien, il a été décidé de le vendre à perte en Europe. Le contribuable français offre ainsi de l’énergie à ses voisins européens !

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

M. François Bonhomme. Oui, mais c’est de la bonne énergie !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

M. Daniel Salmon. Très bien ! Je savais bien que vous étiez partageurs de ce côté-ci de l’hémicycle…

L ’ orateur se tourne vers les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

On nous a expliqué ensuite que la filière avait été traversée par une grande faille et qu’il n’y avait plus eu de nucléaire du tout. Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Dès 1989, notre pays a commencé à plancher sur les plans de l’EPR. En 1989 ! En 2004, c’est-à-dire deux ans après la mise en service de Civaux – si vous trouvez que deux années, c’est long… –, on a construit l’EPR finlandais ; trois ans plus tard, on a lancé celui de Flamanville. Il n’y a donc pas eu de trous dans la raquette ! Tout cela, ce sont des fables, on nous raconte des bêtises !

L’EPR de Flamanville, qui devait être une tête de série et qui, s’il avait fonctionné, aurait entraîné la multiplication d’EPR similaires, a effectivement été un gros ratage, car – c’est bien dommage ! – il ne fonctionne pas du tout.

Alors, certes, on peut refaire l’histoire, la réinventer, chercher des fautifs ici et là, mais il faut tout de même regarder les choses en face.

Je poursuivrai cette histoire du nucléaire français un peu plus tard.

M. Daniel Breuiller applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Tout d’abord, pour rebondir sur vos propos, monsieur Salmon, mais aussi pour les compléter, car votre groupe a oublié de le mentionner lors de la discussion générale, je précise qu’il faut faire la distinction entre EPR et EPR 2.

C’est justement parce que l’on a constaté plus que des défaillances au cours de la construction de l’EPR de Flamanville, qui concernaient la construction en elle-même, le design du réacteur, que les partenaires industriels se sont lancés dans la fabrication d’un nouveau type de réacteur, simplifié, l’EPR 2. Ce point, me semble-t-il, fait l’unanimité.

Il serait souhaitable que vous soyez plus précis dans vos argumentaires.

Ensuite, je veux parler du diagnostic. Après vous avoir écouté, monsieur Fernique, je me dis que les visites décennales pourraient constituer un formidable levier d’économies.

Je le rappelle, ces visites sont prévues par les textes : tous les dix ans, un réacteur doit faire l’objet d’une visite qui doit permettre de déterminer si, oui ou non, il est en mesure de fonctionner pour les dix années à venir. C’est la loi !

Or vous avez affirmé que l’on sait d’avance si telle ou telle visite décennale sera validée ou non : il y a donc là une incroyable source d’économies ! À vous écouter, mon cher collègue, on pourrait en définitive tout à fait se passer de l’IRSN et de l’ASN.

Soyons un peu sérieux ! La visite décennale a du sens : il faut aller jusqu’au bout de cette démarche, qui doit nous permettre de discerner si les difficultés que vous avez pointées sont susceptibles de causer l’arrêt d’un réacteur.

Je serais curieux de tester les boules de cristal – j’allais dire les « voyants verts »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

En tout cas, vos propos ne me semblent absolument pas reposer sur une vérité scientifique. Certains aspects de la question méritent certes d’être examinés de près, mais il convient de laisser les autorités compétentes, qui sont payées pour cela, faire leur travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

On rêve en effet d’avoir un débat véritablement structuré et de disposer de vrais chiffres.

Les propos de Jacques Fernique reflètent la position de l’ASN et ne découlent pas de la consultation d’une boule de cristal. Ceux qui manient la boule de cristal sont ceux qui pensent que l’on peut commencer à couler du béton, bien que le design de l’EPR 2 ne soit pas encore finalisé.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : on veut accélérer les procédures en simplifiant les autorisations d’urbanisme et de génie civil, alors que ni vous ni moi ne savons à quoi ressemblera l’EPR 2. On sait seulement que le précédent EPR, de troisième génération, est trop coûteux et ne fonctionne pas. Voilà la réalité ! Et ce type de réacteur ne fonctionne pas davantage en Finlande – l’un d’entre eux était encore à l’arrêt ces derniers jours – ou en Chine, où certains d’entre eux rencontrent déjà de sérieux problèmes.

La réalité, c’est celle qu’a clairement décrite Henri Proglio. Il faut écouter ce grand défenseur de l’EDF d’avant qui, tout en étant très peu favorable au développement des EnR, a dit : « L’EPR est une “vraie connerie !” » C’est ce qu’il a déclaré devant les députés, mes chers collègues ! Il a même ajouté que c’était trop compliqué, trop cher et que cela ne marchait pas… Ses propos reflètent une partie du débat que nous avons aujourd’hui.

Les discussions que nous devrons avoir sur la future loi de programmation devront se concentrer sur cette question : nous sommes en train de prendre un risque économique immense – c’est un pari qui repose sur une « boule de cristal++ » ! Personne n’a jamais démontré, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, que l’on puisse tirer un bénéfice économique au niveau du prix du mégawattheure produit par un EPR 2.

Les autres pays ne s’y trompent d’ailleurs pas, puisque les rares États qui se lancent dans la construction de réacteurs nucléaires achètent chez les Russes ou les Américains, et pas notre EPR. Et s’ils lisent les propos de M. Proglio, ils risquent encore moins de l’acheter !

Nous sommes dans cette situation de votre fait, madame la ministre. Je suis désolé de vous le dire, mais c’est votre souhait absolu de relancer le nucléaire sur cette base qui fait peser sur notre économie un risque majeur de marginalisation.

Le futur débat sur la PPE portera sur ce point : en 2040, l’économie française survivra-t-elle au coût du mégawattheure produit par ce type de réacteur – qui ne marche pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 42 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 54 est présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 42.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

La définition d’une nouvelle stratégie énergétique nationale dans le domaine nucléaire n’a pas sa place dans ce projet de loi.

Le présent texte ne porte pas sur la place du nucléaire dans le mix énergétique. En effet, c’est la future loi de programmation quinquennale en matière d’énergie et de climat qui devra, notamment, acter ou non la relance du programme nucléaire national. Je ne vous apprends normalement rien en le disant.

Décider de manière cavalière, unilatérale et antidémocratique le remplacement de l’objectif de réduction de 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035 par un objectif de maintien à 50 % au moins de cette énergie à l’horizon 2050, pour relancer la filière nucléaire, ou encore l’introduction d’un objectif de production d’énergie nucléaire à partir de matières recyclées – de 20 % d’ici à 2030 – pour valoriser le cycle du combustible n’est pas opportun, alors que le débat public sur les EPR 2 est en cours, et ce jusqu’à fin février, et que la concertation publique sur le mix énergétique n’a pas encore eu lieu.

Ces nouveaux objectifs sont définis de manière prématurée. Toutes les garanties doivent être apportées pour que les décisions politiques soient prises dans le respect du Parlement et de nos concitoyens, ce qui n’a pas l’air d’être facile quand il s’agit du nucléaire…

Tout cela ne doit pas être décidé unilatéralement et en catimini. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 54.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Mon propos vaudra également défense des amendements n° 55 et 58.

Je ne répéterai pas ce que j’ai dit au cours de la discussion générale et que certains collègues, issus d’autres groupes, ont également exprimé. Je veux simplement rappeler l’enjeu démocratique que représente la possibilité pour les Français de s’exprimer sur la question de la politique énergétique de leur pays. Il s’agit d’une exigence constitutionnelle, qui est inscrite dans la Charte de l’environnement depuis 2004.

Introduire dans ce projet de loi, initialement axé sur l’accélération des procédures, une partie du débat concernant la programmation pluriannuelle de l’énergie n’est pas une bonne chose et donne une mauvaise image du fonctionnement de notre Parlement à nos concitoyens.

Plusieurs consultations, comme celle qui porte sur la stratégie française relative à l’énergie et au climat ou encore l’enquête publique sur les six EPR, dont le lancement est annoncé, ont été lancées. Laissons donc les choses se faire, puis tenons compte du fruit de ces réflexions, de l’expression des Français qui auront pris parti sur ces questions, avant de légiférer, comme cela est prévu, en 2023.

Aujourd’hui, on mélange tout, et ce n’est pas de nature à clarifier un débat pourtant fondamental pour les Français.

Je le redis : je regrette que le Président de la République ait pris seul sa décision sans prendre en considération, en particulier, la position du Parlement sur le sujet.

J’ai bien compris qu’il fallait aller vite, mais on ne peut pas agir n’importe comment. Encore une fois, tout mélanger comme on le fait ne facilite pas la compréhension, par les Français, des enjeux que soulèvent les politiques énergétiques, alors qu’il est justement nécessaire de les y intéresser.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Les amendements identiques n° 42 et 54 tendent à supprimer l’article 1er A, qui abroge plusieurs dispositions du code de l’énergie par coordination avec l’objectif de relance du nucléaire visé par le présent projet de loi.

Je précise que cet article, tel qu’il est désormais rédigé, constitue un apport majeur de notre commission, qui, compte tenu de l’objectif annoncé par le Gouvernement d’une relance du nucléaire, a souhaité revenir sur les verrous issus de la loi de 2015 de transition énergétique pour la croissance verte, notamment l’objectif de réduction de 50 % de l’énergie nucléaire d’ici à 2035.

Je signale également que, sans le Sénat, cet objectif aurait été fixé à l’horizon 2025. Si j’en parle, c’est parce que tout le monde semble faire abstraction de cet événement : sans notre assemblée, la PPE n’aurait même pas fait l’objet d’une discussion devant le Parlement.

M. Ronan Dantec en convient.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Au passage, alors que j’entends parler d’absence de débat démocratique, je ferai remarquer que, par ce débat parlementaire, nous avons donné une belle leçon de démocratie. Il faut souligner cet apport du Sénat et, si j’y insiste, c’est que personne ne le fait.

Revenons-en au texte : un travail transpartisan a été réalisé par notre commission – je parle sous le contrôle de notre présidente –, laquelle convient de la nécessité d’une relance du nucléaire, ainsi que de la nécessité de promouvoir le couplage nucléaire-hydrogène.

Pour en finir avec l’objectif de 50 % d’énergie d’origine nucléaire d’ici à 2035, j’aimerais enfin rappeler, comme certains d’entre vous l’ont fait, ainsi que Mme la ministre d’ailleurs, qu’aujourd’hui 70 % de notre énergie électrique est encore d’origine nucléaire. Comment voulez-vous relancer les capacités de production d’énergies pilotables de notre pays sans rappeler cette vérité ?

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Je veux redire ici que, mathématiquement, si l’on prend le meilleur des scénarios établis par RTE – j’insiste sur ce point –, même en construisant quatorze réacteurs nucléaires à l’horizon 2050, la part du nucléaire dans le mix énergétique ne dépassera pas 50 % au maximum. Ce sont des mathématiques : certains cherchent à se faire plaisir politiquement, mais il y a tout de même une réalité physique qui s’impose à nous et qui doit nous conduire à réfléchir collectivement sur la future programmation pluriannuelle de l’énergie.

