Ses deux réacteurs n’étaient manifestement pas en mesure de passer leur quatrième visite décennale (VD4), qui aurait dû intervenir en 2020 pour l’un et en 2022 pour l’autre. L’ASN – ce n’est pas moi qui le dis – avait imposé, en 2012, la mise en place de diesels d’ultime secours pour 2018. EDF avait commencé à le faire, mais en prenant beaucoup de retard. L’ASN a donc accordé un délai supplémentaire, mais, sous prétexte de fermeture de la centrale, EDF a refusé cette prescription.
Le renforcement du radier séparant les réacteurs de la nappe phréatique avait été très insuffisant : cette amélioration ne faisait que ralentir l’avancée du corium, sans l’arrêter. Rappelons qu’avant Fukushima, son épaisseur était de 1, 20 mètre, contre 4 mètres en moyenne pour les autres centrales, et 8 mètres pour Fukushima. L’ASN, compte tenu d’une amélioration, même limitée, a autorisé la poursuite de l’exploitation jusqu’à la fin du cycle de la troisième visite décennale (VD3), mais cela n’aurait pas été possible après la VD4.
Enfin, la falsification commise aux ateliers du Creusot pour faire passer des aciers non conformes – on se souvient des fameux dossiers barrés – a touché de nombreuses centrales : à Fessenheim, la virole, qu’il avait fallu remplacer sur le générateur de vapeur n° 335, et qui avait provoqué 666 jours d’arrêt, était elle-même encore incorrecte. Cela avait amené l’ASN à n’autoriser qu’à titre transitoire le fonctionnement du réacteur 2, en mode dégradé et pour la seule VD3 : encore une fois, cela ne serait pas passé pour la VD4. Ce réacteur détenait le triste record du nombre d’incidents sur l’ensemble des centrales françaises, avec une production particulièrement intermittente.
En clair, les réacteurs étaient en fin de vie et, par pragmatisme, les investissements pour se hisser au niveau requis pour la VD4 n’avaient pas été jugés possibles.