Intervention de Gilbert-Luc Devinaz

Réunion du 17 janvier 2023 à 14h30
Construction de nouvelles installations nucléaires — Discussion générale suite

Photo de Gilbert-Luc DevinazGilbert-Luc Devinaz :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre vigilance est aujourd’hui appelée sur ce texte technique relatif à l’accélération du nucléaire français. Il constitue, après le volet relatif aux énergies renouvelables, le second volet d’accélération.

Le même questionnement quant à la méthode se pose que sur le premier volet. Alors qu’une grande loi structurante de stratégie énergétique devrait être examinée par le Parlement au second semestre 2023, accélérer des choix que nous ajusterons plus tard ne revient-il pas à mettre la charrue avant les bœufs, madame la ministre ? C’est comme si un médecin prescrivait l’ordonnance avant d’avoir examiné son patient…

Du point de vue de l’aménagement du territoire, compléter des installations nucléaires ou créer de nouveaux EPR n’est pas neutre. Ces constructions peuvent-elles être pensées sans concertation dans un débat de techniciens, comme dans les années 1970 ? Ne doivent-elles pas plutôt, comme les politiques publiques d’aménagement, être fondées sur la consultation et conçues dans la transparence vis-à-vis des citoyens pour favoriser l’acceptabilité des projets ?

Ces équipements, prévus pour fonctionner à partir de 2035-2040, seront en outre examinés sur les plans environnemental, climatique, hydrométrique, sur celui des risques ou encore du trait de côte, etc., avec des données de 2023.

Or effectuer des projections sur le fondement de phénomènes passés est désormais impossible. Il faut s’inscrire dans l’incertitude des aléas climatiques.

L’acceptabilité sociétale du nucléaire suppose de la transparence et de la concertation avec toutes les parties prenantes. Elle implique aussi une évaluation démocratique et pluraliste des besoins de notre société en matière énergétique, dans un contexte de transition et de décarbonation de notre économie.

Ce texte qui vise à accélérer les procédures pour amorcer la relance de la construction de nouveaux réacteurs nucléaires ne devrait en aucun cas servir de support pour anticiper la future grande loi qui définira la stratégie française au long cours relative à l’énergie, au climat et à la composition de notre mix énergétique, et ce d’autant moins que des concertations sont en cours.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a donc été vigilant sur plusieurs points essentiels de ce texte.

Le premier point porte sur le maintien du caractère exceptionnel des mesures d’accélération et de simplification, notamment par leur limitation raisonnable dans le temps.

Le deuxième point est l’amélioration de la qualification des prescriptions de l’Agence de sûreté nucléaire et l’implication accrue du Parlement.

Le troisième point, enfin, tient à la prise en compte de l’incertitude climatique à laquelle seront soumises ces nouvelles installations.

La construction des six EPR qui seront encore en fonctions à l’horizon 2081-2090 suppose en effet l’évaluation des conditions climatiques locales dans lesquelles ces centrales vont fonctionner. Il s’agit notamment de mettre en œuvre des études de descente d’échelle dynamique, absolument nécessaires en sus des éléments de projection globale issus du Giec.

Enfin, le nucléaire n’est pas seulement une question de normes. Il s’agit de donner du sens à ceux qui auront un réacteur près de chez eux, aux futurs personnels qui vont construire ces équipements, aux ingénieurs chargés de la sûreté de ces derniers, aux élus et à tous les acteurs, afin de mettre en évidence le sens profond des actions menées, qui manque aujourd’hui à beaucoup de citoyens.

L’énergie nucléaire est un défi organisationnel et humain autant que technique, procédural et financier.

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