Peu importe, tout cela est du passé, car, de la brume normande, surgit l’EPR flambant neuf de Flamanville, dont les électrons se déversent déjà en masse sur l’Ouest breton !
Ah, on m’informe qu’une vilaine sorcière mal intentionnée – peut-être Dominique Voynet ? – l’a transformé en Belle au bois dormant. Je sais toutefois que, dans cet hémicycle, se trouvent de valeureux guerriers, prêts à traverser les landes du Cotentin pour réveiller la belle endormie…
En outre, pas d’inquiétude, je suis en mesure de vous informer que nos ingénieurs français avaient découvert avant tout le monde la formule du béton du forum romain, l’un des secrets les mieux gardés de l’Antiquité, ce qui nous rend optimistes : même si le combustible n’est chargé que dans un siècle, notre enceinte en béton sera toujours vaillante !
Évoquons ensuite une merveille économique. À ce niveau, nous n’avons pas de concurrence. Empêtrée dans un dogme libéral suranné, nourrie de calculs à courte vue sur les prix de revient du mégawattheure, la totalité de nos voisins n’est pas capable de financer pendant autant d’années une machine qui ne fonctionne jamais. Pour reprendre les mots de l’ancien président-directeur général d’EDF, Henri Proglio, on a retrouvé les plans de cette machine dans le placard. Au vu des difficultés que nous rencontrons pour les déchiffrer, peut-être ont-ils été écrits en latin, comme le béton du forum ?
Nous allons battre – nous pouvons en être fiers, c’est le génie français ! – le record du monde du prix le plus élevé du mégawattheure issu d’une machinerie industrielle de production électrique. Et comme nous sommes têtus, nous nous projetons dans un monde en circuit fermé dans lequel, vers 2040, un EPR 2 générera des kilowattheures à deux, trois ou quatre fois le prix pratiqué par nos voisins européens, enfermés dans leurs sortilèges d’EnR.
Sommes-nous encore dans un conte de fées ou dans une fable ? J’hésite. Sans perdre le fil littéraire de mon propos, et au risque de verser dans une sécheresse technocratique qui ne me sied guère, je note tout de même que, un peu partout, on trouve du photovoltaïque produit à moins de 40 euros le mégawattheure, alors que nous avons vendu sur plan à nos amis anglais un EPR qui produira le mégawattheure à plus de 120 euros !
Reste la merveille écologique, que nul ne peut contester : une production décarbonée et infinie. Enfin, ce qui est infini, c’est surtout la durée de vie des déchets, pour lesquels nous ne disposons toujours pas de solution, sinon creuser des trous.
Pourtant, revisitons les temps anciens et rêvés du pompidolisme, du plan Messmer et du consensus gaullo-communiste. Les bonnes fées de l’époque nous avaient certifié que nous trouverions en cours de route la solution au problème des déchets, grâce au génie de nos ingénieurs. Cependant, sœur Anne – de Bretagne – ne voit toujours rien venir à Brennilis, où l’enveloppe du cœur n’a toujours pas été percée, à l’inverse du reliquaire.
Heureusement, Catherine Deneuve n’a pas encore eu la peau de l’âne qui paye le budget de l’État, car le démantèlement de nos vieilles centrales n’est, je le rappelle, toujours pas financé !
Il se fait tard. Avant que la présidente ne me transforme en citrouille, …