En réponse à Mme la sénatrice Muller-Bronn, je précise que le projet de technocentre d’EDF à Fessenheim n’est absolument pas à l’arrêt, puisqu’il est convenu qu’EDF nous le présente prochainement. L’aide prévue est d’ailleurs réservée dans le cadre du plan de relance, ce qui montre qu’elle est bel et bien financée. De plus, plusieurs projets industriels sont actuellement en cours de finalisation sur le site de Fessenheim.

Monsieur Gay, vous avez parlé de formation. Comme vous le savez, le premier programme de construction de centrales nucléaires lancé par Pierre Messmer – auquel nous avons tous fait référence –, les cinquante-six réacteurs, a été réalisé par des sociétés industrielles dont les salariés n’étaient pas, en tout cas pour ce qui concerne le volet « construction » – génie civil, cuves, pièces diverses, tuyauteries, etc. –, et sauf erreur de ma part, sous statut.

N’oublions pas ce petit détail : il prouve que l’on a su faire sans.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Cela n’enlève rien à l’intérêt d’être sous statut, mais notons qu’une grande partie des fabricants de centrales nucléaires n’en ont pas eu besoin pour les construire.

Le point important, c’est plutôt de savoir comment parvenir à attirer, former et faire évoluer les filières. C’est l’un des facteurs clés du succès ou de l’échec potentiel du nouveau programme nucléaire – je vous rejoins sur ce point, monsieur Gay.

Messieurs Salmon et Dantec, vous nous avez expliqué que l’EPR de Flamanville n’était pas au rendez-vous. Je rappelle – ce n’est pas moi qui le dis, ce sont les patrons que vous avez interrogés dans le cadre de vos auditions – que, pour avoir un programme industriel, il faut plusieurs réacteurs.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Et c’est très exactement ce que nous envisageons aujourd’hui : disposer de plusieurs réacteurs pour créer un effet de convergence et réduire drastiquement les coûts de développement grâce à la standardisation.

Ce que nous demandons et ce sur quoi est en train de travailler le nouveau patron d’EDF grâce à ses équipes, c’est un retour d’expérience sur les raisons qui pourraient expliquer le « dérapage » de Flamanville, de sorte que l’on puisse en tenir compte en vue du lancement du nouveau programme.

Est-il nécessaire de simplifier ? A-t-on construit trop rapidement ? A-t-on engagé trop tôt les opérations de maîtrise d’œuvre, dans la mesure notamment où le design de la centrale n’était pas finalisé ? Ce sont autant de très bonnes questions auxquelles les industriels – c’est du reste leur responsabilité – vont nous répondre et sur le fondement desquelles ils proposeront des améliorations.

Le programme nucléaire n’est pas le premier à avoir été couronné de succès en France. Je rappelle que notre pays a fait le TGV et le Concorde – même si l’on peut se demander s’il a été utile –, qui sont autant de réalisations industrielles exceptionnelles que l’on a su encourager efficacement. De la même façon, nous continuons à soutenir certaines filières aujourd’hui. Il nous reste simplement à définir les meilleurs moyens pour y parvenir.

S’agissant maintenant des deux amendements identiques n° 42 et 54, je considère qu’il ne faut pas revenir sur la suppression du plafond de 63 gigawatts, étant donné que nous préparons actuellement un projet de relance du programme nucléaire.

Nous ne sommes actuellement pas en mesure – c’est en revanche l’objet de la PPE – de fixer un tel plafond, mais s’il faut envoyer un signal à la filière nucléaire, faisons-le. Dans la mesure où la question est posée, la position du Gouvernement est très claire : elle consiste à augmenter en valeur absolue la part du nucléaire dans notre mix énergétique.

S’il s’agit en revanche de déterminer ce que devrait être la proportion de l’énergie nucléaire dans ce mix, nous abordons une question qui suppose de s’intéresser aux énergies renouvelables. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

C’est pourtant bien vous qui avez décidé de présenter ce texte !

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

À cet égard, je comprends votre analyse, monsieur le sénateur Montaugé : pour débattre de la PPE, il faut effectivement traiter au préalable de l’ensemble de ces questions, comme celle de la baisse de la consommation cible ou encore celle de la fixation au juste niveau de l’augmentation dans le mix de la part des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire, tout cela en s’appuyant sur les différents scénarios possibles, sur lesquels vous prendrez position et à partir desquels nous ferons des propositions très claires.

D’ici là, le Gouvernement demande le retrait des amendements n° 42 et 54 au profit de son amendement n° 118, qui n’a pas pour objet de rétablir le plafond des 63 gigawatts supprimé par la commission des affaires économiques, mais de maintenir un objectif de diversification du mix électrique français, car nous devons marcher sur nos deux jambes : l’une reposant sur les énergies renouvelables, l’autre sur le nucléaire. Tel est le message que nous envoyons aux deux filières.

S’agissant de la part que représentera chacune de ces énergies dans notre mix et de la production énergétique ou de la puissance, en valeur absolue, dont nous souhaitons disposer grâce aux différentes filières technologiques, ce sera à la PPE de le définir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Daniel Breuiller, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Tout d’abord, permettez-moi de vous faire remarquer, madame la ministre, que vos propos relèvent un peu de la croyance, me semble-t-il, notamment lorsque vous nous expliquez que le chantier de Flamanville a certes dérapé, mais qu’il suffit désormais d’y croire et de travailler sur le dossier pour que tout aille bien en ce qui concerne les EPR 2, et ce bien que le premier EPR ne soit toujours pas en service.

Par ailleurs, j’ai bien noté votre demande de retrait des amendements de nos collègues, mais je dois avouer qu’après avoir entendu vos explications je suis un peu perdu. Vous nous dites que ce texte ne doit pas faire l’objet de débats qui concernent plutôt la PPE, laquelle sera examinée ultérieurement par le Parlement, et qu’il faut respecter les procédures démocratiques. Et puis, peu après, vous nous informez que vous n’avez pas l’intention de revenir sur l’objectif de 63 gigawatts, tout en affirmant vouloir rediscuter du mix énergétique.

Madame la ministre, soit on discute de la PPE et de la diversité du mix énergétique, soit on n’en discute pas ! Et dans ce cas, les amendements de nos collègues Salmon et Montaugé ont toute leur place dans ce texte, car ils visent à ce que l’on débatte effectivement des procédures d’accélération liées à la construction de nouvelles installations nucléaires, et non du mix énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je dois avouer à mon tour que suis un peu perdu.

Cela étant, je rejoins le rapporteur lorsqu’il rappelle que le Sénat s’est beaucoup investi pour qu’un vrai débat démocratique sur la PPE ait lieu.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je rappelle également qu’à cette époque Daniel Gremillet défendait un objectif de 50 gigawatts pour l’éolien offshore, ce qui est totalement incompatible avec la proposition émanant de certains sénateurs du groupe Les Républicains d’installer ces éoliennes de l’autre côté du Channel.

M. le rapporteur sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Pour ma part, je pense bien connaître tout ce qui a trait à la PPE, dans la mesure où, je le rappelle, c’est le groupe écologiste à l’œuvre à l’époque de sa mise en place qui avait négocié la périodicité de celle-ci auprès du cabinet du Premier ministre d’alors, Manuel Valls, et ce la veille de la présentation de la future loi Royal. Il s’agissait d’un élément du deal entre socialistes et écologistes.

Exclamations amusées sur les travées du gro upe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je dévoile les dessous de l’accord passé à l’époque, qui a permis d’allonger la durée de la trajectoire énergétique de cinq à dix ans. C’est un point important : l’État proposait initialement une planification sur cinq ans, ce qui était absurde au vu du temps réellement nécessaire à la réalisation des installations nucléaires, qui est bien plus long.

Désormais, la PPE couvre une durée de dix ans. Aussi, pourquoi, alors que l’on débat aujourd’hui de « bécanes » dont aucune ne fonctionnera d’ici dix ans, y toucher maintenant ? Seul un développement à marche forcée des énergies renouvelables qui serait promu par la loi, comme l’a souligné Mme la ministre, pourrait changer la donne dans les dix années à venir. Si l’on modifie la PPE, ce serait donc uniquement pour tenir compte d’une hausse de la part de ces énergies dans le mix énergétique.

C’est pourquoi je ne comprends pas bien la logique de cet article.

Je ne peux pas terminer mon propos – le débat que nous avons cet après-midi est passionnant – sans faire remarquer que nous sommes le seul pays qui puisse, dans le secteur industriel, décider de fabriquer des centrales en série, alors même que le prototype ne fonctionne pas, et ce sans même essayer de comprendre pourquoi celui-ci ne fonctionne pas et attendre que ce ne soit plus le cas !

Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Il s’agit d’une innovation comme on en a rarement connu ! Il me semble que notre pays court ainsi un vrai risque industriel.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Notre groupe souhaite revenir au projet de loi initial, c’est-à-dire un texte d’accélération des procédures, qui comporte un certain nombre d’aspects tant administratifs que juridiques.

Or l’article 1er A prévoit que « la programmation pluriannuelle de l’énergie fait l’objet d’une révision simplifiée destinée à la mettre en conformité avec les constructions de réacteurs électronucléaires ou leurs prolongations, poursuivies notamment par cette loi ». En d’autres termes, on inverse le processus : la PPE doit s’adapter au projet de loi relatif à l’accélération des procédures que l’on va voter – ou non – dans les prochaines heures.

Si l’on veut véritablement un débat serein, laissons-le se dérouler sans entrave. Chacun pourra ainsi prendre position.

Personnellement, j’ai, au sens propre comme au sens figuré, beaucoup d’atomes crochus avec Daniel Gremillet. Je suis moi aussi un partisan du développement de la filière électronucléaire, mais ce, sous certaines conditions.

Je le dis en regardant Fabien Gay droit dans les yeux, parce que je crois que l’on partage un certain nombre de points communs à ce sujet. Je considère personnellement que nous avons besoin du nucléaire, mais pas de n’importe quel nucléaire ; il nous faut en effet une filière nucléaire responsable.

Dès lors, nous sommes – je le redis – favorables au retour au texte initial. Discutons sereinement de la PPE et, pour ce faire, évitons de mettre une quelconque forme de pression sur le débat et d’imposer, dans le cadre de ce projet de loi, des décisions qui doivent être prises ultérieurement.

Je profite des quelques secondes qu’il me reste pour corriger une erreur : le réacteur finlandais d’Olkiluoto 3 est actuellement à l’arrêt en raison, non pas d’un problème nucléaire, mais de défaillances au niveau de l’îlot turbine et de l’alternateur. Il ne s’agit pas du tout d’un incident nucléaire, puisque le problème serait exactement le même s’il s’agissait d’une centrale à charbon.

Exclamations am usées sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

L’îlot turbine fait tout de même partie de l’EPR !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Madame la ministre, lors de la discussion générale, vous avez conclu votre intervention par une réponse aux critiques, qui émanaient de l’ensemble des travées de cet hémicycle, sur le fait que vous nous obligiez à engager ce débat en dépit du bon sens. Vous avez alors juré vos grands dieux, si je puis dire, que l’examen des différents textes relatifs à notre stratégie énergétique se faisait dans le bon ordre.

