J’en arrive à l’acceptabilité.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez rappelé à cet égard des éléments importants : cette acceptabilité, locale et nationale, suppose d’aller jusqu’au bout du débat engagé sous l’égide de la Commission nationale du débat public. C’est ce que nous faisons, suivant en cela vos précieux conseils.
Vous indiquez également que la réussite du programme dépend de facteurs qui ne sont pas d’ordre législatif : je partage totalement ce point de vue. Ainsi, dès 2018, dans le discours que j’ai mentionné dans mon introduction, le Président de la République demandait à EDF de travailler au lancement d’un programme de nouveau nucléaire.
Vous le voyez, cet engagement date donc non pas de la semaine dernière, mais de plus de quatre ans.
En 2019, nous signions un contrat stratégique de filière nucléaire, qui programmait notamment le renforcement des compétences et le renforcement de la sous-traitance.
En 2020, c’était l’un des six secteurs prioritaires mis en avant dans le cadre du plan de relance, avec un plan de montée en investissement de 472 millions d’euros pour les sous-traitants de la filière nucléaire.
En 2021, nous lancions France 2030, avec 1, 2 milliard d’euros pour la recherche et développement, ainsi que l’innovation, qui s’ajoutent aux montants déjà existants. Nous pourrions certes encore renforcer ce programme, mais il a au moins le mérite d’exister et d’avoir été doté. Actuellement, il n’est pas consommé intégralement, même si tous les appels à projets ont d’ores et déjà été lancés, notamment pour accompagner la création de nouveaux SMR, mais aussi les fermetures de sites.
Je rappelle également que 200 millions d’euros sont consacrés au renforcement des compétences, ce qui conduit à prendre des décisions sur le territoire – je pense notamment à la région Normandie.
En 2022, nous avons engagé les débats sur le mix énergétique et sur le nucléaire. Justement, dans ce souci d’accessibilité et de démocratie, nous avons nommé un délégué interministériel au nouveau nucléaire et un nouveau président-directeur général d’EDF, avec une mission, très claire, d’excellence opérationnelle et, sur le nucléaire existant, la prolongation des centrales, sans oublier le programme nouveau nucléaire, entre autres.
Vous nous interpellez sur la présentation que vous jugez précipitée du projet de loi. Je rappelle qu’il a été déposé le 2 novembre dernier sur le bureau du Sénat, c’est-à-dire il y a deux mois et demi.
Une précision face au doute exprimé sur le mix énergétique. Nous n’examinons pas la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. Néanmoins, de façon à mettre en accord nos paroles et nos actes, nous ne reviendrons pas sur la modification apportée en commission au plafond du nucléaire. Très clairement, nous défendons un projet de relance du nucléaire, il n’est donc pas illégitime d’envoyer à la filière le signal selon lequel il n’y a pas de plafonnement à 61 gigawatts de puissance.
Néanmoins, nous présenterons un amendement rappelant qu’il faudra diversifier la production électrique. La raison, mathématique, est toute simple : d’ici à 2035, les seules augmentations de production nucléaire d’électricité seront marginales – le raccordement de Flamanville, qui apportera entre 1 gigawatt et 1, 5 gigawatt, et l’amélioration des délais de maintenance, qui fait l’objet d’un audit que nous avons commandé et dont les préconisations, en cours d’application, devraient faire gagner de trois à quatre semaines sur les arrêts pour maintenance.
Les scénarios sont donc les suivants : soit nous n’augmentons pas notre production électrique et nous resterons au niveau nucléaire actuel, en étant totalement dépendants pour notre approvisionnement énergétique de pays dont certains, vous l’avez rappelé, ne sont pas nos amis, soit nous prenons nos responsabilités en main – ce que vous avez fait en votant, très largement, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables – et, mécaniquement, le pourcentage des énergies renouvelables sera plus élevé qu’aujourd’hui. Les calculs sont clairs. Nous ne proposerons donc pas de pourcentage cible, parce que c’est l’objet de la programmation pluriannuelle de l’énergie, mais aussi parce que c’est une réalité physique que, dans les quinze ans qui viennent, la part du renouvelable augmentera dans notre mix énergétique. Je nous le souhaite, en tout cas, si nous voulons bâtir une véritable indépendance énergétique.
J’en arrive à la question de Mme Primas sur les quatorze réacteurs : il s’agit de ce que la filière affirme être en mesure de construire d’ici à 2050. Je suis prête à remettre ce chiffre en cause et souhaiterais, bien sûr, que nous puissions en construire davantage, mais je préfère tenir une ligne crédible, compte tenu de ce qu’avance la filière. Je rappelle également que ces quatorze réacteurs sont bien compatibles avec le scénario dit de réindustrialisation.
Quant au projet Astrid – le directeur du CEA vous l’a dit au cours de son audition –, son arrêt a été proposé par les acteurs de la filière. C’est non pas, comme j’ai pu l’entendre, une décision avant tout politique, mais une décision correspondant à une analyse de la réalité de ce projet.