Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 17 janvier 2023 à 14h30
Construction de nouvelles installations nucléaires — Discussion générale suite

Photo de Stéphane DemillyStéphane Demilly :

De fait, la météo géopolitique, dorénavant plus imprévisible que la météo climatique, nous contraint à faire évoluer nos logiciels politiques. Nous avions un logiciel binaire, qui opposait, au fond, le nucléaire au renouvelable, considérant que l’un devait progresser au détriment de l’autre.

Nécessité faisant loi, nous changeons de paradigme, forts de la conviction nouvelle que ce n’est pas l’un ou l’autre, mais bel et bien l’un et l’autre – Sophie Primas l’a fort bien indiqué dans son intervention.

Piégés par ce pseudo-dogme qui s’est traduit par des volte-face, nous avons perdu beaucoup de temps, car, après avoir facilité la destruction, nous facilitons dorénavant la construction.

Le nucléaire, qui n’est pas exempt de défauts, fournit d’indéniables réponses aux problèmes climato-géopolitiques du moment : il est décarboné, sa capacité de production est modulable et adaptable aux besoins de la population et, surtout, il est synonyme d’indépendance énergétique et, partant, diplomatique et politique.

La recherche gomme d’ailleurs au fur et à mesure les défauts de cette technologie. Les récentes découvertes scientifiques californiennes dans le domaine de la fusion nucléaire, singulièrement la capacité à franchir le seuil d’ignition, c’est-à-dire le stade où les réacteurs produisent davantage d’énergie qu’ils n’en consomment, sont particulièrement prometteuses.

Il faudra certes beaucoup de temps, mais à l’évidence, les innovations attendues nous amèneront probablement à porter un autre regard sur ce mode de production d’énergie.

Ce projet de loi permet donc d’accélérer la construction de nouveaux réacteurs en France, d’une part, en simplifiant les différentes procédures urbanistiques ou environnementales, et, d’autre part, en clarifiant les modalités de réexamen périodique des réacteurs de plus de trente-cinq ans. C’est un premier pas.

L’article 1er délimite le champ d’application de ce texte aux constructions jouxtant les parcs nucléaires existants, comme celui de Penly, près de Dieppe, que j’ai d’ailleurs visité avec notre collègue et rapporteur pour avis Pascal Martin.

L’avenir, « plus difficile à prévoir que le passé », comme dirait Woody Allen, nous imposera probablement d’élargir le champ des possibles par la construction de petits réacteurs – les fameux SMR – capables de fournir des solutions dans les sites isolés.

Cette stratégie d’ensemble doit être pensée sur le temps long, comme cela a d’ailleurs été rappelé en commission, et elle devra englober à la fois l’amont, avec l’approvisionnement en combustible et les ressources en uranium, et l’aval, au travers de la nécessaire question de la gestion des déchets.

Nous devons également soutenir la formation, le recrutement et la recherche dans le domaine du nucléaire. Autrefois perçu comme une filière d’excellence, le nucléaire est aujourd’hui confronté à une réelle pénurie de talents.

Face aux tergiversations politiques, nos jeunes ingénieurs et techniciens se sont détournés depuis longtemps du nucléaire, lui préférant d’autres industries plus pérennes, quand ce ne sont pas les cabinets de conseil.

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