Or vous venez de nous expliquer qu’il fallait marcher sur nos deux jambes, le nucléaire et les énergies renouvelables. Cela nous renforce dans notre conviction qu’il aurait peut-être été préférable de discuter de la PPE en premier, voire qu’il aurait peut-être mieux valu que vous présentiez un texte global nous permettant de définir précisément quelle doit être notre production globale d’énergie en fonction de nos besoins réels.

En saucissonnant ainsi les sujets, vous poussez les uns et les autres, parfois même à leur corps défendant, à aborder les débats sous un angle idéologique. Or, si nous avons besoin d’un mix énergétique, cela n’est pas d’abord pour des raisons idéologiques, mais pour répondre à divers besoins auxquels aucune source et aucun mode de production ne peut répondre seul. C’est du reste la raison pour laquelle nous devons diversifier notre production énergétique.

Le processus législatif est désormais lancé, mais il me semble que les débats s’engageraient sous de meilleurs auspices si vous acceptiez de reconnaître, madame la ministre, qu’il aurait été préférable d’examiner les textes dans un ordre différent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

En écoutant attentivement les uns et les autres, j’ai parfois l’impression que certains se bercent de mots…

Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur un point précis. Aujourd’hui, les autorisations d’exploitation des installations de production d’énergie nucléaire sont limitées à 63, 2 gigawatts. Si vous en avez connaissance – je ne doute pas que vous ayez des informations à ce sujet –, quels seront les effets du grand carénage, qui conduira à l’arrêt de certains réacteurs pour des raisons techniques sur le fondement des avis rendus par l’Autorité de sûreté nucléaire ? Il me semble que ce n’est pas neutre, alors que nous avons à nous prononcer sur ces deux amendements.

Par ailleurs, je rappelle que la nouvelle PPE viendra très prochainement en discussion dans cet hémicycle. S’il convient effectivement d’envoyer un signal à la filière, pourquoi pas ?

Enfin, je souhaiterais attirer votre attention sur le scénario « N03 » de RTE, dit de mix équilibré, à l’horizon 2050, qui prévoit un nouveau seuil pour les autorisations d’installation limité à 51 gigawatts pour le nucléaire. Dans ce scénario, le nucléaire existant représenterait 24 gigawatts de capacité installée, les 27 gigawatts restants correspondant à du « nouveau » nucléaire, que les six nouveaux réacteurs EPR 2 et les huit autres à l’étude, qui ont été annoncés par le Président de la République, ne permettraient d’ailleurs pas de couvrir intégralement.

La situation ne me paraît donc pas très claire.

Pour terminer, je suis très inquiet des difficultés que l’on rencontre dans nos territoires – nous le vivons sur le terrain – pour planifier le développement des énergies renouvelables, photovoltaïque, éolien terrestre, voire la méthanisation. Je rappelle que le scénario de RTE, qui repose sur la part d’EnR la plus élevée, anticipe une multiplication par sept de la production d’énergie photovoltaïque et par deux et demi de la production éolienne terrestre.

Or, aujourd’hui, avec ce qui se dessine, on est très loin du compte…

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Cela pose la question de l’efficacité de notre planification énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il faut respecter votre temps de parole !

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la ministre, dans votre intervention liminaire, qui a duré onze minutes et quarante secondes, vous avez passé huit minutes à énumérer les dispositions que ce texte ne comportait pas et à lister les sujets qu’il ne fallait pas aborder, et trois minutes seulement à expliquer les mesures y figurant.

Et patatras ! Nous sommes confrontés, dès l’examen de l’article 1er A, à une contradiction dont vous êtes responsable, à savoir que nous examinons ce texte avant la PPE, ce qui n’est pas possible !

Nos collègues qui ont défendu les amendements n° 42 et 54 ont donc raison : on ne peut pas discuter sérieusement du nucléaire sans avoir préalablement défini une stratégie concernant notre mix électrique. Débattre de cette programmation donnera sûrement lieu à des désaccords et à des divergences, mais il importe, dans un premier temps, de trancher cette question.

À l’inverse, le rapporteur a parfaitement raison d’avoir modifié l’article 1er A pour tenir compte de cette inversion. Je comprends parfaitement les positions des uns et des autres.

D’un côté, vous voulez accélérer les procédures ; de l’autre, la PPE prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs. Plus personne n’y comprend rien ! Je vous le dis franchement, madame la ministre : si nous en sommes là, c’est uniquement de votre faute et c’est lié à la façon dont vous avez voulu aborder ce débat.

Sur le fond, nous sommes d’accord avec la commission, mais nous nous abstiendrons sur les quatre amendements à l’article 1er A en raison de l’ordre dans lequel vous avez voulu examiner les textes – je n’en comprends toujours pas la raison. De cette manière, et sans débat de fond, vous n’allez rien accélérer du tout !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 118, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 5

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

1° Le 5° de l’article L. 100-4 est ainsi rédigé :

« 5° De diversifier le mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables, selon des modalités fixées en application de l’article L. 100-1 A ; »

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Cet amendement vise à revenir sur la suppression, par la commission, de l’objectif de 50 % de production d’origine nucléaire dans le mix électrique et à rappeler que la PPE vise à diversifier le mix énergétique pour atteindre « un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ».

Il ne s’agit pas, contrairement à ce que j’ai entendu dire, de préempter le débat sur la PPE ; il s’agit justement de faire droit à la demande de nombreux sénateurs de ne pas débattre de la PPE aujourd’hui.

Par ailleurs, tout le monde a la bouche remplie des mots « concertation » et « consultation du public », mais vous êtes justement en train de nous demander d’écraser le débat public, mesdames, messieurs les sénateurs !

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Le débat public est en cours, il a démarré au mois d’octobre !

Il y a une convention de jeunes de 18 à 35 ans, pour finaliser ce débat public, auquel un certain nombre d’entre vous sont invités. Nous appliquons strictement les recommandations formulées par la Commission nationale du débat public pour organiser cet exercice, ce moment démocratique, au cours duquel nous associons l’ensemble des Français à la définition de notre mix énergétique. Et, de votre côté, vous nous demandez d’écraser ce débat !

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Pour ma part, cela ne me semble pas être une bonne idée et je ne foulerai pas aux pieds la concertation publique en redéfinissant notre PPE. Si l’on veut que ce débat public soit respecté, le projet de loi sur la PPE ne peut arriver que dans quelques mois et non avant la fin de celui-ci.

Par ailleurs, gouverner, c’est anticiper

Exclamations et applaudissements ironiques sur les travées des groupes Les Républicains et SER.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Tout le monde a donc intérêt à sortir des postures politiques, parce que notre responsabilité, c’est de construire la fameuse indépendance énergétique que l’on réclame et qui, j’ai le regret de vous le dire, n’a jamais existé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Je ne répéterai pas les propos que j’ai tenus sur les amendements précédents.

Néanmoins, je ne vous comprends pas, madame la ministre : vous faites une partie du chemin tout en refusant d’aller au bout de la logique en vous appuyant sur le travail de la commission des affaires économiques, qui, elle, a eu le courage de le faire.

En effet, on ne trouvera pas de jeunes désireux de s’engager dans les métiers souffrant d’une perte de compétences – tout le monde en convient – si l’on n’envoie pas un signal, si l’on ne dessine pas une trajectoire et une vision de long terme. Le rôle du Gouvernement et du Parlement, c’est d’avoir cette vision, d’élaborer cette stratégie pour le pays.

Par ailleurs, je suis d’accord avec vous : il ne faut pas préempter la stratégie définie par la PPE, et c’est aussi la position de la commission. Vous l’avez indiqué précédemment : à l’horizon 2050, nous aurons vingt-huit réacteurs sur lesquels devra être prise une décision : prolongation, si l’ASN juge celle-ci compatible avec la sûreté des installations, ou renouvellement. C’est cette question que la PPE devra examiner.

J’irai plus loin, madame la ministre. Aujourd’hui, la bataille de l’hydrogène est en train de se jouer à travers le monde, y compris sur le sol européen, notamment en Allemagne. Or, si nous n’envoyons pas un signal sur le nucléaire, nous n’aurons pas de recherche et d’innovation en France, et l’électrolyseur à haute température, source de meilleurs rendements dans la production d’hydrogène, ne se fera pas. C’est à tous ces enjeux que la commission a voulu répondre, au travers des articles additionnels qu’elle a adoptés !

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Madame la ministre, cet amendement entre en contradiction frontale avec votre propos liminaire. Vous nous avez en effet indiqué – le compte rendu intégral en fait foi – que la place du nucléaire dans le mix énergétique ne serait pas remise en cause et qu’il ne s’agissait pas d’un texte de programmation énergétique.

Il se trouve que, dans sa rédaction initiale, le projet de loi modifie au moins une quinzaine de fois le code de l’urbanisme, une dizaine de fois le code de l’environnement, sans compter les modifications du code général de la propriété des personnes publiques, du code général des impôts et du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ; en revanche, il n’apporte pas la moindre modification au code de l’énergie, je vous mets au défi d’en trouver une, parce que vous étiez restée « dans votre couloir », dans le cadre d’une feuille de route.

Or, avec cet amendement, j’ai l’impression d’assister à une sortie de route et il me semble même que vous êtes partie dans le décor puisque vous proposez de récrire le 5° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie, selon lequel la politique énergétique a pour but de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2035 ». L’année 2035, c’est dans douze ans ; par conséquent, même si – je le concède – il sera nécessaire de modifier cette disposition, nous avons le temps de respecter les débats publics qui ont lieu actuellement.

Nous n’écrasons donc pas le débat public, madame la ministre, au contraire : nous voulons le renforcer afin qu’il se déroule sereinement. Pour cela, ne l’encadrons pas par des injonctions, ne laissons pas le Parlement décider d’emblée de modifier la PPE. Cela me semblerait constituer, je le répète, un déni de démocratie participative.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Franchement, je veux remercier la commission et son rapporteur, Daniel Gremillet, d’avoir enfin ouvert, d’une façon qui contraigne à la rationalité, un débat de plusieurs mois et qui devra être in fine tranché par le législateur : quel mix énergétique acceptons-nous pour la France ou, plus précisément, sur quels principes doivent se fonder les investissements qui permettront à notre pays d’avoir de l’énergie ?

Organiser un débat selon les formes prescrites par la Commission nationale du débat public, c’est très bien, mais qui peut croire un seul instant que de ce débat public puissent émerger des propositions précises et rigoureuses ?

Prenons l’exemple de l’hydrogène destiné à décarboner l’industrie. Si l’on décide qu’il s’agit d’une priorité, il faut savoir que la seule sidérurgie ou l’ensemble constitué par la chimie et les activités pétrolières exigent une production de plusieurs gigawatts pour fonctionner. De même, pour garder nos données sur notre territoire, vu la croissance de la consommation de numérique, il faudra une électricité parfaitement maîtrisée, ne supportant ni les intermittences ni les variations de fréquence. De la même manière, la mobilité légère – les batteries – ou la mobilité lourde – l’hydrogène – entraînent des besoins considérables en énergie, qu’il faut évaluer.

