Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les inquiétudes exprimées à la fin de l’année 2022 et les plans de délestage annoncés dans la presse constituent une piqûre de rappel – s’il en fallait une ! – quant à la vulnérabilité de notre approvisionnement en énergie.
Nous échapperons probablement aux coupures cet hiver, grâce aux efforts des Français, qui réduisent leur consommation d’énergie, au redémarrage de nombreux réacteurs durant le mois en cours et aux températures clémentes des trois dernières semaines. Mais pour combien de temps ?
La période qui commencera en 2050 correspond au moment où nous espérons atteindre la neutralité carbone et où nous devrons fermer les réacteurs nucléaires en fonction. Elle sera déterminante pour préserver nos conditions d’existence et participer à la lutte contre le changement climatique.
Nous sommes donc au tournant de la sortie progressive de l’ère des énergies fossiles, sortie qui, au regard du retard pris, s’annonce abrupte.
Elle implique notamment de décarboner tous les secteurs, à commencer par celui de l’énergie, et ainsi de doubler notre production d’électricité. Les différents exercices de prospective récents, le rapport Transition(s) 2050 de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) ou Futurs énergétiques 2050 de Réseau de transport d’électricité, entre autres, permettent d’éclairer le débat public et la représentation nationale.
Tous les scénarios présentent de fortes incertitudes quant à la disponibilité des technologies, au contexte social, géopolitique et macroéconomique, aux besoins en formation ou au financement.
Dans tous les cas, le groupe RDSE soutient de longue date un mix énergétique diversifié, combinant nucléaire, énergies renouvelables (EnR) et hydrogène, afin de garantir la stabilité du système électrique, lequel doit demeurer pilotable.
En outre, la prolongation, dans le cadre du scénario « N03 » favorisé par la commission des affaires économiques, du fonctionnement des centrales actuelles jusqu’à l’âge de 60 ans, alors que celles-ci ont été conçues pour une durée de quarante ans, bien qu’elle soit souhaitable, ne saurait être considérée comme acquise.
Aussi, il faut aller vite et relancer un nouveau programme nucléaire. Après l’examen d’un projet de loi consacré à l’accélération des énergies renouvelables, on ne peut que se réjouir du retour en grâce de l’atome, à la fois en France et sur la scène internationale.
En pariant sur le nucléaire, en confirmant ses choix historiques, qui lui ont permis de produire une électricité largement décarbonée, la France ne fait pas cavalier seul.
Cependant, le temps long de la construction des réacteurs implique de prendre dès à présent des décisions, pour compter sur une première mise en service en 2035 et un parc de quatorze EPR en 2050.
Cette accélération ne doit pourtant pas être synonyme d’escamotage de la démocratie participative ou représentative ou encore des règles de sécurité et de sûreté.
C’est bien cela que garantit ce projet de loi, en facilitant la construction de nouveaux réacteurs sur les sites existants ou dans leur proximité immédiate, afin de s’assurer de l’acceptabilité des projets. C’est ainsi le cas de la centrale du Blayais, dont je défends la candidature à l’accueil d’une paire d’EPR, avec nombre de maires, d’entreprises et d’habitants de ce territoire girondin.
J’ai déposé un amendement visant à ce que les études de faisabilité concernant la construction de ces réacteurs soient rendues dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, afin de donner de la visibilité à ce territoire qui dispose de tous les atouts pour les recevoir. Examiné en commission, celui-ci a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. J’en prends acte.
Nous le savons, les défis de la filière nucléaire ne reposent pas seulement sur les démarches administratives. Le projet de loi ne produira qu’un gain de temps mineur, certes non négligeable : un raccourcissement des délais de cinquante-six mois, selon le rapporteur au fond.
Des obstacles plus importants nous attendent, qui sont de plusieurs ordres : délais industriels ; solutions à trouver aux problèmes de construction apparus sur le chantier de Flamanville ; formation et maintien des compétences ; sécurité d’approvisionnement en uranium dans un contexte géopolitique peu prévisible ; réchauffement climatique, qui soulève la question du refroidissement des centrales ; gestion des déchets ; revalorisation du combustible ; financement ; ou encore effets de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) sur la situation d’EDF.
Il s’agit d’un défi industriel considérable pour une filière qui se tient prête à le relever. Aussi est-il dommage, alors que le débat public est en cours s’agissant de la construction de deux EPR à Penly et du programme du nouveau nucléaire, que nous ne disposions pas de plus d’informations concernant le financement de ce dernier. De même, il est regrettable que nous ne disposions pas, à ce jour, de la liste des sites d’implantation des huit EPR supplémentaires prévus.
Enfin, si l’on ne peut, quel que soit le scénario choisi, lever les incertitudes technologiques et financières, levons au moins les incertitudes politiques et juridiques. Le groupe du RDSE votera donc en faveur de ce projet de loi.