Intervention de Fabien Gay

Réunion du 17 janvier 2023 à 14h30
Construction de nouvelles installations nucléaires — Discussion générale suite

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Et qui va bénéficier de ces nouvelles capacités de production ? Les fournisseurs alternatifs, encore ? Le mécanisme de l’Arenh arrivera à son terme dans deux ans, mais qu’est-ce qui prendra la suite ? Chaque fois que l’on pose la question, vous nous faites la même réponse, madame la ministre : « Les discussions sont en cours. »

Cela veut bien dire que l’on réfléchit à créer des équipements, à investir, avant même de savoir comment on va exploiter la production. Rien ne justifie que l’État s’abstienne de mener une telle réflexion et, pourtant, c’est silence radio dans votre texte – pas un mot.

Autre point central : pourquoi la France construirait-elle de nouveaux réacteurs ? Pour sa souveraineté énergétique ? Pour son indépendance ? Pardonnez-moi, mais il n’y a aucune souveraineté possible avec le marché européen de l’énergie ! Vous payez pour la politique énergétique de vos voisins, que ces derniers cherchent ou non à sortir des énergies fossiles.

Vous pouvez construire tous les réacteurs du monde, vous n’aurez aucune souveraineté tant que vous ne réformerez pas le marché européen de l’énergie. Mais sur ce sujet aussi, madame la ministre, vous allez me dire – rebelote ! – que les discussions sont en cours…

Nous examinons un texte prévoyant des investissements dont le montant s’élève à plusieurs dizaines de milliards d’euros à l’aveugle, sans savoir ce qu’il y aura après. C’est la politique du « Allons-y, on verra plus tard pour la suite ! ».

Il en va de même pour EDF : l’État veut détenir 100 % du capital. Très bien, mais pour quoi faire ? Pour bâtir un grand service public de l’énergie comme nous le souhaitons, ou pour scinder l’entreprise historique en plusieurs morceaux et l’ouvrir aux acteurs et aux capitaux privés ? Mystère ! On ne sait toujours pas, mais il faudrait voter un texte pour construire de nouveaux réacteurs, le tout alors que même le nouveau PDG d’EDF n’a pas encore défini sa feuille de route.

En d’autres termes, nous n’avons même pas de visibilité sur l’existant, sur sa gestion, sur les ambitions, et même pas encore de PPE. Vous nous demandez de nous projeter sur de nouvelles infrastructures. Quid de l’arrêt des douze tranches prévu dans la PPE ?

Madame la ministre, la question n’est pas la longueur des procédures administratives, mais de savoir vers quoi nous avançons pour le prochain siècle. Nous parlons en effet d’équipements dont la construction durera vingt-cinq ans et dont la durée de vie sera de soixante ans.

L’urgence est donc non pas de réduire de quelques mois les procédures administratives sur des chantiers qui commenceront au mieux en 2027, mais bien d’avoir un débat politique et une vision de long terme.

D’ailleurs – ce sera ma dernière question –, qui travaillera sur les chantiers des nouveaux réacteurs ? Qui entretiendra ces derniers ? Sur quelle filière industrielle comptez-vous vous appuyer ?

Chaque fois que vous en avez l’occasion, vous sonnez la charge contre le statut des industries électriques et gazières (IEG) – cette fois-ci au travers d’une réforme des retraites à laquelle 80 % des Français sont opposés.

Or vous attaquer au régime spécial des IEG, c’est vous attaquer à toute la filière et lui faire perdre en attractivité. Comment allez-vous construire des réacteurs sans travailleurs et travailleuses qualifiés ? Si vous comptez sur de la sous-traitance en cascade, alors il faudra assumer que vous voulez du nucléaire low cost et bas de gamme, avec des travailleurs précaires qui subiront votre réforme des retraites. C’est incompatible avec les enjeux de sûreté nucléaire.

Votre texte vise à parler du nucléaire, mais sans parler du nucléaire. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste s’abstiendra.

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