Pour cela, les investissements, ou Capex, sont importants et les technologies changent. Je veux bien qu’un débat public nous explique quel doit être le mix énergétique, mais vous me permettrez de ne pas prendre très au sérieux ce type de travaux…

En revanche, nous ouvrons aujourd’hui et publiquement, avec le soutien de ceux qui proposent un texte – la commission – et avec l’apport utile de ceux qui le combattent, un débat qui obligera les responsables français compétents à prendre position.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je voudrais que ces responsables définissent des capacités effectives de production, sans s’appuyer sur de vagues sentiments, sans proposer, au jugé, tel ou tel mix énergétique, tel ou tel cocktail agréable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. … car il y va tout de même de l’avenir de la France !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mes chers collègues, chacun dispose pour ses explications de vote d’un temps de parole de deux minutes, pas d’une seconde de plus, et cela s’applique à tout le monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Je n’ai parlé qu’une seule fois et ce sera la dernière, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il y a quelques instants, j’ai accordé à M. le rapporteur un dépassement de vingt secondes et cela m’a valu des messages de toutes les travées pour demander une extension des temps de parole. Je vous saurai donc gré d’éviter de dépasser votre temps de parole. Je pense que tout le monde peut, en deux minutes, expliquer sa position. Je vous prie d’y veiller dorénavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Mme Sophie Primas, président e de la commission des affaires économiques. J’économiserai vingt secondes sur mon temps de parole, que je donne, a posteriori, à Gérard Longuet…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Je le répète, la volonté de la commission des affaires économiques, avec cet article, est d’envoyer un signal fort, comme l’a dit Mme la ministre, pour relancer la filière nucléaire. Ce signal fort ne peut pas se limiter à des mesures techniques ; il doit certes en contenir quelques-unes afin d’accompagner la création de six réacteurs EPR 2, mais il doit aussi affirmer que le nucléaire a de l’avenir dans ce pays pour les vingt ou trente prochaines années, puisque l’on s’apprête à y construire des EPR.

Madame la ministre, je vous remercie de signaler que la voie choisie par la commission des affaires économiques ne se substitue pas à la PPE. Que souhaitons-nous indiquer avec l’alinéa 3 du présent article ? Simplement que la cible de 50 % est obsolète…

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

… et n’est est pas cohérente avec la perspective, proposée dans ce projet de loi, de la création de nouveaux EPR. Nous nous contentons donc de supprimer cette cible et nous prenons acte de la suppression de la fermeture annoncée de douze réacteurs supplémentaires.

Ce faisant, nous ne préemptons pas le débat public, parce que la cible de 50 % peut devenir une cible de 75 % – ce serait peut-être la préférence majoritaire de ce côté-ci

Mme la président e de la commission esquisse un geste en direction du côté droit de l ’ hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

– ou de 20 % – ce serait peut-être la préférence de ce côté-là.

Mme la président e de la commission désigne les travées de gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous ne préemptons rien, nous prétendons simplement que ce taux de 50 % est obsolète et nous proposons de faire reposer les mesures techniques sur une vision politique.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Je peux comprendre les propos tenus, mais tout cela relève plutôt d’un débat sur la place du nucléaire.

Or l’amendement du Gouvernement vise justement, je le rappelle, à préserver la PPE et toutes les discussions à venir, en précisant simplement que la politique énergétique doit avoir pour objectif de « diversifier le mix électrique en visant un meilleur équilibre entre le nucléaire et les énergies renouvelables ». Nous proposons précisément de poser le débat !

J’entends que ce débat ait lieu, mais ne prenez pas à partie le Gouvernement sur ce point, car il a et garde une ligne très claire, consistant à laisser le débat public aller son terme, à proposer au Parlement de relancer le programme nucléaire et à s’y préparer dès maintenant.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, nous ne vous avons pas attendu pour relancer l’hydrogène bas-carbone. Nous avons passé deux ans à négocier les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) – IPCEI, en anglais – avec la Commission européenne et, aujourd’hui, quinze projets sur les électrolyseurs sont déjà engagés ; je peux vous assurer que ces dossiers sont sur les rails et qu’ils sont très attractifs, y compris pour le recrutement.

À ce propos, sur la formation non plus, nous ne vous avons pas attendu. D’ailleurs, l’opinion publique est déjà en train de bouger à ce sujet puisque, alors que nous éprouvions des difficultés à remplir les sections spécialisées dans le nucléaire au sein des écoles d’ingénieurs, les demandes pour y étudier sont désormais supérieures aux places disponibles. L’enjeu en la matière consiste à étendre ce phénomène aux bacs professionnels et aux bacs+2, afin de former des soudeurs, des électrotechniciens ou encore des électromécaniciens, dans le but de remplacer les personnes amenées à partir à la retraite prochainement. D’ailleurs, certaines autres réformes peuvent nous y aider…

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 14, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° L’article L. 311-5-5 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L’autorisation mentionnée à l’article L. 311-1 ne peut être délivrée lorsqu’elle aurait pour effet de porter atteinte aux objectifs de diversification des sources d’énergie et de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire.

« L’autorité administrative peut abroger l’autorisation d’exploiter une installation nucléaire de base pour atteindre les objectifs de diversification des sources d’énergie et de réduction de la part de l’électricité d’origine nucléaire. »

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Il est nécessaire de rappeler le cadre normatif dans lequel s’inscrit le projet de loi d’accélération du nucléaire.

Nous sommes lucides, nous savons que, compte tenu du retard pris en matière d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables, nous ne pourrons pas nous passer tout de suite du nucléaire existant. Il nous faudra plusieurs décennies pour nous en affranchir, mais il est primordial de ne pas relancer du « nouveau » nucléaire. Nous souhaitons donc sécuriser le cadre juridique en vigueur, en rappelant que tout projet de réacteur nucléaire supplémentaire doit demeurer cohérent avec le mix énergétique et avec l’obligation de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité.

C’est tout le débat que nous avons en ce moment. Nous ne partageons pas votre vision, que reflète encore l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Aujourd’hui, seul l’exploitant a la possibilité de demander l’abrogation des autorisations d’exploiter lorsque le plafond de 63, 2 gigawatts est susceptible d’être dépassé. Or ce plafond a pour seul objectif d’éviter l’extension du parc nucléaire et ne permet pas de remplir les objectifs de réduction de la part du nucléaire fixé par la loi.

Ainsi, en donnant au ministre chargé de l’énergie le pouvoir de fermer les centrales nucléaires, nous souhaitons éviter de faire reposer entre les mains exclusives de l’exploitant la possibilité d’abroger des autorisations d’exploiter et garantir le respect des objectifs de décarbonation du mix et de réduction de la part du nucléaire.

Ce n’est pas à l’exploitant de piloter la politique énergétique française…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Madame la ministre, nous ne parlons pas de la même chose : je parlais des électrolyseurs à haute température ; vous m’expliquerez comment les faire fonctionner sans énergie nucléaire…

J’en viens au présent amendement. La commission a proposé d’abroger ce plafonnement a priori de 63, 2 gigawatts, afin de tirer un trait sur la politique d’attribution du nucléaire. La mesure que vous suggérez, mon cher collègue, n’est absolument pas souhaitable, d’autant que la rédaction que vous proposez permettrait de remplacer de l’énergie nucléaire, décarbonée, par des énergies fossiles, voire émissives. Avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er A est adopté.

Le code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Après le 7° de l’article L. 100-2, il est inséré un 7° bis ainsi rédigé :

« 7° bis Poursuivre un effort de recherche et d’innovation en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1, en soutenant notamment les réacteurs européens pressurisés, les petits réacteurs modulaires, les réacteurs de quatrième génération, le projet international de réacteur expérimental de fusion thermonucléaire, dénommé projet ITER, la fermeture du cycle du combustible, le couplage entre la production d’énergie nucléaire et celle d’hydrogène bas-carbone et les projets importants d’intérêt européen commun sur l’hydrogène ; »

2° Le I de l’article L. 100-4 est ainsi modifié :

a) Après le 5°, sont insérés des 5° bis, 5° ter et 5° quater ainsi rédigés :

« 5° bis De maintenir la part du nucléaire dans la production d’électricité à plus de 50 % à l’horizon 2050 ;

« 5° ter De décarboner le mix électrique, à hauteur de 100 %, ainsi que le mix énergétique, à hauteur de 50 %, à l’horizon 2030 ;

« 5° quater De recourir à une part de matières recyclées dans la production d’électricité d’origine nucléaire, à hauteur de 20 % à l’horizon 2030 ; »

b) Après le 10°, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :

« 10° bis D’atteindre des capacités installées de production d’au moins 6, 5 gigawatts d’hydrogène décarboné produit par électrolyse à l’horizon 2030 ; »

3° L’article L. 141-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette synthèse expose la politique du Gouvernement en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1. » ;

4° Le dernier alinéa de l’article L. 141-4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette présentation expose la politique du Gouvernement en direction de l’énergie nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone, mentionné à l’article L. 811-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 43 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 55 est présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 43.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er B, inséré par la commission dans le texte et qui acte la relance du programme nucléaire français sans respecter le processus démocratique, en violation du principe de la participation du public.

Nous en débattons depuis un moment et nous sommes assez d’accord : ce texte a un aspect « décalé » et il présente même des incohérences : on confond accélération et précipitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 55.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Il est défendu, madame la présidente.

Je tiens toutefois à préciser, madame la ministre, que nous ne souhaitons pas écraser le débat public, bien au contraire.

Par ailleurs, monsieur Longuet, il est évident que la consultation publique ne saurait apporter des solutions, mais il est tout de même très important, pour l’acceptabilité des projets, leur compréhension, et pour regagner de la souveraineté nationale, de prendre en compte les remarques formulées par les Français intéressés. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement et celui que je défendrai dans un instant, l’amendement n° 58.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Le Gouvernement demande le retrait de ces amendements au profit de son amendement n° 108, qui tend à réécrire l’article dans le sens que vous souhaitez, je pense, messieurs Salmon et Montaugé. En effet, nous proposons de conserver le principe d’une discussion sur la PPE ainsi que la nécessité d’une approche équilibrée de notre mix énergétique.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 108, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéas 4 à 12

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Le présent amendement a pour objet de supprimer les dispositions adoptées par la commission rappelant le maintien de la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2050 ainsi que la décarbonation du mix électrique à 100 % et du mix énergétique à 50 % à l’horizon 2030, principes qui relèvent de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Il tend en revanche à conserver les alinéas obligeant le Gouvernement à fournir plus d’information au Parlement.

Nous restons donc cohérents, en respectant la volonté de préparer la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie et en nous engageant à fournir le maximum d’informations au Parlement, mais en considérant qu’il est prématuré d’insérer tout élément qui relève de la PPE, et préempte donc la discussion sur ce projet de loi, alors que le débat public et les travaux de consultation d’acteurs indispensables ne sont pas terminés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 92 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

et à hauteur de 50 % à l’horizon 2050

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Il incombe au projet de loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, qui doit être examiné ultérieurement, de déterminer les objectifs de la politique énergétique.

