Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, parce que le Président de la République et les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 l’ont voulu ainsi, la question énergétique a été totalement absente du débat public pendant les cinq dernières années.
Vous n’avez pas voulu aborder au fond cette question déterminante pour l’avenir de notre pays, madame la ministre. Et ce n’est pas faute de vous avoir souvent interpellée à ce sujet.
Pourtant, les raisons ne manquaient pas : elles sont toutes liées à la question du changement climatique et à l’action immédiate qui en découle, c’est-à-dire aux politiques publiques qu’il convient de construire dans la concertation et de fonder sur la compréhension de nos concitoyens, qu’elles portent sur la souveraineté économique et la compétitivité, le coût de l’énergie pour de très nombreux Français en difficulté, l’électrification pour la décarbonation des processus industriels, l’adaptation des modes de transport et de l’habitat, ou encore l’inflation, puisque l’énergie est au cœur de son mécanisme.
Avant l’envolée des prix de l’énergie liée à la crise géopolitique en Europe, une crise de l’offre était déjà là. Vous n’avez pas voulu la prendre en compte, madame la ministre.
Depuis trop longtemps, l’entreprise nationale EDF est ponctionnée par l’Arenh, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, et ce mécanisme la place aujourd’hui dans une position presque inextricable. Votre gouvernement est resté sourd aux appels de son PDG, que vous aviez pourtant nommé.
Le quinquennat aurait dû être mis à profit pour engager la concertation avec les Français et le Parlement sur la stratégie sur l’énergie et le climat, préalable à la loi de programmation quinquennale et à la PPE qui en est la traduction opérationnelle.
Après ces cinq ans de perdus, en février 2022, de manière quasi concomitante au début de la guerre en Ukraine, la construction de trois paires d’EPR 2, ainsi que celle, ultérieure, de huit EPR supplémentaires ont été annoncées, de même que la production de quelques gigawatts au moyen de SMR dont on ne sait pas, au-delà des incertitudes pesant sur cette technologie, quelle sera la doctrine d’utilisation.
Voulez-vous laisser ce type de technologie filer aux mains du privé, madame la ministre ? La question n’est pas légère, et j’estime que le Parlement et les Français ont leur mot à dire.
Aujourd’hui, en position de faiblesse et dans le cadre d’une logique qui défie le bon sens, vous nous demandez d’accélérer le développement des énergies renouvelables et vous nous proposez de simplifier, pour les quinze ans à venir, les procédures d’autorisation pour la construction de nouvelles installations nucléaires sur des sites existants ou à proximité immédiate.
Ce que vous proposez permettra de gagner une année, voire deux, après en avoir perdu cinq, et ce pour des installations industrielles dont la durée de vie pourrait être de soixante ans ou plus. Ainsi exprimé, on saisit mieux l’enjeu, qui, pour n’être pas du tout à la hauteur du sujet et de son urgence nationale, n’en est pas moins à considérer.
Nous sommes globalement favorables à ces dispositions de simplification qui faciliteront le travail des opérateurs – EDF Production, RTE – et des filières industrielles concernées. Mais où le Président de la République et le Gouvernement veulent-ils amener le pays en matière de mix énergétique, madame la ministre ?
Tous les réacteurs nucléaires anciens ne pourront être reconduits. Certains devront être mis à l’arrêt à la demande de l’Autorité de sûreté nucléaire – RTE l’a anticipé dans ses hypothèses d’études.
Dès lors se pose la question – et je vous la pose, madame la ministre – du cadre dans lequel le Président de la République envisage la construction de quatorze EPR 2. Le scénario « N03 » de l’étude de RTE intitulée Futurs énergétiques à l ’ horizon 2050 est celui dont la proportion d’électricité d’origine nucléaire – 50 % – est la plus élevée. Est-ce celui que vous retenez, madame la ministre ? Dans l’objet de votre amendement n° 118, que nous examinerons dans quelques instants, vous évoquez un « équilibre » dans le mix énergétique.
En revanche, en cohérence avec l’exigence de débat public et parlementaire préalable à la loi de programmation quinquennale et à la PPE, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain n’est pas favorable aux dispositions relatives à la PPE introduites sur proposition du rapporteur en commission.
Nous proposerons des amendements de suppression de ces dispositions, car la PPE ne peut être traitée sur un coin de table, au détour d’un texte centré sur les procédures.
Par ailleurs, si vous pensez que ces objectifs de PPE sont en rapport avec le texte proposé par le Gouvernement, monsieur le rapporteur, pourquoi avoir déclaré irrecevable notre amendement visant à réaffirmer la nécessité de renationaliser EDF, dont le rapport avec le sujet est évident ?