On rêve en effet d’avoir un débat véritablement structuré et de disposer de vrais chiffres.
Les propos de Jacques Fernique reflètent la position de l’ASN et ne découlent pas de la consultation d’une boule de cristal. Ceux qui manient la boule de cristal sont ceux qui pensent que l’on peut commencer à couler du béton, bien que le design de l’EPR 2 ne soit pas encore finalisé.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit ici : on veut accélérer les procédures en simplifiant les autorisations d’urbanisme et de génie civil, alors que ni vous ni moi ne savons à quoi ressemblera l’EPR 2. On sait seulement que le précédent EPR, de troisième génération, est trop coûteux et ne fonctionne pas. Voilà la réalité ! Et ce type de réacteur ne fonctionne pas davantage en Finlande – l’un d’entre eux était encore à l’arrêt ces derniers jours – ou en Chine, où certains d’entre eux rencontrent déjà de sérieux problèmes.
La réalité, c’est celle qu’a clairement décrite Henri Proglio. Il faut écouter ce grand défenseur de l’EDF d’avant qui, tout en étant très peu favorable au développement des EnR, a dit : « L’EPR est une “vraie connerie !” » C’est ce qu’il a déclaré devant les députés, mes chers collègues ! Il a même ajouté que c’était trop compliqué, trop cher et que cela ne marchait pas… Ses propos reflètent une partie du débat que nous avons aujourd’hui.
Les discussions que nous devrons avoir sur la future loi de programmation devront se concentrer sur cette question : nous sommes en train de prendre un risque économique immense – c’est un pari qui repose sur une « boule de cristal++ » ! Personne n’a jamais démontré, dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, que l’on puisse tirer un bénéfice économique au niveau du prix du mégawattheure produit par un EPR 2.
Les autres pays ne s’y trompent d’ailleurs pas, puisque les rares États qui se lancent dans la construction de réacteurs nucléaires achètent chez les Russes ou les Américains, et pas notre EPR. Et s’ils lisent les propos de M. Proglio, ils risquent encore moins de l’acheter !
Nous sommes dans cette situation de votre fait, madame la ministre. Je suis désolé de vous le dire, mais c’est votre souhait absolu de relancer le nucléaire sur cette base qui fait peser sur notre économie un risque majeur de marginalisation.
Le futur débat sur la PPE portera sur ce point : en 2040, l’économie française survivra-t-elle au coût du mégawattheure produit par ce type de réacteur – qui ne marche pas ?