Le présent projet de loi a été heureusement amendé par la commission des affaires économiques et les objectifs de la politique énergétique en matière de production d’électricité d’origine nucléaire ont été complétés pour tenir compte de la construction de six, voire de quatorze EPR supplémentaires annoncée par le Gouvernement.

L’article 1er B nouveau prévoit en particulier de recourir à une part de 20 % de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire à l’horizon 2030, à des fins de valorisation du cycle du combustible. Une telle voie est souhaitable, car elle peut contribuer à sécuriser notre approvisionnement en uranium et à réduire le volume de déchets, mais il est également indispensable de se fixer des objectifs ambitieux en matière de recyclage de combustible usagé.

Cet amendement tend donc à prévoir la valorisation de 50 % de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire en 2050, afin de renforcer notre indépendance énergétique.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Au travers de l’amendement n° 108, le Gouvernement entend supprimer la quasi-totalité des alinéas de l’article 1er B, ce qui n’est pas justifié. En effet, cela reviendrait à supprimer l’ensemble de la stratégie énergétique nationale appliquée par la commission à l’énergie nucléaire et à l’hydrogène bas-carbone, c’est-à-dire de revenir sur le travail qu’elle a fait et, surtout, sur le signal qu’elle veut envoyer à la filière nucléaire.

Quant à l’amendement n° 92 rectifié bis, il vise à porter à 50 % d’ici à 2050 l’utilisation de matières recyclées dans la production d’électricité nucléaire. La commission a préféré fixer un objectif de 20 % d’ici à 2030, pour une raison simple : nos auditions ont mis en évidence de nombreuses incertitudes technologiques sur le monorecyclage et le multirecyclage, qui font encore l’objet de travaux de recherche et développement.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de ces amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

La commission a fixé, dans sa rédaction, l’objectif d’une part minimale de 20 % de matières radioactives issues du retraitement dans la production d’électricité d’origine nucléaire en 2030. Cette cible n’est, à ce stade, pas atteignable techniquement. Ainsi, non seulement la commission préempte la PPE, mais elle insère en outre dans le texte des objectifs qui ne sont pas réalisables techniquement. Cela me semble poser problème.

De même, fixer un objectif de 100 % d’électricité décarbonée en 2030 revient à priver nos industriels de leurs installations de cogénération, par exemple à priver la Bretagne de son installation de Landivisiau, essentielle pour la sécurité de son approvisionnement.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 92 rectifié bis et vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à voter son amendement n° 108, dont l’adoption permettra de replacer les choses à leur juste niveau, pour se garder de viser des objectifs techniquement inatteignables et éviter tout risque de rupture d’approvisionnement dans certains territoires.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 92 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er B.

L ’ article 1 er B est adopté.

Le 4° du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie est ainsi modifié :

1° Le mot : « diversification » est remplacé par le mot : « décarbonation » ;

2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Pour l’électricité d’origine nucléaire, l’objectif de décarbonation porte sur la construction de réacteurs pressurisés européens et de petits réacteurs modulaires à l’horizon 2050. Sont précisés les modes de financement, les moyens en termes de métiers et de compétences, l’effort de recherche et d’innovation en direction de la fermeture du cycle du combustible, les moyens en termes de sûreté et de sécurité nucléaires ainsi que, le cas échéant, le dimensionnement des installations de retraitement-recyclage et de stockage des déchets requis ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis saisie de trois amendements identiques.

L’amendement n° 31 est présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel.

L’amendement n° 58 est présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 109 est présenté par le Gouvernement.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 31.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er C, qui acte la relance du programme nucléaire français sans respecter, là encore, le processus démocratique ; je n’y reviens pas.

Cet article remplace l’objectif de « diversification » par un objectif de « décarbonation », qui a une signification complètement différente, le rapporteur le sait bien, et qui n’est pas approprié.

Il inscrit également dans la loi un objectif général de construction d’EPR 2 et de SMR d’ici à 2050 et dispose que les conditions de développement de ces réacteurs – financement, traitement des déchets – seront précisées dans la future loi quinquennale sur l’énergie.

Encore une fois, ce maximalisme en matière de relance du nucléaire, très engageant pour nos choix énergétiques stratégiques, met les parties prenantes et l’ensemble de nos concitoyens devant le fait accompli.

Parce que nous souhaitons le respect du débat démocratique et du calendrier parlementaire, nous proposons de supprimer ces dispositions totalement hors cadre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 58.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Il s’agit toujours de respecter la démocratie et de garantir, in fine, une plus grande rationalité de la décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 109.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

L’article 1er C remplace l’objectif de diversification du mix électrique fixé dans le code de l’énergie par un objectif de décarbonation, en s’appuyant sur la construction de nouveaux réacteurs de type EPR et de petits réacteurs modulaires à l’horizon de 2050.

Bien que nous partagions cette ambition, ce texte n’est pas le bon véhicule, je le répète, pour définir la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cela reviendrait à fouler aux pieds tous les débats publics qui sont en train de se tenir, à considérer que la consultation publique, qu’un certain nombre d’entre vous appellent de leurs vœux avec force, n’a aucune portée pratique.

C’est pourquoi le Gouvernement a déposé cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

En supprimant l’article 1er C, nous supprimerions non seulement les dispositions prévues pour la construction de nouveaux réacteurs, mais encore les dispositions portant sur l’effort budgétaire afférent à la sûreté, à la sécurité, à la recherche, à l’innovation ou encore au recyclage et au stockage des déchets. En outre, nous affaiblirions considérablement le pouvoir du Parlement sur la prochaine PPE.

La commission demande le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

construction

insérer les mots :

sous maîtrise publique

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Madame la ministre, je ne veux pas lancer une vaine polémique, mais quand nous vous expliquons que vous prenez le débat dans le mauvais sens en n’attendant pas la fin du débat public, vous nous répondez que ce n’est pas grave et que l’on inclura les conclusions du débat public dans la future PPE, avant de nous reprocher de vouloir amender le texte en affirmant qu’exercer notre droit d’amendement foulerait aux pieds le débat public, comme vous venez de l’indiquer à M. le rapporteur !

Franchement, il y a une petite incohérence : soit on nous soumet un texte, on peut en débattre et on ouvre toutes les questions – d’ailleurs, M. le rapporteur est un modéré, je peux vous le dire, parce que, si cela n’avait tenu qu’à nous, vous auriez eu droit à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, au tarif réglementé, au statut des industries électriques et gazières, etc. –, soit il s’agit d’un texte que nous n’avons pas le droit d’amender, sur lequel on vote pour ou contre, et basta ! Mais, selon moi, si le Gouvernement propose un texte, et c’est lui qui a la maîtrise du calendrier, qu’il nous permette au moins d’en débattre !

J’en viens à l’amendement. D’après plusieurs rapports, la construction de SMR pourrait conduire à ouvrir la production électrique au secteur privé et à la concurrence. Pour notre part, nous sommes cohérents : nous tenons à ce que le nucléaire reste sous maîtrise publique. Comme nous avons ce débat et qu’il y a un droit d’amendement, nous pensons que, avant même d’examiner la PPE, il faut inscrire dans le marbre que le déploiement de ces réacteurs, s’il demeure dans la PPE, se fera exclusivement sous maîtrise publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Cet amendement est satisfait : c’est bien EDF qui sera à l’initiative des EPR 2 et des SMR. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Monsieur le rapporteur, vous affirmez que l’amendement est satisfait, mais ce n’est pas si clair. Cet amendement soulève la question de l’organisation d’EDF au cours des mois à venir, dont nous souhaiterions discuter au Parlement. Je remercie donc nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste de soulever ce sujet, que j’ai moi-même évoqué lors de la discussion générale, car l’une des grandes questions posées à l’industrie française qui utilise aujourd’hui de l’énergie carbonée est celle de la décarbonation, donc de l’électrification des processus.

Vous n’avez pas répondu, madame la ministre, à la question que je vous ai posée en discussion générale : quelle est la doctrine du Gouvernement en matière de développement et de multiplication des SMR ?

À un moment donné, on a entendu dire que les SMR avaient vocation à être exportés, dans un avenir plus ou moins lointain. Désormais, on entend dire qu’ils pourraient être installés sur le territoire national. Pour ma part, je ne peux pas m’empêcher de penser que certaines industries fortement consommatrices d’électricité auront intérêt à développer, au sein de leurs installations, des SMR.

Il est donc absolument fondamental de définir la doctrine en la matière, non seulement en matière de sécurité, mais aussi de marchés et de tarifs, ce qui nous renvoie directement à la question du market design européen. À cet égard, nous souhaiterions que vous nous communiquiez des informations par rapport aux propositions que le gouvernement français porte au sein des instances européennes dans le cadre de la réforme structurelle du marché européen, qui dysfonctionne complètement, comme nous le constatons tous. À ce jour, nous ne savons rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Je profite de cette discussion sur les SMR pour prendre la parole.

Penchons-nous sur l’histoire du nucléaire français. Nous sommes passés de centrales de 50 mégawatts telles que celle de Brennilis en Bretagne aux centrales de 170 mégawatts, toujours dans la filière graphite-gaz, puis aux centrales de 300 mégawatts, 900 mégawatts, 1 300 mégawatts, 1 450 mégawatts, puis 1 650 mégawatts avec l’EPR de Flamanville.

On fait de plus en plus gros pour faire des économies d’échelle, parce qu’on veut montrer que le nucléaire fournit une énergie peu chère. Aujourd’hui, c’est la volte-face ! On a trouvé un nouveau joujou, le SMR. Nous allons construire de petits réacteurs, qui seront beaucoup mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Ces petits SMR existent dans les sous-marins, les brise-glace, dans des endroits isolés, comme en Sibérie. Ils coûtent très cher ! Nous allons produire des mégawattheures à 250 euros ! On nous dit que ces SMR, petits et modulaires, pourront être fabriqués en usine. Super ! Nous pourrons les disséminer dans le monde entier, dans un monde que l’on sait parfaitement sécurisé ! Un petit SMR par-ci, un autre par-là… Je souhaite beaucoup de plaisir aux générations futures pour contrôler tous ces SMR !

Il paraît qu’ArcelorMittal a besoin d’un SMR. Très bien ! Je reviendrai tout à l’heure sur ces questions de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

S’agissant des SMR, mais aussi des EPR, ce sont l’industrialisation et la reproduction qui feront baisser les prix. Nous aurons ce débat, du moins je l’espère, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Monsieur le rapporteur, vous me dites que l’amendement n° 70 rectifié est satisfait, dans la mesure où EDF sera en charge de la question. Sauf que nous ne connaissons pas le véritable projet du Gouvernement concernant EDF ! Si vous avez des informations, monsieur le rapporteur, n’hésitez pas à nous en faire part ! Pour le moment, le Parlement est privé d’un débat sur l’avenir d’EDF. Vous avez choisi, par le biais d’un amendement déposé, en plein été, sur le projet de budget rectificatif, de mettre 8 milliards d’euros sur la table. Voulez-vous un Hercule 2.0 ? Voulez-vous filialiser ? Voulez-vous que le nucléaire soit 100 % public ou bien voulez-vous ouvrir le capital des ENR ? Voulez-vous vendre des actifs comme Dalkia et Enedis ?

Si EDF est 100 % publique et constitue un grand service public, ou bien si les filiales de l’entreprise sont ouvertes aux capitaux privés, la situation sera bien différente !

Je ne vois donc pas comment, monsieur le rapporteur, mon amendement pourrait être satisfait, puisque les sénateurs et sénatrices du groupe CRCE, mais aussi, me semble-t-il, l’ensemble du Parlement, ne disposent pas de ces informations.

Vous ne pouvez pas me répondre : « N’ayez crainte, ça sera EDF ! » Certes, mais quel est l’avenir d’EDF ? Peut-être cette évolution sera-t-elle prévue dans le cadre de la PPE.

Pour notre part, nous estimons que cet amendement n’est pas satisfait. Dès lors, il convient de graver dans le marbre que les SMR devront être développés sous maîtrise publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Au départ, les SMR ne figuraient pas dans le projet de loi initial ; ils ont été ajoutés par la commission. En revanche, dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, était évoquée – et je ne la conteste pas – la nécessité de nous doter, dans le cadre du mix énergétique, de SMR, pour répondre à des besoins d’entreprises électro-intensives. La vallée du Rhône et le Nord étaient notamment cités.

S’agissant des SMR, il est important de clarifier les choses. Selon moi, l’amendement déposé par notre collègue Fabien Gay est tout à fait opportun. En effet, doit-on considérer, d’une certaine façon, que le SMR puisse échapper au contrôle de la puissance publique ? Chaque entreprise électro-intensive ou chaque groupement régional d’entreprises électro-intensives doit-il pouvoir mutualiser l’achat d’un tel réacteur, pour être en autonomie énergétique ? Après tout, pourquoi pas ! Toutefois se pose la question du contrôle de ces SMR et du risque de dissémination.

Selon moi, les SMR comme le nucléaire très diffus – l’IRSN a d’ailleurs produit beaucoup de rapports sur ces questions – doivent rester sous l’égide de la puissance publique.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er C est adopté.

D’ici le dépôt du projet de loi prévu en application du I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, le Gouvernement remet au Parlement un rapport visant à évaluer l’impact de la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens, mentionnés par le Président de la République dans le discours tenu à Belfort, le 10 février 2022, et de neuf supplémentaires, étudiés par Réseau de transport d’électricité, dans son étude Futurs énergétiques à l’horizon 2050, sur :

1° La situation du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques ;

2° Les besoins en termes de métiers et de compétences ;

3° La sûreté et la sécurité nucléaires ;

4° Le cycle du combustible.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 107, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Avant la discussion de la prochaine loi mentionnée au I de l’article L. 100-1 A du code de l’énergie, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif aux modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France présentant, sur la base des informations disponibles :

- les éventuelles options s’agissant de son dimensionnement, de son calendrier et des sites susceptibles d’accueillir de nouveaux réacteurs ;

- les enjeux de préparation afférents pour la filière nucléaire, notamment en matière de compétences ;

- les modalités envisagées pour la gestion des matières et des déchets radioactifs associés ;

- l’avancement des instructions techniques et administratives associées en matière de sûreté et de sécurité nucléaires.

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

L’article 1er D prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de quatorze réacteurs EPR 2 en amont du dépôt de la loi de programmation sur l’énergie et le climat.

Le Gouvernement a publié en février 2022 un rapport, prévu par la programmation pluriannuelle de l’énergie, sur les modalités de mise en œuvre d’un programme nucléaire de six réacteurs EPR 2, qui présente notamment les enjeux en matière de coûts, de calendrier et de risques d’un projet de construction.

EDF envisage actuellement de construire une première paire de nouveaux réacteurs sur le site de Penly, en Normandie, une deuxième paire sur le site de Gravelines, dans les Hauts-de-France, puis une troisième paire sur un site nucléaire existant dans la vallée du Rhône – Bugey ou Tricastin.

Dans le cadre du débat public en cours, EDF a préparé un dossier complet sur les enjeux du programme, qui est disponible sur le site de la Commission nationale du débat public.

Comme l’a demandé le Président de la République, EDF a engagé, depuis février 2022, des études pour huit réacteurs EPR 2 supplémentaires, sans conclusion à ce stade en matière de calendrier ou de localisation, et ce travail doit se poursuivre dans les meilleures conditions, afin qu’une proposition industrielle puisse émerger.

En réponse aux attentes exprimées par les parlementaires, le Gouvernement propose de transmettre au Parlement, avant la discussion de la loi de programmation relative à l’énergie et au climat prévue en 2023, un rapport complémentaire présentant les informations additionnelles qui seront disponibles sur les modalités de mise en œuvre d’un programme de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en France, soit six réacteurs, qui disposeront d’une analyse complète, et huit réacteurs additionnels, pour lesquels l’analyse ne sera pas aussi fouillée, ainsi que les éventuelles options envisageables, sur la base de travaux qui se poursuivent et qui pourraient, pour certains, ne pas être totalement conclusifs.

Il s’agit d’éclairer le Parlement, sur la base du meilleur niveau d’information dont nous disposerons au moment de l’examen du projet de loi sur l’énergie et le climat.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

La réécriture du rapport d’évaluation, en matière d’énergie nucléaire, introduit par notre commission, dans la perspective de la loi quinquennale sur l’énergie, prévue à compter de juillet 2023, n’est pas souhaitable.

D’une part, il ne serait plus fait référence aux quatorze EPR 2 mentionnés dans le discours de Belfort ni aux neuf autres étudiés par RTE.

D’autre part, point également très important, les éléments évalués seraient moins nombreux, puisqu’ils ne viseraient plus la situation du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques.

Enfin, je rappelle que les modifications apportées à ce texte par la commission reprennent notamment les propositions n° 2, 3, 4 et 9 du rapport de la mission d’information sénatoriale transpartisane sur l’énergie nucléaire et l’hydrogène bas-carbone.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Remplacer le mot :

Le

par les mots :

L’amont et l’aval du

2° Compléter cet alinéa par les mots :

, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques et la revalorisation du combustible usé

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Cet article inséré en commission prévoit qu’un rapport évalue l’impact de plusieurs paramètres, que je ne listerai pas, mais qui sont de nature à répondre aux questions émergeant dans le débat public sur le nouveau programme nucléaire et qui éclaireront le débat parlementaire.

Par cet amendement, il s’agit d’évaluer également l’impact sur l’ensemble du cycle du combustible de l’amont à l’aval, notamment sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, ainsi que sur la revalorisation du combustible usé.

En effet, les réserves mondiales d’uranium exploitable représenteraient plus d’un siècle d’exploitation au rythme actuel, mais on ne peut présager des difficultés d’approvisionnement en cas de relance ambitieuse du nucléaire au niveau mondial et de conflits géopolitiques.

Le rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE, publié avant le conflit en Ukraine, l’a souligné : « La disponibilité des réserves d’uranium naturel à long terme fait aujourd’hui l’objet de moins d’inquiétude, dans un contexte où de nombreux pays prévoient de fermer leur parc de réacteurs nucléaires et où le nombre de réacteurs en construction reste limité. »

Depuis lors, les cartes ont été rebattues et le regain d’intérêt pour le nucléaire en France et à l’international risque de rendre obsolètes les hypothèses des différentes projections.

D’où la nécessité de compléter l’article 1er D par le présent amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Cet amendement, conforme à l’esprit de l’amendement adopté par la commission des affaires économiques, vise à préciser que l’évaluation doit porter sur l’approvisionnement en uranium et en matières premières critiques, ainsi que sur la revalorisation du combustible usé.

Sa rédaction étant plus complète que la rédaction initiale pour ce qui concerne les approvisionnements et les déchets, la commission émet un avis de sagesse bienveillante.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Permettez-moi de revenir en arrière, afin de préciser un point. L’article 1er D fait référence à la construction de quatorze réacteurs pressurisés européens, mentionnés par le Président de la République, et de neuf réacteurs supplémentaires, étudiés par RTE. Il n’existe donc pas de scénario avec quatorze réacteurs et neuf autres réacteurs, ce qui ferait un total de vingt-trois réacteurs. Je le précise, dans la mesure où la référence figurant à l’article 1er D est inexacte.

Sur cet amendement, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, dans la mesure où la notion de cycle de combustible englobe déjà les enjeux de l’approvisionnement en uranium et la revalorisation du combustible usé. Ainsi, cet amendement est déjà satisfait sur le fond par la rédaction actuelle.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 71 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

et les améliorations possibles en matière de gestion et réduction des déchets

La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Claude Varaillas

L’article 1er D est quelque peu surprenant, puisqu’il prévoit la rédaction d’un rapport visant à évaluer l’impact de la construction de quatorze réacteurs nucléaires, étant entendu que ce projet de loi prévoit d’en accélérer le développement. Ainsi, il est proposé de mesurer la faisabilité des annonces présidentielles formulées voilà plus d’un an à Belfort.

Même si RTE a déjà indiqué quelques pistes, ce n’est pas dans cet ordre que nous aurions dû procéder. Nous pouvons toutefois nous réjouir que le sort du groupe EDF, du marché de l’électricité et des finances publiques devienne peu à peu une préoccupation.

De notre côté, nous devinons déjà la conclusion de ce rapport : la situation d’EDF est catastrophique et il est urgent d’intervenir.

Comme nous l’avons déjà dit, nous regrettons que rien ne soit prévu dans ce texte pour corriger le tir contre la mise en concurrence et contre l’Arenh, qui sont responsables de la situation d’EDF et des prix exorbitants de l’énergie.

Par cet amendement, nous souhaitons alimenter la réflexion sur le nucléaire. Nous partageons en effet certaines préoccupations portant notamment sur le traitement des déchets. Si la plupart des modes de production d’énergie engendrent des déchets, ceux du nucléaire ont la particularité d’être radioactifs et de mettre, pour certains, des dizaines de milliers d’années à disparaître.

S’il y a eu d’importants progrès concernant le recyclage, mais aussi la capacité à réduire la production des déchets, notamment avec les EPR de dernière génération, nous proposons de poursuivre ce travail de recherche sur les déchets, à la fois pour pérenniser l’énergie nucléaire et pour la rendre plus sûre au regard de notre environnement et de notre santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Permettez-moi tout d’abord de répondre à Mme la ministre, dans le prolongement des propos tenus par notre collègue Gérard Longuet tout à l’heure : ce n’est pas moi qui ai inventé le scénario, qui est fonction de la réindustrialisation de la France. Si notre pays a l’ambition de relocaliser les productions industrielles, il lui faudra de l’énergie ! Je n’ai rien inventé, neuf réacteurs supplémentaires sont prévus, en plus des quatorze réacteurs initiaux.

Compte tenu de l’adoption de l’amendement n° 93 rectifié bis, cet amendement me semble satisfait. D’ailleurs, son adoption conduirait à amoindrir le niveau de l’évaluation, ce qui serait dommage.

La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 71 rectifié est retiré.

L’amendement n° 69, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Les scénarios relatifs aux aléas climatiques extrêmes couvrant jusqu’à l’horizon 2100, sur les sites existants des installations nucléaires concernés.

La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

La construction de six nouveaux EPR, qui, ne l’oublions pas, fonctionneront encore à l’horizon 2080, doit prendre en compte les conditions climatiques locales dans lesquelles ils fonctionneront. Il s’agit notamment de mettre en œuvre des études de descente d’échelle dynamique, absolument nécessaires, outre les éléments de projection globale du Giec.

En termes de sûreté nucléaire, la connaissance exacte des événements environnementaux locaux est indispensable. Il s’agit par exemple, pour les installations sur le Rhône, de mieux anticiper l’hydrométrie du fleuve, ses évolutions de température, les phénomènes climatiques qui se développeraient notamment autour des sites nucléaires.

D’après les données du Giec, avec le changement climatique, en 2050, le débit moyen annuel du fleuve aura baissé entre 10 % et 40 %. À l’horizon 2080, les débits du Rhône pourraient être profondément modifiés. Les études de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse et de la Compagnie nationale du Rhône vont dans le même sens. Certains projets de recherches ont abouti à la création de scénarios climatiques régionalisés sur un ou plusieurs bassins versants incluant le territoire Rhône-Méditerranée.

Ces données sont ou seront essentielles pour prévenir les conflits d’usage de l’eau, enjeu stratégique au regard des multiples usages du Rhône, qui est utilisée non seulement pour refroidir les centrales nucléaires et pour l’hydroélectrique, mais aussi pour l’agriculture, la navigation et la consommation domestique. Et il faut aussi garder un peu d’eau pour la biodiversité !

Je pourrais également évoquer les vents extrêmes. Or il n’existe pas de travaux sur ce phénomène en France. La sûreté nucléaire se fonde sur des phénomènes passés et non sur la projection de phénomènes futurs à risques.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Cet amendement porte sur un véritable sujet, à savoir la sécurité et l’évolution climatique, que nous avons abordé dans le cadre du travail que j’ai réalisé avec mon collègue Pascal Martin.

Tous les sujets liés à l’évolution climatique, qu’il s’agisse du trait de côte, de l’érosion, des vagues submersives ou de l’élévation du niveau de la mer, sont déjà pris en compte – je vous renvoie aux articles 9 et 9 bis. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 72 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

…° Les incidences du réchauffement climatique et de la raréfaction des ressources sur la production d’énergie nucléaire.

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Il s’agit d’un amendement d’appel, afin de préparer un débat serein sur la PPE.

La question du nucléaire soulève la question de l’eau. Si, pour notre part, nous sommes favorables au nucléaire, nous n’en ignorons pas les risques, comme pour toute activité humaine.

Nous sommes aujourd’hui dans une nouvelle phase, qui n’existait pas voilà trente ans. Nous avons connu un été très chaud, et cent villages, en France, n’ont pas eu accès à l’eau potable.

Or nous avons besoin de beaucoup d’eau pour refroidir les réacteurs, soit avec une tour aéroréfrigérante, soit avec un système ouvert. On ne peut pas ne rien dire sur les cinq centrales ayant rejeté cet été une eau plus chaude dans les fleuves, à la suite de l’obtention d’une dérogation.

Pour le moment, les projections s’appuient sur des études passées et non pas sur des perspectives d’avenir, y compris en termes de réchauffement climatique.

Nous avons besoin, dans le cadre d’un débat éclairé et sérieux, de projections, en particulier pour ce qui concerne l’eau. Pour notre part, nous sommes favorables à une part de nucléaire dans le mix énergétique, avec des énergies renouvelables et de l’hydraulique sous maîtrise publique.

Les conflits d’usage existent d’ores et déjà : respect de la biodiversité, besoins des centrales, besoins pour l’agriculture, et j’en passe.

Après avoir entendu l’avis de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur cet amendement d’appel, nous prendrons une décision.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Là encore, il s’agit d’un vrai sujet, qui est revenu souvent au cours des auditions que nous avons menées, d’où l’importance de « donner envie » aux filières d’investir.

En effet, on le sait, grâce aux nouvelles technologies, l’eau ne sera peut-être plus un sujet, car nous serons capables de produire de l’électricité sans augmenter la température de l’eau !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Si nous n’envoyons pas des signes aux filières, nous n’y arriverons pas.

Dans la mesure où l’amendement n° 93 rectifié bis, que nous avons adopté tout à l’heure, satisfait en partie celui-ci, la commission en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Il faut bien l’avoir en tête, dans le dossier de préparation du nouveau nucléaire, la question de l’adaptation au changement climatique est effectivement prise en compte. C’est l’un des éléments qui conduiront EDF à recommander le choix de tel site par rapport à tel autre. Les analyses porteront notamment sur les risques sismiques et les usages de l’eau.

Soit ces éléments sont complémentaires, c’est-à-dire qu’ils ont été pris en compte après Fukushima et nous invitent à nous doter d’équipements supplémentaires pour assurer la sécurité, soit ils sont liés aux projections concernant le réchauffement climatique. Une équipe d’EDF se consacre d’ailleurs à ce travail, vous le savez comme moi.

S’agissant de l’adaptation au changement climatique, l’enjeu des réseaux de transport et de distribution, qui sera l’un des enjeux de la programmation pluriannuelle de l’énergie, est probablement plus prégnant que l’enjeu des centrales elles-mêmes.

Le réchauffement climatique concerne également les énergies renouvelables – il faudra bien intégrer cet élément. Je pense à l’impact des variations de température rapides sur les matériaux, ainsi qu’aux événements climatiques extrêmes. Tous ces éléments doivent être pris en considération, au regard non seulement de la sécurité et, donc, d’équipements de sécurité additionnels, ce qui entraîne des coûts supplémentaires, mais aussi d’une baisse potentielle de la production.

Ainsi, dans le cas de l’énergie hydraulique, EDF, confrontée à une sécheresse à la fin de l’hiver, a géré de manière très protectrice, avec notre accompagnement, les ressources en eau. Finalement, un bon niveau hydraulique a été retrouvé, grâce, ne nous mentons pas, au fonctionnement de centrales à gaz.

Tout cela est donc d’ores et déjà pris en compte dans les scénarios. Toutefois, les informations n’étant pas encore toutes disponibles pour tous les sites et tous les scénarios, nous vous informerons au fur et à mesure.

Vous l’avez compris, les décisions seront prises graduellement. Vous tracez les grandes orientations, mais certains caps, certains choix, seront fixés en fonction d’études qui s’égrèneront dans le temps.

Je vous le redis, monsieur le rapporteur, le scénario le plus abouti en matière de mix énergétique, c’est quatorze réacteurs plus quelques SMR. Ce n’est pas « quatorze plus neuf » EPR. C’est écrit dans le rapport de RTE, je viens de le vérifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Je remercie notre collègue Fabien Gay d’avoir posé la question de l’eau. En effet, on entend beaucoup de bêtises s’agissant des centrales nucléaires situées sur les fleuves et les rivières, qui ont besoin, pour leur refroidissement, de 26 milliards de mètres cubes. Excusez du peu ! Ces chiffres sont ceux de la Société française d’énergie nucléaire (Sfen). Mes sources, vous le voyez, ne proviennent pas d’antinucléaires !

On me dit que 98 % de cette eau est rejetée dans la nature. Les centrales ne consomment donc que 2 % de ce volume, ce qui fait, j’en suis désolé, 550 millions de mètres cubes, soit 20 % net de la consommation d’eau en France. L’eau potable en représente 24 % et l’agriculture, 48 %. Qu’on ne me dise donc pas que le nucléaire ne consomme pas d’eau ! Une telle situation posera des difficultés énormes dans les années à venir.

Pendant les longs mois d’été, on aura des fleuves quasiment à sec, ce qui hypothéquera la possibilité de construire des centrales nucléaires à leur long, ainsi qu’à celui des rivières.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je souhaite aller dans le sens de mes collègues. Dans le bassin Adour-Garonne, en Occitanie, on a déjà constaté moins 20 % de pluviométrie. C’est déjà acté pour les années à venir, ce qui est évidemment très inquiétant.

Parallèlement, la Garonne et la Dordogne ont connu des étiages particulièrement bas cette année. Nous devons donc considérer la question de la diminution des ressources en eau, particulièrement prégnante, qui pose un vrai problème dans le cadre de la construction de centrales nucléaires. L’eau est en effet absolument indispensable pour les refroidir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Outre les questions liées à l’eau, il convient d’aborder l’ensemble des problématiques engendrées par le réchauffement climatique. En effet, les systèmes énergétiques qui seront mis en place fonctionneront jusqu’à la fin du siècle. Or, on le sait, à cet horizon, les conséquences du réchauffement climatique se feront malheureusement sentir, qu’il s’agisse de pluies torrentielles, d’inondations, de sécheresses ou de vents extrêmes.

Permettez-moi une petite anecdote. Hier, à Barneville-Carteret, le vent a soufflé à 163 kilomètres par heure, ce qui constitue un record. Or nous sommes situés à 24 kilomètres de Flamanville. Cela signifie que, désormais, nous avons des tornades. Si le Cotentin ne ressemble pas encore à la Floride, il subit dorénavant des événements extrêmes qu’il est nécessaire d’anticiper.

C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement d’appel, qui me paraît particulièrement pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous devons mener nos réflexions en regardant vers demain, ce qui veut dire aussi prendre en compte, comme l’ont dit mes collègues avant moi, toutes les innovations technologiques et scientifiques dont nous ne pourrons nous passer pour continuer de développer un parc nucléaire.

On ne saurait déduire de l’insuffisance future des ressources en eau par rapport aux besoins actuels des centrales que, demain, il n’y aura plus de centrales : il existe des marges de progrès scientifique qui nous permettront, là où nous implanterons les futures installations, de mieux anticiper leurs conséquences hydrographiques et de mieux anticiper les besoins en matière de retenue et de rafraîchissement de l’eau.

Le véritable problème qui se pose actuellement avec l’eau de refroidissement, c’est qu’elle est rejetée dans le milieu plus chaude qu’elle n’est pompée en amont. Dès lors qu’il sera devenu possible de la rejeter à la température qui était la sienne avant refroidissement de la centrale, l’opération sera neutre pour le milieu. C’est vers cela qu’il faut tendre, au lieu de se complaire dans un constat défaitiste, voire alarmiste : nous devons fonder nos espoirs dans l’idée d’un pays qui se développe et s’appuie sur sa recherche scientifique.

Mme la ministre approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Songez, mes chers collègues, à ces projets technologiques qui permettent d’ores et déjà de dupliquer les fleuves dans un monde virtuel pour mesurer toutes les incidences sur l’eau des installations nucléaires. Plutôt que de tirer argument de la façon dont les choses ont été gérées dans le passé, trouvons des mécanismes moins gourmands en eau.

Dans tous les cas, réfléchissons, sachons anticiper, sans nous encombrer de blocages rigides.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 94 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Corbisez, Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

… ° Les besoins en matière de stockage des déchets radioactifs et le coût afférent.

La parole est à Mme Nathalie Delattre.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Il s’agit, selon une philosophie identique à celle de l’amendement précédent, de compléter la demande de rapport qui a été heureusement introduite par la commission concernant l’impact de ce nouveau programme nucléaire sur plusieurs paramètres.

Je souhaite, mes chers collègues, que nous ajoutions à la liste de ces paramètres les besoins en matière de stockage des déchets radioactifs ainsi que le coût afférent. Sur cette question qui est régulièrement soulevée dans les débats publics et qui inquiète au plus haut point nos concitoyens, nous avons besoin d’être éclairés.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Le dispositif de l’amendement n° 93 rectifié bis, qui a été adopté, apporte une partie des réponses aux questions que vous posez, ma chère collègue.

Pour ce qui est de votre demande précise, plusieurs évaluations ont déjà été réalisées : un rapport réalisé en 2019 par la Cour des comptes sur l’aval du cycle du combustible nucléaire, un autre fait à la demande du Gouvernement, en 2022, par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) sur l’impact de la construction de six EPR 2.

Inutile de multiplier les strates : nous disposons de tous les éléments nécessaires.

C’est la raison pour laquelle la commission demande de retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Je retire cet amendement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 94 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er D, modifié.

L ’ article 1 er D est adopté.

I. – Le présent titre s’applique aux projets de réacteurs électronucléaires, y compris ceux de petits réacteurs modulaires, dont l’implantation est envisagée à proximité immédiate ou à l’intérieur du périmètre d’une installation nucléaire de base existante mentionnée à l’article L. 593-2 du code de l’environnement, à l’exception des 4° et 5°, et pour lesquels la demande d’autorisation de création mentionnée à l’article L. 593-7 du même code est déposée dans les vingt ans qui suivent la publication de la présente loi.

II

III

IV

V

VI

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 32, présenté par MM. Salmon, Labbé, Dantec, Fernique, Benarroche, Breuiller, Dossus et Gontard, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et M. Vogel, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Salmon.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Cet amendement vise à supprimer l’article 1er, qui définit le cadre d’application des mesures d’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires – nous nous sommes déjà exprimés sur cette affaire.

Nous disons que ce n’est pas le moment d’accélérer la construction d’installations nucléaires, alors que nous débattrons, en 2023, du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat. Et nous répétons que le nucléaire est dangereux, qu’il est coûteux et qu’il arrivera trop tard.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Nous avons déjà beaucoup discuté de cette question, je serai donc bref.

Mon cher collègue, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence l’impossibilité de construire de nouveaux réacteurs nucléaires, alors qu’il s’agit d’une nécessité absolue, comme l’ont montré nos débats.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Puisque l’on nous ressert en permanence l’argument de l’inéluctabilité, il me faut revenir à la charge. Nous n’avons pas le choix, nous dit-on : c’est ainsi et pas autrement, il faut y aller et tant pis pour le débat démocratique ! Non : il existe autant de choix que de scénarios de l’Ademe ou de RTE !

C’est donc un choix de société qui se présente devant nous et qui nous oblige à prendre nos responsabilités : reporterons-nous sur les épaules des générations futures non seulement la dette climatique, mais aussi la dette nucléaire ? Une telle décision serait dramatique.

Les discussions auxquelles nous assistons sont parfois surréalistes : on parle de construire six EPR, mais certains demandent qu’il y en ait huit, d’autres vont jusqu’à dix ! Sommes-nous en train d’acheter des baguettes de pain ? Heureusement que l’on n’a pas procédé de cette manière pour l’EPR 1 de Flamanville ! Imaginez : nous aurions aujourd’hui six fiascos industriels au lieu d’un ! On serait bien…

Il est désormais question de commander un nombre incalculable d’EPR 2, alors même que nous ne savons pas si nous pourrons en faire fonctionner un demain.

Soyons un peu réalistes : attendons au moins que la preuve soit faite que ces installations fonctionnent. Ensuite, nous verrons.

Tout cela n’est pas très sérieux…

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 63, présenté par MM. Devinaz, Houllegatte, Montaugé, Tissot, Michau, Kanner et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Blatrix Contat et Artigalas, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla et Redon-Sarrazy, Mme Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Après le mot :

aux

insérer le mot :

six

2° Remplacer les mots :

y compris ceux de petits réacteurs modulaires

par les mots :

identifiés par Électricité de France et faisant actuellement l’objet d’une concertation publique organisée par la Commission nationale du débat public

La parole est à Mme Martine Filleul.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Filleul

Considérant que les mesures d’accélération et de simplification doivent demeurer exceptionnelles et limitées dans le temps, nous souhaitons restreindre le champ d’application du titre Ier aux seuls six EPR 2 dont la construction a été annoncée par le Président de la République dans son discours de Belfort.

Nous plaidons pour une accélération des procédures afin de consolider rapidement notre mix énergétique et d’éviter tout risque de rupture de notre système électrique, par exemple face à une situation de froid extrême.

Si ce projet de loi est un texte d’anticipation destiné à amorcer la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, les mesures d’anticipation ne doivent toutefois pas devenir la règle.

EDF a d’ores et déjà prévu le calendrier de dépôt des dossiers de demande d’autorisation de construction des six EPR 2 annoncés. Ces installations pourront bénéficier, dès la promulgation de la loi, de tout un arsenal de mesures de simplification et d’accélération permettant d’amorcer la relance du nucléaire.

En parallèle de ces décisions, la Commission nationale du débat public (CNDP) a lancé, en ce début d’année, le débat public sur les projets de construction de ces six EPR 2, concertation qui devrait se clôturer à la fin du mois de février 2023. Nous en avons largement parlé.

Avant la fin de l’année 2023, le Parlement devrait de son côté s’être prononcé sur le projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, qui fixera un cap en même temps que la planification censée en découler. Nous disposerons donc d’une feuille de route qui devrait permettre de basculer de nouveau dans les procédures normales de droit commun.

Tel est l’objet de cet amendement, qu’il faut voir comme un amendement de compromis, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’amendement n° 60, présenté par MM. Montaugé, Devinaz, Houllegatte, Tissot, Michau et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Pla, Redon-Sarrazy et J. Bigot, Mmes Bonnefoy et M. Filleul, MM. Gillé et Jacquin, Mmes Préville, Monier et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Supprimer les mots :

y compris ceux de petits réacteurs modulaires

La parole est à M. Franck Montaugé.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

La commission, sur proposition de notre rapporteur, a intégré dans le périmètre du texte les SMR. Madame la ministre, je réitère ma demande : au-delà des questions qui se posent concernant cette technologie – dans quelle mesure est-elle au point ? –, quelle est la doctrine du Gouvernement en matière de déploiement des SMR ?

Par ailleurs, la place des SMR doit évidemment être traitée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, puisqu’il s’agit de l’un des instruments qui doivent concourir à l’élaboration de notre mix énergétique futur.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Ces deux amendements ont un objet proche, bien que le dispositif de l’amendement n° 60 soit davantage axé sur les SMR.

Dans les deux cas en effet, il s’agit de supprimer les SMR du champ d’application de l’article 1er, l’amendement n° 63 visant en outre à limiter à six EPR 2 les réacteurs concernés par le dispositif.

Concernant la limitation à six EPR 2 du périmètre de l’article 1er, je ne m’étendrai pas davantage : nous avons déjà largement évoqué ce sujet.

Quant à l’exclusion des SMR, elle serait très regrettable en matière d’innovation. Les auditions que j’ai réalisées ont montré toute l’importance de ce fléchage vers les SMR – ce qu’a approuvé la commission –, du point de vue des évolutions technologiques et de la recherche.

La commission demande donc le retrait des amendements n° 63 et 60 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 63. En revanche, il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 60, qui est satisfait par le projet de loi.

Le texte prévoit la construction de réacteurs électrogènes produisant de l’électricité d’origine nucléaire à proximité des sites existants : nulle dissémination, donc, mais l’application d’un principe de neutralité technologique, l’apport nucléaire afférent se faisant sur ou à proximité des sites actuellement pilotés par EDF. Aucune ambiguïté n’existe donc à cet égard.

Quid par ailleurs des SMR de manière générale, monsieur le sénateur Montaugé ? Ce texte, je le redis, porte sur l’apport au réseau d’électricité général d’un complément d’électricité nucléaire dans les quinze années à venir ainsi que dans les années qui suivront, apport dont la vocation est de remplacer celui que nous fournissent des réacteurs qui, un jour – nous en sommes tous d’accord –, arriveront en fin de vie. Quand cela se produira-t-il ? Nous ne le savons pas complètement ; nous essayons de poursuivre le plus longtemps possible leur exploitation, en toute sécurité, évidemment.

Pour ce qui est des SMR en général, au-delà du contexte que je viens de décrire, qui est celui de la production d’électricité pour le compte du réseau national dans le cadre d’opérations menées par EDF, la discussion aura lieu à l’occasion de la programmation pluriannuelle de l’énergie. La perspective qui se dessine renvoie à deux types d’usage des SMR.

En premier lieu, l’idée d’une offre à l’exportation est parfaitement légitime. Nous disposons déjà en effet de technologies approchantes, celle, par exemple, des sous-marins nucléaires, dont la puissance n’est certes pas tout à fait de 400 mégawatts, mais n’est pas non plus ridicule. Ainsi accompagnons-nous le projet de petit réacteur modulaire Nuward (Nuclear forward), promu par EDF, et finançons-nous, au travers d’un appel à manifestation d’intérêt du plan France 2030, des projets de réacteurs de type SMR, ce qui nous permet de rester dans la course en matière de recherche et développement, d’innovation et de préindustrialisation.

En second lieu, sur le territoire national, une telle technologie peut servir notamment à décarboner de grandes plateformes industrielles. Elles ne sont pas si nombreuses, les cinq plateformes industrielles françaises les plus carbonées étant celles de Dunkerque, Le Havre, Fos-sur-Mer, Chalampé et Roussillon, ces deux dernières étant des plateformes de chimie lourde.

Notre intention n’est pas d’installer partout de tels réacteurs. Reste que considérer cette option, parmi les autres options d’électricité bas-carbone possibles, fait sens dans la perspective d’utiliser l’hydrogène bas-carbone pour décarboner ces plateformes, étant entendu que, pour produire de l’hydrogène bas-carbone, il faut du renouvelable ou du nucléaire, en tout cas de la puissance électrique.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher

Sur cette discussion, que nous aurons, nous n’avons pas encore tous les éclairages requis. Je rappelle que, par construction, en tant qu’installations nucléaires, ces équipements seront soumis à l’Autorité de sûreté nucléaire et à toutes les contraintes qui s’imposent au nucléaire. Il n’y aura pas, d’un côté, le réacteur SMR, sans contrainte et sans contrôle, de l’autre, l’EPR, avec contraintes et avec contrôles ! Toutes les installations relèveront du même cadre réglementaire, qui est très lourd.

Étant donné les barrières à l’entrée existantes, seul un acteur ayant pignon sur rue, en l’occurrence EDF, assez naturellement, pourra intervenir dans ce domaine.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.